M. Denis Badré. Monsieur le président, madame, monsieur les ministres, mes chers collègues, la séance qui nous réunit ce soir est historique. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Monsieur le ministre, vous avez d’ailleurs choisi de souligner d’entrée combien avait de sens, pour la France comme pour l’Europe, l’engagement conjoint et solennel de l’exécutif et du Parlement français sur le projet de programme pluriannuel de stabilité que le Gouvernement va transmettre à Bruxelles.
Le Sénat a maintenant la parole pour se prononcer sur cet acte qui engage le pilotage pluriannuel de nos finances publiques et, par voie de conséquence, la préparation du budget annuel.
Prévue par l’article 121 du traité sur l’Union Européenne, la transmission des programmes de stabilité est un jalon essentiel de l’information que la France donne de l’état de son économie et de ses finances à la Commission européenne et en premier lieu surtout, puisque nous sommes « liés » dans une démarche intergouvernementale, à nos partenaires européens.
Le programme pluriannuel 2011-2014 innove à la fois sur la forme et sur le fond.
Sur la forme, d’abord, le groupe de l’Union centriste se félicite de l’engagement pris par le Gouvernement de soumettre ce programme au vote du Parlement. Il s’en félicite et il vous en remercie, madame, monsieur les ministres.
La séance de ce soir donne un avant-goût des dispositions prévues par le projet de loi constitutionnel relatif à l’équilibre des finances publiques. Cette pratique ne peut que renforcer le chaînage vertueux des finances publiques avant même que l’on entre dans le cycle qu’inaugurera le collectif budgétaire du printemps.
C’est un gage de plus grande lisibilité des perspectives financières du pays et, j’ose le dire, madame Borvo Cohen-Seat, d’une procédure plus démocratique encore. Le principe du consentement à l’impôt, même lorsque nous sommes liés à vingt-sept, doit rester une base de la démocratie et nous nous donnons ici les moyens de respecter cet impératif.
Nous innovons ensuite sur le fond. Je note avec quelle prudence le Gouvernement a modifié ses prévisions de croissance pour 2011 et 2012 : désormais respectivement fixés à 2 % et 2,5 %, les taux de croissance prévisionnels pour ces deux années semblent fondés sur une analyse relativement réaliste des performances économiques du pays et c’est avec raison, me semble-t-il, que le rapporteur général qualifiait à l’instant ces taux de taux les plus « neutres ».
Je veux d’ailleurs saluer ici le travail réalisé par Philippe Marini dans son rapport sur le dernier projet de loi de programmation des finances publiques.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je vous remercie.
M. Denis Badré. La commission des finances du Sénat a très justement pointé les failles et les limites des programmations pluriannuelles, qu’elles soient nationales ou européennes.
Sans une hypothèse de croissance crédible et solide, aucun gouvernement ne saurait avoir une estimation fiable de ses recettes et, sans objectifs ou plafond de dépenses, aucun gouvernement ne saurait assainir durablement ses finances publiques.
Ce que l’on pourrait appeler le « risque » budgétaire est désormais largement répandu dans les pays occidentaux. Ce risque pèse aussi, directement et indirectement, sur la France. L’heure n’est plus aux déclarations d’intentions ou aux présentations optimistes. Il nous faut faire preuve aujourd’hui d’un engagement très responsable en matière de finances publiques.
Il y a un an, presque jour pour jour, les Européens étaient au chevet de nos amis grecs, dont la dette publique faisait alors l’objet d’attaques spéculatives, assez largement justifiées, d’ailleurs.
L’Irlande, dès l’automne, a elle aussi vu sa dette souveraine l’entraîner dans la crise.
Le Portugal est dans la tourmente, sans perspectives financières encore vraiment restaurées.
On craint que d’autres pays ne suivent. Comme disait le fabuliste, « ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés » ! (Sourires.) Heureusement – solidarité oblige – personne ne meurt ! Et c’est d’abord aux spéculateurs que nous avons déclaré la guerre en affichant une solidarité européenne sans faille.
