M. Patrice Gélard, rapporteur. Attendons la navette !
M. Patrick Ollier, ministre. Bien entendu, monsieur le rapporteur ! Il faut poursuivre le dialogue afin de faire évoluer de manière consensuelle et pragmatique cette proposition de loi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’aurez compris, le Gouvernement accueille favorablement les principales dispositions de la proposition de loi adoptée par votre commission des lois. En effet, ce texte nous offre l’occasion de témoigner dès aujourd’hui notre attachement aux élus de la République ; il permet des avancées réelles concernant le statut de l’élu ; il est, enfin, pleinement cohérent avec les positions défendues par le Gouvernement dans le cadre de la réforme territoriale. Voilà autant de raisons qui militent en faveur de l’adoption de cette proposition de loi, comme vous y invite la commission des lois ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie nos collègues Bernard Saugey et Marie-Hélène des Esgaulx d’avoir déposé cette proposition de loi dont l’ambition, partagée me semble-t-il sur l’ensemble de nos travées, est de renforcer le cadre juridique et financier applicable à l’exercice des fonctions d’élu local.
Je tiens d’ailleurs à rendre ici hommage aux 500 000 élus qui, sur l’ensemble de notre territoire, exercent au quotidien leurs fonctions dans des conditions souvent difficiles, mais toujours en gardant à l’esprit la défense de l’intérêt général, a fortiori quand il s’agit d’élus bénévoles qui se battent pour faire vivre nos territoires ruraux ou les zones urbaines défavorisées.
Je regrette que cette proposition de loi, pour intéressante qu’elle soit, ne nous soit soumise qu’en fin de session, nichée parmi les textes que notre ordre du jour particulièrement chargé – pour ne pas dire surchargé – nous impose d’examiner avant la fin de nos travaux. Elle méritait sans doute plus de lumière.
Surtout, cette proposition de loi ne répond que très partiellement aux besoins des élus qui nécessiteraient la mise en œuvre d’un véritable statut de l’élu local. Faut-il rappeler que la réforme territoriale était supposée apporter une réponse globale, notamment avec le projet de loi n° 61 ? Nous risquons, en réalité, d’attendre longtemps la discussion de ce texte !
Il est finalement très regrettable de créer au forceps le conseiller territorial – nous en examinerons, la semaine prochaine, le dernier avatar – pour, paraît-il, diminuer le coût des élus, alors que, dans le même temps, les élus des plus petites collectivités se débattent dans des conditions financières difficiles pour faire vivre les services publics. Tout cela ne présage pas un avenir radieux pour nos territoires !
Pour en venir au cœur de la présente proposition de loi, il est certain que le principe de gratuité des fonctions électives municipales, affirmé à l’article L. 2123-17 du code général des collectivités territoriales, s’inscrit, à l’évidence, en contradiction avec l’engagement inhérent à ces mandats et le temps qui leur est consacré. M. le rapporteur l’a rappelé, le statut de l’élu résulte d’une lente, trop lente construction qui se résume, finalement, à une succession d’aménagements de ce principe.
Le Sénat, comme il est normal, est impliqué depuis longtemps dans cette réflexion. Je rappellerai, par exemple, le rapport du groupe de travail constitué en 1978 autour de notre ancien collègue Roger Boileau, qui soulignait déjà la difficulté de concilier la vie élective, la vie professionnelle et la vie personnelle.
En 1982, le rapport Debarge, du nom d’un autre de nos anciens collègues, avait mis l’accent sur la formation de tous les élus, la revalorisation substantielle des indemnités, le droit à une retraite décente, l’assouplissement du régime des autorisations d’absence, les crédits d’heures et la réinsertion sociale de l’élu en fin de mandat. La loi du 3 février 1992, qui constitue aujourd’hui, avec la loi du 27 février 2002, l’essentiel du statut de l’élu local, s’est très largement inspirée des conclusions de ce rapport.
Force est de constater que les besoins des élus sont aujourd’hui importants, particulièrement en matière de droit à la formation, au vu du rythme d’évolution des normes imposées aux collectivités. Sur ce point, la lecture du rapport de notre collègue Éric Doligé sur la simplification des normes applicables aux collectivités territoriales est aussi instructive qu’édifiante. Nous ne pouvons pas continuer à produire autant de normes, a fortiori de façon aussi évolutive et rapide, et exiger des petites communes qu’elles appliquent avec célérité le droit de la République. D’ailleurs, il est certain que la réforme territoriale n’apportera aucune amélioration sur ce point – du moins, je ne le crois pas.
