M. François Fortassin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, personne ne saurait nier que le football est un élément fédérateur pour notre pays. Ce sport populaire par excellence constitue incontestablement un fort vecteur de cohésion sociale et contribue à l’épanouissement de milliers de jeunes Français. C’est pourquoi nous nous réjouissons que la France ait été choisie pour organiser le championnat d’Europe de football en 2016.
C’est l’occasion rêvée de faire revivre la dimension populaire de ce sport. Cette compétition devrait également permettre de retrouver l’unité nationale forgée lors de la Coupe du monde de 1998, hélas ternie par la calamiteuse attitude de l’équipe de France lors de la Coupe du monde de football de 2010. Cet événement n’a pas seulement altéré l’image du monde du football, mais il a également gâché un état de grâce et notre plaisir.
Vous le savez, mes chers collègues, le championnat d’Europe de l’UEFA est la compétition la plus médiatisée à travers le monde, après les jeux Olympiques, la Coupe du monde de football et la Coupe du monde de rugby. Un tel événement représente l’opportunité unique de prendre un nouvel élan sur le plan sportif. Dans une période où notre pays a tendance à sombrer dans la morosité, une compétition sportive de haut niveau est évidemment de nature à redonner le moral à nos compatriotes.
Le championnat d’Europe de l’UEFA représente également l’occasion de prendre un nouvel élan économique et médiatique. En termes de rayonnement international de la France, les enjeux sont majeurs.
Les retombées économiques de ce type de manifestation sont considérables. La France sera au cœur de l’actualité : 2,5 millions de spectateurs assisteront aux matchs et près de 2 milliards de personnes suivront leur retransmission télévisée. Si nous pouvons donner, à cette occasion, une bonne image de notre pays, nous ne devons pas bouder notre plaisir !
Malheureusement, il faut se rendre à l’évidence : nos stades sont souvent obsolètes et nos capacités d’accueil sont insuffisantes au regard de celles de nos voisins européens. Notre pays a pris du retard en la matière, pour des raisons diverses.
Aussi saluons-nous, madame la ministre, qui êtes aussi une sportive de haut niveau, vos efforts en faveur du sport et des sportifs.
La modernisation de grande ampleur de nos stades devrait représenter un investissement d’environ 1,7 milliard d’euros. L’État, qui avait participé à hauteur de 30 % aux dépenses pour la Coupe du monde de football de 1998, réduit ici singulièrement sa participation puisqu’il n’interviendra qu’à hauteur de 8 %.
M. Guy Fischer. C’est regrettable !
M. François Fortassin. On nous dit que les finances de l’État ne sont guère florissantes. C’est sans doute vrai...
Il est donc indispensable de trouver de nouvelles sources de financement. De nouveaux outils juridiques et financiers existent. Il faut les utiliser pour répondre dans de bonnes conditions aux exigences posées par le cahier des charges de l’UEFA.
Certes, l’UEFA appuie peut-être un peu trop sur la chanterelle : si l’on en croit ses représentants, même le Stade de France ne remplirait pas toutes les conditions nécessaires ! Moi, qui fréquente ce stade de temps à autre, non pour assister aux matchs de football, mais pour admirer ceux qui maîtrisent le « paramètre rebondissant aléatoire » (sourires), je le trouve très confortable, si ce n’est au niveau des toilettes. (Nouveaux sourires.) Mais c’est un détail...
D’une part, il s’agit d’ouvrir la possibilité aux stades gérés dans le cadre d’un bail emphytéotique administratif de bénéficier des mêmes aides publiques que les stades gérés dans le cadre d’un autre régime juridique, notamment le contrat de partenariat ou la maîtrise d’ouvrage public.
Les villes de Paris, de Lens et de Nancy, qui ont opté pour le BEA, seront donc, elles aussi, éligibles aux subventions publiques pour la rénovation de leurs stades. Cette disposition met un terme à une inégalité de traitement parfaitement injustifiée dans le cadre de la rénovation des stades pour l’Euro 2016.
D’autre part, le texte permet aux collectivités de participer aux frais de rénovation ou de construction des stades, ou d’apporter leur caution au bailleur en cas d’emprunt.
