M. Guy Fischer. Il n’est pas question que je le retire !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Monsieur Fischer, si je vous ai bien entendu, vous proposez que les professionnels médico-sociaux puissent intervenir et travailler en collaboration avec le personnel médical,…
M. Guy Fischer. Oui !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. … dans le cadre éventuellement de vacations. Mais ces professionnels peuvent être des salariés de la SISA, la société interprofessionnelle de soins ambulatoires ?...
M. Guy Fischer. Oui !
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Votre demande n’est donc pas en contradiction avec ce qui est proposé ; cette complémentarité est tout à fait possible. C’est pourquoi je considère votre amendement comme satisfait.
Pour les autres possibilités de collaboration, la SISA n’a pas la vocation d’associer des personnels médico-sociaux salariés d’autres structures.
Dans le cas où vous considéreriez que ma réponse ne répond pas à vos attentes, j’émettrais un avis défavorable.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Actuellement, le code de la santé publique prévoit que les maisons de santé peuvent associer des personnels médico-sociaux. Or nous regrettons vivement que cette possibilité soit supprimée dans la nouvelle rédaction. (Mme la secrétaire d’État fait un signe de dénégation.) La référence aux personnels médico-sociaux n’est plus citée dans l’article tel qu’il nous est ici proposé.
C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement : nous ne le retirerons pas, car nous estimons, comme l’a souligné Guy Fischer, que la suppression de la référence aux personnels médico-sociaux constitue un recul pour le fonctionnement de ces maisons de santé.
M. Guy Fischer. Très bien !
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 114, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 5
Rétablir le II dans la rédaction suivante :
II. – Après le troisième alinéa de l’article L. 1110-4 du même code, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Les informations concernant une personne prise en charge par un professionnel de santé au sein d’une maison ou d’un centre de santé sont réputées confiées par la personne aux autres professionnels de santé de la structure qui la prennent en charge, sous réserve :
« 1° d’une part, du recueil de son consentement exprès, par tout moyen, y compris sous forme dématérialisée. Ce consentement est valable tant qu’il n’a pas été retiré selon les mêmes formes ;
« 2° d’autre part, de l’adhésion des professionnels concernés au projet de santé mentionné aux articles L.6323-1 et L.6323-3.
« La personne, dûment informée, peut refuser que soient communiquées des informations la concernant à un ou plusieurs professionnels de santé. »
II. – Alinéa 7
Rétablir le IV dans la rédaction suivante :
IV. –Au premier alinéa de l’article L. 1511-5, au a du 2) de l’article L. 1521-1, au deuxième alinéa de l’article L. 1531-2 et au b du I de l’article L. 1541-2 du même code, le mot « quatrième » est remplacé par le mot « huitième ».
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Cet amendement vise à rétablir la version adoptée en première lecture.
L’exercice coordonné au sein d’une maison de santé ne peut exister que si les professionnels peuvent partager des informations médicales de façon fluide ; à défaut, les notions d’« équipe de soins » et de « projet de santé » n’ont pas de sens, et les maisons de santé ne seront au mieux que des cabinets de groupes à peine améliorés.
Les dispositions de droit commun sont trop complexes à mettre en œuvre pour favoriser cette nécessaire fluidité. Le texte proposé est très respectueux des droits des malades et de la protection de leur vie privée. Le partage ne peut se faire qu’avec leur consentement ; ils peuvent le retirer à tout moment et ils peuvent demander que certaines informations ne soient pas communiquées à certains professionnels.
Pour être plus claire encore, je crois que les professionnels intervenant dans le cadre des maisons de santé doivent pouvoir accéder à toutes les informations relatives au patient : en cas d’absence de l’un d’entre eux, le professionnel de santé doit être en mesure de disposer de toutes les informations utiles à la prise de décision médicale.
