M. Roland Courteau. Vous êtes dur !
M. Jean-Pierre Michel. On peut admettre, en effet, qu’une certaine expérience est nécessaire pour être élu dans une chambre de réflexion, qui joue un rôle d’apaisement par rapport à l’Assemblée nationale.
Néanmoins, toutes ces dispositions sont notoirement insuffisantes. Et si l’on veut rendre plus transparent, plus juste et plus poche de celui des députés le statut des sénateurs, et mettre sur le même plan l’Assemblée nationale et le Sénat, le problème de la démocratisation de notre assemblée se pose, et plus particulièrement celui de l’égalité des suffrages de nos électeurs !
Aujourd’hui vient à l’esprit une question totalement saugrenue : en septembre 2011, le Sénat changera-t-il de majorité ? (M. Richard Yung s’exclame.)
M. Roland Courteau. Bonne question !
M. Jean-Pierre Michel. Non, cher collègue, mauvaise question, parce que, si l’on examine le corps électoral aujourd’hui et que l’on anticipe quelque peu ses évolutions, notamment en prenant pour base la situation qui apparaîtra au début du mois d’avril prochain, on s’apercevra qu’il est très majoritairement à gauche.
Mme Nathalie Goulet. Et masculin !
M. Jean-Pierre Michel. Or, par une injustice flagrante, les élus des toutes petites communes des départements ruraux ont un poids considérable par rapport à celui des villes et des agglomérations !
On verra qu’il existe dans notre pays, comme dans la Grande-Bretagne du XVIIIe siècle, des « bourgs pourris », à cause desquels la majorité sénatoriale ne sera peut-être pas en septembre prochain ce qu’elle devrait être.
M. Richard Yung. C’est inimaginable !
M. Jean-Pierre Michel. À l’évidence, il y a encore beaucoup de chemin à parcourir et bien des réformes à voter. Je pense notamment, bien entendu, au retour au scrutin proportionnel dans les départements élisant trois sénateurs, que vous vous êtes empressés de supprimer, chers collègues de la majorité,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est normal, nous n’en voulions pas ! (Sourires sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Michel. … avant même qu’il ait pu être appliqué.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non, il a été appliqué une fois.
M. Jean-Pierre Michel. Certaines, y compris au sein de mon groupe, craignent une banalisation du Sénat, qui perdrait sa spécificité, ce qui menacerait son existence même.
Mme Sylvie Goy-Chavent. Eh oui !
M. Jean-Pierre Michel. Toutefois, mes chers collègues, de droite comme de gauche, ne soyez pas si frileux ! C’est là une vue erronée. Au contraire, le Sénat a tout à gagner à apparaître comme une institution transparente, le principe de l’égalité du suffrage étant respecté pour l’élection de ses membres.
En fait, notre existence tient non pas à ces aspects, mais, bien plutôt, à notre production législative. On le voit, on le lit, on le sait : cette dernière est aujourd'hui souvent attendue et appréciée. Je pense notamment aux textes qui sont issus des travaux de la commission des lois – son président, ici présent, ne l’ignore pas –, qui infléchit et corrige certains excès dus au fait majoritaire à l’Assemblée nationale. C’est ce travail qui fait notre force et qui justifie le bicamérisme. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un article de la Revue politique et parlementaire de 2002, j’avais souligné combien l’absence de représentation à l’Assemblée nationale des Français établis hors de France violait les principes constitutionnels d’égalité et d’indivisibilité de la nation.
L’élection des députés des Français établis hors de France fait enfin justice à une revendication très ancienne, formalisée dès 1928 lors du premier congrès de l’Union des Français de l’étranger.
Cette étape est essentielle, car si la France avait été pionnière pour la représentation institutionnelle de ses expatriés, elle a depuis lors été rejointe, et même distancée, par d’autres États. La Ve République a donné aux Français de l’étranger des sénateurs, mais ce n’est qu’en 1982 que les expatriés ont pu, pour la première fois, élire eux-mêmes leurs représentants. La représentation à l’Assemblée nationale est le prolongement naturel de ce mouvement.
Je rappelle cependant que c’est à la Résistance que les Français de l’étranger doivent leur première représentation parlementaire, en 1943, à l’Assemblée consultative provisoire d’Alger. Au sein de cette dernière siégeaient cinq représentants des mouvements de résistance français de l’étranger, dont Marthe Simard, Française du Québec, qui a d’ailleurs beaucoup œuvré pour l’octroi du droit de vote aux femmes un an plus tard. Une place de Paris portera d’ailleurs son nom à partir de la semaine prochaine.
