M. Yves Daudigny. Excellente question !
M. Raymond Vall. Cela signifie que tout itinéraire dont l’aménagement n’est pas retenu dans le document de planification qu’est le SNIT n’a pas vocation à recevoir des crédits d’État dans le cadre des PDMI. Du reste, c’est totalement légitime : il s’agit de bonne gestion de la part de l’État, le long terme commandant le court terme, la programmation s’inscrivant dans la planification.
Mes chers collègues, chacun d’entre nous, instruit par l’expérience, aura compris ce qui en résulte. Si vous souhaitez que des travaux d’amélioration des routes nationales dont dépendent votre économie locale, votre démographie et votre désenclavement soient entrepris et que ceux-ci ne sont pas pris en compte dans le SNIT, adressez-vous directement aux collectivités locales, même si cela relève de la compétence de l’État !
M. Jacques Mézard. Très bien !
M. Raymond Vall. Je peux étayer encore ma démonstration.
Mes chers collègues, vous connaissez tous cette première liste de routes nationales sélectionnées pour être assujetties à l’éco-redevance que vont acquitter les entreprises de poids lourds. Eh bien, ces itinéraires, qui sont pourtant reconnus d’intérêt structurant et qui généreront des recettes fiscales nouvelles, n’étant pas concernés par le SNIT, se retrouvent ipso facto exclus de tout investissement significatif pour les vingt ou trente prochaines années. C’est ce que j’appelle la double peine en matière d’aménagement du territoire !
Tout cela est accablant et part d’une interprétation réductrice et partiale de la lettre et de l’esprit du Grenelle de l’environnement. L’article 10 de la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement pose en effet comme principe que l’augmentation des capacités routières doit être limitée au traitement des points de congestion, des problèmes de sécurité ou des besoins d’intérêt local.
Quelle interprétation en a le Gouvernement ? Il refuse d’inscrire dans le SNIT des projets d’aménagement de routes existantes qui ne répondent qu’à des problèmes de desserte du territoire, de sécurité, de congestion, de nuisances ou d’intégration environnementale. Le message gouvernemental est clair : il s’agit de réserver strictement le SNIT aux aménagements induisant de « nouvelles fonctionnalités » et modifiant à grande échelle les comportements, au travers de nouveaux trafics ou de reports modaux.
Cette interprétation du Grenelle me paraît pour le moins erronée et abusive. Le Gouvernement instrumentalise le Grenelle ! J’y reviendrai d’ailleurs en prenant l’exemple de ma Gascogne d’origine, notamment la RN20 en Ariège et la RN21 dans le Gers. Il n’est qu’à se reporter à la page 118 de l’avant-projet consolidé du SNIT pour s’apercevoir que, avec cet alibi du Grenelle de l’environnement, ces axes qui relèvent pourtant de la compétence de l’État, sont laissés aujourd'hui dans une situation inacceptable, ainsi qu’a pu le constater Louis Nègre.
On peut s’interroger, comme l’a fait Michel Teston : Quelle cohérence y a-t-il ? Avec cet avant-projet, n’est-on pas aux antipodes du diagnostic sur les territoires enclavés établi par la DATAR en 2003 ? La ruralité est la grande absente, elle est sacrifiée, et cela en contradiction avec les ambitions explicitement formulées lors du comité interministériel d’aménagement et de développement des territoires du 11 mai 2010.
Cet avant-projet de SNIT est une dénégation de l’engagement solennel du Président de la République, que vous connaissez certainement, madame la ministre, pris dans son discours de Morée du 9 février 2010, qui constitue le point d’ancrage sur lequel s’appuie l’espoir de la ruralité. Je n’en citerai qu’une phrase : « Autant j’étais contre le "tout autoroute" ou le "tout route" comme on a pu l’avoir pendant des années dans le pays ; autant passer à l’excès inverse de l’interdiction de tout projet, c’est condamner des départements et des territoires à une mort qui ne correspond en rien à leurs aspirations et à leur avenir. » (Très bien ! sur les travées de l’UMP.)
À ce stade de ma démonstration, je souhaite mettre l’accent sur le fait que nous avons voté un certain nombre de textes qui prévoyaient une péréquation, mais que nous l’attendons toujours !
Dans ces mêmes territoires sacrifiés, des contributions énormes ont déjà été demandées aux collectivités pour les TGV et les routes nationales. Comment imaginer que l’on va continuer ainsi ? Sur une enveloppe globale de 260 milliards d'euros, les collectivités territoriales dépenseront plus que l’État, puisque celui-ci ne contribuera au SNIT qu’à hauteur de 86 milliards d'euros. La répartition est la suivante : 37 % pour les collectivités territoriales contre 32,2 % pour l’État, le tout pour satisfaire à des objectifs marquant l’abandon des efforts antérieurs fournis dans la bataille du désenclavement territorial. Comment peut-on accepter ce marché de dupes ?