C’est finalement pour les élus de ces petites collectivités que l’écart entre les besoins et les moyens est le plus grand, et donc le plus préjudiciable à l’intérêt public local. Combien d’élus de petites communes préfèrent ne pas percevoir leurs indemnités plutôt que de grever le budget municipal ? Combien choisissent de ne pas se faire rembourser les frais exposés sur leurs deniers personnels ? Combien sont contraints de renoncer à leurs autorisations d’absence pour ne pas porter préjudice à leur carrière professionnelle ? À l’évidence, beaucoup trop ! Cette situation explique également que nombre d’entre eux n’exercent qu’un seul mandat avant d’y renoncer, découragés par des conditions d’exercice qu’ils jugent trop lourdes et trop contraignantes.
Je me réjouis néanmoins que la présente proposition de loi tende à rapprocher la condition matérielle des élus des communes de moins de 3 500 habitants de celle des élus des autres communes, particulièrement en ce qui concerne les droits sociaux des élus dans le cadre de leur activité professionnelle. Tout comme mes collègues du groupe du RDSE, je souscris aux modifications adoptées par la commission des lois, notamment celles qui sont relatives au plancher des crédits de formation et au régime indemnitaire des élus des communes de moins de 1 000 habitants et des délégués communautaires.
Pour ce qui concerne la complexification de l’environnement juridique des collectivités locales, je soutiendrai bien évidemment les dispositions relatives à la clarification des délits de prise illégale d’intérêt et de favoritisme, introduites par M. le rapporteur et par notre collègue Pierre-Yves Collombat. Sur l’initiative de mon groupe, plus exactement sur celle de notre collègue Anne-Marie Escoffier, le Sénat avait déjà repris, dans la proposition de loi de simplification du droit, la formulation de la proposition de loi de notre collègue Bernard Saugey visant à réformer le champ des poursuites de la prise illégale d’intérêt des élus locaux, voté ici même à l’unanimité le 24 juin 2010. Nous espérons, monsieur le ministre, que l’Assemblée nationale comprendra enfin le message que nous lui adressons une nouvelle fois aujourd’hui.
Mes chers collègues, nous sommes tous conscients du fait que les milliers d’élus locaux, la plupart bénévoles, sont des acteurs incontournables de la vie sociale de notre pays. Cette proposition de loi se veut modeste dans son objet, mais apportera, à n’en pas douter, de nouveaux droits à ces élus : il s’agit donc d’une avancée. L’ensemble du groupe du RDSE la votera donc, tout en attendant avec impatience la grande réforme du statut de l’élu local qui doit accompagner toute réforme des collectivités territoriales et qui, plus que jamais, s’avère nécessaire ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et de l’Union centriste. – M. Bernard Saugey applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la création d’un véritable statut de l’élu local joue jusqu’à ce jour l’arlésienne. Il est tout à fait regrettable que la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui ne fasse pas avancer le débat, à l’heure où la réforme des collectivités territoriales condamne ce statut.
Cet impératif ne peut se contenter d’une simple loi d’affichage et d’opportunité, discutée dans la perspective de la campagne précédant les élections sénatoriales.
Le statut de l’élu, envisagé dès les premières lois de décentralisation comme un pilier indispensable de sa mise en œuvre, s’affirme avant tout comme une exigence démocratique.
Tout citoyen doit pouvoir être candidat à une élection politique. Or, force est de constater que, encore aujourd’hui, les assemblées élues ne sont pas le reflet de notre société.
Si la loi reconnaît un certain nombre de droits aux élus locaux, l’ensemble de ces droits ne suffit pas à sécuriser les élus déjà en poste ou à renforcer l’attractivité du mandat local.
Pour permettre de réelles avancées, l’évolution du statut de l’élu doit concerner l’ensemble des élus locaux et non pas les seuls membres des exécutifs. À l’encontre de toute professionnalisation de la vie politique, il s’agit à notre sens de donner au plus grand nombre de nos concitoyens les moyens d’exercer un mandat d’élu sans préjudice pour leur vie personnelle ou professionnelle.
Dans cette optique, les sénateurs communistes ont déposé dès 1989 une proposition de loi sur les fonctions électives. Depuis, nous n’avons cessé de tenter d’améliorer les dispositifs, afin de les rendre toujours plus conformes aux attentes des élus et de nos concitoyens.
Nos propositions allaient beaucoup plus loin que la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui. Ce n’est pas en donnant une médaille aux élus ou en les faisant bénéficier plus tôt de l’honorariat que nous renforcerons l’attractivité des mandats locaux !