Marthe Simard est l’exemple même de la capacité de nos concitoyens de l’étranger à faire progresser de manière décisive, et parfois visionnaire, des dossiers concernant non pas les intérêts d’une petite minorité d’expatriés, mais ceux de la nation tout entière.
La création des députés des Français de l’étranger était une nécessité constitutionnelle, car nos compatriotes vivant hors de nos frontières sont des citoyens à part entière. Cette décision était aussi une nécessité stratégique. Dans un monde globalisé, il est essentiel que les Français établis à l’étranger soient pleinement associés au débat politique national, d’autant que les nouveaux moyens de communication et d’information rendent cette implication beaucoup plus facile qu’auparavant.
Si l’on ne peut que se réjouir que le principe d’une représentation à l’Assemblée nationale soit désormais acquis, il reste un certain nombre de points pratiques à régler. L’immensité de certaines circonscriptions et la faible densité des bureaux de vote contraignent à quelques adaptations pratiques et innovations institutionnelles. À cet égard, je tiens à remercier tout particulièrement M. le président de la commission des lois et M. le rapporteur de leur écoute et leur intérêt.
J’appuierai totalement les amendements qui ont été évoqués tout à l'heure par notre collègue Robert del Picchia et je soutiendrai particulièrement ceux qui ont été déposés par notre excellent collègue Christian Cointat au sujet des comptes de campagne, qui sont essentiels pour permettre aux candidats résidant hors de France d’organiser leur campagne.
J’en profite pour rappeler que l’ouverture d’un compte bancaire, qui est un droit pour les Français résidant en France, ne l’est pas pour ceux qui vivent à l’étranger. Cela pourrait pénaliser certains candidats aux législatives, comme cela pose problème pour les plus modestes de nos compatriotes expatriés. Je compte donc sur vous, mes chers collègues, pour permettre, lorsque la proposition de loi pour la simplification du droit reviendra au Sénat, le rétablissement de mon amendement supprimé en deuxième lecture à l’Assemblée nationale.
Au-delà des problèmes matériels et organisationnels, je voudrais rappeler solennellement que la création des députés des Français de l’étranger ne constitue pas une « faveur » octroyée à nos expatriés, qui devrait éteindre toute autre velléité de représentation institutionnelle. « Vous avez des députés, cela devrait vous suffire ! » nous a-t-on dit.
C’est l’argument que l’on nous avait opposé lorsque j’avais proposé la désignation par les Français de l’étranger des deux eurodéputés supplémentaires attribués à la suite du traité de Lisbonne, une mesure qui aurait pourtant permis une représentation à la fois légitime et très opportune des Français de l’étranger au Parlement européen. C’est aussi l’argument qui a prévalu, semble-t-il, pour écarter les représentants des Français de l’étranger du Conseil économique, social et environnemental ou du comité de pilotage des retraites, malgré nos amendements adoptés par le Sénat.
Les Français de l’étranger devraient se satisfaire de leur nouvelle représentation au Parlement et se borner à agir pour la France dans leur seul pays de résidence ! Or une telle vision de notre diaspora est anachronique. Aujourd’hui, plus que jamais, le débat politique national a besoin d’être nourri par le point de vue de nos expatriés. Les récents événements en Afrique du Nord et au Moyen-Orient l’ont encore montré.
Autre dommage collatéral de la création des députés des Français de l’étranger : la proposition de taxer les expatriés – cela vient d’être rappelé. Cette idée absurde a bien sûr été écartée, mais il me semble utile de rappeler que le suffrage n’est plus censitaire. Le droit de vote et son exercice ne sont pas des faveurs qu’il conviendrait d’acheter ! Au contraire, notre nation a tout intérêt à encourager ses membres expatriés à prendre une part active aux débats nationaux et aux élections, eux qui représentent, d’un point de vue électoral, l’équivalent du huitième département français.
À ce sujet, il me semble essentiel que ce nouveau rendez-vous démocratique, si important aux yeux de nos expatriés, ne soit pas affaibli par des parachutages qui mineraient la légitimité des candidats et finiraient par détourner les électeurs des urnes. (Marques d’ironie sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Michel. Et le parachutage de Mme Lagarde ?
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Il ne s’agit pas, bien sûr, d’interdire toute candidature de personnalités ne résidant pas hors de France. Ce serait impossible sur le plan constitutionnel, puisque députés et sénateurs représentent l’ensemble de la nation et pas uniquement les électeurs de leur circonscription. Certaines personnalités actuellement en poste en métropole peuvent avoir, de par leur expérience personnelle et professionnelle, une réelle connaissance des enjeux auxquels sont confrontés nos expatriés et une véritable légitimité pour représenter ces derniers.
