M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l’articulation de la vie professionnelle avec la vie familiale est un véritable enjeu pour les femmes d’aujourd’hui, qui, pour la plupart, souhaitent concilier les deux dans les meilleures conditions possible.
Il est donc de notre responsabilité de prendre toute la mesure de la problématique du cadre juridique du congé de maternité, pour y apporter des solutions appropriées. Or la présente proposition de loi ne le permet pas, et je le regrette. Elle a néanmoins le mérite de soulever des questions importantes pour les femmes et de rappeler que nous devons sans cesse avoir pour objectif d’assurer une meilleure protection des femmes dans notre société.
La principale objection du groupe UMP à ce texte a trait à l’allongement de quatre semaines de la durée du congé de maternité. Bien que séduisant, le dispositif s’avère peu pertinent, voire contreproductif, car il risque de se retourner contre les femmes concernées, en fragilisant leur situation dans les entreprises.
En effet, la mesure proposée est susceptible de représenter des contraintes importantes pour l’employeur. Par ailleurs, elle pourrait constituer, en amont, un frein à l’embauche, un élément d’une discrimination constamment dénoncée, mais difficilement maîtrisable dans les faits, d’autant que le maintien du salaire pendant cette période constituerait une contrainte supplémentaire, que toutes les entreprises ne pourraient pas supporter.
Actuellement, nous le savons, les emplois à temps partiel concernent majoritairement les femmes, qui en outre accèdent moins facilement que les hommes aux postes importants –rappelons qu’un cadre sur quatre est une femme – tandis que des différences injustifiées de salaires persistent. Quant au chômage, il frappe davantage les femmes que les hommes. Faut-il en rajouter ?
Les difficultés sont réelles, et le constat de la nécessité de mieux protéger la femme est partagé, mais les solutions que nous préconisons sont différentes des vôtres.
Tout d’abord, il convient de s’interroger sur ce que souhaitent les femmes dans ce domaine. Elles seraient nombreuses à préférer un congé plus court, mais mieux rémunéré, avec des possibilités de garde élargies. C’est en tout cas ce que déclarent 70 % des familles, selon une enquête du CREDOC, le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie.
Nous devons aussi nous pencher sur les dispositifs existants, comme le congé parental d’éducation, qui ouvre à tout salarié, à la suite d’une naissance ou d’une adoption, la possibilité d’interrompre ou de réduire son activité professionnelle pour élever cet enfant, ou le congé de paternité, qui permet au père de bénéficier, à sa demande, d’un congé indemnisé d’une durée de onze à dix-huit jours calendaires.
Par ailleurs, il convient de saluer une mesure gouvernementale récente en faveur des femmes non salariées, ayant pour objet d’étendre le congé de maternité aux femmes relevant du régime social des indépendants, le RSI, et du régime agricole, ainsi qu’aux conjointes collaboratrices des assurés relevant du RSI.
En outre, il faut souligner l’efficacité de la politique familiale menée actuellement par le Gouvernement, notamment pour ce qui concerne la petite enfance. Avec 826 000 naissances en 2010, la France bénéficie d’un fort dynamisme démographique, dont le Gouvernement a mesuré l’importance. Ce sont près de 90 milliards d’euros qui sont consacrés à la politique familiale, soit deux fois plus que la moyenne des autres pays européens.
Le Gouvernement s’est déjà engagé à créer 200 000 places de garde supplémentaires d’ici à 2012. Cette démarche doit être retenue et amplifiée. La priorité absolue doit donc être la même que celle qui est exprimée par les mères de famille : créer des modes de garde diversifiés. C’est sur ce domaine précis que l’action publique doit se concentrer, avec un souci constant d’efficacité en matière d’aide aux familles.
Enfin, la mise en œuvre des dispositions de la proposition de loi qui nous est soumise entraînerait des dépenses supplémentaires importantes, alors que nos finances sociales connaissent déjà, comme vient de le souligner Mme la ministre, de grandes difficultés.
La progression de la place des femmes dans l’entreprise doit se poursuivre de façon toujours plus soutenue. Les résultats seront là si les entreprises se sentent pleinement associées à la démarche, et non pas contraintes. Dans le cas contraire, les femmes risqueraient d’être une nouvelle fois les victimes. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Roselle Cros.