Il ne s’agit en aucun cas de contourner le code des marchés publics : les exigences d’éthique et de transparence qu’il pose doivent être parfaitement respectées. Nous y veillerons, madame la ministre.
Ces dispositions permettent d’introduire plus de souplesse et de répondre à une demande qui est, aujourd’hui, très importante.
Il sera nécessaire de trouver de nouvelles solutions, des montages financiers innovants, notamment en intégrant les partenaires privés, pour financer les équipements sportifs, qui peuvent d’ailleurs être utilisés pour des manifestations d’autres types.
Nous avons le sentiment, madame la ministre, que la proposition de loi qui nous est présentée ne résoudra pas tous les problèmes liés à l’organisation du championnat d’Europe et au cahier des charges imposé par l’UEFA. Malgré les nombreuses réserves, y compris d’ordre juridique, que ce texte soulève, il va néanmoins dans le bon sens. Son domaine d’application est précis : cela en fait un outil indispensable pour honorer nos engagements.
C’est la raison pour laquelle, avec une partie des membres du groupe RDSE, je voterai pour cette proposition de loi.
Toutefois, madame la ministre, je souhaite profiter des quelques secondes qui me sont encore imparties pour rappeler au monde du football, c’est-à-dire tout à la fois aux sportifs, aux dirigeants et au public, que la violence n’a pas sa place dans les stades !
Mme Catherine Troendle. Très bien !
M. François Fortassin. Si nous voulons que le football redevienne une fête, il faut prioritairement donner une bonne éducation à l’ensemble des pratiquants et leur enseigner le respect scrupuleux de l’arbitre.
L’arbitre peut se tromper, mais sans lui il n’y a pas de sport. Le rôle des joueurs est de tenter de gagner le match. Quant aux dirigeants, leur responsabilité est fortement engagée lorsque des débordements se produisent dans les stades, en France comme ailleurs. (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, est-il nécessaire et raisonnable de favoriser toujours plus le football professionnel ? Sans démagogie, j’ai tendance à répondre que non.
Faut-il vraiment, pour construire des stades, bousculer le code général des collectivités territoriales, le droit administratif, les règles en matière de sport et même le code civil ? Je ne le pense pas.
Certes, dans son rapport, notre collègue Dufaut a raison de noter que la France manque cruellement d’équipements sportifs pouvant accueillir des événements sportifs internationaux. En l’occurrence, cette proposition de loi n’apporte aucune solution à ce constat.
Elle vise, en fait, à répondre aux exigences, parfois extravagantes, de l’UEFA. Un peu de fair-play dans les normes qu’elle édicte permettrait certainement à tous les pays de sa zone d’influence de pouvoir organiser ce type d’événement. Ces derniers ne seraient pas ainsi réservés aux seuls pays qui ont de gros moyens financiers.
Nous rejetons cette proposition de loi pour plusieurs raisons, que j’exposerai brièvement.
Tout d’abord, nous contestons la méthode utilisée. Il est devenu coutumier que les textes relatifs au sport prennent la forme de propositions de loi, et non de projets de loi. En l’occurrence, nous ne sommes pas dupes de l’origine de ce texte. Ainsi, le contrôle et l’avis du Conseil d’État sont contournés. C’est dangereux car, bien souvent, est ainsi mise en place une législation à la sécurité juridique incertaine. En l’occurrence, je crains que cette proposition de loi ne soit particulièrement instable juridiquement.
Vous savez bien que les dispositions d’exception, qui mêlent intérêts privés et fonds publics, sont sujettes à contentieux. C’est pourquoi, d’ailleurs, vous prévoyez de régler les conflits en dehors du droit commun, dans le cadre d’une juridiction d’exception : le tribunal arbitral.
Toujours s’agissant de la méthode, comment justifier que le Gouvernement ait engagé la procédure accélérée, alors que nous disposons de plus de trois ans pour réaliser les stades devant accueillir l’Euro 2016 ? Ne s’agit-il pas, sous couvert d’organiser ce championnat, de créer une jurisprudence permettant de changer les modes de financement des équipements sportifs, voire de l’ensemble des équipements publics ?