Une sécurité matérielle et professionnelle, une formation et une clarification du statut juridique et des responsabilités de l’élu local sont des conditions indispensables à la constitution d’un tissu électif diversifié et actif.
Pour notre part, nous estimons que le statut de l’élu se doit de favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives. En effet, nous savons tous ici que, si les femmes sont éligibles, elles sont peu nombreuses à être élues et, en tout cas, se retrouvent rarement à la tête des exécutifs.
Les diverses mesures législatives censées favoriser l’accès des femmes aux mandats locaux sont cantonnées à celles qui favorisent la parité. Ce sont là des mesures quantitatives bien insuffisantes, insignifiantes, voire méprisantes. Le mode de scrutin choisi pour l’élection des conseillers territoriaux dans le cadre de la réforme des collectivités territoriales est le témoignage récent de ce mépris qui perdure.
Le scrutin uninominal à deux tours, en plus de saborder l’objectif constitutionnel de parité, s’inscrit à contre-courant de la dynamique de représentation des femmes en politique. L’exclusion des femmes sera indubitablement la conséquence directe de votre réforme, en tant qu’elle remet aussi en cause le principe de parité dans les exécutifs régionaux.
Nous souhaitons pour notre part que le mode de scrutin proportionnel soit étendu à l’ensemble des élections locales, car ce mode de scrutin demeure le seul qui garantisse pleinement la représentation du peuple et la présence à parité des hommes et des femmes dans les assemblées locales.
Par ailleurs, les fonctionnaires sont objectivement davantage représentés que les salariés dans les fonctions électives locales. Cette situation s’explique particulièrement par le fait que, en dépit des garanties légales, le rapport joue en défaveur du salarié, rarement en situation de négocier ses disponibilités et sur lequel plane la menace de la perte d’emploi.
Il faudrait donc envisager que les pertes de salaires liées aux absences soient intégralement compensées à l’aide de la mise en place d’un fonds de péréquation pour les entreprises qui seraient les plus pénalisées, à l’instar de ce que prévoyaient nos propositions.
Il faudrait en outre envisager que les frais engagés, notamment ceux qui sont liés aux gardes d’enfants – cela intéresse surtout les jeunes élus – soient remboursés, à l’instar de ce que prévoyaient également nos propositions.
Il s’avère tout aussi nécessaire que les compétences acquises par les élus locaux soient reconnues de façon effective afin de favoriser leur retour à l’emploi.
Voilà autant de mesures indispensables au renforcement de l’attractivité du mandat local mais qui ne figurent pas, hélas ! dans la proposition de loi qui nous est soumise. Compte tenu de ces faiblesses, notre groupe s’abstiendra sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – Mme Gisèle Printz applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier Bernard Saugey et Marie-Hélène Des Esgaulx de leur proposition de loi visant à renforcer l’attractivité et à faciliter l’exercice du mandat local.
Sous l’autorité du président de la commission des lois, Jean-Jacques Hyest, et du rapporteur, Patrice Gélard, nous avons bien travaillé. Au-delà de l’approbation, de la modification ou de l’ajout d’un certain nombre d’articles qui nous paraissaient nécessaires à l’application rapide du texte, l’examen en commission a également montré qu’il faudrait un jour s’atteler à un travail complet, c'est-à-dire reprendre l’ensemble des articles du code général des collectivités territoriales et les rassembler en un ensemble clair, structuré et cohérent.
Comme l’a dit tout à l’heure M. le rapporteur, un statut de l’élu existe, mais nous aurions besoin d’une vision plus rassemblée, d’une codification spécifique afin d’y voir plus clair. Il me paraît nécessaire de pouvoir, à l’avenir, nous référer à un code précis.
La commission a supprimé plusieurs articles, dont l’article 1er, pour tenir compte de l’arrivée de nouveaux élus. Nous allons ainsi examiner bientôt – nous le supposons tout au moins – le projet de loi fixant le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région, la loi précédemment votée ayant été invalidée par le Conseil constitutionnel pour ne pas avoir été présentée en première lecture au Sénat. Ce n’est pourtant pas faute de vous avoir prévenus à cet égard !
Les conseillers territoriaux vont donc revenir sur le tapis, monsieur le ministre ! (Sourires.) Il va nous falloir réexaminer ce texte, et j’ai constaté que nous avions trouvé une petite fenêtre dans l’ordre du jour très chargé du Sénat, comme quoi c’est toujours possible…
La commission a donc supprimé l’article 1er, disais-je, pour tenir compte de l’arrivée de nouveaux élus, notamment des conseillers territoriaux.
