M. Marc Daunis. Très bien !
M. Yves Daudigny. Nous sommes loin du « trois fois un tiers », lancé aussi facilement et inconsidérément que tant d’autres slogans, et du partage promis des fruits du travail, tandis que l’inaction persistante du Gouvernement sur les déficits structurels met en danger l’avenir de notre système de protection sociale, comme nous l’avons souvent dit.
En fait de partage, j’entends encore l’affirmation suivante exprimée avec conviction par M. Baroin : « Lorsque le gros maigrit, le petit meurt ! ». J’aurais pu plagier un témoin éminent de la misère, qui a siégé dans cet hémicycle, et lui répondre : « Parler pour les pauvres, ce n’est pas parler contre les riches ».
Ce même témoin, qui, dans un autre contexte, exhortait les élus « à sortir des villes, à explorer les campagnes… », était « venu plus d’une fois jeter le cri d’alarme dans cette Assemblée » pour avertir « que le mal croissait, que le flot montait, que le danger social grandissait... » et affirmait, avec le talent qui était le sien : « Législateurs, la misère est la plus implacable ennemie des lois ! » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Kerdraon.
M. Ronan Kerdraon. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, l’exercice auquel nous nous livrons aujourd’hui constitue une première dans l’histoire parlementaire de notre pays. C’est en effet la première fois qu’un gouvernement décide de rectifier une loi de financement de la sécurité sociale à peine six mois après qu’elle a été adoptée.
Pourquoi une telle nouveauté ? Nul besoin d’avoir fait Polytechnique pour comprendre vos desseins : à quelque trois cents jours de l’élection présidentielle, vous voulez faire passer un double message aux Français : d’une part, nous créons une prime – mot magique à l’oreille des salariés ; d’autre part, nous maîtrisons les dépenses de santé grâce à une « hyper-rigueur ». Belle stratégie de communication, qui permet de se présenter comme vertueux tout en annonçant la distribution prochaine de primes !
Du reste, le projet de loi que nous examinons est emblématique de la méthode en vigueur depuis 2007 : une annonce intempestive du Président de la République ; un gouvernement qui essaie, tant bien que mal, de traduire la bonne parole présidentielle ; un Parlement qui tente de redonner du sens à l’ensemble ; enfin, des partenaires sociaux court-circuités, comme toujours, et donc décrédibilisés, comme ils le sont souvent par vos actions.
Pourtant, l’initiative est à chaque fois légitimée par un constat bien réel. Cependant, faute d’une véritable réflexion en amont et d’un temps de travail adapté, le texte élaboré demeure toujours inachevé et insatisfaisant au regard des vrais enjeux. On l’a d’ailleurs encore constaté récemment, avec le texte pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels.
En ce qui concerne le présent projet de loi, tout le monde a compris que c’était moins la situation des comptes de la sécurité sociale que les échéances électorales de l’année 2012 qui motivaient ce texte à la fois opportuniste, injuste et, à l’évidence, très électoraliste.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ce n’est tout de même pas injuste de distribuer des primes !
M. Ronan Kerdraon. Souvenons-nous : en 2007, Nicolas Sarkozy promettait aux Français qu’il serait le « président du pouvoir d’achat ». Ce « costume », qu’évoquait tout à l'heure M. Fischer, ne doit pas être très usé aujourd'hui… D’ailleurs, Nicolas Sarkozy le remet.
Mme Françoise Laborde. Il le remet à chaque élection !
M. Ronan Kerdraon. Qu’en est-il aujourd’hui ? Deux informations aussi choquantes l’une que l’autre viennent d’être publiées. Ces informations s’entrechoquent, démontrant le niveau d’injustice inacceptable qu’a atteint notre société.
La première information est que les patrons des entreprises du CAC 40 ont gagné en moyenne 152 fois le SMIC en 2010, soit 2,46 millions d’euros, hors stock-options et actions gratuites, ce qui équivaut à un salaire mensuel de 208 300 euros.
