Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Demerliat, auteur de la question n° 1270, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.
M. Jean-Pierre Demerliat. La route nationale 147 Limoges-Poitiers, longue de 120 kilomètres, relie deux villes sœurs, deux départements complémentaires, et constitue une liaison transversale indispensable au développement économique, social et culturel des régions Limousin et Poitou-Charentes.
Or quelle n’a pas été la surprise des élus, des acteurs économiques et des habitants de ces deux régions, qui sont aussi des contribuables et des électeurs, de constater que le projet de mise à 2 X 2 voies de cette route nationale n’était pas inscrit à l’avant-projet du Schéma national des infrastructures de transport, le SNIT.
L’année dernière, pourtant, le Gouvernement avait levé – partiellement, il est vrai – les inquiétudes qui commençaient à voir le jour à ce sujet. Le secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme de l’époque avait en effet répondu à ma collègue députée de la Haute-Vienne, Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont : cet aménagement « fait partie des opérations inscrites à la revue des projets où sont identifiées les principales infrastructures de transports qui méritent de figurer au Schéma national en raison de leur cohérence avec les orientations du Grenelle de l’environnement ».
Monsieur le secrétaire d'État, l’inscription au SNIT de la mise à 2 X 2 voies de la RN 147 entre Limoges et Poitiers se justifie pleinement au regard des enjeux tant de sécurité routière et de congestion que d’équité territoriale et de désenclavement.
Il s’agit, en effet, d’un axe routier extrêmement fréquenté, notamment par les poids lourds. Les accidents y sont très nombreux et, souvent, particulièrement graves.
De plus, une 2 X 2 voies entre Limoges et Poitiers permettrait de mieux désenclaver et d’irriguer les territoires du Limousin et du Poitou-Charentes. En outre, elle améliorerait la liaison de la façade atlantique vers la région rhodanienne, le réseau autoroutier de l’est de la France et le Centre Europe.
Monsieur le secrétaire d'État, vous le voyez, la mise à 2 X 2 voies de la RN 147 répond parfaitement aux trois conditions justifiant l’inscription d’un projet de développement en matière routière au sein du SNIT.
Cette réalisation apparaît d’ailleurs complémentaire du projet de ligne à grande vitesse entre Limoges et Poitiers, qui, lui, figure au sein de ce schéma. À ce propos, ne serait-il pas judicieux, dans un souci de bonne politique et de saine gestion, de jumeler ces deux réalisations ?
Aussi, monsieur le secrétaire d'État, je vous demande instamment de tout mettre en œuvre pour que l’inscription au SNIT de la mise à 2 X 2 voies de cette route ne soit pas différée.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Mariani, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. Monsieur le sénateur, je tiens à vous assurer, ainsi que tous les élus de la Vienne et de la Haute-Vienne mobilisés sur ce sujet, de l’attention que l’État porte à la desserte routière de ce département en général et à l’aménagement de la route nationale 147 en particulier.
Vous souhaitez que l’engagement de l’État en faveur de l’aménagement de ces routes nationales se traduise par une inscription sur les cartes des projets routiers de développement du futur Schéma national des infrastructures de transport, le SNIT.
Cependant, cet aménagement n’entre pas dans la catégorie de ceux qui ont vocation à être portés sur ces documents. En effet, il a été décidé de ne faire figurer sur ces cartes que les seuls projets dont la réalisation est de nature à créer de nouvelles fonctionnalités à grande échelle, notamment s’ils ont une incidence sensible sur l’expression de la mobilité et les reports modaux, et dont la pertinence au regard des orientations du Grenelle de l’environnement doit avoir été préalablement démontrée et discutée avec les parties prenantes de ce processus à l’échelon national.
La nature et la finalité des améliorations à apporter à la RN 147 ne nous ont pas semblé justifier d’inscrire la question de son aménagement dans une telle procédure ; il en va de même, d’ailleurs, pour la plupart des projets d’amélioration du réseau routier national.
