M. Bernard Vera. Avec cet amendement, mes chers collègues, nous proposons une nouvelle rédaction du vingtième alinéa de l’article 34 de la Constitution.
Comme vous le savez, celui-ci prévoit, dans sa forme actuelle, que « les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique ». Autrement dit, l’objectif principal des lois de financement de la sécurité sociale est l’équilibre financier de celle-ci.
Pour notre part, si l’équilibre peut être une situation comptable naturellement préférable à la situation de déséquilibre financier, il ne peut pas être un objectif en soi.
Les lois de financement de la sécurité sociale doivent avoir pour seul objectif la satisfaction des besoins sociaux et médicaux de nos concitoyens. Les lois de financement ne doivent être que les outils techniques d’une politique dont nous souhaitons qu’elle continue à se référer à la Déclaration de 1789 et au préambule de la Constitution de 1946.
Or cela n’est actuellement pas possible du simple fait que la première étape dans la rédaction des lois de financement de la sécurité sociale réside non dans l’évaluation des besoins, mais dans la recherche de l’équilibre. Il faut donc renverser la logique. C’est ce que nous proposons au travers de cet amendement puisque nous souhaitons que les lois de financement de la sécurité sociale commencent par définir ces finalités au regard des besoins de nos concitoyens et de nos ambitions collectives pour définir ensuite les financements qui sont nécessaires à la réalisation de ces objectifs.
Les besoins en santé ou en accompagnement social ne peuvent plus être des variables d’ajustement. Ce qui doit évoluer, ce n’est pas la forme ou l’importance de la solidarité, c’est la forme et l’importance de son financement.
M. Jean Desessard. Bravo !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je trouve drôle de vouloir rappeler dans la Constitution ce qui figure dans le préambule !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parce qu’il n’est pas respecté, vous le savez !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mais, madame la présidente, ce n’est pas parce que vous aurez inscrit ce principe dans l’article 34 de la Constitution qu’il sera mieux respecté ! Cela ne change strictement rien !
De plus, les principes inscrits dans les principes constitutionnels sont bien plus importants. Ils peuvent même dégager des jurisprudences constitutionnelles. Se limiter à l’article 34, cela paraît totalement insuffisant.
Je vais être amené à émettre, sur cet amendement comme sur l’amendement précédent, un avis défavorable. Je comprends très bien que vous souhaitiez rappeler les principes en permanence, mais ce n’est pas pour autant qu’il faut les faire figurer à cet endroit de la Constitution.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je partage tout à fait l’avis de M. le rapporteur et vous invite, monsieur le sénateur, à bien vouloir retirer cet amendement, qui est déjà satisfait par la Constitution. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.)
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Si ! Et il figure aussi dans la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF. C’est un principe général de notre droit. Il est largement satisfait.
Si cet amendement n’était pas retiré, je ne pourrais qu’inviter le Sénat à le rejeter.
M. le président. Monsieur Vera, l'amendement n° 69 est-il maintenu ?
M. Bernard Vera. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 39, présenté par M. Cointat, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
5° Après le dernier alinéa est inséré l’alinéa suivant :
« L’État assure le respect des principes d'accessibilité et d'intelligibilité du droit, de sécurité juridique et de confiance légitime dans la règle de droit. »
La parole est à M. Christian Cointat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il va le retirer !
M. Christian Cointat. Vous le savez, beaucoup de promesses faites par le candidat Nicolas Sarkozy ont déjà été tenues par le Président de la République. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Rappelez-les !
M. Christian Cointat. Mais il lui en reste encore quelques-unes à réaliser. Parmi celles-ci, l’une est très importante : il s’agit de l’inscription dans la Constitution du principe de confiance légitime.
Or je crois que d’ici à la fin du mandat présidentiel, seul le véhicule que nous examinons aujourd’hui peut permettre au Président de la République de remplir cette promesse. Tel est en effet l’objet de cet amendement.
Je vais vous lire deux déclarations du Président de la République.