Mme Roselle Cros. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi aborde un sujet qui nous concerne tous, particulièrement les femmes. Dans cet hémicycle, nul ne saurait remettre en cause la nécessité d’adapter le congé de maternité aux évolutions du milieu du travail, qu’il s’agisse de l’accroissement du taux d’activité des femmes ou de l’allongement généralisé des temps de transport, notamment dans la région d’Île-de-France, comme en témoigne la résolution de la Haute Assemblée du 15 juin 2009 portant sur ce thème ou la position exprimée par la France dans le cadre de la révision de la directive de 1992.
Sur l’initiative des institutions européennes, voulant non seulement garantir un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée, mais aussi mieux protéger les travailleuses enceintes, la Commission européenne a proposé une directive tendant à allonger et à encadrer la durée du congé de maternité, à améliorer l’indemnisation de celui-ci et à renforcer la protection juridique des femmes enceintes. La directive prévoit aussi l’assouplissement des rythmes et horaires de travail et le renversement de la charge de la preuve en cas d’infraction de l’employeur.
Si le processus de colégislation européen est avancé, aucun accord définitif n’est encore intervenu et aucune position commune n’a été adoptée sur ce texte.
À l’occasion de l’examen de cette proposition de loi, on me permettra d’observer que l’intervention européenne mérite davantage notre approbation quand elle a un objectif social de protection, surtout lorsqu’elle tend vers une harmonisation par le haut, que quand elle consiste à édicter des normes techniques contraignantes dont le citoyen ne comprend pas souvent l’intérêt…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Très bien !
M. Ronan Kerdraon. Tout à fait !
Mme Roselle Cros. La présente proposition de loi, dont nous ne pouvons qu’approuver les objectifs, s’inscrit dans ce contexte européen et dans le cadre d’une politique familiale et de santé. Bien qu’aucune corrélation ne soit établie entre la générosité du dispositif d’un pays donné et le dynamisme de sa natalité, le congé de maternité est un outil de la politique démographique de la France, à l’instar du développement des modes de garde pour la petite enfance.
Si les intentions qui sous-tendent ce texte sont louables et méritent donc d’être débattues, nous ne jugeons pas, en revanche, que toutes les mesures proposées soient des plus pertinentes.
L’article 1er vise à porter de seize à vingt semaines la durée du congé de maternité, soit un allongement de quatre semaines. Comme le montre très bien le rapport, la France ne figure pas, il est vrai, au nombre des pays les plus généreux de l’Union européenne en la matière.
M. Ronan Kerdraon. Eh non !
Mme Roselle Cros. Cependant, un passage brutal de seize à vingt semaines poserait nombre de problèmes pratiques et financiers.
En effet, s’il convient de permettre à la mère d’accueillir son nouveau-né dans les meilleures conditions, il ne faut pas pour autant perdre de vue l’impératif de sa réinsertion professionnelle et de son retour à l’emploi après une longue coupure.
Une logique de protection qui ne laisse aucune souplesse aux femmes, notamment pour répartir leurs congés avant et après l’accouchement, ne tient pas suffisamment compte de la réalité du milieu professionnel, ni des contraintes du monde du travail. C’est particulièrement vrai pour les femmes qui occupent des postes à responsabilités, qui exercent une activité indépendante…
M. Ronan Kerdraon. Et les autres ?
Mme Roselle Cros. … ou, tout simplement, qui choisissent de consacrer tous leurs congés à leur nouveau-né.
On observe aussi que beaucoup de femmes, et pas seulement des cadres, veulent maintenir un lien avec leur travail et leurs collègues durant leur congé de maternité, pour ne pas perdre le fil et préparer leur retour.
C'est la raison pour laquelle nous serions favorables à un allongement du congé de maternité de deux semaines seulement, pour le faire passer de seize à dix-huit semaines, ce qui serait, du reste, conforme à la position exprimée par la France à l’échelon européen.
M. Ronan Kerdraon. Chiche !
Mme Roselle Cros. En tout état de cause, cette disposition ne saurait faire, à elle seule, une loi, et il serait évidemment très prématuré de se prononcer maintenant sur tous les autres aspects du texte, alors que le Conseil n’est pas parvenu à définir une position commune. Au titre de la transposition de la directive européenne dans notre droit interne, nous pourrions nous trouver contraints de revenir sur un texte que nous viendrions tout juste d’adopter.