Notre rapporteur dévoile cette arrière-pensée, qu’il expose en conclusion de son rapport. Il considère, en effet, qu’il faudra « favoriser les modes de partenariats entre personnes publiques et privées en matière d’équipements sportifs », qui constituent, selon lui, une voie d’avenir, « que ce soit au niveau des grands stades, des grandes salles mais aussi des équipements de modeste envergure ».
Ainsi, monsieur le rapporteur, vous annoncez votre volonté d’aller vers la privatisation prochaine des équipements sportifs partout où des marges financières pourront être dégagées grâce aux subventions de la collectivité, bien entendu…
Enfin, le dernier point de méthode que nous contestons concerne le manque de concertation autour de cette proposition de loi.
Les associations d’élus n’ont pas été consultées, alors même que les collectivités locales devront financer ces équipements, ni le mouvement sportif. Seules les ligues professionnelles ont été entendues. Il est d’ailleurs étonnant qu’un tel manque de concertation ait prévalu au moment où Mme la ministre des sports met en place l’Assemblée du Sport. La concertation serait donc à géométrie variable ! Souhaitons qu’elle ne soit pas de simple affichage.
J’en viens maintenant au contenu de cette proposition de loi.
En permettant le versement de subventions à des sociétés privées qui réaliseront un stade dans le cadre d’un bail emphytéotique administratif, vous contraignez, en fait, les collectivités locales à financer ces entreprises commerciales. Vous les mettez sous la pression des entreprises en les privant de la couverture des règles juridiques fondamentales qui préservent leurs intérêts.
En effet, s’il existe différentes formules juridiques pour réaliser de grands équipements sportifs, ou d’autres équipements d’ailleurs, c’est que chacune à des conséquences spécifiques sur l’engagement financier de la collectivité. Aussi, en choisissant telle ou telle formule, la collectivité est libre de décider de la hauteur de son investissement. Or, au travers de cette proposition de loi, quelle que soit la forme juridique retenue, les communes, les départements et les régions devront mettre la main au portefeuille. Jusqu’où ? Nul ne le sait. Il n’y a pas de limite…
De plus, la convention de mise à disposition place la collectivité qui participera au financement de l’équipement dans l’obligation de dégager de nouveaux financements pour le même équipement. Elle paiera donc deux fois, en quelque sorte. Ce n’est pas acceptable ! Or c’est le cœur de cette réforme.
Quant aux articles 2 et 3 de la proposition de loi, ils sont tout aussi condamnables à nos yeux, j’y reviendrai lors de la présentation des amendements que j’ai déposés.
Qu’il me soit cependant permis de formuler deux remarques à propos de l’article 2. Son contenu est tout de même étonnant après le débat que nous avons eu sur la réforme des collectivités locales. En effet, alors que la majorité sénatoriale avait à cette occasion bataillé ferme pour supprimer les financements croisés, elle s’apprête au travers de la présente proposition de loi à les encourager.
Par ailleurs, dans le domaine de l’intervention économique en faveur des entreprises – compétence partagée entre collectivités locales –, la loi prévoit explicitement un chef de file, en l’espèce la région. Personne n’a jamais remis en cause une telle procédure. J’ai même cru comprendre que, pour beaucoup de personnes, elle était promise à un grand avenir dans bien d’autres domaines. Or, avec cette proposition de loi, vous vous apprêtez à supprimer le principe d’un chef de fil unique inscrit dans la loi.
Votre attitude semble donc pour le moins contradictoire, voire de simple circonstance. Mais peut-être me trompé-je ?
Les dispositions de cette proposition de loi ne sont-elles pas plutôt tout à fait cohérentes avec l’ensemble des politiques publiques placées sous le signe de la révision générale des politiques publiques, la RGPP ? Ces mesures visent, en fait, à masquer un nouveau désengagement de l’État et de nouveaux transferts vers les collectivités locales. En outre, elles permettraient d’encourager l’ouverture de nouveaux marchés aux grands groupes privés, en l’occurrence à ceux qui œuvrent dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, dont les dirigeants font tous partie de « la bande du Fouquet’s ». (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Vous n’hésitez pas à faciliter toujours plus les transferts de fonds publics vers ces grandes entreprises pour assurer la rentabilité des investissements privés, et ce au mépris des règles fondamentales de notre droit.