Première déclaration : « Je défendrai le principe de non-rétroactivité de la loi fiscale. C’est un engagement que je prends devant vous. À plusieurs reprises, d’ailleurs, j’ai déjà indiqué que je souhaitais inscrire dans notre Constitution les principes de sécurité juridique et de confiance légitime. »
Deuxième déclaration : « Nous devons retrouver une certaine rigueur dans l’élaboration des textes législatifs » – nous sommes tous d’accord sur ce point – « avec, en particulier, l’inscription du principe de confiance légitime dans la Constitution. Aussi curieux que cela puisse paraître, » – disait Nicolas Sarkozy – « ce principe oblige tout simplement l’État à respecter sa parole. » Cela serait une bonne chose !
C’est pourquoi je me suis permis de déposer cet amendement qui, je l’espère, mes chers collègues, donnera l’occasion au Président de la République de tenir sa parole.
M. Jean Desessard. Quelle audace !
M. Charles Gautier. Cela frise l’impertinence !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Après ce plaidoyer éloquent, je serais d’autant plus tenté de donner un avis favorable que l’auteur de cet amendement s’inspire des propos du Président de la République ! (Sourires.) Sauf que ce n’est vraiment ni l’endroit ni le moment ! Pourtant, la proposition est tout à fait intéressante.
Les principes d’accessibilité et d’intelligibilité du droit, consacrés par le Conseil constitutionnel, et les autres principes évoqués, celui de sécurité juridique, reconnu par le Conseil d’État, et de confiance légitime, consacré par la Cour de justice de l’Union européenne – Vous le voyez, des concepts qui sont bien nationaux sont de plus en plus européens, voire anglo-saxons –, doivent-ils être inscrits dans la Constitution ?
Tous les droits et principes protégés ou garantis par notre ordre juridique ne sont pas inscrits dans la Constitution. Ils ont été, pour beaucoup d’entre eux, dégagés par le juge, le juge judiciaire, d’abord, le juge administratif, ensuite, et, depuis un certain nombre d’années, le juge constitutionnel. Rappelez-vous les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, qui ne figurent pas explicitement dans la Constitution.
Je le dis franchement, la démarche que vous proposez relèverait plutôt d’une modification du Préambule. En effet, l’article 34 de la Constitution se contente d’énumérer les matières du domaine législatif : « La loi fixe les règles concernant… ». C’est cela, l’article 34, mon cher collègue !
À l’exclusion de principes particuliers comme l’égalité entre les hommes et les femmes et la reconnaissance d’un certain nombre de droits, la Constitution n’affirme pas les principes. Ceux-ci figurent généralement dans les préambules des lois fondamentales.
Les principes évoqués nous semblent suffisamment garantis. En tout état de cause, si votre amendement venait à être voté, il y aurait un hiatus entre le début l’article 34 selon lequel « La loi fixe les règles concernant… » et le dernier alinéa aux termes duquel « l’État assure le respect des principes d’accessibilité et d’intelligibilité du droit, de sécurité et de confiance légitime dans la règle de droit. » En fait, l’article 34, jusqu’à présent, détermine les domaines respectifs de la loi et du règlement.
On l’a un petit peu « arrangé » avec la règle d’or d’aujourd’hui. J’aurais d’ailleurs préféré que la règle d’or figurât plutôt dans des articles autonomes pour bien clarifier les problèmes d’ordre financier et budgétaire. Mais j’ai compris ce qu’on m’a dit, à savoir que la loi était parfaite en arrivant au Sénat et qu’il ne fallait surtout pas y apporter trop d’améliorations ! Je me suis contenté de proposer celles qui me paraissaient indispensables pour préserver l'initiative du Parlement. (M. Hervé Maurey applaudit.)
Au regard de ces explications, je souhaite que notre collègue Christian Cointat attende que le Président de la République, qui, je l'espère, va disposer de beaucoup de temps encore (Sourires.), puisse convoquer le Parlement en congrès à Versailles pour faire adopter une réforme constitutionnelle consensuelle.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah oui !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Michel Mercier, garde des sceaux. C’est toujours avec plaisir que je m'adresse à vous, monsieur Cointat. Dans votre intervention, j’ai relevé certains éléments importants. Le Président de la République propose et, à ce titre, il faut tenter de lui donner satisfaction. (M. Martial Bourquin s’exclame.) Je rappelle que le présent projet de loi constitutionnelle est présenté au nom du Président de la République, par le Premier ministre et, subsidiairement, par le garde des sceaux. Pourriez-vous avoir le même raisonnement pour l'ensemble des dispositions que le Gouvernement vous soumet ?
