Mme Alima Boumediene-Thiery. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, je voterai contre l’article 2, car je suis opposée à la nouvelle procédure qui prévoit une admission en soins psychiatriques sans consentement reposant non pas sur la demande d’un tiers, mais sur la seule existence d’un « péril imminent ».
Le Gouvernement a justifié cette mesure en s’appuyant sur les situations où il n’y a aucun tiers susceptible de déclencher la procédure d’hospitalisation, notamment s’agissant de personnes fortement désocialisées, comme les personnes sans domicile fixe, ou de personnes susceptibles de se retourner contre leur entourage, celui-ci n’étant alors naturellement pas enclin à présenter la demande d’admission en soins psychiatriques sans consentement.
Avec l’Union nationale des amis et familles de malades psychiques, l’Unafam, je pense qu’il y a trop de malades hors circuit. La situation ne cesse de s’aggraver : 30 000 personnes présentant de graves troubles psychiques seraient abandonnées dans la rue, sans compter celles qui atterrissent en prison pour des délits mineurs – alors que leur place n’est pas là –, ni les patients à la charge de familles parfois totalement démunies.
Cependant, je ne suis pas d’accord avec la réponse que vous apportez à ce problème, à travers la procédure d’admission « en cas de péril imminent ».
À entendre les témoignages des psychiatres que j’ai rencontrés, il y a toujours un tiers pour demander une hospitalisation. Une assistante sociale, par exemple, peut représenter ce tiers pour les plus démunis.
Renforcer le soutien social me paraît être, sur ce point, une meilleure solution que soumettre toujours plus de personnes à des procédures de soins sans consentement.
Je rappelle que le psychiatre italien de renom Franco Basaglia demandait d’abord à ses patients s’ils avaient un logement, des ressources suffisantes, des liens sociaux solides, de la famille, des amis. Avant de s’intéresser à leur vie psychique, il s’assurait qu’ils n’étaient pas en détresse sociale. Les soins psychiques resteraient sinon tout à fait superficiels.
Or, avec l’article 2, on ne s’attaque pas aux racines du problème.
Les soins psychiatriques ne doivent pas être systématiquement apportés dans l’urgence. Des moyens doivent être fournis, au niveau social, mais également au niveau psychiatrique.
Je déplore par conséquent que ce texte n’aborde pas la prévention, alors que certains troubles apparaissant progressivement peuvent être reconnus et soignés à temps. Une souffrance psychique n’apparaît pas si subitement qu’il faille apporter une réponse en cas de « péril imminent ».
Je voterai donc contre cet article.
C’est bien parce que toute la chaîne de protection sociale et psychique est défaillante en amont que l’on nous propose aujourd’hui de nous en remettre à cette procédure de soins sous contrainte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Très bien ! Je suis profondément opposé à cet article.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
Le chapitre III du titre Ier du livre II de la troisième partie du même code est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Admission en soins psychiatriques sans consentement sur décision du représentant de l’État » ;
2° L’article L. 3213-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa :
– au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;
– à la première phrase, les mots : « À Paris, le préfet de police et, dans les départements, les représentants de l’État prononcent par arrêté, au vu d’un certificat médical circonstancié, l’hospitalisation d’office dans un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 » sont remplacés par les mots : « Le représentant de l’État dans le département prononce par arrêté, au vu d’un certificat médical circonstancié ne pouvant émaner d’un psychiatre exerçant dans l’établissement d’accueil, l’admission en soins psychiatriques sans leur consentement » ;
– l’avant-dernière phrase est supprimée ;
– à la dernière phrase, les mots : « l’hospitalisation » sont remplacés par les mots : « l’admission en soins » ;
– est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Ils désignent l’établissement mentionné à l’article L. 3222-1 qui assure la prise en charge de la personne malade. » ;
b) Le deuxième alinéa est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque les éléments du dossier médical du patient font apparaître qu’il a fait l’objet d’une hospitalisation ordonnée en application des articles L. 3213-7 du présent code ou 706-135 du code de procédure pénale ou a fait l’objet, pendant une durée fixée par décret en Conseil d’État, d’une hospitalisation dans une unité pour malades difficiles mentionnée à l’article L. 3222-3 du présent code, le psychiatre qui participe à sa prise en charge en informe le directeur de l’établissement d’accueil qui le signale sans délai au représentant de l’État dans le département. Toutefois, lorsqu’il s’est écoulé depuis cette hospitalisation un délai supérieur à une durée fixée par décret en Conseil d’État, elle n’est pas prise en compte pour l’application du présent alinéa.
