M. Ronan Kerdraon. C’est vrai !
Mme Éliane Assassi. Le deuxième point que je souhaiterais aborder concerne le sort que notre pays réserve aux enfants issus de l’immigration.
Je passe rapidement, faute de temps, sur les propos scandaleux de Claude Guéant, qui n’hésite pas à les stigmatiser et à les humilier en affirmant qu’ils sont responsables de deux tiers des échecs scolaires…
Mme Gisèle Printz. C’est faux !
M. Ronan Kerdraon. C’est scandaleux !
Mme Éliane Assassi. En plus d’être scandaleuse, cette affirmation est bien évidemment fausse.
Je voudrais en revanche m’arrêter sur les évolutions récentes et continues de la politique migratoire que mène votre gouvernement, madame la secrétaire d’État, qui entraînent d’importantes violations, par notre pays, de la convention internationale des droits de l’enfant ; je pense, par exemple, à la disposition qui garantit le droit des enfants à vivre unis avec leurs deux parents.
En la matière, nous partageons pleinement l’analyse de Mme Versini, selon laquelle « les difficultés des enfants étrangers », qu’ils soient isolés ou en famille, en situation régulière ou irrégulière, « sont d’autant plus d’actualité que le discours politique et la politique d’immigration se durcissent ».
À cet égard, je voudrais rappeler qu’il n’est pas acceptable que des jeunes enfants étrangers soient privés de liberté en raison de la situation administrative de leurs parents. Je vise ceux qui sont retenus en zones d’attente et ceux qui sont dans les centres de rétention administrative.
Ce phénomène connaît une véritable explosion. Alors que 162 enfants étrangers étaient placés en rétention administrative par l’État français en 2004 – c’est déjà beaucoup –, ils étaient 318 en 2009, et, pour cette seule année, 698 mineurs se trouvaient effectivement en zone d’attente, et ce en totale violation de la convention internationale des droits de l’enfant, plus particulièrement de son article 19.
Dernier point, et en conclusion, je voudrais aborder l’aspect éducatif. Comme vous le savez, le taux de scolarisation des enfants âgés de moins de trois ans a considérablement chuté. La Cour des comptes dans son rapport du 10 septembre 2008 sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale constatait déjà une baisse de 27 %. Elle soulignait également que certains départements étaient plus touchés que d’autres. Tel est le cas de la Seine-Saint-Denis où, le 30 juin 2005, 645 enfants âgés de plus de trois ans étaient en crèche, faute de place à l’école maternelle. Et, depuis, la situation n’a cessé de se dégrader.
Pourtant, comme l’indiquait la Cour des comptes, « Cette évolution apparaît peu cohérente au regard de la bonne utilisation de l’argent public : le coût par enfant est moindre s’il est accueilli en maternelle plutôt qu’en EAJE », c'est-à-dire en établissements d’accueil du jeune enfant, « 13 368 euros en 2006 en EAJE, contre 4 570 euros en maternelle, hors périscolaire. »
Le phénomène est également dommageable du point de vue pédagogique, puisque cet accueil permet aux jeunes enfants de se développer dans un cadre collectif qui contribue, par ailleurs, à la lutte contre les inégalités sociales.
Cette politique, qui s’apparente en réalité à un transfert de coûts de l’État vers les familles, n’est d’ailleurs pas sans incidence sur la réussite scolaire des enfants.
À l’image de notre collègue Isabelle Pasquet, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC-SPG dénoncent ce qui s’apparente à une non-politique de l’enfance.
Madame la secrétaire d’État, vos décisions injustes socialement et contre-productives économiquement portent atteinte au développement et aux droits des jeunes enfants, ce que nous ne pouvons accepter. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. René-Pierre Signé. Bravo, bien parlé !
M. le président. La parole est à M. Pierre Martin.
M. Pierre Martin. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je commencerai mon propos en me référant à l’intervention de ma collègue Monique Papon, qui a salué le niveau record atteint par la France pour ce qui est du nombre de naissances. Le taux de fécondité de notre pays lui fait en effet occuper la première place en Europe.
On ne peut que s’en réjouir. Comme vous l’avez dit, ma chère collègue, c’est une chance, mais c’est aussi une responsabilité pour la France, et elle doit l’assumer pour le devenir de ses enfants.
J’en viens à notre débat de ce jour. Mais permettez-moi tout d’abord une question : de quelle petite enfance parlons-nous, mes chers collègues ? S’agit-il des enfants de zéro à trois ans ? De trois ans à six ans ? De deux ans à quatre ans ?
