Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. Faut-il autoriser une veuve à se faire implanter les embryons qui ont été congelés du vivant de son mari, décédé assez brutalement ? La question a été posée à l’occasion de l'affaire Maria Pirès, en 1990.
Après bien des débats en commission, il a été décidé de renoncer à ce que l'on appelle le « transfert post mortem ». Sur ce sujet, qui ne concerne d’ailleurs que des cas rarissimes, il faut savoir écouter les arguments avancés par les uns et les autres, et prendre en compte l'intérêt de l'enfant, mis en avant à l’instant par le rapporteur pour avis, M. François-Noël Buffet.
En effet, l'état actuel de la législation est cruel : lorsqu'un couple est engagé dans un projet parental avec un embryon constitué mais que l'homme meurt brutalement, la femme n'a d'autre alternative que la destruction de l'embryon ou la remise à un tiers.
C'est le rôle du Parlement d'offrir à l'équipe médicale et à cette femme la possibilité d'une autre solution. Lorsque la volonté parentale est affirmée et que le projet parental existe, je ne crois pas que le droit ou la morale doivent venir s'interposer. Il faut simplement que nous laissions le choix à la femme et, pour cette raison, je suis favorable à cette autorisation.
Par ailleurs, je m'oppose totalement à la définition très spécieuse de l'intérêt de l'enfant qu’a développée M. le rapporteur pour avis pour justifier l’interdiction ; mais ma collègue Monique Cerisier-ben Guiga a dit ce qu’il fallait dire de ce droit de ne pas naître orphelin.
D'une part, un enfant peut bien naître et grandir si sa mère l'aime au point d'assumer seule son éducation. Le nombre important de couples monoparentaux aujourd’hui en témoigne. Cette mère peut être plus attentionnée que celle qui a accouché d'un enfant né de père inconnu ou qui a été abandonnée par le père au tout début de sa grossesse, et je ne parle pas de ces enfants que se disputent des parents divorcés…
Tenons-nous à l'écart des fantasmes sur le présumé lien entre la famille nucléaire et la bonne santé mentale de l'enfant.
D'autre part, nous savons tous que rien n'empêche une femme célibataire de concevoir ou d'adopter seule un enfant - je sais que certains le regrettent. Dès lors, pourquoi le refuser à une veuve ? Pour ma part, je crois que toute personne ayant un projet de vie parentale affirmé et solide doit pouvoir bénéficier d'un droit à l'enfant.
La société est mûre pour une telle mesure, et ce depuis longtemps, les sondages réalisés depuis l’affaire Maria Pirès le confirment régulièrement.
Je conclurai en rappelant que, lors de son audition par la commission, le généticien Axel Kahn a qualifié la loi interdisant une telle pratique de « moralement problématique ». À mes yeux, la morale, c’est le fait de tenir compte de la valeur de l’autre.
Certes, il faut laisser à la veuve le temps de faire son travail de deuil. Mais, si elle persiste dans sa décision, on ne peut pas se prévaloir d’arguments moraux pour l’en empêcher.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Comme le lui avait suggéré la commission des lois, la commission des affaires sociales a décidé de supprimer l’article 20 bis, qui résultait de l’adoption par l’Assemblée nationale d’un amendement tendant à autoriser le transfert d’embryons post mortem. Nous saluons cette décision.
Lors de mon intervention dans la discussion générale, j’avais expliqué de quelle manière nous entendions examiner l’ensemble de ce projet de loi, c'est-à-dire en analysant à la fois ce qui est scientifiquement faisable et ce qui est philosophiquement souhaitable. C’est ce double crible que je veux utiliser ici.
D’un point de vue scientifique, il est effectivement possible de transférer des embryons après la mort du géniteur, mais le fait qu’une telle possibilité existe ne la rend pas pour autant souhaitable. Certes, l’embryon a été conçu dans le cadre d’un projet parental, mais la notion même de « projet parental » implique par définition qu’il y ait deux parents. Or, en cas de décès de l’un des parents, si l’on peut admettre que l’intention initiale persiste, le projet parental se trouve de fait automatiquement anéanti, à moins de considérer qu’il soit réduit au simple enfantement.
Selon nous, le projet parental s’inscrit dans le long terme, deux personnes décidant d’avoir un enfant, mais en voyant bien au-delà du simple accouchement.