Néanmoins, il est essentiel de favoriser l’émergence de candidatures issues du terrain. Comprendre les spécificités d’une circonscription est essentiel pour un député ou un sénateur de France. C’est encore plus important et plus difficile pour un élu représentant les Français de l’étranger, qui doit tenir compte de contextes géopolitiques, culturels et économiques complexes.
Les représentants des Français de l’étranger doivent aussi veiller à ce que, dans le débat législatif français, les textes adoptés ne portent pas préjudice au principe d’égalité entre citoyens.
Cette mission est difficile à remplir lorsque l’on n’a jamais soi-même vécu à l’étranger et que l’on n’a pas été confronté aux difficultés inhérentes à ce parcours.
Ce débat, mes chers collègues, ne concerne pas la petite sphère des Français de l’étranger. Il en va en fait de l’avenir même de nos institutions, car la consanguinité, la complaisance, le vase clos tuent insidieusement notre démocratie, quand il faudrait, au contraire, l’ouvrir au grand large.
Faute de faire émerger de nouveaux talents, faute de renouvellement, nous nous condamnons à un « entre-soi », un ghetto stérile.
L’abaissement de l’âge d’éligibilité, y compris pour le Sénat, est un très grand progrès et, à cet égard, je félicite la commission des lois et son rapporteur.
Cependant, un jour ou l’autre, il nous faudra réfléchir et bien légiférer à la question de l’accumulation des mandats dans le temps, suivant l’exemple du Président de la République, qui s’est engagé en faveur de la limitation à deux du nombre de mandats présidentiels consécutifs.
Pour en revenir à nos députés des Français de l’étranger, je conclurai en soulignant que nous devons encourager la candidature de ceux qui présentent à la fois cet ancrage de terrain, une véritable connaissance du système politique français et, en ce qui concerne les élus à l’Assemblée des Français de l’étranger, la légitimité des urnes. Il serait fort dommage que ceux-ci en soient écartés. Bien sûr, pour cela, nous ne pouvons qu’en appeler au civisme et au bon sens des grands partis. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Sylvie Goy-Chavent. Excellente intervention, ma chère collègue !
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne vous surprendrai pas en centrant mon intervention sur l’examen des dispositions relatives à l’élection des députés représentant les Français établis hors de France.
Je note d’ailleurs l’excellente suggestion de Mme Garriaud-Maylam : nous aurions dû prévoir une clause interdisant les parachutages des recalés du suffrage universel de la métropole ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Richard Yung. Mais peut-être est-ce du domaine réglementaire, monsieur le président de la commission ? Je ne sais pas…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est surtout du domaine des électeurs !
Mme Sylvie Goy-Chavent. Les parachutages font partie d’un autre débat !
M. Richard Yung. Pour ce qui nous concerne, nous avons achevé nos primaires, et nos onze candidats, issus du rang, sont prêts, dès que la loi sera fixée, à commencer la campagne.
Ma première observation rejoint une remarque pertinente de notre rapporteur – elles le sont toutes ! – à propos de la lenteur de ce processus législatif. Depuis l’examen, en décembre 2008, des projets de loi organique et ordinaire relatifs à l’article 25 de la Constitution, plus de deux ans se sont écoulés ! Les deux textes qui nous occupent aujourd'hui ont été déposés sur le bureau de l’Assemblée nationale voilà plus d’un an et demi, soit le 29 juillet 2009.
Pourquoi n’ont-ils pas été examinés en même temps que le projet de loi ratifiant l’ordonnance portant répartition des sièges et délimitation des circonscriptions pour l’élection des députés, texte que nous avons examiné en décembre 2009 et en janvier 2010 ?
M. Roland Courteau. Absolument !
M. Richard Yung. Or le vrai débat était là : nous proposions, nous, une élection à la proportionnelle ; vous nous avez imposé le scrutin majoritaire à deux tours. En tout état de cause, la messe est dite sur le sujet. Quant aux dispositions qui restent à examiner, elles ne portent, franchement, que sur des ajustements !
Le temps presse car, comme l’a rappelé M. le rapporteur, la tradition républicaine veut qu’on ne change pas les règles du jeu à moins d’un an du vote. Donc, nous devons le faire au plus tard pour le mois prochain.