Il faut aussi se poser la question de savoir comment cette notion a été prise en compte à travers le temps. Sans remonter trop loin dans l’Histoire, j’évoquerai la mère au foyer, toute une époque, si j’ose dire. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Il y avait alors un pilier dans la famille, une gestionnaire (Exclamations renouvelées sur les mêmes travées.), un membre de la famille qui jouait un rôle important auprès des enfants, quelquefois uniquement grâce aux qualités de cœur et à l’amour que la mère dispensait à ses enfants.
M. René-Pierre Signé. La mère corrézienne ne s’asseyait pas à table, comme le disait Jacques Chirac !
M. Pierre Martin. Il est important de souligner cette situation, qui existe encore.
M. Ronan Kerdraon. Non, c’est comme Capri, c’est fini !
M. Pierre Martin. À l’époque, les enfants restaient à la maison avant d’entrer à l’école à l’âge où celle-ci était obligatoire. On a vu se mettre en place en campagne la section enfantine, en ville, la maternelle, aux environs de 1850. (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
L’arrêté réglant l’organisation pédagogique des écoles maternelles, de 1882, précisait que le succès était conditionné par « l’ensemble des bonnes influences » auxquelles l’enfant devait y être soumis. Tel était le rôle de la maternelle à l’époque.
Aujourd’hui, l’école maternelle est une chance pour notre pays, et une source d’envie à l’échelon de l’Europe.
Mais la situation évolue et, alors que plus de 45 % des femmes travaillent – on ne peut que s’en réjouir –, se pose le problème de la garde des enfants. Des solutions existent : la crèche, l’école maternelle, puis l’école obligatoire à l’âge de six ans.
M. Ronan Kerdraon. C’est l’école primaire !
M. Pierre Martin. Rappelons que l’école maternelle est gratuite et non obligatoire.
Mme Isabelle Pasquet. Elle peut le devenir !
M. Pierre Martin. On peut toujours imaginer tout ce que l’on veut ! (Sourires.)
Mme Isabelle Pasquet. On espère le meilleur !
M. Ronan Kerdraon. À l’impossible nul n’est tenu !
M. Pierre Martin. Au terme de ce tableau de l’évolution à travers le temps, un constat doit être dressé. Aux environs de 1880, les enfants ont été pris en charge à partir de deux ans révolus, ce qui fut une chance pour eux, je le reconnais. Mais, entre deux ans et six ans, la période peut être bien longue pour les enfants. Comme toutes les personnes que nous avons auditionnées, nous avons nous-mêmes constaté que certains enfants de six ans étaient déjà fatigués.
Mme Françoise Cartron. Et il faut qu’ils tiennent jusqu’à dix-huit ans !
M. Pierre Martin. L’école maternelle suppose une prise en charge particulière : elle n’est pas une structure de scolarisation ; c’est un préapprentissage. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
De plus, les normes imposées en matière d’accueil sont telles que les communes, plus particulièrement en milieu rural, hésitent quelquefois à installer des structures adéquates. Mme Dini l’a d’ailleurs indiqué.
Notre collègue Éric Doligé a été chargé d’une mission sur la simplification des normes pesant sur les collectivités territoriales. Ses travaux feront, je le suppose, apparaître à quel point il est difficile de respecter ces normes. Les règles actuelles ne doivent pas constituer une entrave à l’accueil des enfants, madame la secrétaire d’État.
Peut-être pourrait-on imaginer le dépôt d’une proposition de loi tendant à faire évoluer ce cadre réglementaire. Ainsi, nous aurions déjà réglé un problème. Y seriez-vous favorable ?
M. Pierre Martin. Il est bon de signaler que, tout au long de la scolarisation, est dispensé aux enfants un véritable apprentissage : l’école primaire est un apprentissage pour l’entrée au collège ; le collège est lui-même un apprentissage pour l’entrée au lycée. Il serait judicieux d’imaginer un apprentissage pour l’entrée à l’école maternelle qui, comme l’a justement dit ma collègue, pourrait avoir lieu dans les jardins d’éveil. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. René-Pierre Signé. Non !
Mme Isabelle Pasquet. Tout ça pour ça !
M. Pierre Martin. N’ayant pas la science infuse, je ne sais si cette solution est bonne ou mauvaise, mais nous avons ici en considération l’intérêt de l’enfant et ce qui est le mieux pour lui.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est payant !