Je le répète, les projets qui visent à une adaptation des infrastructures existantes – c’est le cas des aménagements à réaliser sur la RN 147 – pour répondre à des problèmes régionaux de desserte du territoire, de sécurité, de congestion, de nuisances ou encore d’intégration environnementale et qui ne créent pas de nouvelles fonctionnalités n’ont pas vocation à être évoqués explicitement dans le SNIT. Seules les orientations qui doivent les gouverner figureront dans ce document.
Monsieur le sénateur, vous avez participé, me semble-t-il, au débat sur le Schéma national des infrastructures de transport qui a eu lieu dans cet hémicycle voilà environ trois mois. J’ai dit à cette occasion, et je le répète, que le SNIT était un document de programmation concernant les reports modaux : il n’a en aucun cas vocation à intégrer l’ensemble des routes qui doivent être élargies à 2 X 2 voies ou modernisées.
Toutefois, conscient de l’importance de la RN 147 et des inquiétudes que peut faire naître son absence sur les cartes du schéma, je suis disposé à la mentionner dans l’une des fiches de ce document, parmi les quelques infrastructures routières qui ont légitimement vocation à être transformées, à terme, en 2 X 2 voies.
Au-delà de cette mention dans le SNIT, l’aménagement de la RN 147 se poursuivra. Il se fera progressivement dans le cadre des programmes de développement et de modernisation des itinéraires routiers, les PDMI, qui succèdent au volet routier des contrats de plan État-région.
En conclusion, si l’élargissement de la RN 147 n’était pas initialement mentionné dans le SNIT, il figurera, à la suite de votre intervention et de celle d’autres élus, dans l’une des fiches du document. Cet itinéraire n’est donc pas du tout négligé. Je le répète, il n’a pas vocation à figurer dans le SNIT. En revanche, dans le cadre des PDMI, cette route nationale sera bien prise en compte et l’objectif d’un passage à 2 X 2 voies sera maintenu.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Demerliat.
M. Jean-Pierre Demerliat. Monsieur le secrétaire d’État, vous ne me rassurez pas complètement – vous vous en doutez d’ailleurs ! Aussi, j’ajouterai quelques arguments en faveur d’une rapide mise à 2 X 2 voies de la route nationale 147.
Tout d’abord, cette liaison améliorerait l’irrigation de la façade atlantique de la France à partir des régions est et centre. Cet axe de circulation, la fameuse « route centre Europe Atlantique », ou RCEA, naît à l’est de deux voies qui convergent, se prolonge en une route unique, puis s’élargit en delta vers la façade atlantique. Il est important que cette liaison irrigue de manière satisfaisante non seulement Nantes et Bordeaux, mais aussi toutes les villes situées entre ces deux métropoles.
Je sais que le Gouvernement souhaite améliorer la sécurité routière, mais il le fait surtout, pour le moment, au travers de mesures coercitives. Or la mise à 2 X 2 voies d’une route aussi dangereuse que celle-ci constituerait une action préventive. Monsieur le secrétaire d’État, il faut agir sur les deux leviers, la répression et la prévention !
Enfin, Limoges et Poitiers sont les deux seules capitales de régions limitrophes que ne relie aucun moyen moderne et rapide de communication, qu’il s’agisse du TGV, de l’avion – une telle liaison, il est vrai, n’aurait pas d’intérêt entre ces deux villes – ou même d’une route à 2 X 2 voies. Dès lors, monsieur le secrétaire d’État, faites réfléchir ceux de vos amis politiques qui ne seraient pas encore favorables à la réalisation immédiate de ce projet.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix heures trente, est reprise à dix heures quarante.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, auteur de la question n° 1296, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire.
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le ministre, ma question, qui concerne les rats taupiers, pourrait faire sourire s’il ne s’agissait d’une véritable préoccupation pour les agriculteurs français.
Depuis 2000, le campagnol terrestre figure dans la liste des organismes nuisibles aux végétaux, produits végétaux et autres objets de l’annexe B de l’arrêté du 31 juillet 2000.