Comme l’a indiqué le doyen Gélard, des amendements ont été rejetés en vertu de l’article 40 de la Constitution. Nous avons également veillé à ne pas empiéter sur le fameux projet de loi n° 61,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’arlésienne !
Mme Jacqueline Gourault. … qui nous donnera l’occasion de revenir sur la manière d’élire les conseillers communautaires mais aussi, je l’espère, d’apporter quelques précisions sur la loi de réforme des collectivités territoriales.
Le doyen Gélard a rappelé les décisions que nous avions intégrées. Il a eu la gentillesse d’évoquer l’amendement que j’ai défendu, accepté par la commission des lois, sur lequel je voudrais revenir quelques instants.
Comme vous le savez, la France compte de nombreuses communes de moins de 1 000 habitants, dans lesquelles les élus, en particulier les maires, ne disposent pas d’un entourage administratif très important et sont donc extrêmement occupés.
J’ai pu constater dans mon département – et ailleurs, bien entendu – qu’un certain nombre d’élus n’osaient pas demander à percevoir l’indemnité qui leur revenait, les maires précédents ne l’ayant pas fait, et que cela constituait un handicap pour renouveler le personnel des petites communes.
Les jeunes actifs, en particulier, qui doivent trouver du temps, parfois sur leur travail, sont gênés dans l’exercice de la fonction de maire. Les maires des communes de moins de 1 000 habitants ne sauraient être uniquement des retraités ou des personnes disposant de moyens financiers suffisants.
En tout état de cause, l’État verse une dotation particulière relative à l’exercice des mandats locaux aux communes de moins de 1 000 habitants. Certes, toutes les communes ne sont pas concernées, puisque cette dotation est liée notamment au potentiel fiscal. Toutefois, en 2010, 23 353 communes en ont bénéficié, soit 87,64 % des communes de moins de 1 000 habitants.
Cette dotation, mise en place par la loi du 3 février 1992, relative aux conditions d’exercice des mandats locaux, est versée par l’État aux petites communes rurales pour les aider à payer les indemnités des maires. Il est donc tout à fait légitime de prévoir, pour les communes de moins de 1 000 habitants, l’automaticité de la fixation du montant de l’indemnité, afin d’éviter le passage par une délibération du conseil municipal, qui pose parfois des problèmes dans les petites communes. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
M. Pierre-Yves Collombat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le statut de l’élu local n’existe pas, et pourtant nous l’avons tous rencontré, en tout cas ses effets réels dans l’essentiel des domaines de préoccupation des élus locaux.
Ces préoccupations sont, globalement, de trois ordres.
Tout d’abord, les élus locaux doivent disposer de la disponibilité nécessaire à leur action et à l’autonomie de leurs décisions. Cela suppose des indemnités et une disponibilité temporelle suffisante.
Ensuite, ils doivent bénéficier d’une sécurité juridique et matérielle minimale. Les élus étant responsables de tout et risquant donc un jour d’être coupables de quelque chose, le minimum serait qu’ils ne se voient pas opposer des motifs d’incrimination vagues et qu’il soit tenu compte de la spécificité de leur situation.
Leur mandat étant temporaire, la moindre des choses serait qu’ils disposent de sécurité en matière sociale en cours d’exercice et lors de la cessation de celui-ci, qu’il s’agisse d’un départ à la retraite ou d’une reprise d’activité.
Enfin, corollaire de l’assurance d’exercer leur mandat dans de bonnes conditions, les élus sont tenus à l’obligation de consacrer le temps nécessaire à l’exercice de leur mandat – c’est le problème du cumul –, à une obligation de formation, de transparence et de démocratie envers les citoyens mais aussi envers l’opposition.
Dans ces trois domaines, la proposition de loi de nos collègues Bernard Saugey et Marie-Hélène Des Esgaulx apporte sa pierre à l’édifice en construction, pierre retaillée par la commission des lois et son rapporteur. Notre groupe y apportera sa contribution avec les amendements que nous examinerons dans quelques instants.
Je parle évidemment des amendements qui viendront en discussion et non de ceux que le « Saint-Office financier » a passés à la trappe de l’article 40 ! Ils ont disparu, se sont volatilisés, ce qui dispensera le Gouvernement et sa majorité, à la veille d’un cycle électoral décisif, de donner un contenu sonnant et trébuchant à leurs intentions qui, par définition, ne peuvent être que bonnes ! On discutera donc seulement de ce qui ne coûte rien ou si peu que, précisément, on pourra en parler.