La contrepartie de cette solidarité est évidemment un droit de regard mutuel et une rigueur partagée. À ce titre, la France se doit d’être exemplaire. Ce n’est malheureusement pas encore tout à fait le cas.
Ainsi, nous n’avons pas voté un seul budget en équilibre depuis 1975. La limite de 3 % du PIB, fixée à l’article 126 du traité sur l’Union Européenne, n’a été respectée qu’une année sur deux au cours de la dernière décennie. En 2010, le déficit public a dépassé le triste record des 7 % de PIB, atteignant plus 130 milliards d’euros et projetant notre dette publique au-delà de 87 % du PIB dès l’an prochain.
La France vit à crédit sur le compte de ses enfants et de ses petits-enfants. Nous perdons en crédibilité, aux yeux de nos partenaires européens comme des marchés financiers.
Je ne voudrais pas que nous attendions que la note de notre signature soit dégradée pour prendre les mesures adéquates.
Les États-Unis eux-mêmes ne semblent plus à l’abri du risque souverain. L’administration du président Obama se prépare à rencontrer de grandes difficultés lors du vote du budget américain, au risque de remettre en cause 800 000 emplois de fonctionnaires à travers le pays. Alors que les inscriptions dans les agences de recherche d’emploi ont atteint leur record historique au mois de mars dernier, le froncement de sourcil d’une agence de notation peut faire trembler Wall Street. Le service de la dette américaine, qui couvre près de 14 000 milliards de dollars, est aujourd’hui suspendu au jugement de l’agence Standard and Poor’s.
Si même la première économie mondiale n’est plus à l’abri, qu’en sera-t-il de la France et d’une Europe en dehors de laquelle il existe peu de salut pour notre pays ?
La stabilité économique et budgétaire en Europe ne se décrète pas ; elle se construit, dans une concertation renforcée. C’est dans cette perspective que les parlements nationaux de l’Union européenne doivent orienter leurs efforts conjoints.
Le vote du budget est évidemment une prérogative nationale, qui ne peut être transférée à la Commission ou au Parlement européen. Il est de notre devoir et de notre responsabilité d’élus d’être vigilants quant à l’emploi des deniers publics. Cette évidence ne peut plus nous dispenser d’adopter une attitude de solidarité européenne, de solidarité tant face à la crise que dans la prévention des crises.
L’entrée en vigueur du traité de Lisbonne nous a donné l’occasion de renforcer les dispositions prévues au titre XV de la Constitution. Comme cela fut programmé, les articles 88-4 et 88-6, évoqués à l’instant par Philippe Marini, donnent au Parlement des prérogatives claires à propos du contrôle du principe de subsidiarité. Il faut aujourd'hui aller plus loin.
Considérant que des questions présentant un caractère aussi important et un intérêt aussi européen que la défense, la garantie des dettes souveraines ou les budgets nationaux, voire les recettes du budget européen, donnent lieu à vote au sein des parlements nationaux, il nous faut construire le réseau de ces parlements nationaux qui, avec le Parlement européen, pourra appréhender ces questions et rendre compatibles ambitions communes et prérogatives nationales.
C’est vers une sorte de « conseil Écofin parlementaire » qu’il faut aller. J’ai eu l’honneur de représenter la commission des finances du Sénat à Bruxelles, lors d’une récente rencontre consacrée au semestre européen organisée avec les commissions des finances des parlements nationaux sur l’initiative de la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen. Cette réunion fut très utile et prometteuse.
Il nous faudra poursuivre en allant plus loin, en envisageant, notamment, d’éventuelles formes de contrôle. Un contrôle parlementaire concerté sera un gage de lisibilité et de démocratie budgétaire à offrir à l’Europe. Alors, le programme de stabilité prendra son plein sens. C’est cette idée que je défendrai lors de la prochaine réunion de la COSAC, la conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires, qui se tiendra à Budapest dans quelques jours et à laquelle j’assisterai avec mon collègue Jean Bizet.