Ainsi, le Gouvernement s’est totalement désengagé de toute responsabilité dans l’organisation de l’Euro 2016. Comme cela vient d’être rappelé, il ne participera au financement de la réalisation des stades nécessaires à cette compétition qu’à hauteur de 8 %, alors que pour la Coupe du monde de football 1998, la part des subventions de l’État pour les stades avait été de 30 %.
M. Guy Fischer. Eh oui ! C’est une chute vertigineuse !
M. Jean-François Voguet. Les collectivités locales se retrouvent seules pour répondre au cahier des charges de l’UEFA, dont les normes sont pour le moins exagérées. Or, au vu du contexte financier qu’il impose aux collectivités, le Gouvernement sait très bien que peu d’entre elles pourront supporter les investissements nécessaires. Celles-ci seront donc contraintes de souscrire aux différentes conventions et contrats public-privé, pour le plus grand profit des grands groupes et de leurs actionnaires.
Afin d’assurer la rentabilité de ces derniers, vous vous apprêtez aujourd’hui, avec cette proposition de loi, à contraindre les collectivités locales à augmenter plus encore leur participation au détriment des autres politiques publiques, en particulier de celles qui sont menées en faveur des populations les plus en difficulté.
C’est pourquoi, même si je me félicite comme vous tous ici que notre pays accueille cette grande compétition, je regrette que les plus hautes autorités publiques n’aient pas davantage préparé un tel événement et se placent en retrait de son organisation.
Je ne peux me résoudre à ce que cette incurie aboutisse à contraindre les collectivités locales à financer les dividendes des actionnaires des groupes du CAC 40.
C’est pourquoi, à l’instar de l’ensemble des membres du groupe CRC-SPG, je voterai contre la présente proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, le 28 mai 2010, le comité exécutif de l’Union européenne des associations de football, l’UEFA, désignait la France comme pays organisateur de l’Euro 2016.
Mes chers collègues, que nous soyons de la majorité ou de l’opposition, nous sommes fiers quand la France prend des initiatives. Nous sommes fiers quand elle relève des défis et qu’elle gagne !
Le président de ce comité, Michel Platini, était footballeur à Nancy et a porté les couleurs de l’équipe de France de football, de cette équipe qui a rayonné dans le monde. Aujourd’hui, cet homme est une personnalité d’envergure européenne et internationale.
Mes chers collègues, la France a obtenu l’organisation de la coupe d’Europe de football à sept voix contre six. C’est comme un tir au but ! Pour marquer ce but, notre pays n’a d’ailleurs pas eu besoin de la participation de Michel Platini, qui s’est abstenu.
Accueillir un tel événement sportif est une chance pour notre pays, car le championnat d’Europe de football est une compétition où s’affrontent des équipes considérées comme les meilleures à l’échelle mondiale. Certes, l’équipe de France n’a pas défendu nos couleurs avec dignité il y a quelques mois. Mais ce sont deux pays européens qui ont participé à la finale de la Coupe du monde de football 2010 : les Pays-Bas et l’Espagne.
L’Italie, l’Allemagne, l’Angleterre, la Croatie et le Portugal ont également de belles équipes, et ce sera un plaisir de les voir jouer en France.
Madame le ministre, mes chers collègues, j’aime le football. Très modestement, j’ai demandé voilà quatre ans à un remarquable footballeur ayant fait partie des gagnants de la Coupe du monde de 1998 de me remettre ici, au Sénat, la Légion d’honneur. Ce joueur avait brillamment porté les couleurs de l’équipe de France.
Madame le ministre, le sport français est fier que vous soyez à la tête du ministère des sports, car vous savez ce qu’est le sport.