Enfin, nos candidats étant maintenant désignés, ils ont besoin de connaître les règles pour entrer efficacement en campagne. Pour l’instant, ils sont encore l’arme au pied, si je puis dire.
Autre observation : je n’ai pas bien compris la valse- hésitation qu’il y a eue à l’Assemblée nationale avec son rapporteur, M. de La Verpillière. Dans le cadre de ses auditions, il nous a entendus, mais il n’a pas tenu compte des arguments que nous avons développés. Dès lors, où était l’intérêt de continuer à faire semblant de nous écouter, d’autant que nous nous étions déjà livrés à un travail d’explication de notre point de vue et de notre expérience.
En outre, cette tradition, que je comprends et que l’on pourrait qualifier de gentlemen’s agreement, en vertu de laquelle les sénateurs s’abstiennent d’intervenir dans le domaine de l’élection des députés et inversement ne devrait pas s’appliquer dans le cas présent. En effet, nous sommes les seuls à avoir l’expérience de la vie politique et de l’élection des Français établis à l’étranger.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai !
M. Richard Yung. Il était finalement assez naturel que nous disions un certain nombre de choses dans ce domaine !
J’ajoute enfin qu’on aurait sans doute gagné du temps si l’on avait sollicité bien plus directement l’avis de l’Assemblée des Français de l’étranger, notre assemblée consultative.
Telles sont mes premières observations pour ce qui est du cadrage général
Permettez-moi à présent de formuler des remarques sur le projet de loi organique.
Le texte prévoit la mise en place d’un régime d’inéligibilités spécifique pour ceux qui souhaiteront se porter candidats.
Je me réjouis que la commission des lois de l’Assemblée nationale ait inclus les consuls honoraires dans cette liste. Nous le demandions depuis longtemps. En effet, le consul honoraire est une personnalité locale qui distribue subsides et aides. Qu’on le veuille ou non, il représente sur le plan local la République, même si ce n’est pas tout à fait exact constitutionnellement. Il existe donc une certaine confusion à cet égard dans les esprits.
Pour autant, la liste des personnes qui ne peuvent pas être candidates est loin d’être complète. Nous craignons donc une altération de la sincérité du scrutin, ainsi qu’une remise en cause du principe d’égalité entre les candidats.
Afin de prévenir de tels risques, nous proposerons, d’une part, de reprendre les règles d’inéligibilité applicables à l’élection des sénateurs représentant les Français de l’étranger. C’est une idée assez simple reposant sur le parallélisme des formes.
Nous proposerons, d’autre part, d’inclure dans la liste les responsables des principaux organismes et organes ayant vocation à intervenir à l’étranger, et ils sont assez nombreux.
Certains organismes publics interviennent massivement à l’étranger. Je pense, par exemple, à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger. À la tête d’un réseau de quatre cent dix lycées, le directeur de l’agence joue à l’évidence un rôle important et est extraordinairement connu à l’étranger. Il n’est donc pas souhaitable qu’il puisse être candidat.
Un certain nombre d’amendements similaires aux nôtres ont été déposés sur ce point. Nos autres amendements vous seront présentés par mes collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.
Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Constitution reconnaît enfin, depuis la réforme de juillet 2008, aux quelque 2 millions de Français établis à l’étranger, une pleine citoyenneté. Comme l’a fait remarquer Richard Yung, il aura fallu plus de deux ans et demi pour parvenir à l’issue du processus législatif qui met en place ces onze nouveaux sièges de députés des Français de l’étranger.
Mon propos portera, vous l’avez compris, sur le projet de loi ratifiant l’ordonnance relative à l’élection de députés par les Français établis hors de France. Ces députés ont vocation, à l’instar des autres députés, à représenter l’intégralité de la nation. Pourtant, leur particularité d’être élus hors du territoire national requiert certaines adaptations.
Le texte que nous a transmis l’Assemblée nationale ne prend pas suffisamment en compte ces spécificités propres à la conduite d’une campagne électorale et au déroulement d’élections hors de notre territoire. Plusieurs amendements, rédigés à la lumière de notre expérience, viennent combler cette lacune.
Nous devons absolument adapter les règles relatives au financement de la campagne électorale. La taille des circonscriptions est sans commune mesure avec celle des circonscriptions en France métropolitaine ou même en outre-mer. Rappelez-vous que la onzième circonscription, par exemple, couvre à la fois l’Europe de l’Est, l’Asie et l’Océanie.