M. Guy Fischer. C’est beaucoup !
M. Ronan Kerdraon. Le total des rémunérations des dirigeants des entreprises du CAC 40 a ainsi atteint 98,3 millions d’euros, ce qui représente une hausse de 24 % par rapport à 2009. À titre de comparaison, le salaire moyen d’un dirigeant de petite ou moyenne entreprise s’élève à 50 000 euros par an et le SMIC s’établit à 1 365 euros bruts mensuels – salaire médian 1390 euros.
Je rappelle que, en 2008, après plusieurs scandales provoqués par la révélation des indemnités de certains grands patrons, le MEDEF avait adopté un code éthique, que Mme Laurence Parisot avait qualifié de « révolution »... La révolution a fait un flop !
La seconde information provient d’un rapport récent de la Banque de France. Celle-ci relève que, en février 2011, le nombre de dossiers de surendettement était en augmentation de 17 % par rapport à décembre 2010 ; 900 000 ménages étaient ainsi concernés. La Banque de France pointe les principales raisons de cette explosion : la stagnation des retraites et l’explosion des loyers, des prix de l’énergie et des frais de santé.
Il n’est donc pas surprenant que le thème du pouvoir d’achat fasse aujourd'hui un retour en force. Un récent sondage Viavoice en témoigne : le pouvoir d’achat est redevenu la première préoccupation de nos concitoyens, dont les fins de mois ne commencent pas le 25 ou le 30, mais le 15 !
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : au premier trimestre de l’année 2011, les dépenses de consommation des ménages ont progressé au même rythme qu’au trimestre précédent, mais l’augmentation de leur pouvoir d’achat a ralenti. Certes, la croissance de la masse salariale perçue par les ménages est un peu plus dynamique qu’au trimestre précédent, en raison des hausses concomitantes de l’emploi et du salaire moyen par personne. Cependant, en valeur, le revenu disponible des ménages décélère.
Étant président d’un centre communal d’action sociale, ou CCAS, je constate tous les jours que l’augmentation des dépenses liées à la vie quotidienne, telles que l’essence, le gaz, les assurances, les mutuelles ou l’électricité, pèse fortement sur le pouvoir d’achat des ménages.
Face à l’expression d’un mécontentement de plus en plus vif, que fait votre gouvernement ? Il refuse de donner un coup de pouce au SMIC, comme l’a souligné ma collègue Françoise Laborde.
M. Guy Fischer. Il le refuse depuis des années !
M. Ronan Kerdraon. Il refuse également de revaloriser les salaires des fonctionnaires ; ces derniers sont sans doute trop gâtés, pour que leurs salaires soient ainsi gelés…
Pourtant, ce sont là deux leviers efficaces pour inciter à une augmentation générale des salaires.
Le Gouvernement se contente d’annoncer une série de rustines, de pansements : revalorisation du barème kilométrique, gel des tarifs du gaz, « panier des essentiels », etc. Et voici que, maintenant, vous nous faites le coup non de la panne mais de la prime !
En réalité, votre objectif, monsieur le ministre, est d’occuper la scène médiatique avec une prétendue réponse à la question du pouvoir d’achat. Mais la mesure phare de votre projet de loi, la fameuse prime, est injuste à plusieurs titres.
Tout d'abord, elle ne s’adresse pas à l’ensemble des Français. Ainsi, les fonctionnaires, qu’ils appartiennent à la fonction publique d’État, à la fonction publique territoriale ou à la fonction publique hospitalière, en sont exclus ! N’en auraient-ils pas pourtant besoin ?
Pis, les 5,2 millions d’agents publics constatent avec amertume le gel de leur pouvoir d’achat, et ce depuis des années.
Même si l’on s’en tient au secteur privé, la prime ne concernera pas l’ensemble des salariés. Initialement, 8 millions d’entre eux devaient en bénéficier. Or elle ne sera finalement perçue que par les seuls salariés travaillant dans une entreprise de plus de cinquante salariés dans laquelle les dividendes versés aux actionnaires ont augmenté par rapport à la moyenne des deux années précédentes. Ce n’est plus la même chose : on passe de 8 millions à quelque 3 millions de bénéficiaires ! En quelques semaines, vous avez donc fait au moins 5 millions de déçus.
Ensuite, la prime est injuste parce que son montant ne sera pas homogène. En effet, elle ne sera soumise à aucun seuil minimal ou maximal. Selon les projections, elle sera de 700 euros en moyenne. Où est la justice dans un tel dispositif ?
