M. le président. La parole est à M. Jacques Gillot.
M. Jacques Gillot. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je commencerai mon propos par une appréciation positive pour nos territoires.
En effet, nos produits agricoles se caractérisent par leur qualité, leur authenticité, leur production en toute saison, et disposent d’atouts qui, incontestablement, doivent en faire une production à valeur ajoutée.
Notre agriculture, organisée essentiellement autour de la canne à sucre et de la banane, représente un secteur important de l’économie guadeloupéenne ; environ un tiers de la surface totale de notre territoire lui est consacré. Elle emploie 12 % de la population active et contribue pour 6 % au produit intérieur brut régional.
En 2010, la banane représente 2 000 emplois directs, 1 000 emplois indirects ; c’est le premier secteur d’exportation en Guadeloupe et le premier employeur du secteur agricole.
La culture de la canne à sucre constitue la deuxième activité agricole, avec une production de 60 000 tonnes de sucre.
Ces quelques chiffres témoignent à eux seuls, s’il en était besoin, du poids économique et de l’importance sociale de ce secteur, véritable pilier déterminant pour l’équilibre socioéconomique de notre société.
L’activité souffre néanmoins de certains handicaps liés à son histoire et à sa géographie, en particulier à l’étroitesse du marché local, à l’insularité et à la dépendance à l’égard d’un petit nombre de produits.
Ainsi, l’ouverture des marchés, notamment celui de la banane, intervenue du fait des deux accords commerciaux conclus en 2010 entre l’Union européenne, le Pérou et la Colombie d’une part, et avec les autres pays de l’Amérique latine, d’autre part, fait peser de sérieuses menaces sur ce fragile équilibre économique, à l’horizon du premier semestre 2012, période d’entrée en vigueur de ces accords.
Une baisse de 35 % des droits de douane entre 2009 et 2017 est donc prévue, avec une nouvelle baisse des tarifs douaniers d’ici à 2020.
Les départements d’outre-mer vont donc devoir affronter la concurrence des pays d’Amérique latine, qui bénéficient de faibles coûts de production, largement inférieurs à ceux que connaissent les régions ultrapériphériques.
Ces accords sont d’autant plus inquiétants que de nouvelles négociations bilatérales avec l’Amérique centrale, voire le MERCOSUR, sont prochainement programmées et entraîneront vraisemblablement des concessions supplémentaires sur ces mêmes produits et par conséquent une accentuation de leurs effets sur nos régions.
Comment ne pas penser que notre agriculture est ainsi sacrifiée et bradée au profit du libre-échange, ce qui laisse apparaître in fine la véritable doctrine commerciale de l’Union européenne, celle de se garantir un succès commercial dans d’autres secteurs industriels – ouverture du marché automobile aux entreprises européennes –, en réalisant de fortes concessions sur les secteurs agricoles des régions ultrapériphériques ?
Par ailleurs, qu’en est-il de l’application des normes environnementales, sanitaires ou sociales chez ces nouveaux concurrents directs ?
En effet, les normes phytosanitaires imposées à nos producteurs sont nettement plus exigeantes que celles qui sont mises en œuvre dans ces pays. Le secteur agricole de nos territoires s’en trouvera donc d’autant plus affaibli, alors même qu’il ne doit déjà sa survie qu’aux aides publiques qui lui sont allouées.
De plus, quelles garanties sanitaires l’Union européenne peut-elle, dans ces conditions, apporter aux consommateurs de ces productions extracommunautaires ?
Toutes ces raisons nous conduisent à nous interroger sur la cohérence de la politique de l’Union européenne.
En effet, ces négociations commerciales, menées par l’Union, hors toute concertation avec les responsables régionaux, soulèvent des interrogations essentielles, notamment quant à la cohérence des politiques européennes entre elles et singulièrement entre la politique commerciale et la politique de cohésion qui visent des objectifs fondamentalement contradictoires.
Rappelons que l’Union européenne investit largement à travers les instruments que sont le Fonds européen agricole pour le développement rural et l’outil spécifique qu’est le POSEI pour favoriser le développement de ce secteur.
Mais parallèlement et de manière surprenante, elle compromet tous ces efforts en multipliant des accords de libre-échange commerciaux qui pénalisent le développement de nos régions d’outre-mer.
Vous comprendrez donc, sans difficulté, monsieur le ministre, que je souscrive à la proposition qui est faite d’obtenir de l’Union européenne des compensations qui pourraient prendre la forme d’une augmentation de l’enveloppe globale du POSEI en cours d’élaboration.