M. Jean Boyer. Être sportif, c’est se battre contre soi-même, gagner et porter dignement les couleurs de la France ! Je peux l’affirmer avec beaucoup de vérité : vous y parvenez parfaitement.
Vous êtes une référence exceptionnelle, vous vivez le sport. Par votre action dans le cadre de la Fédération française handisport, vous donnez également de l’espoir à ceux qui ont été pénalisés par la vie.
Mes chers collègues, je vais devoir conclure, mais il est paraît-il plus difficile de couper la langue à un sénateur ancien agriculteur que de tenir les mains à un voleur. (Sourires.)
La France est le pays que nous aimons, auquel nous nous sentons unis lorsque ses couleurs sont hissées en haut d’un mât olympique ou à l’occasion d’autres compétitions sportives.
M. Jean-Jacques Mirassou. Ce n’est pas Valmy tout de même !
M. Jean Boyer. Dans ces moments, quelle que soit notre appartenance politique, notre âge ou notre couleur de peau, nous sommes tous Français !
Notre pays compte 2 200 000 licenciés de football et 8 millions de téléspectateurs ont regardé le match que la France a joué contre le Luxembourg pour se qualifier pour l’Euro 2016. Près de 400 000 personnes se rassemblent chaque dimanche dans les stades français et portent l’image de la fraternité.
Les stades français ont une ancienneté moyenne de dix-sept ans, contre sept ans en Allemagne. Nos stades ne sont pas lamentables, ni en mauvais état, mais ils sont quelque peu obsolètes.
Pour rénover le parc français des enceintes sportives, il est essentiel que les acteurs privés puissent intervenir financièrement aux côtés des collectivités territoriales dans le cadre de partenariats public-privé, à l’instar de ce qui se fait pour les plans État-région. En effet, la facture des investissements de rénovation, d’amélioration ou de reconstruction des onze stades retenus pour l’Euro 2016 s’élève – vous le savez, madame le ministre – à 1,8 milliard d’euros.
J’ai dépassé le temps qui m’était imparti ! Madame la présidente, madame le ministre, je vous prie de bien vouloir m’en excuser.
M. Bernard Piras. Vous avez encore deux minutes !
M. René Garrec. C’est la deuxième mi-temps ! (Sourires.)
Mme la présidente. Vous avez un crédit d’une minute, monsieur le sénateur !
M. Jean Boyer. Les membres de l’Union centriste sont respectueux du temps de parole.
Les solutions privilégiant la mixité des financements publics et privés peuvent nous permettre de mieux partager le risque de la construction du stade entre plusieurs acteurs et de décharger la collectivité de la maintenance et de l’entretien, trop souvent coûteux.
Les clubs disposeraient, en outre, d’une stabilité plus importante, propice à encourager leurs investissements et à favoriser la modernisation des stades.
En passant à une offre moyenne de 3 180 places « VIP » par stade contre 1 162 places à ce jour, on pourrait augmenter les recettes de près de 100 millions d’euros, c’est-à-dire de 162 % ! C’est bien ce type de travaux qui devraient être financés d’ici à 2013, mais ils nécessitent des investissements importants.
Ce n’est pas par hasard, ce n’est pas en tirant un billet d’un chapeau, madame le ministre, que je vous apporte mon soutien et celui de la grande majorité du groupe de l’Union centriste. Certains de mes collègues, peu nombreux, approuveront les amendements qui seront présentés par l’éminent sénateur maire de Lyon, M. Gérard Collomb. Toutefois, notre groupe votera ce texte, qui va dans le sens de l’avenir du football français.
Dans notre société,…
M. Jean-François Voguet. Maintenant, ce sont les prolongations ! (Sourires.)
M. Jean Boyer. … comme dans un match, après la rencontre vient le rassemblement dans la fraternité.
Madame le ministre, mes chers collègues, vive le football, qui est un artisan incontournable de la fraternité et de la cohésion sociale ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et au banc des commissions.)
M. Alain Dufaut, rapporteur. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lozach.
M. Jean-Jacques Lozach. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste se réjouit que la France ait été désignée comme pays hôte du championnat d’Europe de football de 2016.