En abordant cette question, nous sommes tout simplement en train de mettre en musique l’article 5 du traité de Lisbonne, qui consacre le rôle des parlements nationaux dans la construction européenne. On n’avait sans doute pas vu, au moment du vote du traité, à quel point cet article serait nécessaire ni quelle en serait sa portée. C’est une réelle exigence imposée aux parlements nationaux dont nous essayons de nous montrer dignes ce jour.
En cet instant, il nous faut répondre à la question de confiance posée par le Gouvernement, au titre de l’article 50-1 de la Constitution. C’est dans un esprit de confiance – denrée rare en ces temps d’instabilité économique et financière – et de responsabilité que les sénateurs centristes soutiendront le Gouvernement lors du scrutin en approuvant la transmission à Bruxelles de ce programme de stabilité, non sans l’appeler, je l’ai indiqué, à faire encore beaucoup mieux à l’avenir. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous entrons donc dans la procédure dite du « semestre européen ». Il s’agit de coordonner, avant l’adoption des budgets annuels nationaux – cela relativise encore plus l’exercice budgétaire de la fin de l’année – les politiques budgétaires et économiques de la zone euro en lien avec le pacte de stabilité et la stratégie Europe 2020, qui, au demeurant, s’éloigne fortement de celle qui avait été définie à Lisbonne.
Le pacte de stabilité fait l’objet en ce moment même d’un débat contradictoire au Parlement européen, ce qui peut poser à la France un problème de calendrier, puisque la coordination doit tenir compte des décisions qui seront prises lors des débats du Parlement et de la Commission, selon la procédure européenne.
Sur la forme, je reconnais un progrès par rapport à l’année dernière. Je rappelle que le Premier ministre avait dressé la trajectoire des finances publiques en début d’année dans un courrier, alors que nous n’avions débattu du projet de loi de programmation qu’au début du mois de novembre, quelques jours avant d’aborder l’examen du projet de loi de finances annuelle.
Comme l’a dit en commission le rapporteur général, il pourrait s’agir aujourd’hui d’une « actualisation approximative » de la loi de programmation.
En réalité, cet exercice devant être associé à l’examen, au mois de juin prochain, du projet de loi constitutionnelle qui est censé fixer des règles d’or supposées contraignantes pour réduire nos déficits, il a une portée tout autre.
Lors de la présentation au Conseil du semestre européen, la Commission européenne avait pris soin d’indiquer que « le nouveau cadre ne représente en rien une limite à la souveraineté des États nationaux. » Et pourtant, c’est bien le président de la Banque centrale européenne qui déclarait, voilà peu de temps, que nous étions dans une « quasi-fédération budgétaire ».
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
Mme Nicole Bricq. Comprenne qui pourra !
Si tout cela se fait sous l’étroite surveillance des marchés, lors de la présentation devant nos collègues de la commission des finances de l’Assemblée nationale la semaine dernière, vous avez bien insisté, madame la ministre, et déclaré : « La France doit impérativement défendre son triple A ».
Mais un autre paramètre ne doit pas être oublié : les peuples, auxquels il va être demandé essentiellement de porter l’effort de redressement. Certains peuvent se réjouir de connaître une situation moins pire qu’ailleurs. Prenons garde cependant, mes chers collègues, au rejet, qui se manifeste un peu partout, de l’idée même d’Europe. Les événements délitent chaque jour un peu plus l’idée même d’une Europe unie.
Une procédure budgétaire, fût-elle constitutionnalisée, peut-elle se substituer aux choix démocratiques d’une politique et d’une stratégie économique, qui plus est à un an de l’échéance cardinale que constitue, nous le savons, l’élection présidentielle ? Certainement pas !
Reconnaissons que l’obstacle est de taille, eu égard à l’ampleur de nos déficits. Certes, la crise est passée par là et nous n’en sommes pas encore sortis, mais elle ne saurait exonérer la majorité sortante de ses responsabilités, car son bilan est négatif. Je ne citerai que quelques chiffres : un déficit public de 7 % à la fin de l’année dernière, alors qu’il s’élevait à 2,7 % voilà quatre ans ; une dette multipliée par deux en dix ans.