M. Pierre Martin. J’ai pris bonne note des arguments financiers avancés dans les différentes interventions. Certes, il faut en tenir compte. Mais, pour les enfants, il faut s’orienter vers le meilleur. (Rires sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Françoise Cartron. Oui !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pourquoi les jardins d’éveil seraient-ils meilleurs que l’école ?
M. Pierre Martin. Si quelqu’un avait la solution, cela se saurait,…
M. René-Pierre Signé. Ce n’est pas vous !
M. Pierre Martin. … et elle serait appliquée depuis longtemps ! Nous pouvons donc imaginer une structure nouvelle.
Relevons que 60 % des mamans ont indiqué,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et que pensent les papas ?
M. Pierre Martin. … lors d’entretiens radiophoniques réalisés par des stations locales, qu’elles n’étaient pas du tout favorables à la scolarisation des enfants dès deux ans, en raison de l’immaturité à cet âge.
M. René-Pierre Signé. Mais ces parents ont été sélectionnés pour ces entretiens !
M. Pierre Martin. Il ne s’agit pas d’une invention de ma part : c’est un constat !
Madame la secrétaire d'État, vos efforts viseront-ils à développer les jardins d’éveil ? Je sais que notre collègue député Michèle Tabarot a mis en place une structure de ce type dans sa commune, à la grande satisfaction des familles. Voyons si cet exemple peut être suivi ailleurs. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) Il convient de juger sur pièces avant de déclarer, par principe, qu’un système ne vaut rien ! Il faut toujours mener une expérimentation, puis en tirer les conclusions. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
De surcroît, et c’est un autre de nos constats, le taux de scolarisation à l’âge de deux ans est de moins en moins élevé, en particulier dans les milieux défavorisés, où elle serait pourtant la plus nécessaire.
Mme Françoise Cartron. Parce qu’il n’y a pas de places !
M. Pierre Martin. Non, les places existent.
Une grande ambition pour la petite enfance et pour les jeunes ? Nous y sommes tout à fait favorables, car il faut prendre en compte le jeune enfant et essayer de lui faire percevoir les valeurs qui, demain, lui permettront de devenir un citoyen heureux.
Un citoyen heureux, mes chers collègues, tel est l’objectif qui doit guider la politique de notre pays.
M. René-Pierre Signé. Vive le bonheur !
M. Pierre Martin. Cela suppose que différents ministères travaillent ensemble. Que le ministère de l’éducation nationale soit concerné, c’est normal. Que le ministère des solidarités et de la cohésion sociale soit concerné, c’est également normal. Mais le ministère du travail l’est tout autant, car l’accueil des jeunes enfants a des retombées économiques, puisqu’il est créateur d’emplois. Encore faut-il, il est vrai, disposer de personnes formées. On ne fait pas n’importe quoi dans le domaine de la petite enfance. Je le regrette, mais les enseignants n’ont pas une formation spécifique pour l’école maternelle.
Mme Françoise Cartron. De formation, ils n’en ont plus du tout !
M. Pierre Martin. Nous souhaitons, pour notre part, qu’une telle formation soit dispensée aux personnes qui s’occuperont de la petite enfance, afin que ce préapprentissage avant l’entrée à l’école maternelle permette aux enfants d’aborder la scolarité avec plaisir et la volonté de réussir, volonté qui apparaît dès le jeune âge.
M. René-Pierre Signé. Vœu pieux !
M. Pierre Martin. Quel beau challenge ! Madame la secrétaire d'État, mettez-vous autour d’une table avec vos collègues des autres ministères pour continuer d’agir dans l’intérêt de nos enfants et faire en sorte que l’on admire demain la France non seulement pour son école maternelle, mais aussi pour les jardins d’éveil qu’elle aura su créer parce qu’ils sont nécessaires. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron.
M. René-Pierre Signé. On va entendre un autre discours !
Mme Françoise Cartron. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, quelle ambition pour la petite enfance dans notre pays ? La question qui nous est posée nous offre l’occasion de débattre plus largement de l’ambition qui doit animer notre pays en matière de construction et d’épanouissement des plus jeunes, avec une double exigence de progrès et de justice.
Depuis des années, les parents, les professionnels et les élus locaux n’ont eu de cesse d’alerter le Gouvernement sur les déficits quantitatif et qualitatif qui rendent toujours plus difficile l’accueil des jeunes enfants.