« Le directeur de l’établissement transmet sans délai au représentant de l’État dans le département et à la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l’article L. 3222-5 :
« 1° Le certificat médical mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 3211-2-2 ;
« 2° Le certificat médical et, le cas échéant, la proposition mentionnés aux deux derniers alinéas du même article. » ;
c) Le dernier alinéa est remplacé par des II et III ainsi rédigés :
« II. – Dans un délai de trois jours francs suivant la réception du certificat médical mentionné au troisième alinéa de l’article L. 3211-2-2, le représentant de l’État dans le département décide de la forme de prise en charge prévue à l’article L. 3211-2-1, en tenant compte de la proposition établie, le cas échéant, par le psychiatre en application de ce même article et des exigences liées à la sûreté des personnes et à l’ordre public. Il joint à sa décision, le cas échéant, le protocole de soins établi par le psychiatre.
« Dans l’attente de la décision du représentant de l’État, la personne malade est prise en charge sous la forme d’une hospitalisation complète.
« Le représentant de l’État ne peut décider une prise en charge sous une autre forme que l’hospitalisation complète qu’après avoir recueilli l’avis du collège mentionné à l’article L. 3211-9 :
« 1° Lorsque la personne fait ou a déjà fait l’objet d’une hospitalisation ordonnée en application des articles L. 3213-7 du présent code ou 706-135 du code de procédure pénale ;
« 2° Lorsque la personne fait ou a déjà fait l’objet, pendant une durée fixée par décret en Conseil d’État, d’une hospitalisation dans une unité pour malades difficiles mentionnée à l’article L. 3222-3.
« Lorsqu’il s’est écoulé depuis les hospitalisations mentionnées aux 1° ou 2° du présent II des délais supérieurs à des durées fixées par décret en Conseil d’État, ces hospitalisations ne sont pas prises en compte pour l’application du même II.
« III. – Les mesures provisoires, les décisions, les avis et les certificats médicaux mentionnés au présent chapitre figurent sur le registre mentionné à l’article L. 3212-11. » ;
2° bis (nouveau) À la première phrase de l’article L. 3213-2, les mots : « d’hospitalisation d’office » sont remplacés par les mots : « d’admission en soins psychiatriques sans consentement » ;
3° L’article L. 3213-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3213-3. – I. – Après le cinquième jour et au plus tard le huitième jour puis dans le mois qui suit la décision mentionnée au I de l’article L. 3213-1 ou, le cas échéant, suivant la mesure provisoire prévue à l’article L. 3213-2 et ensuite au moins tous les mois, la personne malade est examinée par un psychiatre de l’établissement d’accueil qui établit un certificat médical circonstancié confirmant ou infirmant, s’il y a lieu, les observations contenues dans les précédents certificats et précisant les caractéristiques de l’évolution des troubles ayant justifié les soins ou leur disparition. Ce certificat précise si la forme de la prise en charge du malade décidée en application de l’article L. 3211-2-1 demeure adaptée et, le cas échéant, en propose une nouvelle. Lorsqu’il ne peut être procédé à l’examen du patient, le psychiatre de l’établissement établit un avis médical sur la base du dossier médical du patient.