Mme la présidente. L'amendement n° 27 rectifié, présenté par M. Barbier, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Marsin, Mézard, Milhau, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rétablir le II dans la rédaction suivante :
II. - Le troisième alinéa de l’article L. 1110-4 du même code est ainsi rédigé :
« Toutefois, lorsque la personne est prise en charge par deux ou plusieurs professionnels de santé, elle est dûment avertie que les informations la concernant pourront être, sauf opposition de sa part, partagées entre ceux des professionnels de santé qui participent à sa prise en charge, à la continuité et à la coordination des soins, dans la limite de ce qui est nécessaire à l’exercice de la mission de chacun. »
La parole est à M. Daniel Marsin.
M. Daniel Marsin. Le texte initial de la proposition de loi prévoyait des règles spécifiques aux maisons et centres de santé en matière de respect du secret médical et de partage des données. Supprimées par le Sénat, celles-ci ont été réintroduites par l’Assemblée nationale, qui pose notamment le principe d’un « consentement présumé sous conditions ».
La commission a estimé qu’il n’y avait aucune raison, ni juridique ni médicale, que les droits des patients relatifs à l’accès des professionnels de santé aux informations nominatives les concernant soient définis différemment selon le cadre d’exercice du professionnel de santé auquel il s’adresse.
Les centres et maisons de santé doivent veiller à respecter le principe du libre choix du patient, et le patient d’un professionnel de santé ne saurait être incité à s’adresser aux autres professionnels exerçant au sein de la même structure. Le partage d’informations non justifié par la continuité des soins ou la détermination de la meilleure prise en charge possible du malade ne présente aucun intérêt thérapeutique pour le patient et aucune garantie d’efficience de l’intervention des professionnels de santé ni de qualité des soins dispensés.
Cela étant, le secret médical fait aujourd'hui l’objet de régimes différents. C’est pourquoi cet amendement prévoit de retenir la même règle pour toutes les situations, que le médecin exerce en cabinet de ville, en établissement de santé public ou privé, ou en maison ou centre de santé.
Ainsi, lorsque la personne est prise en charge par deux ou plusieurs professionnels de santé, elle est dûment avertie que les informations la concernant pourront être, sauf opposition de sa part, partagées entre les professionnels de santé qui participent à sa prise en charge, à la continuité et à la coordination des soins, dans la limite de ce qui est nécessaire à l’exercice de la mission de chacun.
L’informatique permet de structurer, dans le dossier médical, les informations par niveau d’accès, en lecture et en écriture, selon la qualité du professionnel de santé concerné, et donc de mieux protéger les droits du patient au secret médical.
Tel est l’objet de cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Concernant l’amendement n° 114, la commission puis le Sénat ont considéré, en première lecture, qu’il n’y avait aucune raison à ce que le partage des informations obéisse à des règles particulières dans les maisons et centres de santé, ou d’ailleurs dans tout autre mode d’exercice en groupe ou pluridisciplinaire, comme les réseaux ou pôles de santé.
J’ai déjà eu l’occasion de le dire et j’aurai sans doute encore l’occasion de le répéter, le secret médical appartient au patient, et les règles en vigueur sont tout à fait suffisantes pour permettre, avec l’accord de ce dernier, les échanges entre les professionnels nécessaires à la continuité des soins et à la détermination de la meilleure prise en charge possible. J’ajoute d’ailleurs que le patient devra sans doute fréquemment s’adresser à des professionnels n’exerçant pas dans la maison ou le centre de santé.
En outre, je comprends mal la référence à l’adhésion au projet de santé. Le projet de santé peut engager les professionnels de santé, mais les patients, qui n’ont aucune obligation de bénéficier des « nouveaux services » offerts dans ce cadre, n’auront même pas, dans bien des cas, de motifs d’y recourir.
L’adhésion des professionnels au projet de santé ne doit donc constituer ni une justification ni une condition du partage des informations concernant un patient. Ce partage, je le redis, n’est légitime que s’il est nécessaire, si le patient en a été averti et s’il ne s’y est pas opposé.