M. René Garrec. Bravo, madame la ministre !
M. Jean-Jacques Lozach. Notre pays reste, quoi qu’on en pense, une des nations phares du football mondial.
De plus, nous avons su démontrer à plusieurs reprises notre capacité à organiser de grands événements sportifs, qu’il s’agisse de la Coupe du monde de football en 1998 ou de celle de rugby en 2007. Ce furent à chaque fois de grands succès sportifs, populaires et économiques. Le dernier en date fut les championnats du monde d’escrime en novembre 2010 au Grand Palais.
Notre intention n’est pas de « gâcher la fête ». Nous regrettons tout simplement que le Gouvernement, qui a commandé cette proposition de loi, n’ait pas pris le temps et ne se soit pas donné les moyens d’organiser les festivités plus tôt. Nous regrettons que, une fois encore, il se décharge sur des collectivités locales souvent à bout de souffle.
M. Claude Bérit-Débat. Eh oui !
M. Jean-Jacques Lozach. Nous déplorons qu’il déroge au droit commun : code du sport, code général des collectivités territoriales et lois de décentralisation, code de justice administrative.
M. Claude Bérit-Débat. Tout à fait !
M. Jean-Jacques Lozach. Oui, notre pays a accumulé un retard considérable en ce qui concerne les stades et les infrastructures sportives en général. Pour s’en convaincre, demandez à nos champions handballeurs ce qu’ils pensent de leurs salles !
Nous n’avons pas su, collectivement, anticiper la modernisation des enceintes sportives. Nous avons, notamment, manqué le tournant de la multifonctionnalité, condition aujourd’hui quasiment indispensable à la rentabilité des équipements.
Cependant, nous ne découvrons pas ce retard seulement aujourd’hui. À la fin de l’année 2008, Philippe Séguin appelait déjà, dans le rapport Grands stades Euro 2016, qui a fait date, à une grande politique nationale en termes d’équipements sportifs.
Nous sommes aujourd’hui bien en deçà des ambitions de l’ancien président de la Cour des comptes. Une fois de plus, on agit au coup par coup : c’est un texte de circonstance et de précipitation.
C’est aussi, et je m’en inquiète, un nouveau coup porté à la répartition des compétences au sein de l’organisation territoriale de la République. Il m’avait semblé comprendre que, dans le cadre des lois de décentralisation, la région était le chef de file de l’aide aux entreprises, les autres collectivités abondant cette aide par contractualisation avec elle.
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Jean-Jacques Lozach. Or, avec l’article 2 de la présente proposition de loi, on bouscule cette règle pour permettre à chaque collectivité d’intervenir comme elle l’entend tout en déplafonnant les aides publiques.
Ce gouvernement a déjà fait beaucoup de mal aux lois de décentralisation ; il semble, hélas ! vouloir insidieusement poursuivre dans cette voie.
Par ailleurs, la récente réforme des collectivités territoriales, adoptée avec les difficultés que l’on sait dans cette assemblée, a reporté le règlement de la question de la clause de compétence générale à 2015 pour les départements et les régions, et la compétence sportive est concernée. Or, l’Euro 2016 sera organisé un an après cette date. Avouez que tout cela est bien bancal, en plus d’être paradoxal !
En effet, le texte vise à ce que les collectivités territoriales soient encore plus sollicitées, alors que, parallèlement, l’État prétend vouloir limiter les financements croisés. On demande aux collectivités de se recentrer sur leurs compétences obligatoires et, dans le même temps, de financer des infrastructures qui devraient relever de l’État, voire d’une combinaison État-secteur privé.
Le 2 novembre dernier, en commission de la culture, en réponse à la question du financement du coût de l’Euro 2016, Mme Rama Yade nous avait gratifiés d’un laconique : « Tout est bouclé. » Collectivités, entreprises et État s’apprêtaient à travailler main dans la main, avec le sourire aux lèvres.
Aujourd’hui, la réalité apparaît plus aléatoire.
Mme Françoise Cartron. Oh oui !