Une telle mesure permettrait de renforcer toutes les filières agricoles et ainsi de mieux les préparer à faire face à ces importations massives, tant sur le marché européen que sur leur propre marché régional.
En outre, la question de l’évaluation par la Commission européenne de l’impact sur les régions ultrapériphériques de nouveaux accords commerciaux qu’elle négocie est d’autant plus justifiée que d’autres accords sont envisagés, notamment avec le MERCOSUR.
De plus, la Commission devrait aussi envisager plus de flexibilité lors des discussions qu’elle engage notamment sur d’autres instruments tel l’octroi de mer, dont chacun s’accorde à dire qu’il constitue un instrument incitatif pour le développement de la production locale.
Il apparaît de surcroît utile et impératif que la Commission européenne, et singulièrement la DG commerce, intègre le fait que l’agriculture n’est pas un bien marchand comme les autres, car elle s’identifie à la vie même des êtres humains. Notre potentiel agricole est avant tout un potentiel humain.
Monsieur le ministre, face à ces enjeux majeurs pour les économies des régions ultrapériphériques, les RUP, il est indispensable que la France, au besoin en partenariat avec d’autres pays comme l’Espagne ou le Portugal, agisse plus directement et sur la durée, afin de promouvoir une action européenne plus forte et cohérente en faveur des RUP, conformément à la communication de la Commission européenne du 17 octobre 2008. Celle-ci qualifie les RUP d’avant-postes stratégiques de l’Union européenne dans diverses parties du monde, qui représentent à ce titre des atouts à valoriser et non des monnaies d’échange d’accords commerciaux. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.
M. Jean-Étienne Antoinette. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’intérêt de cette proposition de résolution européenne a largement été démontré.
Alors que la Commission européenne programme une refonte des mesures spécifiques dans le domaine de l’agriculture en faveur des régions ultrapériphériques, en particulier du régime des programmes d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité, les POSEI, il est nécessaire de lui signaler que les conséquences des accords conclus par l’Union européenne sur l’économie agricole de ces régions doivent être pleinement mesurées et compensées.
C’est la logique même de l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
Toutefois, l’intérêt de cette proposition de résolution ne doit pas masquer un autre enjeu de la refonte des POSEI, celui de la prise en compte de la spécificité de chacun des territoires au sein des régions ultrapériphériques.
En effet, si certaines similitudes peuvent apparaître entre les Antilles et la Réunion, le cas de la Guyane est en revanche étrangement laissé à la marge de ces programmes d’aide au secteur agricole. Les accords de l’Union européenne qui motivent cette proposition de résolution restent effectivement assez indifférents à la spécificité guyanaise.
Ainsi, l’accord de Genève, comme ceux qui ont été conclus avec le Pérou et la Colombie, d’une part, et avec les pays d’Amérique centrale, d’autre part, prévoient principalement, dans leur volet agricole, des concessions sur les tarifs douaniers pour les productions de bananes et celles de cannes à sucre.
Si ces accords auront des conséquences socioéconomiques importantes pour les départements de Guadeloupe et de Martinique, la Guyane se trouve peu concernée.
À la différence des Antilles françaises, dont l’économie agricole repose fortement sur l’exportation des produits issus des grandes cultures héritées du système colonial – principalement la banane et le sucre –, l’agriculture guyanaise reste, pour sa part, tournée vers la culture vivrière.
En effet, l’agriculture traditionnelle manuelle – la pratique des abattis-brûlis - est largement répandue sur le territoire. Elle concerne le tiers de la surface agricole utilisée et 80 % des exploitants.
Cette production vivrière comprend principalement des légumes, des tubercules et des fruits, alors que l’agriculture mécanisée, à vocation marchande et essentiellement située sur le littoral, assure la production de céréales.
Si cette production agricole guyanaise est singulière, sa contribution au PIB du département est tout à fait comparable aux pourcentages relevés dans les autres départements d’outre-mer, soit entre 4 % et 6 %. Il est alors étonnant de comparer la part des fonds du POSEI consacrée aux DOM qui revient à la Guyane avec celle qui est allouée aux autres départements.
Concernant le régime spécifique d’approvisionnement, la Guyane reçoit moins de 7 % des fonds disponibles, et seulement 1 % de ceux qui sont prévus pour les mesures en faveur des productions agricoles locales, loin derrière la Guadeloupe, 23 %, la Réunion, 30 %, et la Martinique, 46 %.