M. Pierre-Yves Collombat. Cela n'a rien à voir !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Monsieur Collombat, laissez-moi terminer, je vous prie : vous aurez sûrement l'occasion de parler à bon escient quand votre tour viendra.
M. Bernard Frimat. Il parle toujours à bon escient !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Pour autant, il peut me laisser poursuivre. Je viens juste d'arriver qu'il m'interrompt déjà !
Ce dont vous nous parlez, monsieur Cointat, le Conseil constitutionnel, dans sa jurisprudence comme dans sa sagesse, l’a qualifié d'objectifs, et non pas de règles.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Eh oui !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. Il les rattache au bloc de constitutionnalité, dans lequel il inclut la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Il faut faire confiance à cette instance. Je suis d’ailleurs sûr que c'est votre cas.
M. Christian Cointat. Absolument !
M. Michel Mercier, garde des sceaux. C'est la raison pour laquelle vous accepterez certainement de retirer votre amendement.
M. le président. Monsieur Cointat, l'amendement n° 39 est-il maintenu ?
M. Christian Cointat. Monsieur le garde des sceaux, j'observe que vous me demandez souvent de retirer mes amendements. (Sourires sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est dramatique ! Vous n'arrêtez pas ! Pourquoi participez-vous à cela ?
M. Christian Cointat. Je souhaite faire un bref rappel. La fameuse règle d'or dont nous débattons n'est absolument pas nécessaire. Pour ma part, je n'ai guère besoin d’une telle règle d’or pour savoir que je ne dois pas dépenser plus que ce que je gagne. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Et, puisque je me trouve aux côtés de notre excellent collègue Jean-Pierre Fourcade, je tiens à souligner que, lui non plus, quand il était ministre des finances, n'avait pas besoin d’une règle d'or pour produire un budget en équilibre.
Monsieur le garde des sceaux, puisque vous reconnaissez, en tant que cosignataire de ce texte, qu'il est nécessaire et utile d’inscrire dans la Constitution une règle de vertu à l'égard des finances, je demande, moi, qu’il y soit porté aussi une règle de vertu à l'égard des citoyens : quand l'État dit, l'État fait ; quand l'État s'engage, l'État respecte. Malheureusement, l'expérience montre que ce n'est pas toujours le cas (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.), ce qui nous met souvent en porte-à-faux vis-à-vis de nos partenaires de l'Union européenne et nous expose à leurs critiques.
C'est la raison pour laquelle j’ai tenu à rappeler dans cet hémicycle les déclarations du Président de la République que j’avais beaucoup appréciées. J’espère qu’il demandera au Gouvernement de présenter au Parlement, le moment venu, cette modification constitutionnelle. Toutefois, dans la mesure où une telle décision relève effectivement du chef de l’État et comme je n’ai pas l’intention de marcher sur ses plates-bandes, je retire bien volontiers cet amendement, monsieur le président.
M. Bernard Frimat. On l’a échappé belle ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 39 est retiré.
La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'article.
M. Bernard Frimat. Je salue votre arrivée dans cet hémicycle, monsieur Michel Mercier. Nous avons été un peu surpris, et c’est pourquoi mon ami Pierre-Yves Collombat vous a interrompu. En effet, les ministres se suivent, mais ne se ressemblent pas. M. Baroin ne parle pas à l'opposition, ne répond jamais à ses argumentations : il est atteint d’hémiplégie intellectuelle sur ce plan. Je souhaite qu'il guérisse rapidement, parce que ce n'est pas une façon courtoise de se conduire. Même s’il juge nos propos stupides – mais la réciproque peut être vraie –, cela ne doit pas l'empêcher de tenter de nous répondre et de donner un peu de qualité à ce débat, au lieu de jouer les adolescents attardés mutiques. (Mme Éliane Assassi rit.)
Au-delà de ces quelques mots d'amitié (Sourires sur les travées du groupe socialiste.), je souhaite exposer notre position sur l'article 1er et expliquer pourquoi nous voterons contre.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On l’a compris !