Par ailleurs, une telle démarche nous semble faire peser sur l’enfant à naître la charge d’une mission particulière : être la preuve du lien d’amour qui unissait la femme au défunt. Pour nous, il n’appartient pas à la loi de répondre à cette envie légitime, tout comme il n’appartient pas à la République d’autoriser la conception d’enfants orphelins avant même qu’ils aient atteint le stade de fœtus.
Mme la présidente. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. À mon sens, au travers du présent projet de loi, le législateur adopte une fois de plus des dispositions qui ne respectent pas le libre arbitre auquel a droit un citoyen adulte dans des domaines intimes.
Fixer des normes éthiques est une chose, décider à la place des individus ce qui est bien ou mal pour eux en est une autre !
Nul ne peut dire ce qui est bien ou mal pour l’enfant à naître. À mes yeux, le désir d’une femme qui a aimé un homme, qui a voulu lui donner un enfant et qui veut toujours un enfant de lui, même après son décès, est respectable.
Par conséquent, même si la décision que le Sénat va prendre concerne seulement un nombre extrêmement réduit de femmes, je pense qu’elle est très cruelle et je suis certaine que la société dans son ensemble ne la comprendra pas.
M. Richard Yung. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Une fois n’est pas coutume, je ne partage pas l’avis de ma collègue Monique Cerisier-ben Guiga.
J’ai déjà exprimé ma position en commission ; ce n’est pas la peine d’y revenir longuement. Je me range tout à fait aux arguments de M. le rapporteur pour avis de la commission des lois et aux conclusions de notre collègue Guy Fischer.
Je ne voterai donc pas les deux amendements identiques tendant à rétablir l’article 20 bis.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. À l’instar de mon collègue Jean-Pierre Godefroy, je ne voterai pas ces deux amendements identiques – je l’ai indiqué lors de la discussion générale –, car je ne souhaite pas que l’on mette au monde des « enfants du deuil » !
Au demeurant, le texte même de l’article qu’il est proposé de rétablir dans le projet de loi comporte une terrible incohérence.
Il est en effet indiqué que l’on peut faire l’implantation « au maximum dix-huit mois après le décès » – un délai est donc fixé – et que le mariage ou le remariage « fait obstacle à la réalisation de ce transfert d’embryons ». Mais que se passe-t-il si la femme se marie ou se remarie après le transfert ? On ne peut pas lui interdire de se marier ; le droit au mariage est un droit imprescriptible, et le Conseil constitutionnel l’a rappelé à plusieurs reprises. Dès lors, si elle se marie après le transfert – c’est son droit –, qui sera le père de l’enfant ? Ce sera son mari : pater is est !
C’est à cela que nous risquons d’aboutir. En clair, pour tenter de résoudre un ou deux cas de détresse, ce qui est une intention louable, nous allons créer un système qui n’est vraiment pas tenable juridiquement ! (Très bien ! sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. Pour ma part, je ne voterai pas non plus les amendements identiques tendant à rétablir l’article 20 bis.
Je remercie M. le rapporteur pour avis d’avoir exposé de manière extrêmement précise les avantages et les inconvénients de chacune des deux options, pour conclure avec force que le transfert post mortem n’était pas souhaitable.
Je voudrais simplement formuler deux remarques.
D’une part, je pense que l’argument de la liberté individuelle ne justifie pas tout. Le rôle du législateur n’est pas de se faire en quelque sorte le greffier des désirs des uns et des autres. Nous devons fonder nos décisions non pas sur la prise en compte d’aspirations individuelles, mais sur notre conception de ce qu’est le bien commun.
D’autre part, il faut également cesser de convoquer dans nos débats « la société » chaque fois qu’un groupe, voire un groupuscule, exprime une revendication ! Comment peut-on assimiler les desiderata de quelques-uns aux vœux de la société tout entière ?
Aussi, même s’il est scientifiquement possible de réaliser des transferts d’embryon post mortem, il ne me paraît pas souhaitable de faire naître des « bébés du souvenir ».
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre. Nous sommes une nouvelle fois confrontés à un débat qui transcende les clivages partisans, ce qui est bien normal, compte tenu de la nature du sujet.
Je souhaite toutefois apporter une précision. Mesdames, messieurs les sénateurs, être orphelin à la naissance, ce n’est pas la même chose qu’être orphelin dès la conception ! (Marques d’approbation sur plusieurs travées.)
Le père peut décéder entre la conception et la naissance du bébé ; cela fait partie des drames de la vie. Mais c’est tout de même très différent de la situation dans laquelle le géniteur serait mort avant même la conception !