Enfin, cette prime est injuste parce qu’elle ne touchera pas toutes les entreprises de la même façon. Seules celles qui verseront des dividendes en augmentation par rapport aux deux exercices précédents seront touchées. Ainsi, des entreprises comme Total ou Vinci – on pourrait compléter cette liste non exhaustive –, qui versent des dividendes frôlant l’indécence, en seront exemptées ! Cela revient, selon la logique déjà à l’œuvre dans l’article 1er de la loi TEPA de 2007, à avantager des entreprises dès à présent florissantes. C’est donc la logique même de votre projet que nous rejetons.
Les Français l’ont très bien compris : vos belles promesses se réduisent comme une peau de chagrin. Cette prime n’est qu’une illusion de plus pour celles et ceux qui éprouvent les plus grandes difficultés à boucler leurs fins de mois. C’est un coup d’esbroufe supplémentaire, voire une escroquerie intellectuelle ! Vous donnez une piteuse image du rôle du législateur en matière de pouvoir d’achat. Ce n’est ni sérieux ni moral !
Au final, la prime se dégonfle ou, pour reprendre une expression connue – sans vouloir faire de l’humour corrézien, monsieur Teulade –, elle fait « pschitt » !
Nous sommes donc très éloignés des promesses du candidat Nicolas Sarkozy, qui, dans un discours prononcé le 12 octobre 2006 à Périgueux, proposait « que le maintien des exonérations de charges pour les entreprises soit dorénavant conditionné à la hausse des salaires et à la revalorisation des grilles de rémunération fixées par les conventions collectives ». La proposition d’une règle des trois tiers, rappelée tout à l'heure, qui avait été formulée lors de l’intervention télévisée du 5 février 2009, a elle aussi été passée par pertes et profits…
J’ajoute que je ne comprends absolument rien à votre logique fiscale : il y a quinze jours, vous nous imposiez un débat sur la « règle d’or », censé déboucher sur un meilleur équilibre des finances publiques ; la semaine dernière, vous modifiez la structure de I’ISF ; et aujourd’hui, voici que vous créez une nouvelle niche fiscale !
Ce décalage, pour ne pas dire cette rupture, entre les discours et les actes pose la question de la crédibilité de votre parole politique. Toutefois, me direz-vous, les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent !
Demeure une certitude : ce n’est pas ce projet qui permettra de compenser la baisse du pouvoir d’achat des Français. Seule une véritable politique salariale le pourrait ; or vous refusez d’en conduire une.
À cet égard, je vous invite à lire le projet du Parti socialiste…
M. Marc Daunis. Excellent !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas forcément une bonne Bible !
M. Ronan Kerdraon. … qui affiche des orientations politiques et prévoit des mesures concrètes répondant véritablement à la question du pouvoir d’achat de nos concitoyens. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)
Ainsi, nous nous engageons sur une revalorisation du SMIC, sur l’organisation annuelle d’une conférence salariale tripartite et sur une modulation des cotisations sociales en fonction des résultats des négociations annuelles sur les salaires. Bref, nous proposons une autre politique, une autre vision de la société.
Le débat sur le partage de la valeur ajoutée aurait mérité davantage que l’annonce de quelques primes. Il est regrettable que l’option retenue par votre gouvernement, qui ne vise que l’impact médiatique, n’ait permis de développer ni le débat préalable ni le dialogue social qu’un tel thème exigeait.
Dans quelques mois, les Français auront à choisir entre ces deux visions. Dans l’immédiat, les sénateurs du groupe socialiste voteront contre ce texte qui n’est rien d’autre que de l’affichage. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Françoise Laborde applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé. Madame la présidente, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, je répondrai tout d'abord aux observations d’Alain Vasselle.
Concernant la CADES, nous avons déjà traité la question des déficits de la branche retraite, qui seront repris par cette caisse jusqu’au retour à l’équilibre du système de retraite, que nous avons fixé à l’année 2018. C’est d’ailleurs pour garantir l’équilibre du système de retraite que nous l’avons réformé.