M. Bernard Frimat. Nous avons assisté tout à l'heure à une assez longue discussion interne à la majorité et, je l’ai dit, nous avons apprécié qu’elle se déroulât dans cet hémicycle et non à huis clos, comme c’est le cas habituellement ; nous avons apprécié d’assister au film en direct. Pour une fois, la majorité s'exprime dans un débat en séance publique : c'est un progrès qu’il faut saluer ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Vous l’avez sans doute remarqué, les groupes de gauche n'ont pas participé aux votes qui vous permettaient de réaliser vos petits agencements, au travers du sous-amendement Emorine. Pour notre part, nous vous avions dit que notre position était claire, puisque nous demandions la suppression de cet article (M. Martial Bourquin opine.), et que nous ne voyions pas l'intérêt de procéder à de tels ravaudages qui vous permettront de faire croire à des esprits simples que vous êtes les vaillants défenseurs du monopole, alors qu'en réalité il n'en est rien. Vous avez cédé, fait preuve d’une opposition de façade et nous verrons bien d’ailleurs quel sort l'Assemblée nationale réservera à tout cela.
Sur cette question, notre position est très claire et très simple. Nous pensons que les lois-cadres dont vous vous êtes abondamment réjouis ne sont pas une solution au problème et que ces admirables discours de vertu – on est toujours émerveillé devant la vertu ! – ne sauraient seuls suffire : il faut comparer les intentions aux actes. Or vos actes contredisent vos dires. Ainsi, les textes que vous nous présenterez dans les semaines à venir sont contraires aux principes que vous énoncez aujourd'hui et qui sont supposés guider de manière merveilleuse votre attitude pour enfin lutter contre les déficits. Évidemment, le Gouvernement et votre majorité sont étrangers à ces déficits depuis 2002. Ils les ont vus s'abattre telle la huitième plaie d'Égypte, mais, là, il ne s'agissait pas de sauterelles.
Nous ne croyons pas à ces résolutions de carton, ou de papier selon l'épaisseur que vous voulez leur donner.
Concernant le monopole, je le répète : si la rédaction à laquelle vous êtes parvenus semble constituer un progrès par rapport à la rédaction initiale, elle ne remet pas en cause in fine le monopole que le Gouvernement souhaite installer.
Pour toutes ces raisons et afin que ne subsiste aucune ambiguïté, malgré la gymnastique confuse qui vous a conduit à ce texte, nous voterons contre l'article 1er.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. J'ai rappelé hier en quoi une crise majeure, qu’elle soit écologique, financière, économique ou sociale, pourrait justifier des investissements massifs. Si une telle décision s’imposait, nous serions coincés d’un point de vue constitutionnel et serions confrontés à cette seule alternative : ne rien faire ou faire sans la Constitution, ce qui serait dramatique. Voilà pourquoi je voterai contre cet article.
Malgré les discussions qui ont eu lieu, je suis un peu déçu par les arguments de la majorité.
Je comprends la position des centristes. Ils considèrent, avec François Bayrou, que, depuis près de cinq ans, le Gouvernement fait un peu n'importe quoi, qu’il est irresponsable – ils ne qualifient pas ainsi le Président de la République –, qu’il dépense trop. Par conséquent, ils veulent un garde-fou et demandent que des mesures contraignantes soient inscrites dans la Constitution. Je ne partage pas ce point de vue, mais il n’est pas dépourvu de logique ou de cohérence.
En revanche, je ne comprends pas la position de l’UMP. Mes chers collègues, alors que, depuis quatre ans, vous votez des déficits,...
Mme Nicole Bricq. Pas seulement depuis quatre ans ! (M. Jean Desessard opine.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. On vote les déficits depuis vingt-cinq ans !
M. Jean Desessard. ... qu'est-ce qui vous pousse aujourd'hui à adopter ce texte ?
Mme Nicole Bricq. Les élections !
M. Jean Desessard. Vous pourriez très bien, à l'instar de M. Cointat, déclarer qu’il suffit de faire une addition, une soustraction, pour constater que l’État dépense trop et décider d'arrêter.
Je n'ai pas entendu de votre part un seul argument valable en faveur de ce projet de loi constitutionnelle. Certes, nous sommes tous contre la dette, contre les déficits : nous l’avons tous dit. Pourtant, vous, contrairement aux centristes, vous avez confiance dans le Président de la République, vous souhaitez sa réélection, par conséquent pourquoi jugez-vous nécessaire d'inscrire cette règle d'or dans la Constitution ? Vous n'avez qu'à décider, au mois de décembre prochain, avec le Président de la République et François Fillon, de remettre les choses en ordre. (M. Christian Cointat s’esclaffe.) Décidément, je ne vous comprends pas !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. M. Frimat a parlé au nom de l'opposition. Pour ma part, je rappelle que nous sommes contre l’article 1er. Je m’en suis déjà longuement expliquée : je ne conçois pas que le Parlement aliène sa liberté et sa légitimité.