« II. – Les copies des certificats et avis médicaux prévus au présent article et à l’article L. 3211-11 sont adressées sans délai par le directeur de l’établissement d’accueil au représentant de l’État dans le département et à la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l’article L. 3222-5. Lorsque la personne malade est prise en charge sous la forme d’une hospitalisation complète, une copie du certificat médical établi, en application du I du présent article, après le cinquième jour et au plus tard le huitième jour qui suit la décision mentionnée au I de l’article L. 3213-1 est également adressée sans délai au juge des libertés et de la détention compétent dans le ressort duquel se trouve l’établissement d’accueil.
« III. – Après réception des certificats ou avis médicaux mentionnés aux I et II du présent article et, le cas échéant, de l’avis du collège mentionné à l’article L. 3211-9 et de l’expertise psychiatrique mentionnée à l’article L. 3213-5-1, et compte tenu des exigences liées à la sûreté des personnes et à l’ordre public, le représentant de l’État dans le département peut décider de modifier la forme de la prise en charge de la personne malade. Le représentant de l’État dans le département fixe les délais dans lesquels l’avis du collège et l’expertise doivent être produits, dans une limite maximale fixée par décret en Conseil d’État. Passés ces délais, le représentant de l’État prend immédiatement sa décision. Les conditions dans lesquelles les avis du collège et des deux psychiatres sont recueillis sont déterminées par ce même décret en Conseil d’État. » ;
4° L’article L. 3213-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3213-4. – Dans les trois derniers jours du premier mois suivant la décision d’admission en soins psychiatriques sans consentement ou, le cas échéant, suivant la mesure provisoire prévue à l’article L. 3213-2, le représentant de l’État dans le département peut prononcer, au vu du certificat médical ou de l’avis médical mentionné à l’article L. 3213-3, le maintien de la mesure de soins pour une nouvelle durée de trois mois. Il se prononce, le cas échéant, sur la forme de la prise en charge du patient dans les conditions prévues au même article L. 3213-3. Au-delà de cette durée, la mesure de soins peut être maintenue par le représentant de l’État dans le département pour des périodes maximales de six mois renouvelables selon les mêmes modalités.
« Faute de décision du représentant de l’État à l’issue de chacun des délais prévus au premier alinéa, la levée de la mesure de soins est acquise.
« En outre, le représentant de l’État dans le département peut à tout moment mettre fin à la mesure de soins prise en application de l’article L. 3213-1 après avis d’un psychiatre participant à la prise en charge du patient, attestant que les conditions ayant justifié la mesure de soins en application du même article L. 3213-1 ne sont plus réunies, ou sur proposition de la commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l’article L. 3222-5.
« Le présent article n’est pas applicable aux personnes mentionnées à l’article L. 3213-8. » ;
5° L’article L. 3213-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3213-5. – Si un psychiatre participant à la prise en charge du patient atteste par un certificat médical que les conditions ayant justifié l’admission en soins psychiatriques sans consentement en application du présent chapitre ou du chapitre IV du présent titre ne sont plus remplies et que la levée de cette mesure peut être ordonnée, le directeur de l’établissement est tenu d’en référer dans les vingt-quatre heures au représentant de l’État dans le département qui statue dans un délai de trois jours francs après la réception du certificat médical. Lorsqu’une expertise psychiatrique est ordonnée par le représentant de l’État en application de l’article L. 3213-5-1, ce délai est prolongé d’une durée qui ne peut excéder quatorze jours à compter de la date de cette ordonnance.