Comme le ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire le soulignait, en juin 2010, dans sa réponse à la question orale de notre collègue Gérard Bailly, « si la lutte contre son développement n’est pas obligatoire, sa propagation peut néanmoins justifier des mesures spécifiques de lutte obligatoire ».
Comme le préconisent les auteurs du programme interrégional de recherche « Campagnols terrestres et méthodes de lutte raisonnée » et du rapport de décembre 2010 de la mission du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux, la lutte doit être prudente et raisonnée, coordonnée, collective et précoce.
Nul ne condamne l’utilisation maîtrisée et très localisée de produits chimiques, notamment de la bromadiolone, qui est reconnue comme un produit efficace et un complément indispensable aux techniques de piégeage, à la politique de protection des prédateurs ou encore à la plantation de haies, particulièrement dans les situations alarmantes.
Pourtant, la Suède, chargée par l’Europe de rédiger un rapport sur l’utilisation de ce produit, a émis un avis défavorable qui entraînera le retrait inéluctable de son homologation.
Le problème posé par l’indemnisation des dégâts est plus préoccupant encore. En effet, comme vous l’avez vous-même rappelé dans votre réponse à la question écrite de M. Morel-A-l’Huissier, député, publiée le 15 mars 2011, ni le Fonds national de garantie des calamités agricoles ni le Fonds national de gestion des risques en agriculture n’indemnisent aujourd’hui les dégâts provoqués par le campagnol.
Nos exploitants agricoles, conscients de leurs responsabilités, ne recourent ni systématiquement ni abusivement à des produits chimiques, en raison tant de la complexité de la réglementation européenne que de l’ampleur des investissements nécessaires pour s’adapter aux nouvelles contraintes. En revanche, ils sont confrontés à une absence d’indemnisation de leurs pertes et de leurs dommages.
Une double inquiétude, que je relaie ici, les tenaille.
D’une part, ils sont préoccupés par les délais qui leur sont imposés pour utiliser un moyen de lutte efficace, dans la mesure où l’action raisonnée contre les campagnols s’appuie sur un réseau d’épidémiosurveillance mis en place à l’occasion du plan Écophyto 2018, issu du Grenelle de l’environnement, et où, par ailleurs, l’Europe, sur les préconisations de la Suède, demande d’interdire l’utilisation de la bromadiolone.
D’autre part, ils s’inquiètent des prochaines orientations françaises et européennes d’indemnisation, puisque la Commission européenne, consultée sur la prise en compte de ce type de dégâts dans le cadre des fonds de mutualisation de la nouvelle PAC, impose à la France de démontrer le caractère exceptionnel de ces dommages.
Je serais heureuse, monsieur le ministre, que vous puissiez apaiser nos exploitants agricoles sur ces deux points.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire. Madame la sénatrice, ce problème n’est pas du tout négligeable, contrairement à ce que vous affirmiez au début de votre intervention. J’ai particulièrement conscience de la gravité de la question.
Comme j’ai pu le constater, notamment en Franche-Comté et en Aveyron, nombre d’exploitants agricoles vivent une situation très difficile. Les campagnols terrestres sont responsables de désastres dans bien des exploitations, où des prairies entières deviennent inexploitables. En cette période de sécheresse, ils rendent encore plus difficile le fourrage et l’alimentation des animaux. En effet, une prairie infestée de campagnols a des rendements, en termes de fourrage, qui sont divisés par trois ou quatre, voire qui sont nuls.
J’ai donc demandé au Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux d’expertiser les méthodes disponibles et de me faire part des solutions envisageables pour lutter contre ce fléau. Le rapport qui m’a été remis à la fin de 2010 rappelle la nécessité, d’une part, de mettre en œuvre des principes de lutte raisonnée, en évitant l’utilisation massive de produits chimiques pouvant avoir des répercussions négatives sur l’environnement, et, d’autre part, de mener une action collective précoce et combinant tous les moyens disponibles.