Aujourd’hui, du point de vue du « stock » des disponibilités, 500 000 places d’accueil font défaut. Cette estimation comprend non seulement les demandes non satisfaites, mais également les besoins, pourtant réels, non exprimés par les familles, en raison de l’absence de structures d’accueil de proximité ou parce que l’un des deux parents est sans emploi.
Ce sont en premier lieu les publics les plus défavorisés qui se trouvent exclus, alors même qu’ils devraient être prioritaires.
M. Ronan Kerdraon. Tout à fait d’accord !
M. René-Pierre Signé. Bien dit !
Mme Françoise Cartron. Nicolas Sarkozy avait annoncé la création de 200 000 places d’ici à 2012. Il s’agissait certes d’un effort, mais cette ambition est très en deçà des besoins avérés. Le compte n’y est pas. Quant aux 8 000 places annoncées dans les jardins d’éveil destinés aux enfants âgés de deux ans à trois ans, à la charge totale des familles et des collectivités, je le rappelle,…
M. Ronan Kerdraon. Eh oui !
Mme Françoise Cartron. … combien, aujourd'hui, sont disponibles réellement ?
Ce manque d’investissement quantitatif s’accompagne d’un recul inquiétant du point de vue qualitatif. À force de chercher à échapper aux règles de fonctionnement public et de diminuer la proportion des professionnels les plus qualifiés, c’est la qualité même de l’encadrement apporté aux enfants que l’on met en cause.
De plus, toutes les études le démontrent, l’accueil dans des structures collectives de qualité améliore sensiblement les capacités cognitives et la socialisation des enfants.
Alors que M. le ministre de l’éducation nationale se prononce sur les dispositifs à mettre en place pour lutter contre le décrochage scolaire, nous souhaitons lui rappeler que les racines de l’échec sont à chercher bien en amont, entre la naissance et l’âge de six ans, c’est-à-dire justement durant la petite enfance.
Or ce manque d’investissement dès le plus jeune âge est tristement préjudiciable pour les enfants, notamment pour ceux qui sont les plus fragiles sur le plan social.
Décidément très concernée par cette problématique, Mme Bruni-Sarkozy elle-même a rappelé, le 17 mai dernier, dans le cadre de sa fondation, qu’une prévention efficace de l’illettrisme n’avait de sens que si elle intervenait dès la petite enfance.
Or nous constatons avec inquiétude, année après année, le démantèlement en règle de l’accueil des enfants de moins de trois ans à l’école maternelle, malgré les qualités incontestables de cette préscolarisation, reconnues par nombre de chercheurs et spécialistes de la petite enfance.
Je reviendrai sur des chiffres cités par mes collègues précédemment : alors que 35 % des enfants de deux à trois ans étaient préscolarisés en 2000, ce pourcentage est tombé à moins de 14 % et, dans des zones sensibles comme la Seine-Saint-Denis, là où les besoins sont les plus criants, il est inférieur à 5 %.
Au travers d’une application aveugle de la révision générale des politiques publiques, la fameuse RGPP, vous abandonnez des milliers et des milliers d’enfants dans le vide éducatif ainsi créé !
Par ailleurs, l’accueil de la petite enfance ne constitue pas seulement un facteur déterminant dans l’égalité des chances et la prévention contre l’échec scolaire, il est également un instrument au service de l’égalité entre les hommes et les femmes.
M. Ronan Kerdraon. Très bien !
Mme Françoise Cartron. En effet, la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle pèse davantage sur les femmes, au premier rang desquelles les moins qualifiées et les familles monoparentales.
L’arrivée des enfants contraint les femmes à interrompre ou à réduire leur activité, ce qui explique en grande partie les écarts de salaires constatés - ceux des femmes stagnent depuis quinze ans - et le fait que le temps partiel soit à presque 82 % féminin. La situation très négative des femmes en matière de taux de retraite est le reflet et la conséquence de ces carrières discontinues.
À cet égard, la réflexion sur la petite enfance est indissociable d’une réforme du congé parental. Il avait été préconisé d’instaurer un nouveau congé, plus court, partagé entre les parents, et mieux rémunéré. Le Haut Conseil de la famille proposait qu’une partie du congé soit obligatoirement prise par le père. Où en sommes-nous, madame la secrétaire d'État ?
La petite enfance n’est pas une étape, elle est la première étape, décisive dans le parcours d’un enfant, mais aussi dans la construction de la vie d’un homme ou d’une femme.