Les maisons ou centres de santé sont, comme les professionnels de santé exerçant individuellement, au service du patient, et non le contraire. C’est au patient de faire librement le choix de s’adresser à tel ou tel professionnel de santé.
Quant à l’argument parfois avancé selon lequel le « tri » des informations qui doivent ou non être partagées représenterait une charge de travail considérable pour les professionnels, il ne nous semble pas sérieux, et ce pour trois raisons.
Tout d’abord, l’informatique permet parfaitement d’organiser, dans un dossier médical, les informations par niveau d’accès, en lecture ou en écriture.
Ensuite, c’est plutôt le partage d’informations non justifié qui est source de perte de temps pour les professionnels, et ce sans présenter le moindre intérêt pour le malade.
Enfin, concernant le compérage, que nous avons évoqué tout à l'heure, il faut être conscient du fait que, au-delà de ce qui sera ou non écrit dans la loi, les professionnels exerçant dans les maisons de santé devront être attentifs à éviter tout reproche en la matière et devront donc porter une attention toute particulière au respect du libre choix des patients et à leurs droits. Commençons donc par ne pas leur donner l’impression qu’ils ne sont pas soumis, à cet égard, aux mêmes règles que les autres !
C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, sauf à espérer que le Gouvernement accepte de le retirer…
Concernant l’amendement n° 27 rectifié, qui est à l’opposé de l’amendement gouvernemental, la position défendue ici par notre collègue Daniel Marsin rejoint celle de la commission pour ce qui est des soins ambulatoires.
Toutefois, il faut admettre que, en cas d’hospitalisation, des raisons purement pratiques peuvent justifier que le dossier du patient soit accessible à tous les membres de l’équipe qui auront vocation à prendre en charge ce dernier à un moment ou à un autre ou pour telle ou telle autre catégorie de soins. De plus, l’urgence peut aussi primer.
Nous ne pouvons donc vous suivre totalement, mon cher collègue, même si, à l’hôpital comme ailleurs, il faut respecter le principe selon lequel le secret médical appartient au patient.
C’est pourquoi la commission vous invite à bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, qui va à l’encontre de son propre amendement.
Nous avons affaire à deux cas de figure dans lesquels le mode d’exercice n’est pas le même : en mode libéral, les professionnels exercent indépendamment les uns des autres, alors que, au sein des maisons de santé, ils font un travail en équipe. Il n’est pas opportun d’amalgamer, en quelque sorte, ces deux modes d’exercice.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacky Le Menn, pour explication de vote.
M. Jacky Le Menn. S’agissant de l’amendement du Gouvernement, je suis tout à fait sur la même longueur d’onde que M. le rapporteur.
Selon moi, le secret médical est un bloc d’informations que l’on ne peut pas divulguer, même si, comme je l’ai entendu bien souvent, le médecin, dans l’exercice de son travail, peut-être amené à partager ce qui relève de sa propre interprétation. Je considère – et à cet égard, je suis tout à fait en phase avec M. le rapporteur – que le secret médical appartient complètement à la personne qui fait l’objet de soins. Même au sein d’une équipe, la moindre transgression peut poser des problèmes. En effet, compte tenu des différentes spécialisations au sein des maisons de santé ou d’autres structures d’ailleurs, le secret médical peut très rapidement devenir un secret de Polichinelle !
Ceux qui ont travaillé dans de telles structures le savent, même si les acteurs de santé font preuve d’une grande conscience professionnelle, on y entend bien souvent des informations qui ont été échangées à l’occasion du dialogue singulier entre le malade et son médecin et qui n’auraient jamais dû sortir de ce cadre. Pour ne pas prendre de risques, il faut absolument bétonner les dispositions relatives au secret médical !
Par conséquent, je voterai contre l’amendement n° 114 du Gouvernement, mon groupe se ralliant à la position du rapporteur.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Notre objectif est bien de développer à la fois les sociétés interprofessionnelles et les maisons de santé,...