Certes, à bien des égards, le découpage électoral aurait pu être meilleur… mais c’est un débat malheureusement clos. Au regard de cette considération territoriale donc, et dans le souci d’assurer l’égalité entre les candidats, il faut impérieusement aller au-delà du plafonnement des remboursements et prévoir un plafonnement des dépenses à proprement parler. C’est l’objet de l’amendement que nous déposons mes collègues Monique Cerisier-ben Guiga, Richard Yung et moi.
Par ailleurs, pour parvenir à un taux de participation satisfaisant, il est essentiel que chaque Français puisse avoir le choix, au moins symbolique, de se rendre physiquement dans un bureau de vote ouvert au sein de sa propre circonscription consulaire. Ainsi, la disposition prévoyant la possibilité pour une ambassade ou un poste consulaire d’organiser les opérations de vote pour le compte de plusieurs circonscriptions consulaires, même si cette possibilité doit être, comme l’a souligné le député Charles de La Verpillière, « réservée à des cas très exceptionnels », n’est pas du tout satisfaisante.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Claudine Lepage. Concernant justement ces opérations de vote, l’article L. 330-13 du code électoral prévoit le vote par correspondance, soit sous pli fermé, soit par voie électronique. Je me félicite de cette possibilité dérogatoire au droit commun, même si je comprends les réticences exprimées.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !
Mme Claudine Lepage. Mais serions-nous donc plus fraudeurs que nos voisins espagnols ou allemands,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oh, cela c’est possible !
Mme Claudine Lepage. … qui ont l’expérience de ce vote ?
Pour prévenir toute dérive, tel le ramassage groupé des votes, nous proposons un amendement qui vise à limiter à trois le nombre de plis fermés qu’une même personne peut directement remettre aux autorités responsables du vote. Le vote par internet doit, lui aussi, être entouré des plus grandes précautions et sa mise en œuvre trouver le juste équilibre entre sécurité et simplicité.
Je terminerai en me félicitant de l’article 3, qui prévoit que les députés sont membres de droit de l'Assemblée des Français de l'étranger, l’AFE, et peuvent ainsi utilement relayer à l’Assemblée nationale les propositions des conseillers, élus de terrain les mieux placés pour connaître les problèmes locaux. Ce même article prévoit également que ces députés font partie du corps électoral des sénateurs, comme c’est le cas pour l’élection de chacun d’entre vous, mes chers collègues.
Cependant, j’entends bien l’objection liée au poids de ces onze députés, qui représentent 7 % du collège électoral. Cette situation ne rend en fait que plus criante la nécessité d’élargir ce collège électoral des sénateurs des Français de l’étranger, dans le sens de la proposition de loi que j’ai déposée avec Richard Yung et Monique Cerisier-ben Guiga.
Les élections des députés des Français établis hors de France représentent une grande avancée pour la reconnaissance de la pleine citoyenneté de tous les Français, où qu’ils résident. Il nous appartient de prendre toutes les dispositions pour que ces premières élections se déroulent dans de bonnes conditions. Ce projet de loi de ratification, enrichi des adaptations nécessaires à la particularité de cette consultation, doit pouvoir répondre à cette exigence. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Richard Yung. Excellent !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre.
M. Philippe Richert, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, au cours de la discussion générale, j’ai eu l’occasion non seulement de m’exprimer sur le contenu des trois textes qui vous sont soumis, mais aussi de donner mon sentiment sur les travaux qui ont été menés par la commission, sous l’égide de son rapporteur, M. Patrice Gélard. Vous l’aurez compris, le Gouvernement est très largement en phase avec les orientations préconisées par la Haute Assemblée.
Mon intention n’est donc pas en l’instant d’apporter de précisions complémentaires ; tout se trouve déjà dans les textes qui vous sont présentés et dans mon intervention liminaire. Je tiens surtout à me féliciter du climat qui préside à nos travaux, alors que nous abordons un sujet aussi important que celui de la démocratie représentative et de son fonctionnement dans notre pays. Il s’agit en effet de faire en sorte que les citoyens puissent avoir confiance en ceux qui les représentent. Et en écoutant l’ensemble des orateurs qui se sont exprimés, j’ai remarqué la volonté de chacun de s’attacher au fond et de laisser de côté polémiques ou petites phrases.
Je dois avouer qu’un tel état d’esprit ne me surprend guère : il n’est pas nouveau dans cet hémicycle. C’est pourquoi je remercie les intervenants, mais aussi les groupes politiques et la commission du travail qui a été accompli et de l’atmosphère dans laquelle vont maintenant pouvoir être examinés les amendements. (Très bien ! sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Nous allons passer à l’examen spécifique du projet de loi organique.