Essayons de nous placer du point de vue de l’enfant et d’imaginer quel regard il pourrait porter sur une telle situation ; je pense que cela créerait chez lui un questionnement profond. Songeons à cet aspect du problème.
Je ne suis donc pas favorable à la possibilité du transfert d’embryons post mortem. C’est d’ailleurs la position que j’ai toujours défendue.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. Même si, comme nous le souhaitons, la Haute Assemblée suit l’avis défavorable de la commission sur les deux amendements identiques tendant à ouvrir la possibilité d’un transfert post mortem, de nouveaux problèmes risquent de surgir. En effet, quid des embryons ?
La veuve se voyant interdit l’implant, quel sera le rôle du médecin ? Devra-t-il indiquer à la veuve qu’elle n’a pas droit à l’implant, mais que la loi l’autorise à donner l’embryon à quelqu’un d’autre ? Devra-t-il rechercher dans ce dernier cas le consentement de la veuve ? Devra-t-il au contraire l’inciter à opter pour la destruction de l’embryon ou pour le don à la recherche scientifique ?
Le problème se posera de toute manière. M. le rapporteur pour avis, que j’ai interrogé, a engagé une réflexion sur le sujet.
Mais on ne peut pas demander au médecin, après avoir interdit à une veuve de porter son propre enfant, de lui proposer que l’embryon soit implanté dans le corps d’une autre femme. C’est une évidence !
M. Jean-Pierre Godefroy. Tout à fait !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour explication de vote.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Je souhaitais soulever très précisément ce problème.
Mes chers collègues, parmi l’ensemble des votes que j’ai eu à émettre en commission, celui-là a été l’un des plus difficiles. En effet, nous ne laissons à la femme le choix qu’entre la destruction ou le don de l’embryon, choix cornélien s’il en est. Comme vient de l’indiquer M. le rapporteur, nous devrions au moins supprimer le don d’embryons dans les techniques d’assistance médicalisée à la procréation.
En l’occurrence, nous voyons bien que ces techniques permettent de tout faire, dans un sens comme dans l’autre, selon le regard que l’on porte sur le projet parental ou le statut de l’embryon.
Personnellement, je suis opposée à la gestation pour autrui. Or, si une telle possibilité de transfert posthume était ouverte aux veuves, je ne vois pas pourquoi elle ne le serait pas ensuite aux veufs, via le recours aux mères porteuses.
Aussi, par cohérence, je voterai contre la possibilité du transfert d’embryons post mortem, tout en sachant fort bien qu’un tel choix implique la destruction d’embryons, ce que j’ai personnellement du mal à accepter.
Quoi qu’il en soit, ma position sera la même que celle de Jean-Pierre Michel et d’un certain nombre de ses collègues, et je voterai contre les amendements identiques tendant à rétablir l’article 20 bis.
Mme la présidente. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Comme, je crois, nombre d’entre nous, j’ai longuement hésité avant de me prononcer sur le sujet.
Je soutiens la possibilité d’une implantation d’embryons post mortem au nom d’un projet familial clairement exprimé.
Mais je voudrais revenir sur la question que M. le ministre a soulevée. Quel regard l’enfant né d’une telle implantation portera-t-il sur cette décision une fois qu’il aura grandi ?
Peut-on imaginer qu’il reproche un jour à sa mère, et aux mânes de son père, de l’avoir fait naître ? J’ai beaucoup de mal à y croire. On lui aura fait cadeau de la vie, et la vie est tout de même le bien le plus précieux.
Dans la mesure où je n’imagine pas l’enfant, sauf cas extrême et rarissime, avoir une telle réaction, je voterai la possibilité de transfert d’embryons post mortem.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 47 rectifié et 73.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l’article 20 bis demeure supprimé.
Article 20 ter (nouveau)
Le deuxième alinéa de l’article L. 2141-3 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° À la première phrase, après le mot : « embryons », sont insérés les mots : « ou d’ovocytes » ;
2° À la dernière phrase, après le mot : « embryons », sont insérés les mots : « ou de leurs ovocytes ».
Mme la présidente. L'amendement n° 106, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Cet article 20 ter nous semble aussi superfétatoire que difficile à mettre en œuvre.
Il est peut-être souhaitable qu’un couple désireux de s’inscrire dans une démarche d’assistance médicale à la procréation soit informé sur les possibilités de devenir de leurs embryons conservés mais ne faisant plus l’objet d’un projet parental, à savoir la destruction ou bien le don à la recherche scientifique. Pour autant, cela appelle de notre part deux remarques.