Nous avons mis en place, notamment, un « contrat de lutte raisonnée » en Franche-Comté, qui formalise, pour une durée minimale de cinq ans, l’engagement des agriculteurs à poursuivre des opérations de lutte raisonnée.
Cette lutte s’appuie sur le réseau d’épidémiosurveillance mis en place dans le cadre du plan Écophyto 2018, ainsi que sur les bulletins de santé du végétal publiés dans plusieurs régions concernées par ce fléau.
Elle doit combiner des méthodes de lutte directe – piégeage des animaux, emploi d’appâts – et des techniques complémentaires, qui peuvent, elles aussi, être très efficaces. Il s’agit, notamment, d’assurer la protection des prédateurs naturels du campagnol, tels les rapaces et le renard, ainsi que de leurs habitats, et de mettre en œuvre des mesures d’aménagement du territoire.
Autre moyen de lutte efficace, le retournement des prairies a également été autorisé, sous réserve, évidemment, de les réimplanter en surfaces en herbe pour maintenir le niveau actuel et éviter des pertes en termes de captation de carbone.
Concernant le volet financier de ce dossier, madame la sénatrice, vous avez raison de rappeler que les dégâts résultant du campagnol ne sont pas éligibles au Fonds national de gestion des risques en agriculture. En revanche, je souhaite que soit étudiée la possibilité de les prendre en compte dans le cadre des fonds de mutualisation, qui constituent selon moi une réponse adaptée à ce genre de fléaux agricoles. Encore une fois, il s’agit de ne pas sous-estimer les conséquences très graves de la présence de rats taupiers et de campagnols sur les cultures et le bilan des exploitations.
Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le ministre, si j’ai effectivement ouvert mon intervention en disant qu’une telle question « pourrait faire sourire », j’ai immédiatement précisé que je mesurais complètement la gravité du problème. J’ai pu encore m’en rendre compte le week-end dernier à l’occasion d’un déplacement en Aubrac pour la grande fête de la transhumance : les prairies y sont en effet littéralement labourées !
Puisque vous avez indiqué qu’un contrat de lutte raisonnée avait été signé avec la Franche-Comté, ne serait-il pas envisageable de faire de même avec le département de l’Aveyron dont je suis l’élue ? Cela nous permettrait d’avancer quelque peu sur le sujet.
Je me réjouis par ailleurs que vous envisagiez une indemnisation financière et j’espère que celle-ci pourra être prochainement mise en œuvre.
Reste la question du produit chimique que j’ai évoqué, à laquelle vous n’avez pas répondu. L’Europe maintiendra-t-elle sa condamnation ? À l’inverse, est-il tout de même envisageable d’avoir recours à un tel dispositif, sous réserve que son utilisation soit très raisonnée et maîtrisée ? (M. le ministre manifeste son scepticisme.)
avenir des services publics en milieu rural
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin, auteur de la question n° 1268, adressée à M. le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire.
M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre, c’est au ministre chargé de l’aménagement du territoire que je m’adresse ce matin, dans la mesure où ma question concerne l’avenir de ce qui constitue la colonne vertébrale du monde rural : ses services publics.
Depuis plusieurs mois, des élus ruraux sont mis devant le fait accompli et n’ont plus qu’à constater, sans pouvoir aucunement dialoguer ni agir, la disparition, la raréfaction ou le déménagement de services publics essentiels aux dynamiques locales.
À chaque fois, en guise d’explication, l’État se cache derrière la sacro-sainte RGPP, la révision générale des politiques publiques, véritable rouleau compresseur qui s’applique, prétendument au nom de l’intérêt général, de manière aussi arbitraire que comptable.
Une nouvelle étape dans le démantèlement des territoires a été franchie puisque, désormais, les écoles rurales sont directement menacées. Certains maires du Doubs viennent en effet d’apprendre que leurs villages, implantés dans des territoires particulièrement enclavés en période hivernale mais enregistrant pourtant des naissances et programmant des opérations d’aménagement, allaient devoir subir des regroupements scolaires.