« Lorsque le représentant de l’État dans le département n’ordonne pas la levée d’une mesure de soins sans consentement sous la forme d’une hospitalisation complète, il en informe le directeur de l’établissement d’accueil qui saisit le juge des libertés et de la détention afin qu’il statue à bref délai sur cette mesure dans les conditions prévues à l’article L. 3211-12. Le présent alinéa n’est pas applicable lorsque la décision du représentant de l’État intervient dans les délais mentionnés aux 1° et 2° du I de l’article L. 3211-12-1. » ;
6° Après le même article L. 3213-5, il est inséré un article L. 3213-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3213-5-1. – Le représentant de l’État dans le département peut à tout moment ordonner l’expertise psychiatrique des personnes faisant l’objet d’une mesure de soins sans leur consentement prononcée en application du présent chapitre ou du chapitre IV du présent titre ou ordonnée en application de l’article 706-135 du code de procédure pénale. Cette expertise est conduite par un psychiatre n’appartenant pas à l’établissement d’accueil de la personne malade, choisi par le représentant de l’État dans le département sur une liste établie par le procureur de la République, après avis du directeur général de l’agence régionale de santé de la région dans laquelle est situé l’établissement ou, à défaut, sur la liste des experts inscrits près la cour d’appel du ressort de l’établissement.
« Le représentant de l’État dans le département fixe les délais dans lesquels l’expertise mentionnée au premier alinéa doit être produite, dans une limite maximale fixée par décret en Conseil d’État. » ;
7° L’article L. 3213-6 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3213-6. – Lorsqu’un psychiatre de l’établissement d’accueil d’une personne faisant l’objet de soins psychiatriques sans son consentement en application de l’article L. 3212-1 atteste par un certificat médical ou, lorsqu’il ne peut être procédé à l’examen de l’intéressé, par un avis médical sur la base de son dossier médical que l’état mental de cette personne nécessite des soins et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte de façon grave à l’ordre public, le directeur de l’établissement d’accueil en donne aussitôt connaissance au représentant de l’État dans le département qui peut prendre une mesure d’admission en soins psychiatriques sans consentement en application de l’article L. 3213-1, sur la base de ce certificat ou de cet avis médical. Les certificats médicaux mentionnés aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 3211-2-2 sont alors établis par deux psychiatres distincts. Lorsque ceux-ci ne peuvent procéder à l’examen de la personne malade, ils établissent un avis médical sur la base de son dossier médical. » ;
7° bis (nouveau) Au début de la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 3213-7, les mots : « L’avis médical » sont remplacés par les mots : « Le certificat médical circonstancié » ;
8° L’article L. 3213-8 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3213-8. – Le représentant de l’État dans le département ne peut décider de mettre fin à une mesure de soins psychiatriques sans consentement qu’après avis du collège mentionné à l’article L. 3211-9 ainsi qu’après deux avis concordants sur l’état mental du patient émis par deux psychiatres choisis dans les conditions fixées à l’article L. 3213-5-1 :
« 1° Lorsque la personne fait ou a déjà fait l’objet d’une hospitalisation ordonnée en application des articles L. 3213-7 du présent code ou 706-135 du code de procédure pénale ;
« 2° Lorsque la personne fait ou a déjà fait l’objet, pendant une durée fixée par décret en Conseil d’État, d’une hospitalisation dans une unité hospitalière pour malades difficiles mentionnée à l’article L. 3222-3.
« Lorsqu’il s’est écoulé depuis les hospitalisations mentionnées aux 1° ou 2° du présent article des délais supérieurs à des durées fixées par décret en Conseil d’État, ces hospitalisations ne sont pas prises en compte pour l’application dudit article.
« Le représentant de l’État dans le département fixe les délais dans lesquels les avis du collège et les deux expertises mentionnés au premier alinéa doivent être produits, dans une limite maximale fixée par décret en Conseil d’État. Passés ces délais, le représentant de l’État prend immédiatement sa décision. Les conditions dans lesquelles les avis du collège et des deux psychiatres sont recueillis sont déterminées par ce même décret en Conseil d’État. » ;
9° L’article L. 3213-9 est ainsi rédigé :
« Art. L. 3213-9. – Le représentant de l’État dans le département avise dans les vingt-quatre heures de toute admission en soins psychiatriques sans consentement prise en application du présent chapitre ou du chapitre IV ou sur décision de justice, de toute décision de maintien et de toute levée de cette mesure :
« 1° Le procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel est situé l’établissement d’accueil de la personne malade et le procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel celle-ci a sa résidence habituelle ou son lieu de séjour ;
« 2° Le maire de la commune où est implanté l’établissement et le maire de la commune où la personne malade a sa résidence habituelle ou son lieu de séjour ;
« 3° La commission départementale des soins psychiatriques mentionnée à l’article L. 3222-5 ;
« 4° La famille de la personne qui fait l’objet de soins sans son consentement ;
« 5° Le cas échéant, la personne chargée de la protection juridique de l’intéressé.