M. Jean-Pierre Fourcade. ... afin de passer d’un exercice très individuel de la médecine à un exercice beaucoup plus collectif au sein d’un système regroupant à la fois des kinésithérapeutes, des infirmières, des orthoptistes, des orthophonistes, etc., et de répondre aussi au problème de la désertification médicale dans un certain nombre de régions.
Or, je crains que, en mettant en place un mécanisme spécifique de protection du secret médical dans les maisons de santé, nous ne nuisions à l’essor de ces dernières.
De plus, il existe déjà, dans chaque profession, que ce soient les pharmaciens, les médecins, les infirmiers, etc., des règles déontologiques qui s’appliquent et protègent les patients.
Par conséquent, madame la secrétaire d’État, je suis navré, mais je me rallierai à la position de la commission et je ne voterai pas l’amendement du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Je vous ai entendu, les uns et les autres, mettre en avant, et à juste titre, le respect du droit des patients. Il est vrai que ce droit doit primer.
Mais en quoi ce droit serait-t-il bafoué par un partage des informations ?
En quoi ce droit serait-t-il bafoué si l’on demande au patient son accord pour que les informations relatives à son état de santé soient partagées ?
En quoi ce droit serait-t-il bafoué si ce partage n’a lieu qu’avec son consentement exprès ?
En quoi ce droit serait-t-il bafoué si on lui demande de sélectionner lui-même les informations qu’il a envie de voir partagées ?
Ce n’est pas une divulgation en bloc, puisque le malade conserve l’entière liberté de consentir au partage d’une information, de plusieurs ou de la totalité des informations le concernant, ou, au contraire, de s’opposer tout bonnement à un tel partage.
Personnellement, je n’ai aucune crainte et je considère que ce droit fondamental des patients n’est nullement menacé.
Mais, puisque c’est votre argument majeur, permettez-moi d’établir des comparaisons avec d’autres groupements de professionnels.
Au sein des structures hospitalières, les dossiers médicaux sont accessibles aux professionnels. Considérez-vous le droit du patient bafoué par le partage des informations entre ces professionnels ?
Nous parlons d’un exercice de la médecine bien circonscrit : celui des maisons de santé, qui regroupent une pluridisciplinarité de professionnels. Et c’est là tout le côté novateur de cet exercice. Voilà ce qui fait la différence avec un groupement de professionnels indépendants libéraux ou de professionnels hospitaliers. La maison de santé n’a pas vocation à promouvoir un exercice hospitalier de structure. Nous sommes donc bien là entre deux modes d’exercice.
À mes yeux, la valeur ajoutée de l’exercice en maison de santé est justement la fluidité et le partage des informations, qui sont une chance pour le patient ! En aucun cas le droit du patient n’y est bafoué, pour les raisons que j’ai indiquées.
Mme la présidente. Monsieur Marsin, maintenez-vous l’amendement n° 27 rectifié ?
M. Daniel Marsin. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
(Non modifié)
L’article L. 1434-8 du même code est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le contrat santé solidarité est conforme à un contrat-type défini par l’Union nationale des caisses d’assurance maladie et une ou plusieurs organisations syndicales les plus représentatives pour l’ensemble du territoire de médecins libéraux. » ;
2° L’avant-dernier alinéa est supprimé.
Mme la présidente. L'amendement n° 88, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Le quatrième alinéa de l’article 3 supprime l’avant-dernier alinéa de l’article L.1434-8 du code de la santé publique, qui instaure les contrats santé solidarité. Il s’agissait pourtant de l’une des rares mesures destinées à lutter contre les déserts médicaux.
M. Guy Fischer. C’est vrai !
Mme Annie David. Nous n’y avons pas véritablement cru et, visiblement, le Gouvernement non plus, mais sans doute pas pour les mêmes raisons. C’est donc en deux temps, madame la secrétaire d’État, que le Gouvernement s’est attelé à réduire à néant la portée de ces contrats.