Les marchés et les générations futures seront contents. Quant aux élus locaux, ils le seront probablement moins, mais ils ont appris à être patients et, grâce à cette loi, ils obtiendront plus facilement une médaille, avec les louanges qui vont avec !
Nous ne parlerons donc pas de l’amendement déposé sur l’initiative de notre collègue Jean-Marc Todeschini, qui tend à fixer au maximum légal l’indemnité allouée aux maires des communes de moins de 3 500 habitants. Nous devrons nous limiter aux communes de moins 1 000 habitants, grâce à l’amendement de Jacqueline Gourault, repris par la commission, et qui a échappé par miracle à l’article 40.
Mme Jacqueline Gourault. Ce n’est pas la peine de le faire remarquer ! (Sourires.)
M. Pierre-Yves Collombat. Nous ne parlerons pas non plus de la revalorisation des indemnités des maires des communes de moins de 3 500 habitants, proposée dans l’un de nos amendements. Comme M. le ministre l’a rappelé, un mandat est d’autant plus beau qu’il ne coûte pas cher.
Nous n’évoquerons pas non plus la création d’un fonds de péréquation des dépenses de formation, qui aurait pourtant permis de doper la formation des élus ruraux, laquelle tourne actuellement au ralenti. La création d’un tel fonds aurait notamment facilité le financement d’actions en situation plutôt que dans des centres éloignés et hors sol. Les dépenses de formation étant déjà inscrites dans les budgets, on pourrait se demander pourquoi l’article 40 a été invoqué si on ne connaissait pas déjà la réponse : il n’y a rien à comprendre !
La preuve en est que la proposition de la commission de fixer un plancher des dépenses de formation et de reporter les sommes non dépensées sur l’exercice suivant a bénéficié, elle, d’un nihil obstat bienveillant. C’est pourtant là créer une dépense supplémentaire…
Cerise sur le gâteau, l’amendement n° 26 du groupe socialiste a, lui, été déclaré recevable. Je rappelle qu’il tend à reprendre les planchers des dépenses prévus par la proposition de loi initiale, lesquels étaient plus élevés que ceux qui ont été retenus par la commission des lois, et à instaurer un mécanisme de péréquation, par l’intermédiaire d’un Conseil national de la formation des élus locaux, lequel nous paraissait bienvenu. Sans doute la commission des finances a-t-elle eu un moment d’égarement...
Enfin, nous ne discuterons pas non plus de la proposition de notre collègue Roland Povinelli tendant à autoriser les élus ayant cessé d’exercer leur activité professionnelle au profit de leur mandat à cotiser au régime de retraite par rente.
Le ministre du budget nous l’a récemment rappelé : « Nous devons maintenir notre AAA. » Les élus locaux coûtent cher : circulez, il n’y a rien à voir !
Heureusement, nous examinerons plusieurs propositions ou amendements dont la mise en œuvre ne coûterait rien.
Ainsi, afin d’accroître la disponibilité des élus locaux, le texte initial de Bernard Saugey et de Marie-Hélène Des Esgaulx instaurait le droit à un congé électif au bénéfice des salariés candidats aux élections municipales dans les communes comptant jusqu’à 3 499 habitants, disposition que le groupe socialiste a souhaité étendre aux communes comptant jusqu’à 500 habitants ; mais cet article a été supprimé par la commission, sur proposition de M. le rapporteur.
Par ailleurs, nous proposons d’étendre les crédits d’heures à l’ensemble des conseillers municipaux, quelle que soit la taille de leur commune, et le droit à suspension du contrat de travail à l’ensemble des conseillers généraux et régionaux titulaires d’une délégation, ainsi qu’aux adjoints des communes de plus de 3 500 habitants.
Plusieurs de nos propositions visent à sécuriser les conditions d’exercice du mandat, matériellement et juridiquement.
Deux propositions, reprises par la commission des lois, tendent à préciser le champ d’application du délit de favoritisme – c’est l’article 7 – et de la prise illégale d’intérêts – c’est l’article 7 A nouveau. Cette dernière proposition ayant déjà été adoptée deux fois à l’unanimité par le Sénat sans qu’il y ait été donné suite, on se demande ce qu’il en adviendra cette fois.
Nous proposons également d’étendre le bénéfice de l’allocation de fin de mandat aux adjoints des communes de plus de 3 500 habitants. Une autre de nos propositions porte sur l’information des employeurs.