« Le représentant de l’État dans le département informe sans délai les autorités et les personnes mentionnées aux 1° à 5° de toute décision de prise en charge du patient sous une autre forme que celle d’une hospitalisation complète. » ;
10° L’article L. 3213-10 devient l’article L. 3213-11 ;
11° Il est rétabli un article L. 3213-10 ainsi rédigé :
« Art. L. 3213-10. – Pour l’application à Paris du présent chapitre, le représentant de l’État est le préfet de police. »
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.
M. Roland Courteau. Cet article porte sur l’admission en soins psychiatriques sans consentement à la demande du représentant de l’État. Le préfet pourrait donc désormais décider de la forme de la prise en charge, en fonction non seulement des exigences relatives à la sûreté des personnes, mais aussi de celles liées à l’ordre public. On voit combien les troubles mentaux sont, une nouvelle fois, assimilés à une supposée dangerosité.
Comme l’a déclaré notre collègue Patricia Schillinger, le fait que le Gouvernement lie systématiquement maladies mentales et atteintes à l’ordre public met en exergue son penchant à ne traiter la question des soins psychiatriques que sous l’angle sécuritaire, au détriment des personnes souffrant de telles pathologies.
En cas de désaccord entre le psychiatre et le préfet, il revient au juge des libertés et de la détention d’arbitrer. Cependant, on peut se demander si ce juge aura matériellement le temps de prendre connaissance du dossier du patient et d’effectuer ainsi le choix qui s’impose.
Par ailleurs, le juge ne peut pas remplacer un médecin. Il n’a pas reçu la formation adéquate pour apprécier si le patient doit être hospitalisé ou non. Il s’agit bien, ici, de soins, avec toute la difficulté que suppose la définition d’une notion aussi complexe que celle de maladie mentale.
De plus, comme je l’ai dit précédemment, le préfet pourra toujours faire appel de la décision du juge en saisissant le parquet. Ce texte renforce donc le rôle du préfet et la priorité donnée à la défense de l’ordre public : c’est toujours le préfet qui tranchera en dernier recours.
Il est regrettable que la question du trouble à l’ordre public l’emporte ainsi sur la préoccupation de la qualité des soins. Voilà pourquoi je souhaite préciser, avec Patricia Schillinger et mes collègues du groupe socialiste, que ce texte ne promeut pas un projet de soins, mais enclenche un engrenage portant atteinte aux libertés fondamentales – et je pèse mes mots ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. L’amendement n° 73, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Alors que les unités de soins psychiatriques se trouvent aujourd’hui dans une situation d’engorgement sans précédent et qu’elles sont littéralement asphyxiées, alors que plus de 40 000 lits y ont été supprimés entre 1987 et 2000 – ce qui fait que nous devons en être aujourd'hui à 50 000 lits supprimés –, le Gouvernement, au lieu d’augmenter les moyens comme il devrait le faire s’agissant de la psychiatrie publique, reste fidèle à lui-même en se focalisant exclusivement sur la dimension sécuritaire de la question.
En effet, dans ce texte, seul le trouble à l’ordre public est pris en compte, et ce ne sont pas mes collègues de gauche qui me démentiront !
M. Roland Courteau et M. Jacky Le Menn. Certes non !
M. Guy Fischer. La fonction des soignants est détournée, orientée vers la dénonciation, la rétention, la surveillance et les soins au sens le plus étroit et le plus technique du terme. Mais peut-on encore parler de « soins » dans un tel contexte !