Les actions et les projets qui l’accompagnent constituent non seulement un levier essentiel de cette égalité des chances chère à notre République, mais aussi un facteur primordial pour le grand chantier encore inachevé que représentent l’émancipation des femmes et l’accès à la liberté de construire leur avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, possibilités d’accueil insuffisantes, qualités d’accueil inégales, reproduction précoce des inégalités sociales, impact sur l’insertion professionnelle des femmes, je pense que mes collègues ont été clairs.
Nadine Morano a augmenté le nombre d’enfants à accueillir par les assistantes maternelles et a réduit les personnels qualifiés.
Luc Chatel supprime des postes d’enseignant en maternelle et les places occupées par les enfants âgés de deux ans à trois ans en structures d’accueil ne sont plus disponibles pour les tout-petits.
Le Gouvernement gère la pénurie par la dégradation !
Les « jardins d’éveil » sont dans cette logique, dépourvus de garantie qualitative, générateurs d’inégalités, de coût pour les parents, de charge sans transfert pour les collectivités locales.
C’est bien dans la petite enfance et non dans les classes préparatoires aux grandes écoles que commence l’égalité républicaine.
M. Ronan Kerdraon. Très bien !
Mme Marie-Christine Blandin. C’est à ce moment, par exemple, que nous devons être le plus vigilants sur la santé, par l’alimentation et par l’environnement immédiat.
La prévention précoce doit être prévenante et non sécuritaire. Quant à l’accès aux soins médicaux et psychologiques, il doit être gratuit. Or ces services subissent eux aussi des restrictions.
Nous sommes toujours en attente de normes sur l’air intérieur, alors que subsistent sur le marché des offres de matériaux et de meubles, pour les classes et les crèches, dangereusement émissifs en produits cancérigènes et perturbateurs endocriniens.
Quant aux repas, à cet âge, la variété, l’absence de pesticides ou d’excès de sel, de sucre, de graisses « trans », appellent à des règles plus contraignantes pour l’agro-alimentaire mais plus ouvertes aux confections locales.
Le temps de chaque être en devenir porte les germes de notre avenir commun.
C’est à ce moment que se préparent des rapports sociaux apaisés, égalitaires et respectueux, dont les fondations sont l’égalité entre les sexes, le goût de la diversité, l’envie de capacités narratives.
Les conditions d’une politique ambitieuse sont multiples, mais elles passent par un service public de la petite enfance cohérent, avec une place confiante pour le tissu associatif, dans le cadre de politiques éducatives territorialisées élaborées par des instances décisionnelles mises en place à l’échelle du bassin de vie.
Ce secteur ne peut pas relever du champ de la directive Services, de la concurrence et de la marchandisation.
Au-delà des « places », ce qui est en cause, c’est aussi une question d’approche. Or cela s’acquiert et cela peut même se valider.
Il est nécessaire que la formation des professionnels de la santé et de la petite enfance prenne mieux en compte la dimension du développement somatique et affectif du tout-petit, ainsi que l’importance de l’empathie, de l’émerveillement et de l’épanouissement.
Les parents, acteurs premiers et centraux, doivent être reconnus et soutenus. Ils doivent avoir le droit au choix.
Veiller à la petite enfance, c’est aussi aider à la parentalité, aux lieux passerelles dans l’école, aux formations douces, au temps d’accompagner, de regarder grandir, de partager des moments de bonheur avec ses enfants – et ceux des voisins, et sans doute pas en « travaillant plus pour gagner moins », dans la souffrance !
La disponibilité des parents est, en effet, partie prenante de l’éducation à la maison et de la participation à la mosaïque d’acteurs hors de la maison. Elle est aussi la garantie que la télévision ne devienne pas la nourrice, livrant à la publicité aliénante les petits cerveaux très influençables ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.
M. René-Pierre Signé. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, l’ambition que l’on peut nourrir pour l’enfant ne peut se séparer de son milieu ambiant et de son environnement parental. La croissance de l’enfant passe par différentes phases ou paliers successifs bien connus et qui peuvent être évalués suivant des normes mesurables.
On voit que les écarts entre les enfants issus de milieux différents vont en s’élargissant au fur et à mesure qu’ils avancent en âge et que l’on peut citer et tester les paliers successifs.