À l’article 2, est prévu le maintien intégral du salaire pendant le congé de maternité, en remplacement du système actuel. Aujourd’hui, le congé de maternité n’est indemnisé, dans la limite du plafond de la sécurité sociale, qu’à hauteur du salaire journalier brut, diminué de la part salariale des cotisations sociales et de la contribution sociale généralisée.
Il s’agit d’une mesure dont le financement n’est pas assuré et dont le coût serait de 1 milliard d’euros pour l’assurance maladie si la durée du congé de maternité était portée à dix-huit semaines. Est-il opportun d’accroître les déficits en ces temps difficiles pour nos finances publiques ?
Nous souscrivons donc pleinement à la position de sagesse défendue par le Gouvernement à l’échelon européen, selon laquelle une indemnisation à hauteur de 100 % du salaire est envisageable, mais dans la limite d’un plafond défini par chaque État membre.
L’article 5 vise à étendre aux femmes qui exercent une activité non salariée les droits accordés aux femmes salariées en matière de congé de maternité. L’intention est certes généreuse, mais peu réaliste !
Prenons un exemple que je connais bien, celui des femmes exploitantes agricoles.
Tout le monde connaît les difficultés rencontrées par les agriculteurs qui veulent se faire remplacer pour prendre simplement une ou deux semaines de congés annuels : comment imaginer un remplacement de dix-huit semaines ?
Le problème est toujours le même : en créant des droits de façon très générale, sans tenir compte des spécificités des métiers ou des secteurs professionnels, on finit par créer des inégalités.
M. Yvon Collin. Tout à fait !
Mme Roselle Cros. Avant de légiférer, une large concertation, s’appuyant sur des négociations collectives par secteur, serait souhaitable.
Enfin, l’article 6 tend à créer un congé d’accueil de l’enfant au bénéfice du conjoint, du concubin ou du partenaire de PACS de la mère. L’objectif, louable, est d’adapter le droit à l’évolution de la société. Toutefois, le dispositif manque de clarté juridique, il ne vise pas les parents adoptants, ce que l’on peut regretter, et son coût n’est pas chiffré.
Pour toutes ces raisons, les membres du groupe de l’Union centriste estiment que ce texte ne peut pas être adopté en l’état aujourd’hui, même s’ils comprennent l’initiative de Mme Campion et de ses collègues, saluent la qualité du travail accompli et reconnaissent l’importance du sujet. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde. (M. Yvon Collin applaudit.)
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre assemblée débat aujourd’hui d’un texte qui pourrait constituer une avancée notable pour les femmes en France. Tirant les conclusions de l’adoption par le Parlement européen, le 20 octobre dernier, d’une proposition de directive, le groupe socialiste suggère, avec cette proposition de loi, de porter la durée du congé de maternité à vingt semaines.
Le législateur européen a instauré un droit plus protecteur, en améliorant l’indemnisation du congé de maternité, ainsi que la protection contre le licenciement de la femme enceinte ou de la jeune mère, en permettant aux femmes qui reprennent leur activité professionnelle un aménagement de leurs rythmes et horaires de travail dans le sens d’un assouplissement ou encore en renversant la charge de la preuve en cas d’infraction de l’employeur.
Un congé de maternité plus long et mieux indemnisé, une protection renforcée des femmes enceintes exerçant une activité salariée ou non salariée, une implication renforcée des pères : telles sont, en quelques mots, les avancées contenues dans cette proposition de loi socialiste. Je félicite notre collègue Claire-Lise Campion d’avoir pris l’initiative de son élaboration.
Cette évolution vers un droit plus protecteur n’est pourtant pas sans soulever des inquiétudes ou des réticences. En effet, tout reste encore à finaliser, que ce soit en matière de lutte contre les discriminations liées à la grossesse sur le marché du travail, de financement de ces mesures ou encore de définition du bénéficiaire du congé de paternité.
Outre l’argument de la santé des femmes enceintes ou celui de l’égalité des chances dans le domaine professionnel face à la maternité, l’élément qui peut nous rassembler est la politique menée en faveur de la natalité.
En effet, l’Union européenne dans son ensemble est confrontée au défi de la démographie et du vieillissement de sa population, et notre pays ne fait pas exception à cet égard.
Les orientations proposées au travers du présent texte vont dans le bon sens à long terme. Cela devrait nous obliger à mettre en place des aménagements, afin que les répercussions de son adoption sur le marché du travail ne soient pas trop lourdes pour les très petites entreprises et n’entraînent pas une précarisation des carrières des femmes.