On comprend bien que, vous, sénateurs de la majorité, qui êtes en campagne électorale, ayez besoin de quelques cautions, car, pour beaucoup, les élus locaux ne sont pas très contents de la politique que mène le Gouvernement. Par conséquent, il vous faut leur montrer que vous défendez le Parlement. J’ai d’ailleurs remarqué que vous défendiez surtout le Sénat. Or, lorsqu'on défend la souveraineté du peuple, il faut aussi s'intéresser à l'Assemblée nationale, dont les membres sont élus au suffrage universel direct.
On sent bien que vous agissez ainsi en raison des prochaines échéances électorales et que vous vous dites que, l'année prochaine, bientôt, comme vous aurez milité pour la réélection du Président de la République, vous ferez passer tout cela très facilement.
En fait, vous vous parez de vertus, mais vous faites exactement le contraire ! Ainsi, dès la semaine prochaine, vous serez nombreux à voter la diminution de l'impôt de solidarité sur la fortune, privant ainsi l’État de moyens très importants.
M. Jean Desessard. Eh oui ! Exactement !
M. Christian Cointat. On en trouvera ailleurs !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et vous, monsieur Cointat, qui êtes fidèle à vos électeurs et qui voulez un Parlement tout aussi fidèle, je suis sûre que vous voterez également en ce sens, privant par conséquent les finances publiques de sommes d'argent très importantes.
M. Christian Cointat. Cela ne rapporte pratiquement rien et cela fait partir l'argent à l'étranger !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous interviendrez certainement dans ce débat. Peut-être alors ne retirerez-vous pas vos amendements !
Vous prétendrez tenir vos engagements vis-à-vis des électeurs, notamment en termes d'équilibre des finances publiques, mais vous allez aggraver les déficits publics pas plus tard que la semaine prochaine !
La cohérence des sénateurs de la majorité pose tout de même problème, mais vous vous en expliquerez devant vos électeurs.
M. Christian Cointat. C’est à vous que cela pose un problème, pas à nous !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur Arthuis, vous m'avez interpellée. Permettez-moi de vous répondre.
Vous déclarez penser aux générations futures, mais que leur direz-vous ? Que leur dirai-je, moi ? Que vais-je leur laisser, une fois que vous aurez cassé les services publics, l'école publique, l’hôpital, la santé ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Bricq. Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous ne voulez pas leur laisser de dette, mais que leur restera-t-il ?
Ce n'est pas moi qui vote les lois actuellement en vigueur. Or, depuis 2002, tous les textes adoptés vont à l'encontre de l'intérêt de la grande majorité de nos concitoyens. Par conséquent, monsieur Arthuis, ne me faites pas ce reproche et permettez-moi de vous rappeler qu’il existe d'autres moyens de réduire la dette publique, en augmentant les recettes, que vous n'avez cessé de baisser ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. Jean Desessard. Bien sûr !
M. le président. La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.
M. François Fortassin. Nous sommes vraiment dans une situation cocasse !
On fait appel à la vertu en créant une loi-cadre ! Comme si elle allait empêcher les déficits !
Par ailleurs, le fait de laisser croire qu’en muselant le Parlement on va régler le problème de l’équilibre des finances publiques revient à se bercer d’illusions ou à se moquer du monde,…
M. Jean Desessard. Les deux !
M. François Fortassin. … peut-être les deux à la fois.
À l’évidence, le Gouvernement serait plus inspiré de dire la vérité aux Français. En présence de déficits très importants et d’une dette abyssale, il faut, bien entendu, réduire les dépenses. Mais qu’a fait essentiellement le Gouvernement au cours de ces dernières années ? Il s’est privé de recettes qui auraient pu atténuer cette dette,…
M. Jean Desessard. Voilà !
M. Charles Gautier. Il faut rembourser !
M. François Fortassin. … comme le président Arthuis l’a signalé. Voilà le cœur du problème. Tout le reste n’est qu’artifice pour faire « passer la pilule » auprès de gens peu avertis. Il est parfaitement illusoire et mensonger de prédire un retour rapide à l’équilibre des finances publiques lorsqu’on a une dette comme la nôtre.