À la crise d’opposition des trois ans succède une période de séduction marquée par l’imitation des adultes et la recherche de l’accord affectif. Puis, l’éveil de la conscience réfléchie se poursuit par la prise de conscience de soi comme enfant. Enfin, le besoin de se situer dans le monde ambiant amène l’enfant à s’insérer dans de petits groupes clos ayant leurs règles qui intensifient le lien social.
Cependant, madame la secrétaire d'État, le développement normal ne se fait pas dans le vide ni à partir de rien ; le cadre dans lequel il apparaît comporte l’influence de deux variables majeures : l’hérédité et le milieu. Leur importance respective a fait l’objet de nombreuses études. L’importance de l’hérédité des caractéristiques psychiques dans le destin individuel a été battue en brèche au bénéfice de celle du milieu, qui s’exerce par le biais de l’éducation.
Toute ressemblance de caractère que l’on peut observer entre parents et enfants est attribuée à l’imitation précoce. La transmission héréditaire des caractéristiques individuelles paraît beaucoup plus liée au milieu culturel des parents qu’à des données génétiques. Les études de René Zazzo sur les jumeaux homozygotes – c’est-à-dire nés d’un même ovule et du même spermatozoïde et qui ont un potentiel héréditaire strictement identique – ont démontré que, si ces jumeaux sont élevés dans des milieux socio-économiques différents, leur niveau intellectuel n’est plus identique, la différence étant toujours en faveur du jumeau qui a grandi dans le milieu le plus favorisé.
Le milieu socioculturel agit par ces modèles de comportement, donc par les conditions éducatives. Et son influence est déterminante par le fait même que la relation enfant-milieu structure le moi de l’enfant.
Les inégalités éducatives ne sont pas seulement un problème scolaire, elles revêtent aussi un aspect social. L’origine sociale dicte l’imitation précoce. C’est cette inégalité que l’école doit gommer, et qu’elle gomme partiellement si on lui en donne les moyens. L’ambition que l’on peut avoir pour la petite enfance se situe bien là !
Notre position et notre insistance pour l’ouverture de la maternelle à deux ans et pour l’aide personnalisée efficace n’ont pas d’autres fondements. Foin des jardins d’éveil, qui ne sont que des garderies ! Une intelligence éveillée et stimulée très tôt permet à l’enfant de se développer dans des conditions les meilleures et d’atteindre des niveaux inaccessibles à des élèves qui n’ont pas bénéficié de conditions socio-économiques et culturelles identiques et qui en ont pâti, sans que leur intelligence puisse être mise en cause. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je dois vous avouer qu’au tout début de ce débat consacré à un sujet d’ampleur pour notre société, ma joie profonde d’être présente parmi vous pour ce moment important fut altérée par un sentiment de déception, heureusement passager. (Exclamations sur diverses travées.)
Quand j’ai entendu Mme Pasquet élargir le débat et lui donner un périmètre extrêmement vaste et général, j’ai craint quelques instants que cette dimension nouvelle ne nous fasse oublier l’enjeu de notre échange. Si ma déception n’a été que passagère, c’est parce que les orateurs ont tenu – et ils ont eu raison – à recentrer le débat sur la question que vous avez souhaité inscrire à l’ordre du jour sur l’initiative du groupe CRC-SPG.
Quelle ambition pour la petite enfance ? Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez souhaité vous interroger sur cette ambition tout à fait considérable, ce que je veux naturellement souligner.
Loin de se résumer à une arithmétique de places en crèches à l’aune de laquelle elle est trop souvent réduite ou évaluée, la politique de la petite enfance dans notre pays est porteuse de très nombreux enjeux qui lui donnent une dimension absolument centrale et primordiale dans notre société.
Favoriser la conciliation de la vie professionnelle et de la vie personnelle pour les parents, en particulier pour les femmes, est un vecteur essentiel de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes dans notre pays. C’est à cette fin qu’il faut renforcer et diversifier les modes d’accueil de la petite enfance.
C’est tout l’objet du plan de développement des modes d’accueil de la petite enfance voulu par le Président de la république, le plan « 200 000 places », dont nous sommes fiers des résultats actuels, j’y reviendrai.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il faut également garantir aux enfants un cadre sécure, pour reprendre une thématique chère à Boris Cyrulnik, cadre dans lequel ils peuvent grandir, s’épanouir et devenir des adultes responsables et confiants, base de la société de demain. Cela implique de pouvoir leur apporter, à eux qui sont les plus fragiles, des solutions de protection, quand leur famille souffre. Cela suppose l’organisation, en collaboration étroite avec les conseils généraux, d’un dispositif pérenne, souple et performant de protection de l’enfance.