Par ailleurs, nous menons une politique rigoureuse de maîtrise des dépenses d’assurance maladie. Nous avons tenu l’ONDAM en 2011, comme en 2010, contrairement à ce qui a été dit tout à l'heure à cette tribune par les membres du groupe socialiste, notamment par Yves Daudigny.
La chronique de réduction du déficit du régime général, que nous avons largement entamée dès cette année en réduisant le déficit de 4,4 milliards d'euros entre 2010 et 2011, sera respectée. Elle s’inscrit dans le cadre de l’engagement pris par le Gouvernement de ramener le déficit public à 3 % du PIB en 2013 puis à 2 % en 2014.
J’en viens à la question de la prime, monsieur le rapporteur général. Plus qu’une mesure de pouvoir d'achat, ce dispositif est, je le répète, une mesure de justice. Si les actionnaires reçoivent davantage, il est normal que les salariés reçoivent eux aussi davantage.
Comme vous l’avez noté, il s’agit d’un dispositif pérenne, et non d’une prime sans lendemain.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Xavier Bertrand, ministre. François Zocchetto l’a souligné tout à l'heure, le projet de loi pose le principe de la non-substitution de la prime aux augmentations de salaire.
Une telle substitution pourrait-elle tout de même se produire ?
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est une bonne question.
M. Xavier Bertrand, ministre. Vous connaissez comme moi les partenaires sociaux. J’imagine mal qu’un chef d’entreprise puisse vouloir jouer à cela… En effet, ce n’est pas le même temps de négociation, ce n’est pas la même logique.
Du reste, si l’on pense qu’une telle substitution est possible, il faut faire le même procès à l’intéressement et à la participation.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Eh oui !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. C’est vrai.
M. Xavier Bertrand, ministre. Or cela se passe remarquablement bien, parce qu’il existe une différence entre, d’une part, la négociation annuelle obligatoire, ou NAO, qui est particulièrement encadrée, et, d'autre part, l’intéressement et la participation. C’est d’ailleurs cette différence de logique qui explique la réussite de ces deux derniers dispositifs : ils ne remplacent pas les augmentations de salaire, mais s’y ajoutent. C'est la raison pour laquelle je pense que la prime sera principalement versée sous forme de supplément d’intéressement ou de participation, même si je ne préjuge pas le choix des entreprises.
Par ailleurs, il sera possible de vérifier qu’un élément de salaire n’a pas été supprimé juste avant la mise en place de la prime. On imagine quels seraient les effets d’une telle suppression sur la qualité du dialogue social dans l’entreprise !
Nous sommes donc très attentifs à cette question, comme nous le sommes s'agissant de la participation et de l’intéressement.
Monsieur Cazeau, vous ne pouvez pas parler à la fois de dispositif incertain et d’effet d’aubaine : il faut choisir ! Ces deux reproches sont en effet contradictoires : si le dispositif est incertain, vous ne pouvez pas être formel ; s’il entraîne des effets d’aubaine, c’est donc qu’il profitera. (M. Bernard Cazeau s’exclame.)
La vérité, nous l’assumons, c’est que la prime ne sera versée que si les dividendes augmentent. Cela tient à un grand principe qui distingue la droite républicaine et le centre de la gauche : nous pensons que, pour distribuer des richesses, il faut d’abord les avoir créées. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Françoise Laborde s’exclame également.)
Mme Christiane Demontès. Nous aussi, nous pensons qu’il faut d’abord créer des richesses, mais pas de la manière dont vous le proposez !
M. Xavier Bertrand, ministre. Vous, vous distribuez de l’argent que vous n’avez pas ! C’est toute la différence entre vous et nous. C’est ce qui différencie les discours sur la justice et les mesures pour la justice. C’est, je le répète, ce qui distingue la droite républicaine et le centre de la gauche. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Je souhaite maintenant répondre à Mme Françoise Laborde, qui a évoqué la situation des entreprises – Total, par exemple – dont les profits sont en hausse sans qu’il en aille de même des dividendes.