Mme Nicole Bricq. C’est effectivement mensonger !
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 244 :
Nombre de votants | 336 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l’adoption | 176 |
Contre | 152 |
Le Sénat a adopté.
Article 2
La deuxième phrase du deuxième alinéa de l’article 39 de la Constitution est ainsi rédigée :
« Les projets de loi-cadre d’équilibre des finances publiques, les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale sont soumis en premier lieu à l’Assemblée nationale. »
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 14 rectifié est présenté par MM. Frimat, Collombat et Yung, Mme Bricq, MM. Daudigny, Marc, Frécon, Desessard, Bérit-Débat, Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 63 est présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Foucaud, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l’amendement n° 14 rectifié.
M. Bernard Frimat. Cet amendement est en cohérence avec notre refus de la loi-cadre. À partir du moment où celle-ci existe, cet amendement tombe. Nous ne demandons pas l’abandon de la priorité d’examen à l’Assemblée nationale, telle qu’elle est prévue par la Constitution.
M. le président. Madame Assassi, je pense que vous partagez le même raisonnement…
Mme Éliane Assassi. Oui, monsieur le président.
M. le président. Les amendements nos 14 rectifié et 63 n’ont plus d’objet.
L'amendement n° 70 rectifié, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat, MM. Foucaud, Fischer et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots :
, après avis des organisations représentatives des salariés et des employeurs
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L’article 39 de la Constitution prévoit que les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale sont soumis en premier lieu à l’Assemblée nationale, comme le seront les projets de loi-cadre d’équilibre budgétaire.
Bien évidemment, nous n’entendons pas revenir sur ce principe, mais nous considérons que les partenaires sociaux doivent être associés à l’élaboration de ces lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale.
Je vous rappelle que l’article 1er de la loi du 31 janvier 2007 de modernisation du dialogue social prévoit expressément que « tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l’emploi et la formation professionnelle, et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle fait l’objet d’une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel ».
Certes, cette loi de 2007 est loin d’être parfaite. Nous regrettons par exemple qu’elle n’ait pas donné lieu à une négociation sur le partage des richesses produites dans les entreprises ou qu’elle ait totalement exclu la question de la représentation collective des salariés des très petites entreprises, à qui vous avez d’ailleurs réservé un bien mauvais sort.
Nous regrettons également que le Gouvernement ait pris l’habitude de contourner cette obligation, en favorisant le dépôt par les groupes majoritaires de propositions de loi, en lieu et place d’un projet qui entraînerait obligatoirement cette consultation.
Le dispositif est donc perfectible. Le président Larcher a d’ailleurs souhaité contribuer, à sa manière, à son amélioration en proposant l’élaboration d’un protocole de concertation préalable des partenaires sociaux en cas de proposition de loi à caractère social. Afin de « faire sortir le dialogue social de l’adolescence », il assigne un double objectif à ce protocole : il s’agit de concilier la concertation sociale avec l’indépendance et l’efficacité du législateur, tout en respectant le droit d’initiative et d’amendement des parlementaires.
Notre amendement s’inscrit pleinement dans cette démarche, puisque nous proposons que les projets de loi de financement de la sécurité sociale comme les projets de loi-cadre d’équilibre des finances publiques et les projets de loi de finances soient obligatoirement précédés d’une phase de dialogue avec celles et ceux qui représentent les intérêts tant des salariés que des employeurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet amendement tend à soumettre les projets de loi-cadre d’équilibre des finances publiques à l’avis des organisations syndicales et patronales.
De telles consultations sont organisées pour les textes qui le nécessitent.
Par ailleurs, l’article 10 du projet de loi constitutionnelle prévoit que le Gouvernement pourra consulter le Conseil économique, social et environnemental sur les projets de loi-cadre. Les partenaires sociaux seraient alors en mesure d’exprimer leur position.
Aussi, l’avis est défavorable.
La généralisation de la consultation des partenaires sociaux à toutes les lois relatives aux finances publiques nous ferait entrer dans un autre système politique.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?