Or, en Guyane, le secteur des fruits et légumes, peu aidé, fait face à de grandes difficultés.
Cette diversité des secteurs agricoles de même importance socioéconomique rend nécessaire la prise en compte des spécificités des territoires dans la programmation des mesures d’aides à l’agriculture dans nos régions ultrapériphériques.
Le rapporteur M. Daniel Marsin se félicite du bilan – unanime – du régime POSEI. La Commission européenne le qualifie même d’outil très efficace pour soutenir une production locale de qualité. Il constitue certes un instrument essentiel pour l’agriculture ultramarine.
Pourtant, je ne peux manquer de constater que la Cour des comptes européenne, dans son rapport spécial d’octobre 2010 sur les mesures spécifiques en faveur de l’agriculture des régions ultrapériphériques, relève certaines faiblesses dans la mise en œuvre de ces programmes. Depuis 2006, les États membres établissent et assurent la gestion des mesures de soutien avec l’accord de la Commission européenne. La responsabilité des POSEI est donc partagée.
La méthode d’identification des besoins des régions ultrapériphériques mise en place par la France semble particulièrement avantageuse pour les grands secteurs agricoles que sont la banane et la canne à sucre. Certes, les mesures destinées au soutien du secteur de la banane ont pour objectif de maintenir une stabilité économique et sociale essentielle, puisque 20 000 emplois sont concernés dans les Antilles et à la Réunion. Mais le programme établi par la France comporte également un objectif environnemental.
Or aucun critère d’éligibilité aux aides ne concerne cet objectif, puisque seule la production est en cause – les producteurs reçoivent une aide calculée sur un tonnage de référence historique –, alors qu’aucune contrainte sur les méthodes de production n’est imposée. À cet égard, je fais remarquer que l’abattis, pratiqué par les agriculteurs guyanais, est structurellement biologique et qu'une aide à cette activité agricole développerait des perspectives encourageantes, en particulier pour les productions endémiques comme l’igname indien.
En ce qui concerne le secteur du sucre, les mesures visent à compenser la baisse des prix sur le marché international. Or les aides européennes ne suffisent pas, malgré les quelque 80 millions d’euros consacrés sur les fonds de l’Union, pour garantir le prix de vente d’une production sujette aux aléas extérieurs. Les aides nationales sont toujours nécessaires pour maintenir cette activité.
Un autre point faible des mesures spécifiques prises pour soutenir le secteur agricole des RUP, mises en place par la France, a trait au contrôle des régimes spécifiques d’approvisionnement, les RSA.
Les États membres sont tenus de vérifier si l’avantage qui découle de l’aide à l’introduction ou de l’exonération des droits de douane a été effectivement répercuté jusqu’au bénéficiaire final. La Cour des comptes européenne constate que la méthode retenue par la France, en se fondant sur des données très anciennes, ne reflète plus la situation actuelle. Or l’objectif fixé par le comité interministériel de l’outre-mer, CIOM, de mettre en place un marché commun du plateau des Guyanes ne peut se réaliser sans une évaluation précise du RSA.
La spécificité du secteur agricole guyanais doit être prise en compte à la fois par la France et par l’Europe.
La Commission doit jouer son rôle d’appui technique et financier, ainsi que de contrôle, pour assurer la couverture intégrale du programme français pour le soutien de tous les départements de l’outre-mer.
À cet égard, il me semble qu’il serait possible d’atteindre l’autosuffisance, avec le même degré de sûreté sanitaire, sans interdire l’importation d’intrants ou de poussins d’un jour, par exemple en provenance du Brésil. Pourtant, dans la situation actuelle, la filière subit une concurrence importante des surgelés issus de la production brésilienne, mais en provenance de l’Union européenne.
De même, alors que la Guyane est le seul producteur ultramarin de riz, environ 9 000 tonnes en 2009, cette culture disparaît aujourd’hui car la seule entreprise exploitante cesse son activité en raison, d’une part, de l’interdiction par la Commission européenne des produits utilisés pour lutter contre les attaques phytosanitaires et, d’autre part, de la modification du régime d’aide à la production.
La France doit surtout tenir compte de la spécificité du secteur guyanais dans la conception et la gestion des POSEI. La détermination des éligibilités aux aides doit être réformée, puisque l’exclusion de nombre d’agriculteurs guyanais des aides des POSEI est essentiellement due au Gouvernement.