En s’attaquant à l’école rurale, le Gouvernement met en cause l’un des fondements de l’égalité républicaine et donne un coup de frein à tous les efforts menés par les élus pour créer des dynamiques territoriales, de la croissance, des emplois et du bien-être.
Il n’y a pas si longtemps, en 2006, la Charte sur l’organisation de l’offre des services publics et au public en milieu rural, certes imparfaite, tentait de programmer sur un territoire donné un schéma d’aménagement concerté – j’insiste sur ce dernier terme –, qui intégrait de nombreux services publics, y compris régaliens. Elle prévoyait, par exemple, que tout projet de fermeture de classe ferait l’objet d’un dialogue constructif deux ans avant l’effectivité de la mesure. Tout cela semble bel et bien avoir disparu !
Il est aujourd’hui question d’expérimenter un protocole d’accord entre l’État et les opérateurs publics ; très en retrait par rapport à l’esprit de la Charte, ce document apparaît simplement comme l’un des bras armés de la RGPP. Le Doubs est l’un des départements concernés par une telle expérimentation, qui devait se terminer le 15 mai dernier.
Monsieur le ministre, ma question est simple : que répondez-vous aux élus ruraux qui, ne pouvant que déplorer le manque de concertation et d’ambition territoriale de l’État, assistent au déménagement de leurs villages ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire. Monsieur Bourquin, permettez-moi de faire, tout d’abord, une remarque d’ordre général : nous avons fait un choix politique qui est la réduction de l’endettement de l’État et des déficits publics sur plusieurs années.
Nous sommes ainsi amenés à prendre un certain nombre de décisions concernant les services publics : pour garantir leur efficacité, il faut parfois opérer des regroupements et une mise en commun des moyens offerts. Ce choix politique, nous l’assumons.
Il suffit de regarder ce qui passe un peu partout en Europe pour s’apercevoir que, faute d’assumer ses responsabilités en matière d’endettement et de réduction des déficits publics, on est amené, par la force des choses, à prendre des décisions encore plus lourdes et encore plus graves pour les populations. C’est précisément ce que nous voulons éviter.
Nous nous efforçons donc d’agir de manière aussi responsable que possible, dans le prolongement de la Charte sur l’organisation de l’offre des services publics et au public en milieu rural, signée, le 23 juin 2006, par le Premier ministre de l’époque, quinze opérateurs de services publics et l’Association des maires de France.
Cette charte définit des objectifs précis en termes de qualité du service rendu, que le Gouvernement s’applique à atteindre.
Les dispositions de l’Accord national « + de services au public », signé le 28 septembre dernier, s’inscrivent justement en cohérence avec les principes de la Charte.
Dans ce document, neuf opérateurs de services publics, la Caisse des dépôts et consignations, ainsi que l’Union nationale des points d’information et de médiation multiservices s’engagent à proposer aux usagers et aux clients une offre de services mutualisée propre à concilier qualité, proximité et respect des contraintes matérielles.
Une expérimentation a été lancée dans vingt-trois départements, dont celui du Doubs. Elle doit se conclure par la signature de contrats départementaux. Je vous rejoins d’ailleurs, monsieur le sénateur, sur la nécessité d’assurer sur ce sujet un dialogue et une concertation les plus larges possible avec les collectivités locales, notamment avec les conseils généraux, et de prévoir une évaluation à la fin pour vérifier que tous les engagements ont été remplis.
En ce qui concerne plus particulièrement La Poste, je veux souligner que nous avons sanctuarisé 17 000 points de contact. Pour la première fois, un seuil a été fixé afin d’éviter d’aller trop loin dans la réduction de la présence postale. Nous avons fait évoluer l’offre de services pour que ceux-ci puissent être rendus de manière différente, mais à un coût moindre pour le contribuable.
Sur la question de l’éducation en zone rurale, les choix d’ouvertures et de fermetures de classes doivent se faire dans le cadre d’une négociation entre l’éducation nationale et les collectivités territoriales concernées.