Les premiers mois qui suivent la naissance sont une période très importante pour la mère et son nouveau-né, comme le démontrent les pédopsychiatres dans leurs publications scientifiques. C’est en effet pendant cette période que la mère et l’enfant tissent des liens, se découvrent et s’attachent l’un à l’autre. Pourtant, ce constat n’est pas encore entré dans les mentalités et n’a pas débouché sur la définition d’une priorité d’ordre sociétal.
M. Yvon Collin. Eh oui !
Mme Françoise Laborde. Une récente enquête de la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés montre d’ailleurs qu’allonger la durée du congé de maternité répond à une attente forte de nombreuses femmes et qu’une majorité de mères prennent un congé de maternité d’une durée supérieure à ce que prévoit la loi. Il s’agit souvent de congés supplémentaires dits « pathologiques », pris après l’accouchement pour permettre aux mères d’allaiter plus longtemps, de se remettre de leur grossesse ou tout simplement de surmonter une dépression post-partum.
Par conséquent, je souscris à la mise en place d’un congé d’accueil de l’enfant d’une durée de quatorze jours. Cela permettrait aux pères, souvent frustrés au début et tenus à l’écart,…
M. Ronan Kerdraon. C’est vrai !
Mme Françoise Laborde. … de tisser des liens avec leur enfant, d’épauler la mère, de s’occuper des autres enfants ou de la maison.
Je voudrais évoquer plus longuement les discriminations à l’égard des femmes salariées.
Certains soulignent que l’allongement du congé de maternité à vingt semaines creuserait davantage les inégalités entre les hommes et les femmes. Malheureusement, ces inégalités existent déjà, et elles persistent !
Dans son dernier rapport, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, fait état de six cent dix-huit réclamations pour discriminations liées à la grossesse au titre de l’année 2010. Si la plupart de ces discriminations se manifestent pendant la grossesse ou lors du retour au travail, certaines se traduisent par l’évincement des femmes par anticipation, dès l’entretien d’embauche, si elles déclarent envisager d’avoir un enfant. Selon une étude réalisée par l’institut CSA, 23 % des femmes sondées déclarent avoir été interrogées, lors d’un entretien d’embauche, sur leur éventuelle volonté de devenir mère un jour.
Madame la ministre, cette proposition de loi met donc en exergue un véritable problème de société : celui du rôle et de la place respectifs des hommes et des femmes, envisagés dans une perspective d’égalité et dans l’intérêt des enfants et des familles.
Tout au long du xxe siècle, les femmes – il faut leur rendre hommage – se sont battues pour mettre un terme aux inégalités et aux discriminations. À force de revendications, de mouvements sociaux et de propositions de loi, à l’instar de celle que nous examinons aujourd’hui, l’égalité entre les hommes et les femmes a progressé.
Toutefois, dans les faits, il subsiste encore beaucoup trop d’inégalités. J’ai dénoncé cette situation à maintes reprises lors des débats que nous avons eus en octobre dernier à l’occasion de la réforme des retraites : les femmes gagnent en moyenne 19 % de moins que les hommes, elles sont surreprésentées dans les emplois à temps partiel, à durée déterminée ou à bas salaire, et elles sont plus touchées par le chômage. Ces déséquilibres s’amplifient encore lorsqu’elles deviennent mères.
Aussi, madame la ministre, la discussion de cette proposition de loi doit-elle être l’occasion d’engager une réflexion plus globale sur la société et ses évolutions. Elle doit ouvrir la voie à une politique familiale plus ambitieuse. Nous devons relever le défi de l’aménagement du temps de travail, afin qu’il soit socialement acceptable pour l’ensemble des femmes qui entendent concilier vie familiale et carrière professionnelle sans que l’une ou l’autre en pâtisse.
Même si le rôle des pères a évolué, les mentalités ne changent que lentement. Encore aujourd’hui, les tâches domestiques et l’éducation des enfants sont l’affaire des femmes, qui doivent mener de front une double journée et sont confrontées à des contraintes telles que les horaires de crèche ou la garde des enfants malades.
M. Ronan Kerdraon. Eh oui !
Mme Françoise Laborde. Je ne reviendrai pas ici sur le manque de structures d’accueil pour les jeunes enfants,…
M. Ronan Kerdraon. Je le ferai !
Mme Françoise Laborde. … les besoins étant évalués à 400 000 places.