L’amendement proposé par Virginie Klès, qui vise à étendre le bénéfice de la médecine du travail aux élus ayant cessé leur activité professionnelle, et celui de Marc Daunis, qui tend à améliorer le régime d’indemnisation des conseillers municipaux chargés de mandats spéciaux par le conseil, vont dans la même direction.
Les élus ont des devoirs. Outre celui de se former – je ne reviens pas sur ce qui a déjà été dit à ce sujet –, ils doivent être candidats pour être élus. Je rappelle que faire acte de candidature n’est pas obligatoire dans les communes de moins de 3 500 habitants, ce qui donne lieu parfois à des manipulations extrêmement intéressantes : ainsi un même candidat peut-il figurer sur deux listes adverses. Faire acte de candidature doit donc être une obligation. Tel est le sens de l’un des amendements de notre collègue Jean-Marc Todeschini. J’ajoute qu’il s’agit là d’une revendication ancienne de l’Association des maires ruraux de France.
Selon moi, le renforcement de la démocratie locale devrait aussi passer par une extension des possibilités d’information des conseillers municipaux, qu’ils appartiennent à la majorité ou à l’opposition.
Dernière proposition, et non la moindre : il serait logique d’inclure dans la liste des mandats électoraux auxquels s’applique la règle de non-cumul des mandats les fonctions de président d’un EPCI de plus de 30 000 habitants et de vice-président d’un EPCI de plus de 100 000 habitants. Que les fonctions de maire d’une commune de 3 501 habitants soient prises en compte, mais pas celles de président d’une communauté urbaine d’un million d’habitants est tout de même un peu incongru.
Cette proposition de loi, si elle est adoptée, permettra d’améliorer les conditions d’exercice du mandat local, d’autant plus, mes chers collègues, que vous ferez bon accueil à nos amendements ! Cependant, un authentique statut de l’élu local, formé d’un ensemble de dispositions cohérentes et faisant sens, fera toujours défaut.
Il aura fallu attendre la loi du 24 juillet 1952 pour qu’un véritable, mais misérable, régime indemnitaire des élus locaux voie le jour. Vingt ans plus tard, la loi du 22 décembre 1972 a permis aux élus locaux de bénéficier d’une retraite sous le régime des agents non titulaires des collectivités. Comme si les élus étaient des contractuels ! Malgré le rapport Debarge du 29 janvier 1982, qui a fait franchir à la réflexion un saut qualitatif, il aura fallu dix ans supplémentaires pour qu’un progrès décisif soit accompli, grâce à la loi du 3 février 1992. Une avancée nouvelle a été permise en février 2002, grâce à la loi relative à la démocratie de proximité.
Vous aurez remarqué que, depuis quarante ans, c’est à des gouvernements de gauche que l’on doit, à quelques broutilles près, l’essentiel des améliorations des conditions d’exercice des mandats locaux : 1982, 1992, 2002. Si le tempo est respecté, il devrait se passer quelque chose en 2012 ! (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) En attendant, nous voterons la proposition de loi qui nous est aujourd'hui soumise. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la récente loi de réforme des collectivités territoriales a mis en lumière le grand chantier de décentralisation auquel nous sommes aujourd'hui confrontés.
En effet, cela fait maintenant près de trente ans que la loi Defferre du 2 mars 1982 supprimant la tutelle administrative régit nos collectivités territoriales. Celle-ci est l’emblème d’un processus de décentralisation voulu par nos gouvernements depuis les années soixante-dix, processus qui a entièrement modifié la fonction non seulement de nos collectivités territoriales, mais aussi de nos élus.
Il me semble donc aujourd'hui plus qu’approprié de revoir la fonction d’élu afin qu’elle puisse être plus en adéquation avec les évolutions qu’elle a connues et les nouvelles charges de travail qu’elle implique. C’est du reste la reconnaissance du rôle accru de l’élu local qui justifie à mon sens l’instauration d’une compensation nécessaire pour garantir l’égal accès de tous au mandat électif.
Cependant, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui ne vise pas à mettre en place un nouveau statut de l’élu local. Envisagé expressément par les lois de décentralisation, un tel statut s’est révélé difficile à mettre en œuvre, compte tenu de l’hétérogénéité qui caractérise la communauté des élus, mais aussi du coût qu’une telle réforme entraînerait. Un tel coût semble en effet, aujourd'hui, incompatible avec les restrictions budgétaires que la conjoncture mondiale nous impose. Un nouveau statut sera pourtant nécessaire, tôt ou tard.
C’est dans ces conditions et pour l’ensemble de ces raisons que mon excellent collègue Bernard Saugey et moi-même avons formulé des propositions afin de tenter de faciliter l’exercice du mandat local et de le rendre plus attractif.