Enfin, je ne peux manquer de relever le lien entre l’insuffisance de structuration du secteur agricole, dont l’organisation est pourtant nécessaire à l’obtention des aides, et les difficultés d’accès au foncier.
Ces difficultés sont inscrites dans l’histoire, et malgré les nouvelles procédures permettant d’accélérer les concessions de périmètres, on estime encore entre 50 % et 70 % du total le nombre d’agriculteurs installés exerçant sans titre de propriété. Il n’est guère étonnant, dans ces conditions, que le secteur des fruits et légumes soit si peu organisé.
En conclusion, les objectifs du CIOM visant un développement endogène et durable des territoires ultramarins sont toujours d’une brûlante actualité, dans un contexte international de volatilité des prix des denrées alimentaires.
La proposition de résolution qui rappelle à l’Union européenne sa responsabilité ne doit pas masquer celle de la France, qui devrait apporter un soutien équivalent à la compétitivité des grandes industries agroalimentaires ultrapériphériques et au secteur agricole traditionnel et durable de proximité. (Applaudissements.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la proposition de résolution européenne, élaboré par la commission de l’économie, dont je donne lecture :
Le Sénat,
Vu l'article 88–4 de la Constitution,
Vus les articles 42, 43 et 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,
Vu le mémorandum de l'Espagne, de la France, du Portugal et des régions ultrapériphériques signé le 7 mai 2010 à Las Palmas de Gran Canaria,
Vu les conclusions du Conseil Affaires générales du 14 juin 2010,
Vu l'accord multilatéral signé à Genève le 15 décembre 2009 relatif au commerce des bananes,
Vu la conclusion des négociations relatives à la signature d'un accord d'association entre l'Union européenne et l'Amérique centrale,
Vu la conclusion des négociations relatives à la signature d'un accord commercial multipartite entre l'Union européenne, la Colombie et le Pérou,
Vu les conclusions du conseil interministériel de l'outre-mer du 6 novembre 2009,
Vu le rapport du Sénat n° 519 (2008-2009) fait au nom de la mission commune d'information sur la situation des départements d'outre-mer,
Vu le règlement (CE) n° 2013/2006 du Conseil du 19 décembre 2006 modifiant les règlements (CEE) n° 404/93, (CE) n° 1782/2003 et (CE) n° 247/2006 en ce qui concerne le secteur de la banane,
Vu la proposition de règlement du Parlement et du Conseil portant mesures spécifiques dans le domaine de l'agriculture en faveur des régions ultrapériphériques de l'Union (E 5655),
Considérant que les accords de libre-échange conclus en mars 2010 par l'Union européenne avec la Colombie et le Pérou, d'une part, et avec les pays d'Amérique centrale, d'autre part, font courir un risque important à l'agriculture des régions ultrapériphériques françaises si des garde-fous suffisants ne sont pas mis en place,
Considérant qu'il est dans l'intérêt de l'Union européenne de ne pas mettre en péril le développement endogène des régions ultrapériphériques,
Considérant que la Commission envisage la conclusion d'autres accords commerciaux, notamment avec le Mercosur,
Estime urgent d'analyser et de compenser les effets des accords commerciaux déjà signés sur les productions agricoles des régions ultrapériphériques,
Souligne que de telles mesures de compensation trouvent leur fondement juridique dans l'article 349 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne,
Juge que la proposition de règlement portant mesures spécifiques dans le domaine de l'agriculture en faveur des régions ultrapériphériques de l'Union constitue une opportunité à saisir pour arrêter les modalités de cette compensation,
Demande au Gouvernement d'intervenir afin que la Commission européenne veille à assurer toute forme de compensation efficace pour préserver l'agriculture ultramarine des effets négatifs des accords commerciaux signés avec la Colombie et le Pérou et avec l'Amérique centrale,
Invite la Commission européenne à mieux articuler sa politique commerciale avec les autres politiques sectorielles de l'Union, et donc à prendre en compte dans les négociations commerciales les objectifs spécifiques fixés par l'Union pour les régions ultrapériphériques,
Souhaite, dans ce cadre, que la Commission européenne évalue systématiquement les effets sur ces régions des accords commerciaux qu'elle négocie, en en étudiant l'impact préalablement à leur conclusion puis au cours de leur mise en œuvre, et qu'elle veille à l'inclusion dans ces accords de mécanismes de sauvegarde opérationnels en faveur de ces régions. »
L'amendement n° 3, présenté par MM. Detcheverry et Collin, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Après la référence :
43
insérer la référence :
, 198
La parole est à M. Denis Detcheverry.