D’une part, l’information sur le devenir doit se limiter à ces options générales et ne doit en aucun cas signifier le détail de l’affectation précise à une recherche scientifique déterminée, ce qui serait alors impossible à mettre en œuvre : comment savoir à l’avance quel embryon serait affecté à quelle recherche ?
D’autre part, mentionner précisément le devenir des ovocytes congelés est complètement inutile et aboutit à opérer un amalgame entre ovocytes, gamètes et embryons, alors que ces derniers ont un statut totalement différent.
Ce glissement est dangereux et conduit à des protections excessives au regard du statut des ovocytes et des embryons.
Nous ne demandons qu’à être rassurés par la commission et par le Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Défavorable !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 33 rectifié bis, présenté par M. Vasselle, Mme Hermange, M. Gilles, Mmes Desmarescaux et Rozier et M. Lardeux, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le deuxième alinéa de l’article L. 2141-3 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Compte tenu de l'état des techniques médicales, les membres du couple peuvent consentir par écrit à ce que soient conservés leurs gamètes dans l'intention de réaliser ultérieurement leur projet parental. Une information détaillée est remise aux membres du couple sur les possibilités de devenir de leurs gamètes qui ne feraient plus l'objet d'un projet parental. »
La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Puisque nous venons d’autoriser la technique de congélation ultra-rapide des ovocytes, il est nécessaire de prévoir, dans cet article, un consentement par écrit du couple sur la possibilité de conserver leurs ovocytes dans l'intention de réaliser ultérieurement leur projet parental, au même titre que pour la conservation des embryons avant le vote de la présente loi.
Il est également nécessaire d’informer le couple ayant recours à la congélation ultra-rapide des ovocytes sur les possibilités de devenir de leurs ovocytes conservés qui ne feraient plus l'objet d'un projet parental.
Nous demandons que le même consentement soit prévu pour la conservation des ovocytes que pour la conservation des embryons aujourd’hui.
Mme la présidente. L'amendement n° 41 rectifié quater, présenté par Mme Hermange, M. P. Blanc, Mme Rozier, M. Revet, Mmes Giudicelli et Henneron, MM. Cantegrit, de Legge, Lardeux, Cazalet, du Luart, Lecerf, Darniche, Gilles, Portelli, B. Fournier, Vial, Retailleau, Pozzo di Borgo, Bécot, Couderc, del Picchia, Bailly et P. Dominati et Mme B. Dupont, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… - Après le deuxième alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Dans un délai d'un an après la promulgation de la loi n° … du … relative à la bioéthique et donc l'autorisation de la vitrification ovocytaire, la cryoconservation des embryons est interdite et le nombre d'embryons fécondés par tentative d'assistance médicale à la procréation est limité au nombre d'embryons directement implantés soit un ou deux. »
La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Mme Marie-Thérèse Hermange. La limitation du nombre d'embryons conservés inscrit par les députés dans le projet de loi ne sera effective que si l’on précise le nombre d'embryons autorisés par tentative.
Il s’agit d’interdire effectivement les embryons surnuméraires.
Afin de tenir compte de la réalité des pratiques médicales et de laisser aux laboratoires le temps de s’approprier cette technique de la vitrification ovocytaire, la limitation ici prévue ne serait mise en œuvre que dans un délai d’un an après la promulgation de la loi.
Mme la présidente. L'amendement n° 142 rectifié, présenté par Mme Payet, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
… - Après le deuxième alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Six mois après la promulgation de la loi n° … du … relative à la bioéthique, la cryoconservation des embryons est interdite. Seuls trois embryons au plus peuvent être conçus à la demande du couple et doivent être réimplantés immédiatement. »
… - Le troisième alinéa du même article est supprimé.
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Cet amendement vise à limiter à trois le nombre d’embryons conçus à la demande du couple.
Le stock important d’embryons congelés vivants place les parents devant d’impossibles choix et attise les convoitises des chercheurs.
Dans ces conditions, il paraît souhaitable, ainsi que le prévoit la législation allemande, de poser comme principe que tous les embryons ont droit à la vie et qu’ils ne peuvent être ni éliminés ni utilisés comme matériau de recherche.
Les méthodes d’assistance médicale à la procréation doivent alors respecter ce principe. Le fait de ne pouvoir concevoir par fécondation in vitro qu’un maximum de trois embryons et de devoir les réimplanter immédiatement permet de respecter la santé de la mère et d’éviter la congélation d’embryons surnuméraires.