Il s’agit de donner une nouvelle image des élus dans nos collectivités territoriales, mais aussi de former ces derniers au nombre grandissant de tâches qui leur sont confiées. En effet, les élus sont passés d’une fonction de simple représentation à celle de gestionnaire : ils doivent désormais être attentifs aux préoccupations des citoyens, mettre en place des politiques publiques de premier plan et gérer des budgets chaque année plus importants.
Dès lors, la question se pose : la loi ne devrait-elle pas prévoir les moyens et les outils nécessaires à l’accomplissement de ces tâches importantes ?
La proposition de loi que mon collègue Bernard Saugey et moi-même vous présentons aujourd'hui pourrait permettre de combler ce néant législatif grâce à la fixation d’un « plancher bas » en matière de droit à la formation ; ce faisant, le droit à la formation deviendrait aussi un devoir.
L’objectif recherché est une meilleure mise en place des politiques publiques à l’échelon local, mais aussi un renforcement de l’attractivité de la fonction d’élu. Il faut en effet redorer l’image de cette fonction et mettre en avant le fait que l’élu a des devoirs auxquels il doit se contraindre.
C’est bien dans cette optique que nous souhaitons encadrer plus strictement le favoritisme, qui, outre le fait qu’il est de nature à ternir l’image de l’élu, met en cause la sécurité juridique des élus de bonne foi.
Cette proposition de loi vise également à rappeler que les élus locaux sont bien les acteurs fondamentaux de notre contrat social et à tenter de contrer le désenchantement à l’égard de la fonction élective que l’on constate depuis quelques années dans notre pays.
En somme, il s’agit, grâce à des propositions concrètes, de rappeler à tous les citoyens que l’élu a non seulement un certain nombre de droits, mais aussi des devoirs, une tâche à accomplir, et ce au nom de l’intérêt général.
Je ne reviendrai pas en détail sur les différents articles de ce texte, mais je tiens à préciser qu’il tend vers une plus grande information, une meilleure protection et une formation plus importante des élus locaux. J’insisterai particulièrement sur ce dernier point, qui est selon moi majeur.
Faciliter l’exercice du mandat local passe à l’évidence par le développement et l’amélioration de la formation des élus, notamment dans les petites et moyennes communes. Il faut inciter les élus locaux à se former et faciliter notamment l’accès à la formation des élus des communes les plus pauvres, afin qu’il n’y ait pas de rupture d’égalité. La formation de tous les élus, quelle que soit la collectivité à laquelle ils appartiennent – conseil municipal, conseil communautaire, conseil général, conseil régional – et qu’ils soient de la majorité ou minoritaires, doit aujourd'hui être considérée comme un impératif.
Aujourd'hui déjà, les frais afférents à cette formation représentent une dépense obligatoire pour les collectivités locales, à condition que l’organisme dispensateur de la formation soit agréé par le ministère de l’intérieur.
Cependant, le Conseil national de la formation des élus locaux a mis en évidence dans ses rapports annuels, depuis déjà une dizaine d’années, la faible mobilisation de crédits de formation pour les élus locaux.
J’attire votre attention, monsieur le ministre, sur la situation des petites communes, qui ont dans ce domaine des capacités de financement trop modestes. Il me semble indispensable, face à l’insuffisante mobilisation des crédits de formation, de faire de ces dépenses des dépenses obligatoires, susceptibles d’être inscrites d’office.
Notre proposition de loi vise donc à renforcer les crédits dédiés à la formation des élus locaux de façon à établir un socle de budget de formation plus solide, par l’instauration d’un plancher de dépenses de formation, fixé par rapport au montant total des indemnités que perçoivent les élus des collectivités.
Je regrette que nous ne soyons pas allés plus loin concernant la mutualisation des budgets de formation, mutualisation qui a d’ailleurs été introduite par la loi du 13 février 2002. Une mutualisation dans ce domaine permettrait, d’une part, aux élus des communes les plus pauvres d’accéder à une formation – il n’y aurait ainsi pas de rupture d’égalité – et, d’autre part, à des élus ayant de forts besoins en formation d’avoir recours aux crédits non utilisés par leurs collègues.
Certaines communes jugent qu’elles sont trop pauvres pour former leurs élus. Parallèlement, de grandes collectivités territoriales votent des budgets de formation qu’elles ne dépensent pas en totalité, voire pas du tout.