La Cour des comptes avait estimé à deux tiers l’impact des choix budgétaires que vous avez opérés. Au sujet de la trajectoire 2010-2013, elle note, dans son rapport annuel pour 2011, que le déficit structurel, qui atteignait 5 % du PIB en 2009, s’est encore aggravé, en raison des baisses durables de prélèvements obligatoires qui ne respectent pas les règles de la loi de programmation, à peine celle-ci votée.
Pour nous, socialistes, le rétablissement des comptes publics est un objectif à la fois de souveraineté politique et de justice. Nous ne pouvons pas ignorer le coût des déficits que vous avez accumulés pour le présent et l’avenir, et qui seront difficiles à résorber.
Encore faut-il articuler finement redressement économique, justice fiscale et responsabilité budgétaire. Or la trajectoire budgétaire que vous proposez n’est sous-tendue par aucune stratégie économique.
En 2007, vous aviez fait le choix du paquet fiscal pour, disiez-vous alors, « libérer les énergies » de ceux qui, parmi les plus aisés, étaient susceptibles de contribuer à la croissance, qu’il fallait aller chercher avec les dents. On sait ce qu’il en fut : une économie rentière s’est substituée à une économie productive.
Depuis, vous détricotez le paquet fiscal, sans pour autant remplacer votre stratégie de 2007 par une nouvelle stratégie économique susceptible de permettre à notre pays de retrouver le chemin de la croissance durable, solide et créatrice d’emplois pérennes.
N’oublions pas non plus que les stratégies budgétaires des pays voisins de la zone euro convergent, elles aussi, vers l’austérité, ce qui accentuera la faiblesse de la croissance et, ce faisant, compromettra le rétablissement budgétaire.
C’est le multiplicateur keynésien à l’envers qui est à l’œuvre.
Ces considérations macroéconomiques ne sont pas superflues, quand on voit que l’hypothèse de croissance sur laquelle repose la trajectoire que vous transmettez est manifestement optimiste et sa crédibilité, de ce fait, quelque peu amputée.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Le taux retenu est le même que celui qui figure dans le programme socialiste !
Mme Nicole Bricq. Je vais y venir, monsieur le rapporteur général.
Vous avez seulement consenti à baisser votre prévision d’un quart de point pour 2012. Or il s’agit de l’année de tous les dangers. Le consensus économique table sur 1,8 % pour cette même année. Même Rexecode a publié un pourcentage identique en fin de semaine dernière. Vous, vous programmez une croissance de 2,25 % en 2012 et de 2,5 % dès 2013.
Monsieur le rapporteur général, j’ai entendu votre interpellation, que j’avais un peu anticipée lors de la préparation de cet exposé. Si ce dernier pourcentage a été avancé par le parti socialiste, précisons que le calendrier retenu n’est pas le même que le vôtre : il vise la période 2012-2017.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Donc, vous laissez filer la dette jusqu’en 2017 !
Mme Nicole Bricq. Attendez, monsieur le rapporteur général, je vais évoquer les recettes et les dépenses.
Le Gouvernement fait comme si les clignotants étaient ou passaient au vert durablement.
Selon votre scénario, madame la ministre, monsieur le ministre, la consommation se maintiendra alors que le pouvoir d’achat baisse, fait désormais avéré.
L’amélioration des exportations constatée lors des derniers trimestres de 2010, vous l’avez indiqué tout à l’heure, deviendra structurelle, alors qu’elle correspond à un effet de rattrapage consécutif à l’effondrement de 2009 et que l’évolution du commerce extérieur de notre pays sur une période de dix ans fait apparaître la perte chaque année de 0,4 point de PIB.
Donc, les entreprises investiront ; les taux d’intérêt seront modérément relevés ; l’inflation ne sera que conjoncturelle et le prix du baril de pétrole devrait se stabiliser.