Les femmes ne doivent plus être toujours les premières victimes du travail à temps partiel subi, avec les conséquences que cela entraîne pour leur carrière et leur retraite. Dans cet esprit, je ne peux qu’être favorable à l’article 2 de la proposition de loi, qui prévoit que l’entretien professionnel auquel les salariées ont droit à l’issue de leur congé de maternité portera aussi sur l’aménagement de leurs conditions et de leurs horaires de travail.
Oui, le chemin sera semé d’écueils, car le congé de maternité est une question sensible au sein des entreprises ; oui, il nous faudra arbitrer pour trouver les financements nécessaires ; oui, il s’agit bien d’un choix de société.
En favorisant ainsi la maternité, nous espérons pouvoir non seulement relever le défi démographique et celui de la natalité, mais aussi promouvoir l’égalité. Cela a un coût : sommes-nous prêts à l’assumer ?
Pour toutes les raisons que j’ai développées, la majorité des sénateurs du Rassemblement démocratique et social européen votera ce texte avec conviction ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Ronan Kerdraon. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur le vote du Parlement européen, sinon pour souligner qu’il va au-delà de la proposition de la Commission européenne et de la volonté du Gouvernement, madame la ministre, lequel souhaitait en rester à un congé de maternité de dix-huit semaines.
S’il reste encore beaucoup à faire pour tendre vers une harmonisation par le haut des droits sociaux au sein de l’Union européenne, il s’agit, malgré tout, d’un pas important, dont je me réjouis. Une fois n’est pas coutume, la Commission européenne, confortée par le Parlement européen, a proposé une harmonisation non par le haut, certes, mais médiane, puisque la durée du congé de maternité varie de façon importante d’un État membre à l’autre, se situant dans la plupart des cas entre seize et vingt-cinq semaines et atteignant même vingt-huit semaines en Slovaquie. (Mme la ministre s’exclame.) Avec seize semaines de congé de maternité, la France figure donc parmi les pays les moins généreux sur ce plan !
D’ailleurs, pour allonger leur congé postnatal, certaines femmes s’appuient sur la loi du 5 mars 2007, qui leur permet de reporter trois semaines de leur congé prénatal au maximum. Or ce congé répond à des impératifs de santé publique, pour la mère comme pour l’enfant. La commission des affaires sociales du Sénat a d’ailleurs adopté, le 27 mai 2009, une proposition de résolution européenne portant sur ce sujet, devenue une résolution du Sénat le 15 juin suivant ; j’y reviendrai au cours de l’examen de l’article 1er.
La balle est donc dans le camp des gouvernements européens ; la France se doit d’être au rendez-vous, mais le débat de ce matin en commission ne me laisse que peu d’espoir à cet égard, madame la ministre, et m’a même mise très en colère : les femmes ne peuvent pas vouloir le beurre et l’argent du beurre, ai-je entendu dire ! De tels propos sont indignes de notre assemblée ! Il est terrible de devoir constater que, encore de nos jours, des hommes…
M. Ronan Kerdraon. Pas tous !
Mme Annie David. J’ai bien dit « des hommes », mon cher collègue !
… parce qu’ils ne savent pas ce que signifie, pour une femme qui travaille, porter un enfant et le mettre au monde, peuvent penser de la sorte ! De tels propos me mettent en colère, je le répète, de même, madame la ministre, que les arguments qui ont été invoqués par l’un de vos collègues lors du débat à l’Assemblée nationale et que vous avez repris ici : prétexter des contraintes budgétaires en évaluant le coût de la mesure à 1,3 milliard d’euros par an n’est pas recevable ! La santé des femmes et des enfants ne se négocie pas ; le sujet nous impose de prendre nos responsabilités. Je reprendrai à mon compte les mots de mon collègue député Roland Muzeau : « mieux vaut être restaurateur que femme enceinte » ! En effet, alors que le coût de la baisse de la TVA pour le secteur de la restauration a été assumé par l’État, celui de l’allongement du congé de maternité ne pourrait l’être ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat applaudit.) Il s’agit ici d’une question de santé publique, qui vous impose de prendre vos responsabilités, madame la ministre !
D’ailleurs, un rapport récent émanant de la majorité se prononce en faveur d’un allongement du congé de maternité, au motif qu’il induit « un grand nombre d’effets bénéfiques tant il permet aux mamans d’établir un lien privilégié avec leurs enfants dans les premiers mois de la vie qui sont considérés par différents pédiatres comme déterminants pour l’enfant ».