C’était le vœu exprimé par certains membres du Comité consultatif national d’éthique.
Dans le même sens, une étude menée par des chercheurs de l’université d’Aberdeen prouve que les femmes auxquelles les médecins transfèrent un seul embryon lors d’une fécondation in vitro ont cinq fois plus de chances de donner naissance à un bébé en bonne santé que celles qui reçoivent deux embryons. Par ailleurs, 87 % des femmes sont plus susceptibles d’éviter une naissance prématurée après un transfert mono-embryonnaire par rapport à un transfert de deux embryons à la fois.
Selon le bilan des activités de procréation et génétique humaines en France pour la seule année 2007, 278 505 embryons ont été conçus pour donner naissance à 14 487 enfants, nés par fécondation in vitro, ce qui représente 19 embryons pour une naissance.
Par ailleurs, sur les 149 191 embryons conservés congelés, 34 % sont sans projet parental.
Les parents sont placés devant des choix difficiles sur le devenir de leurs embryons. « Ce stock d’embryons a rapidement suscité une interrogation profonde sur leur statut ontologique et juridique », souligne Jean-René Binet.
La congélation des embryons peut poser problème aux couples dans la mesure « où elle a d’une certaine manière pour effet de suspendre le temps, entre la conception et la venue au monde éventuelle », est-il précisé dans un rapport parlementaire. C’est pourquoi certains psychologues pensent qu’il faudrait limiter le plus possible la congélation d’embryons. Une étude montre que la moitié des femmes interrogées éprouvent un sentiment d’abandon d’enfant lorsque les embryons congelés ne sont pas implantés.
Des pays comme l’Allemagne n’ont pas autorisé la production d’embryons surnuméraires et ont fait le choix de ne pas congeler les embryons.
La France manque de données épidémiologiques sur l’infertilité et sur le recours à l’assistance médicale à la procréation.
Selon l’Agence de la biomédecine, un couple sur sept consulte et un couple sur dix poursuit des traitements pour remédier à son infertilité.
Une étude conduite en 2008 par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, montre que la densité des spermatozoïdes aurait diminué de moitié en un demi-siècle chez les Occidentaux.
Si l’assistance médicale à la procréation donne de l’espoir à des couples, le parcours est néanmoins contraignant. Certains témoignent de la lourdeur de ces techniques, qui laissent près de la moitié de ceux qui y ont recours sans enfant et retardent bien souvent les demandes d’adoption.
Ces techniques soulèvent de nouvelles questions sur leurs conséquences pour la santé et pour le développement des enfants ainsi conçus.
Des programmes de recherche ont été mis en place par l’INSERM dès 2008 : 25 % des cas de grande prématurité sont liés à l’assistance médicale à la procréation et la prévalence des handicaps est supérieure chez les enfants nés de ces modes de procréation par rapport à la conception naturelle. Des psychologues font aussi état de risques par rapport à la psychologie des enfants.
C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande de voter cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. L’amendement n° 33 rectifié bis aurait pour conséquence de supprimer le consentement des couples à la conservation de leurs embryons. Les effets juridiques de cet amendement sont incertains. Sur le fond, il tend à supprimer la possibilité de conserver ces embryons, ce qui n’est pas conforme à l’état de la science.
La commission émet un avis défavorable.
L’amendement n° 41 rectifié quater vise à mettre fin à la conservation de tous les embryons un an après la promulgation de la loi.
La commission émet un avis défavorable.
La commission est également défavorable à l’amendement n° 142 rectifié présenté par Mme Payet. L’évolution des pratiques d’assistance médicale à la procréation doit relever des connaissances médicales. Il n’appartient pas à la loi de trancher unilatéralement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements.
Je suis persuadé que l’amendement n° 41 rectifié quater aboutirait, au final, à la suppression de toute conservation d’embryons dans le cadre de la fécondation in vitro. Je ne veux pas l’accepter, et je l’assume.
En ce qui concerne l’amendement n° 142 rectifié, j’y suis défavorable, madame Payet, car avec l’article 22 du projet de loi nous prévoyons déjà de limiter le nombre d’ovocytes.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 33 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 41 rectifié quater.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 20 ter.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l’article 20 ter.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Milon, rapporteur. Au nom de Mme la présidente de la commission des affaires sociales, je sollicite une courte suspension de séance, pour réunir la commission, madame la présidente.
Mme la présidente. Le Sénat va accéder à votre demande, monsieur le rapporteur.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures dix, est reprise à dix-huit heures trente.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 21.