Je rappelle – mais chacun le sait ici – que plus une collectivité est petite, plus la tâche des élus est difficile, faute de moyens techniques et humains. C’est la raison pour laquelle instaurer une mutualisation entre collectivités des crédits de formation non dépensés a du sens. Il faudra, monsieur le ministre, mes chers collègues, revenir sur ce point.
On pourrait imaginer un système de mutualisation des budgets de formation non dépensés dont le fonctionnement serait proche de celui qui est en vigueur en matière de formation professionnelle continue, grâce à la création d’un fonds qui serait géré à l’échelon départemental ou régional par un organisme regroupant des élus des communes, des départements et des régions. J’aimerais, monsieur le ministre, que cette position soit prise en compte dans le futur projet de loi n° 61.
Par ailleurs, j’attire votre attention sur l’importance de l’annualisation des budgets de formation des élus. On constate en effet que certaines collectivités territoriales comptabilisent le droit à la formation sur l’ensemble du mandat au lieu de l’annualiser.
Si les collectivités territoriales ont l’obligation de délibérer en début de mandature pour fixer les orientations en matière de formation de leurs élus et, chaque année, pour déterminer l’utilisation des crédits de formation, le principe de l’annualisation n’est pas réellement affirmé.
Cela permettrait pourtant d’éviter que certains élus ne dépensent lors de la première année de leur mandat, sans le savoir, la totalité du crédit de formation qui leur est imparti pour l’ensemble du mandat.
En outre, il serait tout à fait justifié que la collectivité informe chaque élu personnellement, en début d’année, du montant de son droit à la formation pour l’année civile.
Ces propositions pourraient donc, à mon sens, faire l’objet d’une prochaine étape.
Le dernier point que je souhaite évoquer est celui de l’importance du libre choix par l’élu de son institut de formation, étant entendu que celui-ci doit être agréé par le ministère de l’intérieur pour la formation des élus locaux.
On observe en effet que, dans un certain nombre de collectivités, l’exécutif ou l’administration impose un institut de formation aux élus, alors que le module de formation ne correspond pas toujours à leur besoin réel. C’est peut-être là l’une des raisons pour lesquelles certains élus renoncent à leur formation.
Il est donc souhaitable que le principe de libre choix par l’élu de son institut de formation soit inscrit dans la loi.
Ces questions sont essentielles si nous voulons ensemble, monsieur le ministre, faire évoluer la fonction de l’élu local.
La proposition de loi que Bernard Saugey et moi-même vous présentons aujourd’hui constitue, à nos yeux, une étape dans le cadre de l’adaptation nécessaire du mandat local. Il sera néanmoins indispensable d’aller encore plus avant lors de l’examen du projet de loi qui parachèvera la grande réforme territoriale : le projet de loi n° 61 dont nous appelons la discussion de nos vœux.
Je voudrais naturellement rendre hommage au travail de la commission des lois et de son éminent rapporteur, Patrice Gélard, dont nous connaissons les grandes compétences en matière de collectivités territoriales et dont les observations pertinentes ne peuvent que rendre plus efficaces les mesures présentées dans cette proposition de loi.
Ce texte pourrait représenter le début d’une réelle réforme de la fonction d’élu et de l’image de celui-ci, qui ne pourra qu’être restaurée par les obligations de formation qui lui seront imposées. Cette réforme pourrait déboucher sur une meilleure mise en place des politiques publiques locales, dont la gestion devient de plus en plus technique.
C’est bien dans ce sens que cette proposition de loi me paraît indispensable.
J’ai bien noté que certaines questions trouveront mieux leur place dans le cadre du projet de loi n° 61 relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale. Cependant, monsieur le ministre, nous aimerions être sûrs que ce texte sera inscrit à l’ordre du jour des travaux du Sénat dans un délai raisonnable. Je remercie donc le Gouvernement de faire son possible en ce sens.
Les lois de décentralisation ont confié aux élus locaux de nouvelles compétences, leur conférant par là même des responsabilités éminentes dans la prise en charge des besoins de leurs administrés. Ils doivent aujourd’hui répondre à la multiplication des missions qui leur sont assignées et aux attentes de plus en plus grandes de la population, notamment en matière d’environnement ou de sécurité. Notre responsabilité – elle concerne en effet particulièrement le Sénat – est de les accompagner sur ce chemin.
Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, je vous remercie de réserver un accueil favorable à cette proposition de loi certes modeste mais qui s’inscrit dans le droit fil de la réforme territoriale. Elle apporte sa contribution à l’amélioration du statut de l’élu local en faveur d’une plus grande vitalité de la démocratie locale, et préfigure surtout des réformes d’envergure à venir. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)