Pour être moi-même un élu local, dans le département de l’Eure, comme mon ami Ladislas Poniatowski ici présent, je sais que la fermeture d’une classe en zone rurale peut entraîner un certain nombre de problèmes pour les usagers, pour les familles et pour les enfants, notamment en termes d’accès et de durée de transport. Pour autant, le regroupement de l’offre pédagogique doit offrir une meilleure scolarisation aux enfants et une plus grande qualité de service.
Par ailleurs, pour tenir compte des spécificités des territoires, nous avons décidé que les inspecteurs d’académie pourraient maintenir des classes à effectifs très réduits, c’est-à-dire comprenant moins de dix élèves, et cela en dépit d’un contexte budgétaire contraint.
Là encore, il s’agit d’éviter l’esprit de système : nous suivons la ligne de réduction des déficits publics, en privilégiant la concertation. Nous gardons la porte ouverte au maintien de classes à effectifs réduits de moins de dix élèves dans des zones rurales très isolées, où il n’existe pas de possibilité de regroupement. Néanmoins, dès qu’il est possible de regrouper deux ou trois classes au sein d’un même établissement scolaire pour limiter la dépense publique tout en améliorant l’offre pédagogique, nous n’hésitons pas à avancer dans ce sens.
Mme la présidente. La parole est à M. Martial Bourquin.
M. Martial Bourquin. Monsieur le ministre, après vous avoir écouté attentivement, je ferai trois observations.
Premièrement, vous prétendez que des compressions de postes sont absolument nécessaires pour réduire notre endettement. Permettez-moi de vous dire que, dans ce pays, tout le monde n’est apparemment pas logé à la même enseigne !
Il n’est qu’à voir, pour s’en convaincre, le niveau de salaires des patrons du CAC 40, qui échappent souvent à toute fiscalisation, y compris lorsqu’il s’agit de grandes entreprises françaises à capitaux publics, ou la courbe des bonus versés, qui est repartie de plus belle à la hausse. Finalement, ce sont toujours les mêmes qui paient.
Deuxièmement, se rend-on vraiment compte de ce qui est en train de se passer dans la ruralité ? Si cela continue ainsi, plus personne ne pourra choisir d’habiter en ville ou dans un village. S’il n’y a plus d’écoles ni de services publics, pourtant ô combien indispensables, si ne subsiste plus qu’un point de contact postal dans de nombreux villages, on assistera, inévitablement, à un nouvel exode rural. Une telle situation serait dommageable, car la force de la France, c’est certainement d’avoir des métropoles et des villes, mais c’est aussi, sans doute, de pouvoir compter sur une ruralité active.
Troisièmement, il convient, à mon sens, de repenser en profondeur la politique d’aménagement du territoire et de s’appuyer sur des collectivités très dynamiques, qui doivent passer avec l’État des contrats pluriannuels.
La Charte des services publics en milieu rural était une avancée positive. Elle prévoyait notamment, je le répète, pour tout projet de suppression de classe, un délai de deux ans et l’ouverture d’une négociation avec le maire concerné.
Monsieur le ministre, prenons garde aux effets des regroupements pédagogiques. Dans le Doubs, par exemple, le relief est extrêmement difficile et il y a du verglas pendant quatre ou cinq mois de l’année : déplacer les enfants d’une école à une autre pose bien des problèmes, à cause du temps de transport que cette démarche implique, mais aussi des risques d’accident.
C’est pour cela qu’il vous faut agir avec un certain discernement et ne pas appliquer « votre » RGPP uniquement de façon comptable, comme c’est le cas actuellement. Si nous rejetons cette révision générale des politiques publiques, c’est d’abord, bien sûr, pour des raisons de fond. Mais nous dénonçons, en plus, sa mise en œuvre complètement aveugle, qui nuit profondément aux politiques d’aménagement du territoire.
Telles sont les raisons pour lesquelles, monsieur le ministre, il faut, selon moi, revoir en profondeur toutes les décisions prises. Il y va, aujourd’hui, de la survie de certains territoires.