M. Denis Detcheverry. Monsieur le président, si vous le permettez, je défendrai en même temps les sept amendements que M. Collin et moi-même avons déposés, l’objet étant identique.
M. le président. Je vous remercie de cet effort, mon cher collègue.
M. Denis Detcheverry. Ces amendements visent à étendre le champ de la proposition de résolution aux pays et territoires d’outre-mer, les PTOM, dont fait partie notamment Saint-Pierre-et-Miquelon.
Contrairement aux régions ultrapériphériques, ces pays et territoires, pour la plupart situés dans la zone des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, ne font pas partie de l’Union européenne, bien que constitutionnellement rattachés à des États membres de celle-ci.
Malgré la diversité qui les caractérise, les PTOM ont de nombreux points communs : ils sont tous assez vulnérables aux chocs venant de l’extérieur et dépendent en général d’une base économique étroite, organisée le plus souvent autour des services.
Ils dépendent aussi fortement des importations de biens et d’énergie.
À ce titre, et compte tenu du lien particulier qui les unit à l’Union européenne, ils bénéficient actuellement d’un traitement privilégié dans le cadre de la coopération économique et commerciale. Alors que la décision d’association de 2001 doit faire l’objet d’une révision, il s’agit, par ces amendements, de rappeler l’indispensable solidarité de l’Union européenne à l’égard des habitants des PTOM qui, en leur qualité de ressortissants des États membres auxquels les PTOM sont liés, sont en principe citoyens européens.
Les PTOM méritent un traitement différencié et privilégié, car ils font partie de la « famille européenne ».
C’est pourquoi leurs intérêts doivent être pris en compte dans la définition de la politique commerciale de l’Union, notamment lors de la négociation des accords commerciaux avec leurs voisins.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements ?
M. Daniel Marsin, rapporteur. Je remercie notre collègue Denis Detcheverry d’avoir défendu ces sept amendements à la proposition de résolution en une seule intervention. Je donnerai l’avis de la commission dans les mêmes conditions.
L’objectif de ces amendements est d’étendre le champ de la résolution aux pays et territoires d’outre-mer.
À ce sujet, je tiens à rappeler que l’Union européenne distingue deux catégories de collectivités d’outre-mer : les régions ultrapériphériques, les RUP, et les pays et territoires d’outre-mer, PTOM.
Les RUP font partie intégrante de l’Union européenne, tandis que les PTOM ne sont pas considérés comme faisant partie du territoire de l’Union. Le droit communautaire ne leur est donc pas applicable.
Je comprends le souhait de notre collègue Denis Detcheverry d’attirer notre attention, ainsi que celle du Gouvernement, sur la situation des PTOM, dont Saint-Pierre-et-Miquelon fait partie.
J’espère d’ailleurs que M. le ministre pourra le rassurer sur l’attention portée par le Gouvernement aux problématiques propres aux PTOM, et notamment à Saint-Pierre-et-Miquelon.
La question de la prise en compte des intérêts des PTOM dans la politique commerciale de l’Union européenne est en effet importante : nos collègues députés ont d’ailleurs adopté, en mars 2010, une résolution portant sur l’avenir des relations entre l’Union européenne et les pays et territoires d’outre-mer, pour demander que « l’Union européenne tienne compte des intérêts des PTOM dans la définition et la conduite de sa politique commerciale ».
S’agissant plus spécifiquement du projet d’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada, la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale a également adopté une résolution, devenue résolution de l’Assemblée nationale le 25 avril dernier.
Par conséquent, tout en reconnaissant l’importance du sujet, la commission de l’économie du Sénat n’a pas jugé opportun d’inclure les PTOM dans le champ de la proposition de résolution, car cela aurait pour conséquence, en quelque sorte, de « brouiller le message » que nous voulons faire passer. À l’évidence, les problématiques des PTOM sont différentes de celles des RUP.
J’en veux pour preuve le fait que l’accord envisagé avec le Canada concerne non pas directement une production de Saint-Pierre-et-Miquelon, mais plutôt un genre de pratique commerciale qui permet la transformation de ces produits à Saint-Pierre-et-Miquelon et leur réexportation vers l’Union européenne.
Or, dans le cas qui nous intéresse, nous nous appuyons sur les dispositions de l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et sur celles du POSEI en visant des produits bien précis, c’est-à-dire la banane, le sucre et le rhum, ce qui n’est pas le cas dans les PTOM, particulièrement à Saint-Pierre-et-Miquelon.