Enfin, il s’agit d’élaborer une aide, un soutien à la parentalité digne de ce nom qui permette non seulement aux parents d’accueillir l’enfant dans les conditions les meilleures pour sa croissance, son éducation, mais aussi aux familles de se construire grâce à de solides fondamentaux.
Je commencerai par les modes d’accueil de la petite enfance, question qui, je le sais pour l’avoir entendu tout au long de ce débat, mesdames, messieurs les sénateurs, est au cœur de vos préoccupations.
Ce qui nous intéresse aujourd’hui, ce sont les modalités d’accueil de la petite enfance dans l’objectif d’une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, à travers une offre à la fois quantitative – le nombre de places – et qualitative - la diversification intelligente et sensible des modalités d’accueil. Cela concerne également l’intégration des enfants handicapés dans les structures d’accueil ; j’ai bien entendu que c’était l’une de vos préoccupations.
Je brosserai d’abord le tableau de la situation de notre pays.
La situation de la France en matière d’offre d’accueil est enviée et souvent citée en exemple, notamment par nos voisins européens.
Avec 342 000 places en accueil collectif et 415 000 assistants maternels agréés, le taux de couverture des besoins pour les enfants âgés de moins de trois ans approche 48 %. Certes, on peut regretter qu’il ne soit pas supérieur, mais il faut rappeler que ce seuil est largement supérieur à celui qui a été fixé pour 2010 par le Conseil européen de Barcelone, en 2002.
Le Gouvernement entend mettre à la disposition des familles toute la palette de solutions d’accueil et apporter, outre une réponse quantitative, une réponse qualitative associée – crèches collectives, crèches familiales, jardins d’enfants et jardins d’éveil, assistants maternels ou maisons d’assistants maternels, etc. –, afin de permettre aux familles un choix aussi peu contraint que possible et adapté à leur situation spécifique. Ce sont des sujets que Monique Papon ou Françoise Cartron ont évoqués au cours de leurs interventions.
Nous le savons bien, le dynamisme démographique de notre pays, avec une moyenne de 2,01 enfants par femme en 2010 – soit 828 000 naissances en 2010 –, n’est pas étranger à cette politique. Ces résultats positifs vont de pair avec un important investissement réalisé en direction des familles couvrant toute la période de l’enfance. Le récent rapport de l’OCDE le souligne.
Le Gouvernement fait preuve d’une volonté réaffirmée et pérenne d’amélioration continue de l’offre d’accueil – pérenne, car ces politiques se construisent dans la constance et dans la durée -, pour répondre aux besoins des familles et permettre cette conciliation entre vie familiale et vie professionnelle.
Cette volonté s’est concrétisée par le lancement d’un plan ambitieux de développement de l’offre d’accueil de la petite enfance, le plan « 200 000 places », qui est considérable.
Cet objectif semble en voie d’être atteint au regard des résultats obtenus sur les deux premières années du plan, en 2009 et en 2010.
Pour ce qui est de l’accueil collectif, la convention d’objectifs et de gestion 2009-2012 entre l’État et la CNAF prévoit la création de 100 000 places supplémentaires d’accueil collectif, au moyen d’un effort exceptionnel de 1,3 million d'euros supplémentaires d’ici à 2012 pour le Fonds national d’action sociale.
Les premiers chiffres disponibles montrent que cet objectif est accessible.
En 2009, 20 303 places supplémentaires ont été créées, ce qui a permis de dégager 46 000 solutions de garde supplémentaires pour les parents. La CNAF observe en effet qu’une place d’accueil existante permet en moyenne d’accueillir plus de deux enfants par place.
En 2010, environ 20 000 places supplémentaires ont également été créées, ce qui a permis – comme en 2009 – de dégager 46 000 nouvelles solutions de garde supplémentaires.
Au total, la création d’environ 40 303 solutions d’accueil collectif supplémentaires en deux ans, sur 2009-2010, a permis d’apporter aux parents près de 92 000 nouvelles solutions nouvelles de garde supplémentaires.
Nous sommes particulièrement attentifs à ce que les droits ouverts aux familles puissent faire l’objet d’une information extrêmement stricte. Madame Assassi sachez que le Gouvernement veille à ce que les CAF dans leur fonctionnement garantissent aux familles les meilleures conditions d’accès à l’information.