Puisque Total a été mentionnée, je précise que, dans cette entreprise, l’intéressement a augmenté de 15 %, je dis bien « 15 % », avec en outre des attributions d’actions gratuites pour l’ensemble des salariés du groupe. Certes, il n’y aura pas de prime en plus, mais, en toute franchise, j’aimerais bien qu’il se passe la même chose dans toutes les entreprises ! L’important, c’est que les salariés y trouvent leur compte.
En revanche, si les dividendes augmentent, une prime sera versée l’année suivante.
Il nous faut raisonner globalement.
Je pense également, et je l’ai toujours dit, qu’il faut que les salaires augmentent. C’est un élément qui relève de la négociation annuelle obligatoire, la NAO, en fonction de ce qui est possible. C’est ce qui se passe chez Total.
Monsieur Fischer, vous vouliez « du concret » en matière de pouvoir d’achat ? En voici !
En moyenne, par an et par salarié, la participation – depuis 2008, elle peut être directement perçue par les salariés –, c’est 1 455 euros ; l’intéressement, c’est 1 490 euros.
En politique, on se situe souvent à l’échelle macroéconomique. Eh bien, moi, j’aime me placer du point de vue du salarié et, de ce point de vue, 1 490 euros comptent plus que les chiffres globaux, les grands discours et les belles théories. Dans certains cas, cela représente presque un mois de salaire supplémentaire.
Quant aux heures supplémentaires, pour un salarié au SMIC qui ferait deux heures supplémentaires par semaine, monsieur Fischer, cela représente 100 euros de plus par mois, 100 euros nets de charges et nets d’impôts !
Cela démontre aussi que, au lieu de nous en tenir aux « faut qu’on » et aux « y a qu’à » des uns ou des autres, nous, nous agissons.
Madame Procaccia, vous avez à juste titre soulevé la question des PME, auxquelles l’intéressement est, en effet, parfaitement adapté. C’est un système souple qui permet non seulement de faire du « sur mesure », mais aussi d’associer les salariés à la performance de l’entreprise en fonction de critères choisis par les négociateurs eux-mêmes : tout le monde y gagne.
Je suis persuadé qu’avec le présent texte nous allons « booster » l’intéressement.
Monsieur Dassault, je salue votre volonté constante de préférer à la prime le versement d’une participation plus importante que celle qui résulterait de l’application de la formule légale. Nous partageons votre conviction : c’est une mesure qui apporte une réponse précise à une question posée et que le projet de loi autorise, j’y reviendrai.
J’estime cependant que nous devrons engager à l’avenir une réflexion sur l’élargissement et la simplification de l’intéressement et de la participation, car c’est par là que passe le développement de cette forme d’association du capital et du travail en laquelle, ne reniant en rien l’engagement gaulliste qui est le mien - Pierre André, qui me connaît depuis bien longtemps, ne me démentira pas -, je crois profondément.
Monsieur Daudigny, vous nous reprochez de n’avoir rien fait pour réduire les déficits publics. Il me semblait pourtant que la Haute Assemblée avait siégé de très longues heures l’année dernière pour réformer les retraites…
Heureusement que cette réforme, qui nous permet de réduire nos besoins de financement, a eu lieu ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Ronan Kerdraon. Parlons-en !
M. Xavier Bertrand, ministre. Il est vrai que les socialistes ont toujours beaucoup de mal à parler de réforme des retraites…
M. Ronan Kerdraon. Ah bon ?
Mme Christiane Demontès. Pas du tout !
M. Xavier Bertrand, ministre. Il faut franchir les frontières de l’Hexagone pour que réforme des retraites et socialisme puissent se conjuguer, comme on l’a vu en Allemagne, par exemple.
Bref, pour trouver des socialistes courageux, il faut les chercher à l’extérieur de notre pays !
En France, les socialistes n’ont jamais été capables de mener la moindre réforme. (Exclamations sur les mêmes travées.) Ah si, ils ont créé le Conseil d’orientation des retraites, mais ils le remettent en cause aujourd’hui, parce qu’il doit demain rendre un certain avis…
Si vous aviez un soupçon de cohérence en la matière, sans doute auriez-vous aussi plus de crédibilité, mesdames, messieurs de l’opposition ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Toutes les enquêtes le prouvent, lorsque vous évoquez un retour à la retraite à soixante ans, même votre électorat ne vous croit pas,…
Mme Christiane Demontès. On verra en 2012 !