Par conséquent, je souhaite que compte soit tenu des préoccupations exprimées par notre collègue Denis Detcheverry, mais qu’après les propos que j’espère rassurants de M. le ministre il accepte de retirer ses amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Bruno Le Maire, ministre. Je suggérerai volontiers à M. Detcheverry le retrait de ses amendements. Comme l’a très bien dit M. le rapporteur, leur adoption risquerait d’affaiblir la portée de la résolution en mélangeant les problématiques des PTOM et des RUP, qui sont très différentes.
En revanche, je tiens à lui assurer que nous suivons avec autant d’attention les négociations respectives menées par l’Union européenne en vue de la conclusion éventuelle d’un accord avec, d’un côté, le Canada et, de l’autre, le MERCOSUR.
Il n’est pas question, là encore, que l’Union européenne alloue une enveloppe de 21 millions d’euros pour le développement économique de Saint-Pierre-et-Miquelon et que, dans le même temps, elle signe un accord commercial qui remettrait précisément en cause le développement économique de ce territoire, notamment dans le domaine de la pêche et de l’agriculture.
M. le président. Monsieur Detcheverry, les amendements nos 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 9 sont-ils maintenus ?
M. Denis Detcheverry. Si nous sommes réunis ici ce soir, c’est pour attirer l’attention, dans le cadre d’une proposition de résolution, sur les problèmes des RUP. Autrement dit, il s’agit en partie de guérir un mal qui existe déjà, mis à part les accords qui ont été signés entre l’Union européenne et l’Amérique du Sud.
Je considère, pour ma part, que les problèmes pesant aujourd’hui sur les économies des Caraïbes du fait des accords négociés par l’Union européenne vont sans doute toucher l’année prochaine, une fois signés les accords entre l’Union européenne et le Canada, l’économie de Saint-Pierre-et-Miquelon.
J’ai voulu, en déposant ces amendements, profiter de l'examen de cette proposition de résolution, que j’estime être le véhicule législatif approprié, dans un but de prévention, pour servir les intérêts de Saint-Pierre-et-Miquelon. En effet, mieux vaut selon moi prévenir que guérir !
Monsieur le ministre, j’espère vraiment que la situation de ce territoire, sur lequel nous ne sommes que 6 000 à vivre, sera prise en compte dans le cadre de l’évolution des accords entre l’Union européenne et le Canada. Alors que, aujourd'hui, on se mobilise autour d’un problème précis, parce qu’il concerne à peu près un million de personnes dans les Caraïbes, il n’est pas certain qu’on puisse faire de même, demain, pour un archipel aussi petit !
Je vous fais confiance, monsieur le ministre. J’accepte donc de retirer mes amendements, mais je le fais à contrecœur et après avoir beaucoup hésité.
M. le président. Les amendements nos 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 9 sont retirés.
L’amendement n° 10 rectifié, présenté par Mme Hoarau, MM. Danglot et Le Cam, Mmes Didier, Schurch, Terrade et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Rédiger ainsi cet alinéa :
Considérant que l’accord conclu en décembre 2009 à Genève par l’Union européenne avec les pays d’Amérique latine, et les accords de libre-échange conclus en mars 2010 par l’Union européenne avec la Colombie et le Pérou, d’une part, et avec les pays d’Amérique centrale, d’autre part, font courir un risque important à l’agriculture des régions ultrapériphériques françaises, si des garde-fous suffisants ne sont pas mis en place,
La parole est à Mme Gélita Hoarau.
Mme Gélita Hoarau. Conclu en décembre 2009, l’accord de Genève, accord multilatéral de libre-échange entre l’Union européenne et les pays d’Amérique latine, prévoit une réduction de 35 % des droits de douane sur la banane latine entrant sur le marché européen. Cette baisse progressive fera passer ces droits de douane de 176 euros en décembre 2009 à 114 euros par tonne métrique au 1er janvier 2017.
La Commission a prévu un fonds de 200 millions d’euros pour soutenir les pays ACP, mais rien pour les régions ultrapériphériques.
Quant aux accords de mars 2010, ce sont des accords bilatéraux signés entre l’Union européenne et la Colombie et le Pérou. Ils visent à réduire davantage les droits de douane, sur la banane notamment, qui atteindront 75 euros en 2020.
Il convient donc de souligner que les préjudices occasionnés sur l’agriculture des RUP seront considérables et qu’ils résulteront, à la fois, de l’accord de 2009 et des accords de 2010.