Cet article incarne à lui seul ce que nous sommes enclins à appeler la « loi de la peur ». Et cette peur, qui n’est rien que la peur de l’autre, risque, pas moins, de ruiner pour toujours une conception de la société où chacun aurait sa place.
Si vous pensez que cette loi n’aura de conséquences que pour les cas les plus graves, vous avez tort. À l’heure actuelle, plus de 30 % de la population française souffre de troubles psychiques. Alors, prendrons-nous le risque de voir près d’un tiers de nos concitoyens enfermés au moins une fois dans leur vie au sein d’unités de soins psychiatriques ?
J’avoue que je pousse le bouchon un peu loin,…
M. Éric Doligé. Comme toujours !
M. Guy Fischer. … mais il faut bien que certains noircissent le trait, éventuellement jusqu’à l’excès, pour que l’on puisse approcher la vérité.
Cette situation est d’autant plus grave que ce projet de loi instaure le « casier psychiatrique », au détriment du principe même du droit à l’oubli. En effet, le préfet, qui pourra décider seul de l’internement, sera également en mesure de se référer aux antécédents du patient pour décerner un « bon de sortie ».
M. Roland Courteau. C’est grave !
M. Guy Fischer. Il s’agit là de la négation pure et simple du principe de guérison, pourtant but ultime de tout processus de soins, car ce dossier poursuivra le patient tout au long de son existence. Au moindre trouble, au moindre doute sur la santé mentale d’un individu, ce dernier sera jugé sur la base de son passé médical et en fonction de son état.
Tout cela, mes chers collègues, doit tout de même nous conduire à nous interroger : depuis quand nos préfets disposent-ils de compétences dans le domaine médical les rendant aptes à juger de l’état pathologique de personnes atteintes de troubles mentaux ? Sur quelles connaissances, sur quelle expérience vont-ils pouvoir se fonder pour décider de la nature de la prise en charge d’un malade ?
M. Roland Courteau. Bonnes questions ?
M. Guy Fischer. Cette mesure confère à l’autorité administrative un pouvoir qui ne pourra qu’entraver la bonne marche du processus de soins !
La psychiatrie a besoin non d’une réforme partielle, mais d’une refonte profonde de ses structures. Ce n’est pas en réagissant de façon irréfléchie à des faits divers qui ont ému – à juste titre, d’ailleurs – l’opinion publique que nous réussirons à apporter les réponses qu’attend aujourd’hui la médecine psychiatrique.
En 2003, alors qu’ils se réunissaient dans le cadre des états généraux de la psychiatrie, les syndicats ont présenté vingt-deux mesures d’urgence pour pallier les difficultés les plus criantes de ce secteur. Ils n’ont pas été entendus.
Aujourd’hui, c’est avec conviction et détermination que nous demandons la suppression pure et simple de cet article 3. Avant de nous engager dans la voie d’une réforme complète et humaine de la psychiatrie, nous nous devons, pour toute la société, d’empêcher l’adoption de ce texte !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Louis Lorrain, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer l’ensemble des dispositions de l’article 3, qui constituent le cœur du projet de loi puisqu’elles visent à mettre en conformité les dispositions du chapitre relatif à l’hospitalisation d’office avec la mise en place de soins sans consentement, quelle que soit la forme de prise en charge, en hospitalisation complète ou non.
La procédure prévue à cet article présente toutefois la particularité de reposer sur l’intervention du préfet, au titre de la sûreté des personnes et de la protection de l’ordre public. Les préoccupations exprimées ici ne sont donc pas d’ordre purement sanitaire, mais s’attachent à préserver un équilibre entre santé, sécurité et liberté.
En fait, nous devons assurer l’équilibre d’un tripode : on peut en effet estimer que la sécurité peut participer à la santé, comme elle contribue à la liberté ; quant à la santé, elle est aussi source de sécurité et de liberté !