Enfin, les collectivités locales, sommées de s’ajuster à la nouvelle donne fiscale et financière depuis 2010, modéreront leurs dépenses, alors qu’elles pourraient légitimement avoir des besoins de financement en milieu de cycle électoral, je pense aux élections municipales.
Monsieur le ministre, vous vous êtes tout à l’heure satisfait d’un chiffre définitif du déficit pour 2010 de 7 %, au lieu de 7,7 %, donnée qui avait déjà fait l’objet d’un réajustement. Vous le savez fort bien, mais je souhaite vous rappeler que les collectivités locales ont contribué pour moitié à la réduction du déficit l’année dernière.
En réalité, le scénario gouvernemental est un conte, mais sans fée ni prince charmant. Ce conte devrait nous conduire à un ajustement de 4 points de PIB, soit, pour satisfaire à votre demande justifiée, monsieur le rapporteur général, 80 milliards d’euros, que vous allez chercher en pressurant la dépense.
L’année dernière, et nous vous avions soutenu, vous aviez posé plusieurs questions, que je reprends en cet instant : « En cas de variation à la baisse de l’hypothèse de croissance, quels ajustements proposez-vous ? Une compression supplémentaire des dépenses, et laquelle ? Une hausse des prélèvements, et laquelle ? »
La commission chiffre par ailleurs dans son rapport une variation de 0, 5 point à la baisse de la croissance et une augmentation du ratio dépenses/PIB de 0, 25 point. Et si l’élasticité des recettes est moindre, l’impact sur le solde peut être double. J’en conclus que le rapporteur général n’est pas définitivement convaincu par la trajectoire qui nous est proposée…
De plus, force est de constater que la documentation dont nous disposons est très lacunaire : elle ne nous permet pas d’étayer la crédibilité de votre trajectoire, madame la ministre. Ces lacunes se constatent sur l’exécution budgétaire 2010, et a fortiori pour les années suivantes. Mais il ressort des travaux du rapporteur général que, s’agissant des dépenses documentées, l’objectif d’une croissance limitée à 0, 6 % n’est pas vérifié.
Concernant le volet « dépenses », vous confirmez la règle de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, alors que nous ignorons encore quelles économies auront ainsi été réalisées sur la période passée, mais que nous pouvons tous apprécier très concrètement les dégâts causés au service public, notamment dans l’éducation nationale.
Vous souhaitez même étendre cette règle aux opérateurs de l’État ! À Pôle emploi, par exemple, la situation est déjà effrayante et elle deviendra catastrophique, pour les personnels comme pour les demandeurs d’emploi.
On ne connaît pas les économies permises par la réduction du nombre de fonctionnaires mais on sait en revanche que le gel du point d’indice pèsera sur la capacité de consommation.
Vous annoncez une augmentation de l’effort de réduction des niches fiscales, mais en renvoyant, sans plus de détails, à l’élaboration du budget de 2012 ! Je voudrais vous rappeler, monsieur le rapporteur général, madame la ministre, monsieur le ministre, que dans son projet, le parti socialiste, estime à 50 milliards d’euros les recettes que nous pourrions attendre de l’extinction des niches fiscales !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Mais ce serait récessif ! Comment faire 2,5 % de croissance avec tout cela ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Quelle est votre hypothèse de croissance ?
Mme Nicole Bricq. Madame la ministre, vous avez qualifié ce chiffrage de « déraisonnable » et d’« irresponsable », ce qui est tout de même sévère.
Je voudrais vous faire remarquer que, ce matin, en commission, comme le président et le rapporteur général s’y étaient engagés l’année dernière, nous avons auditionné, outre le directeur du budget et la directrice de la législation fiscale, M. Henri Guillaume, inspecteur général des finances. En effet, vous avez demandé à l’IGF, l’Inspection générale des finances – avec retard, mais mieux vaut tard que jamais – un travail de chiffrage et d’évaluation. Or, pour la seule partie que la direction du budget et la direction de la législation fiscale classent en niche fiscale, l’IGF parvient à une estimation de 100 milliards d’euros. Si l’on y ajoute les niches que vous avez « déclassées », qui représentent au moins 70 milliards d’euros, le travail auquel nous comptons nous atteler en 2012 n’est ni irresponsable ni déraisonnable.