M. Bernard Cazeau. Oui, on verra !
M. Xavier Bertrand, ministre. … parce qu’il sait pertinemment qu’il vaut mieux faire des réformes difficiles et courageuses soi-même plutôt que de se les voir imposer un jour de l’extérieur, comme c’est par exemple le cas pour nos amis grecs.
Pour notre part, nous ne voulons pas subir, nous voulons avoir notre destin en main, fidèles en cela à notre conception de la responsabilité politique. À l’inverse, comme on le constate aujourd'hui encore dans ses déclarations sur l’allongement de la durée de cotisation, chaque fois que le parti socialiste a le choix entre l’esprit de responsabilité et la démagogie, faites-lui confiance, il choisit toujours la démagogie !
M. Ronan Kerdraon. Et l’ISF ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur Kerdraon, vous considérez que nous allons trop vite, sans laisser le temps à la réflexion, mais vous parlez d’un dossier qui est sur la table des partenaires sociaux depuis 2009 !
S’agissant du pouvoir d’achat, vous oubliez de dire, parce que cela vous dérange, qu’en France il a été protégé pendant la crise. Ce n’est pas moi qui l’affirme, c’est l’INSEE.
Quant au chômage, vous savez pertinemment que, s’il a augmenté en France dans une moindre mesure qu’ailleurs, c’est grâce à l’action déterminante du Président de la République et de la majorité. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Cela vous dérange de vous l’entendre dire, je le conçois, mais vous gagneriez en crédibilité si vous l’admettiez ! Savoir non seulement proposer des options différentes mais aussi reconnaître ce qui va dans le sens de l’intérêt général, voilà qui donne aux politiques leur stature d’hommes d’État, aux politiques, pas aux politiciens, et ils sont nombreux aujourd’hui dans les rangs des responsables du parti socialiste !
Mme Christiane Demontès. Et le bouclier fiscal ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Somme toute, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, ce débat s’est engagé de façon assez traditionnelle entre vous, qui critiquez, et nous, qui faisons les propositions qu’attendent les Français. Et nos compatriotes savent, eux, que, au-delà des chiffres que vous maniez allégrement et de bien haut, l’instauration de cette prime dont ils seront plusieurs millions à bénéficier n’est que justice ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Question préalable
Mme la présidente. Je suis saisie, par Mme Demontès, MM. Cazeau, Daudigny et Kerdraon, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Alquier, Campion, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Desessard, Godefroy, Jeannerot, Le Menn, Teulade, Gillot, S. Larcher et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°8.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011 (n° 653, 2010-2011).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Christiane Demontès, auteur de la motion.
Mme Christiane Demontès. Madame la présidente, mes chers collègues, soyons clairs, n’en déplaise à M. le ministre, le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011 – premier projet de loi de cette nature à nous être présenté depuis qu’existe la possibilité de le faire – a pour unique objectif de permettre la mise en place de la fameuse prime de 1 000 euros ainsi que les exonérations de cotisations sociales qui, une fois de plus, pénaliseront nos finances publiques.
En effet, au-delà de l’article 1er, qui traite de cette prime, le reste du texte précise que les objectifs fixés à l’occasion du PLFSS pour 2011 demeurent inchangés. Quant aux ajustements auxquels vous procédez, monsieur le ministre, y avait-il réellement urgence ? N’auraient-ils pas pu attendre l’automne prochain ? Je le pense, car, comme le dit notre rapporteur, ce texte « ne modifie que très marginalement les prévisions de la loi de financement initiale ». Voilà pour la forme.
Pour le fond, notre rapporteur général semble parer de toutes les vertus le fait que le Gouvernement ait anticipé une prochaine réforme constitutionnelle.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Eh oui !
Mme Christiane Demontès. À le lire, on pourrait même déceler une vraie rupture avec « les niches sociales qui ont pu être créées ou modifiées dans une loi ordinaire ou une loi de finances ». La formule a d’autant plus de saveur qu’avec la réforme de l’ISF le Gouvernement et sa majorité viennent tout juste de creuser de manière pérenne le budget de l’État de 1,2 milliard d’euros.