Tout d’abord, contre la volonté exprimée par les représentants de la nation, le Gouvernement a fait le choix de ne pas agir. Vous vous êtes donc abstenus de prendre les décrets nécessaires, vous exonérant ainsi des choix retenus par le législateur.
Puis, seconde étape, Mme Bachelot a annoncé, devant le congrès des médecins généralistes, la suppression de ces mesures, et cette annonce a été suivie d’un amendement déposé par des parlementaires de la majorité.
Voilà, mes chers collègues, comment nous en sommes arrivés à cet article 3, sur lequel Olivier Auguste est très clair, quand il écrit dans Le Figaro : « Mais, depuis, Nicolas Sarkozy s’est lancé dans une opération de rabibochage avec les médecins et répète sa conviction que “la coercition ne marche pas”. ».
Nous sommes choqués, et nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls ! Souvenez-vous-en, mes chers collègues, Hervé Maurey, sénateur du Nouveau centre, déclarait ici même, lors de l’examen en première lecture, que l’on décide de ne pas contrarier les médecins au détriment de l’intérêt général. Autant vous dire que nous partageons ce constat !
Madame la secrétaire d’État, qu’entendez-vous faire pour lutter concrètement contre les déserts médicaux ? On sait depuis des années que les mesures incitatives ne marchent pas. Nicolas Sarkozy prétend que les mesures coercitives ne marchent pas non plus. C’est du moins le constat qu’il formule et une vérité qu’il assène, mais celle-ci n’a jamais été vérifiée !
Aujourd’hui, vos seules réponses résident dans des mesures d’accompagnement, comme les maisons de santé. Or, on le sait, si les professionnels reconnaissent à ces dernières une certaine utilité, ils les jugent malgré tout insuffisantes. Ils sont d’ailleurs de plus en plus nombreux à prôner un mode d’exercice ancien et ô combien moderne finalement : l’exercice au sein des centres de santé.
Pour en revenir à notre amendement n° 88, dans l’attente que d’autres mesures soient prises pour lutter efficacement contre les déserts médicaux, nous vous proposons, au sein de l’article L. 1434-8 du code de la santé publique, qui prévoit la création des contrats santé solidarité, de maintenir l’avant-dernier alinéa relatif aux sanctions contre les médecins qui ne respecteraient pas ces contrats santé solidarité, afin que ces sanctions demeurent inscrites dans la loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, qui est contraire à ce qu’elle a adopté en première, comme en seconde lecture.
Il lui a semblé préférable de renvoyer le contrat santé solidarité à un contrat-type négocié par l’Union nationale des caisses d'assurance maladie et pouvant prévoir des sanctions, plutôt que d’inscrire celles-ci a priori dans la loi.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Tout d’abord, on l’a constaté, ce contrat santé solidarité ne recueille pas l’adhésion des médecins et, de ce fait, on se heurte à de vraies difficultés pour le mettre en œuvre.
Ensuite, le côté coercitif de ce dispositif s’oppose au principe de la liberté d’installation.
Enfin, le dispositif doit être appliqué non pas de façon autoritaire, mais, comme l’a dit M. le rapporteur, en concertation avec les professionnels de santé. En effet, le Gouvernement croit plus à l’incitation qu’à la coercition et décide de faire plutôt confiance aux professionnels de santé.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.
Mme Annie David. Selon vous, monsieur le rapporteur, la disposition que nous proposons est contraire à celle qui a été retenue par la commission en première comme en deuxième lecture.
Je vous entends bien concernant le texte présenté aujourd’hui par M. Jean-Pierre Fourcade.
Toutefois, concernant le texte originel, si je puis dire, portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires, dont vous étiez rapporteur, permettez-moi de vous rappeler qu’en juillet 2009 – ce n’est pas si vieux ! – nous avions adopté une mesure coercitive semblable, la seule figurant dans la loi : « Les médecins qui refusent de signer un tel contrat, ou qui ne respectent pas les obligations qu’il comporte pour eux, s’acquittent d’une contribution forfaitaire annuelle, au plus égale au plafond mensuel de la sécurité sociale. ».