M. François Marc. C’est vrai !
Mme Nicole Bricq. Monsieur le ministre, vous assurez que les différentes mesures annoncées seront neutres, qu’il s’agisse de la sortie de l’impôt sur la fortune pour 300 000 foyers - effective dès 2011 – de la baisse significative des taux pour ceux qui resteront assujettis à l’ISF, ainsi que de la suppression du bouclier fiscal, qui n’interviendra qu’en 2012. Des mesures neutres ? Mais vous n’en apportez aucune preuve. Au chèque fiscal qui devait encore être remis à une certaine dame en 2012 – cela fait tout de même tache en année électorale – vous allez substituer une déduction de l’ISF (Sourires.)
Néanmoins, pour les comptes publics, cela ne change rien ! Il faudra que vous nous assuriez de la neutralité de cette mesure ; à nos yeux, c’est un tour de passe-passe. Encore une fois, vous continuez votre politique de cadeaux !
Pour ce qui est maintenant des recettes, madame la ministre, il faut observer que les prélèvements obligatoires augmentent : ils retrouveront dès l’année prochaine leur niveau de 2007. Et on ignore encore si vous avez intégré à vos calculs la nouvelle niche, qui accompagnera la prime versée dans les entreprises privées – je fais allusion à celle qu’a demandée le chef de l’État. Il est vrai que le débat intragouvernemental à ce sujet n’est pas conclu, et que la confusion règne.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Quelle horreur !
Mme Nicole Bricq. Quoi qu’il en soit, votre coefficient d’élasticité est sans rapport avec votre hypothèse de croissance. J’en conclus que vous voulez masquer la hausse des prélèvements obligatoires.
Vous répétez à l’envi qu’il n’y aura pas de hausse généralisée des prélèvements obligatoires, mais il suffit de faire une simple addition pour constater qu’il y aura bien hausse de ces prélèvements.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est une réduction des dépenses fiscales !
Mme Nicole Bricq. Soit ! Si je fais cette rapide démonstration, c’est pour souligner que vous serez bien téméraires si vous persistez à nous qualifier de « taxeurs » quand il s’agira de dresser le bilan de la législature !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Avec 50 milliards d’euros !
Mme Nicole Bricq. Et encore n’ai-je évoqué que le budget de l’État ! Or le budget social - j’en reviens à l’hypothèse macroéconomique - est particulièrement sensible à l’évolution de la croissance et de l’emploi. Cela pose une nouvelle fois la question de la fragilité des prévisions de recettes des administrations de la sécurité sociale.
En conclusion, le passé ne plaide pas en faveur des gouvernements qui se sont succédé depuis dix ans, car ceux-ci n’ont pas respecté les programmations des finances publiques. Le respect de la trajectoire actualisée n’est pas davantage assuré. Nous n’avons aucune visibilité quant aux choix qui seraient faits en 2012 si l’hypothèse de croissance n’était pas au rendez-vous.
Enfin et surtout, la diminution des déficits ne fait pas à elle seule une politique. Il faudrait assurer un équilibre entre mesures de désendettement et soutien à la croissance, par l’emploi, notamment. Or les études les plus récentes démontrent que la fragilité de la reprise pourrait au mieux stabiliser les chiffres du chômage, et cela dans le meilleur des cas. Cet équilibre que nous cherchons – désendettement mais soutien à la croissance, dans le respect d’un rythme compatible avec l’état de notre pays - ne se retrouve pas dans votre programme de stabilité.
Oui, il faut assainir nos finances publiques, mais en prenant le temps nécessaire par une politique économique appropriée, et sans casser la consommation. Votre programme pèche par défaut de crédibilité et ne s’appuie pas sur une stratégie économique qui viserait à utiliser les marges de manœuvre dont nous disposons encore. Ce sont deux raisons suffisantes qui justifient notre opposition au programme que vous nous présentez (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Quelle illusion !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.