M. Jean-Jacques Lozach. Je rappellerai qu’en 1998, à l’occasion de la Coupe du monde de football, l’État était intervenu à hauteur de 30 % dans le financement des équipements.
M. Guy Fischer. C’était bien mieux !
M. Alain Dufaut, rapporteur. C’était la Coupe du monde !
M. Jean-Jacques Lozach. Nous parvenons aujourd’hui au triste chiffre de 8 %, et encore s’agit-il de crédits non ministériels. Il a fallu dépouiller en partie le Centre national pour le développement du sport, le CNDS, et créer un prélèvement supplémentaire sur les paris « en dur » de la Française des Jeux.
M. Bernard Piras. Ce n’est pas normal !
M. Jean-Jacques Lozach. La vocation première du CNDS est pourtant d’accompagner non pas le sport professionnel, mais la réalisation des infrastructures qui profitent au plus grand nombre.
M. Bernard Piras. Exact !
M. Jean-Jacques Lozach. Je noterai, par ailleurs, que plus on ponctionne le CNDS pour des projets qui ne correspondent pas à sa mission première, plus on abandonne les collectivités ayant des projets de gymnases, de terrains de sport ou de piscines. Régions, départements, intercommunalités et communes sont perdants sur tous les tableaux !
M. Guy Fischer. Très bien !
M. Jean-Jacques Lozach. Mes chers collègues, je suis convaincu que, quelle que soit votre couleur politique, vous vous inquiétez des difficultés rencontrées quotidiennement par les collectivités locales. Aussi n’accroissons pas celles-ci !
Au-delà, je crains que la présente proposition de loi, qui introduit tant de dérogations au droit commun, ne soit elle-même une gigantesque brèche dans le domaine du financement du sport. À l’Assemblée nationale, le rapporteur de cette proposition de loi ne cachait pas que l’ensemble des dérogations constituaient « une expérimentation significative d’un nouveau mode de financement des grandes infrastructures nationales ». « L'expérience ainsi acquise pourra éventuellement permettre d'en envisager l'élargissement tout comme d'en amender la pratique », ajoutait-il.
Doit-on alors s’attendre au même type de montages financiers et d’arrangements législatifs dans le cas où la France serait désignée pour organiser les jeux Olympiques d’hiver de 2018 ? Ce texte demeurera-t-il une exception ou doit-on s’attendre à ce que l’exception devienne la règle ?
M. Guy Fischer. Certainement !
M. Jean-Jacques Lozach. De la même façon, il faut s’inquiéter des dispositions prévues à l’article 3, qui ont pour effet de déposséder les tribunaux administratifs ou judiciaires du règlement des conflits qui pourraient naître de la rénovation ou de la construction des stades pour l’Euro 2016.
On généralise au contraire le recours à l’arbitrage, symbole, s’il en est, d’une justice des affaires, si ce n’est d’une justice affairiste. La récente affaire Tapie est encore dans toutes les têtes, et nous avons vu à quel point l’arbitrage pouvait être synonyme d’arbitraire. Tout se passe, finalement, comme si plus les équipements étaient ambitieux, plus les procédures étaient allégées.
Les conséquences de cette proposition de loi sur le Grenelle de l’environnement nous interpellent : à peine l’encre séchée, l’on déroge à ses principes avec une proposition de loi contraire à son esprit et à sa lettre ! Les impacts environnementaux des infrastructures concernées sont en effet majeurs, des quartiers entiers sont remodelés et leurs habitants voient leur cadre de vie transformé.
Connaissant votre attachement, madame la ministre, aux conclusions du Grenelle de l’environnement, votre défense de ces accommodements avec celles-ci nous laissent dubitatifs. J’ai, en définitive, la désagréable impression que ce gouvernement n’a pas de politique sportive cohérente depuis 2007. Vous êtes en poste depuis peu, et j’ose espérer que vous parviendrez à changer les choses.
Pour ce faire, il vous faudra des moyens considérables, mais que peut-on attendre lorsque le budget du sport représente 0,18 % du budget de l’État ? Nous sommes bien loin des 3 % que le chef de l’État annonçait vouloir y consacrer en 2007 !
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Mensonges !