Il ne s’agit donc pas d’une contribution extraordinaire ! Ce n’est pas non plus une mesure coercitive épouvantable à l’égard des médecins.
Je vous rappelle encore que ces contrats santé solidarité avaient été créés pour lutter contre les déserts médicaux, car, on le sait très bien, si des actions fortes ne sont pas menées pour maintenir des médecins dans certains de nos territoires, nous n’y verrons bientôt plus de médecins de premier recours !
La seule mesure un tant soit peu coercitive à l’égard des médecins figure dans un article qui a été adopté par le Parlement en juillet 2009, mais qui n’a jamais été appliqué, car le Gouvernement n’a jamais pris les décrets nécessaires ! Par conséquent, on ne peut pas savoir si une telle mesure aurait eu ou non une incidence forte sur les médecins.
Vous dites que cette disposition ne recueille pas l’accord des médecins. Évidemment, puisque c’est la seule qui puisse un tant soit peu les contraindre à s’installer là où ils n’en ont pas forcément envie !
Voilà en tout cas la mesure qui avait été adoptée en matière de démographie médicale, et ce dans l’intérêt général.
En juillet 2009, au moment de la création des contrats santé solidarité – je le rappelle avant que M. le rapporteur ne le fasse –, nous étions très sceptiques, justement en raison de cette disposition. Nous étions cependant favorables à l’adoption de cette dernière et à son application afin de voir quel serait le résultat.
Or voilà que cette mesure est supprimée avant même la publication des décrets nécessaires à sa mise en œuvre !
Je pense que, dans la foulée de cette suppression, un décret d’application sera enfin publié ; mais la seule mesure coercitive – toute petite ! – qui avait été instaurée à l’égard des médecins n’y figurera pas.
Je trouve extrêmement regrettable que, à peine deux ans après son adoption – c’était en juillet 2009 et nous sommes le 1er juillet 2011… – et avant même d’avoir été appliquée, cette mesure soit aujourd’hui supprimée.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Annie David a dit l’essentiel. Par la suppression du contrat santé solidarité, vous cherchez – c’est très clair – à satisfaire les médecins libéraux.
Le Président de la République, entré en campagne électorale, a donné mission au Gouvernement de lever tous les obstacles susceptibles d’entraver sa course vers l’élection présidentielle…
Mme Annie David. Et comment !
M. Guy Fischer. Ces obstacles étaient de trois sortes : il y avait le monde agricole qui, les années précédentes, s’était clairement manifesté ; il y avait aussi le monde médical ; il y avait enfin le monde des artisans et des petits patrons.
Pour ce qui nous concerne, nous vivons dans des villes où, sans parler de « déserts médicaux » – ce ne serait pas tout à fait exact –, il est de plus en plus difficile d’accéder à un médecin spécialiste.
Certes, il existe le tarif opposable ; mais le problème de l’accès aux soins et à de véritables spécialistes devient de plus en plus aigu, notamment pour certaines populations vivant dans les quartiers populaires.
Aujourd’hui, vous levez un obstacle pourtant très léger et qui, selon nous, aurait été très rapidement franchissable.
Cette mesure n’a jamais été mise en place ; à présent vous allez jusqu’au bout, pour satisfaire les demandes exprimées lors du congrès des médecins libéraux à Nice. Ces derniers vont pouvoir poursuivre leur exercice libéral – je serais presque tenté de dire « ultralibéral » – de la médecine.
La suppression de cette disposition nous mécontente vraiment. En effet dans nos villes et agglomérations, dans ces grands ensembles qui font parfois la une des médias, des inégalités se creusent, des populations immigrées ou d’origine immigrée se concentrent avec les populations les plus pauvres ; ne doutez pas que vous serez, un jour ou l’autre, confrontés à cette situation !
Donner la possibilité à des médecins d’exercer leur profession en toute connaissance de cause, c’est pour nous une chose très importante.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacky Le Menn, pour explication de vote.