J’ajoute qu’il ne faut pas se contenter de déplorer, comme vous l’avez fait tout à l’heure, madame la ministre, l’existence d’un frein à l’embauche ; il faut combattre cette situation.
Par ailleurs, avec un taux d’activité féminin de près de 80 %, l’accueil de la petite enfance est devenu un enjeu majeur pour la conciliation de la vie familiale et de la vie professionnelle. Ainsi, dans un rapport adressé au Premier ministre, Michèle Tabarot estime que 25 % des parents qui se sont arrêtés de travailler pour garder leur enfant ont choisi cette solution par défaut. Le manque d’autres solutions pour la garde des enfants explique pourquoi, en trente-cinq ans, malgré l’arrivée massive des femmes sur le marché du travail, la part des emplois à temps partiel est passée de 13 % à 37 %. Or les trois quarts des femmes occupant de tels emplois souhaiteraient travailler à temps plein.
À nos yeux, la solution passe non pas par la création de jardins d’éveil ou par la diversification des structures d’accueil, mais par la mise en œuvre d’un véritable service public de la petite enfance, s’accompagnant d’une augmentation du nombre de places offertes : il en manque actuellement, selon les estimations, de 200 000 à 400 000. Le développement des moyens de garde n’est pas antinomique de l’allongement du congé de maternité, au contraire : l’un et l’autre sont nécessaires pour permettre aux femmes de mieux articuler activité professionnelle et vie familiale.
Quant au maintien intégral du salaire, proposé également par la Commission et le Parlement européens, nous sommes pleinement favorables à une telle mesure d’équité. Pour l’heure, le maintien intégral du salaire pendant le congé de maternité n’est nullement obligatoire, sauf si une convention collective ou un accord de branche le prévoit. De ce fait, les droits des femmes varient selon les secteurs d’activité.
En vue de parfaire la protection de la femme enceinte, le cas des femmes contraintes de s’arrêter de travailler bien avant le début du congé pour grossesse pathologique ou de maternité, pour des raisons de santé liées à leur état de grossesse, mérite d’être pris en compte. Cette période d’arrêt de travail étant assimilée à un arrêt pour maladie, elle est source d’inégalité ; j’y reviendrai lors de l’examen de l’article 1er.
Je souhaite également, à la suite de Mme la rapporteur, attirer l’attention sur la discrimination dont sont victimes les femmes affiliées au régime des intermittents du spectacle.
M. Ronan Kerdraon. Tout à fait !
Mme Annie David. En effet, celles-ci se voient fréquemment refuser l’indemnisation de leur congé de maternité par la sécurité sociale, en raison de la discontinuité de leur emploi. Elles sont doublement pénalisées, car, n’ayant pas obtenu l’ouverture de leurs droits à la sécurité sociale, elles se voient également refuser le bénéfice de l’indemnisation au titre du chômage. Cette absence de protection sociale subie par une partie de nos concitoyennes est indigne de notre République. De nombreuses mères victimes de cette situation, regroupées au sein du collectif « Les Matermittentes », ont saisi la HALDE à ce sujet.
Avant de conclure, je souhaite évoquer l’extension proposée du congé de paternité, redéfini en congé d’accueil pour l’enfant, et son allongement à quatorze jours. Cette mesure nous semble aller dans le bon sens, mais il convient de veiller à ne pas porter atteinte à l’autorité parentale.
Enfin, nous souscrivons pleinement à l’article 5 de la proposition de loi, qui tend à créer des droits nouveaux pour les femmes exerçant une activité non salariée.
En définitive, ce texte répond à une nécessité. Quoi que vous en disiez, quoi que vous en pensiez, mes chers collègues, nous devrons aller plus loin encore ! En effet, si la France se classe au deuxième rang européen en matière de fécondité, avec 1,98 enfant par femme en 2009, c’est parce que la plupart de nos concitoyennes peuvent continuer à travailler en étant mères, même si ce n’est qu’à temps partiel. Toutes les mesures les aidant à concilier travail et famille et valorisant leur « double casquette » favorisent à la fois la présence des femmes sur le marché du travail et le maintien d’un taux de natalité élevé. Vous devriez leur faire bon accueil, plutôt que de crier haro sur les droits des femmes !