Pour mieux illustrer mes propos, j’évoquerai de nouveau cette portion du Sud-Ouest que je représente ici, tout en sachant que mon analyse locale est transposable à bien d’autres territoires métropolitains.
Entre les axes Bordeaux-Toulouse et Langon-Pau, un vaste territoire, qui s’étend jusqu’aux Pyrénées, n’a d’autre artère structurante nord-sud que ce bout de RN21. Louis Nègre a pu constater que, sur soixante kilomètres, il n’y avait aucune possibilité de dépassement !
M. Louis Nègre, président du groupe de suivi sur le schéma national des infrastructures de transport. C’est vrai !
M. Raymond Vall. Comme je l’avais fait remarquer avec un peu d’humour, madame la ministre, c’est sans doute la même route qu’a dû emprunter d’Artagnan pour monter à Paris ! (Sourires.) Certes, le temps des attelages est révolu, mais cette route demeure la plus accidentogène de France et, si l’on n’y rencontre plus de brigands de grand chemin, on peut néanmoins y trouver la mort !
M. Yvon Collin. C’est pire !
M. Raymond Vall. Ainsi, on déplore 65 morts en quatre ans sur le tronçon Limoges-Tarbes.
Il est vrai qu’un certain nombre de routes nationales figurent dans la liste dressée à la page 118 de l’avant-projet consolidé. Toutefois, madame la ministre, il reste un point essentiel, et la commission de l'économie ainsi que le groupe de suivi en sont convenus : si votre volonté d’agir en faveur du désenclavement n’est pas confirmée par des crédits permettant enfin d’engager les études nécessaires, comme le souligne ce document avec une subtilité qui m’inquiète (Mme la ministre s’exclame.) – de ce point de vue, l’écriture de la page 118 est un véritable chef-d’œuvre ! – et si les études ne figurent pas dans la loi de finances, une fois de plus, nous aurons raté ce rendez-vous ! Et, une fois de plus, la ruralité sera condamnée ! Quelle autre interprétation pourrions-nous en faire ?
En conclusion, je dirai que l’avant-projet consolidé du schéma national des infrastructures de transport qui a été présenté au mois de janvier dernier a eu au moins le mérite de mobiliser un certain nombre de mes collègues, au premier rang desquels Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, et Louis Nègre, président du groupe de suivi, et de faire remonter un certain nombre de messages, qui sont, madame la ministre, autant de messages de désespoir.
Croyez bien que mon émotion n’est pas feinte, madame la ministre, lorsque je m’exprime sur ce sujet avec quelque passion, songeant que certains territoires, en dépit de l’état dans lequel ils se trouvent, vont devoir attendre trente ans avant de bénéficier d’un certain nombre d’améliorations et espérer pouvoir survivre. Je vous en conjure : écoutez notre appel et soyez attentive à l’ensemble du territoire français. Toutes les zones qui le composent ont le droit d’exister ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste, de l’Union centriste et de l’UMP.)
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Souhaits de bienvenue à M. le président du Sénat de Roumanie
M. le président. Mes chers collègues, il m’est particulièrement agréable de saluer en votre nom la présence, dans notre tribune d’honneur, de M. Mircea Dan Geoana, président du Sénat de Roumanie. (Mme la ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.)
Le président Geoana effectue, avec plusieurs de ses collègues, une visite du Sénat de la République française. Il est accompagné par notre collègue Jean Bizet et rencontrera demain d’autres personnalités de la Haute Assemblée.
Je l’assure, ainsi que ses collègues, de notre considération, de notre estime et de notre joie de les voir à la tribune d’honneur. (Applaudissements.)
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Débat sur le schéma national des infrastructures de transport (suite)
M. le président. Dans la suite du débat sur le schéma national des infrastructures de transport, la parole est à M. le président de la commission de l’économie.
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat qui nous réunit aujourd’hui, sur l’initiative du groupe du RDSE, me donne l’occasion de rappeler le grand intérêt de la commission de l’économie pour la question des transports et les travaux qu’elle a menés sur le schéma national des infrastructures de transport.
Grâce à l’implication de son rapporteur, Bruno Sido, la commission de l'économie s’est d’abord beaucoup investie lors de l’examen de la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement, dite « Grenelle 1 », dont les articles 16 et 17 ont fixé justement le cadre légal de ce schéma.
À la suite de la publication, au mois de juillet dernier, de l’avant-projet du SNIT, le bureau de notre commission a jugé utile de mettre en place un groupe de suivi du SNIT, composé de huit sénateurs, représentant l’ensemble des groupes politiques. Ce groupe est présidé par Louis Nègre et comprend également nos collègues Jean Boyer, Francis Grignon, Jean-Jacques Mirassou, Bruno Retailleau, Mireille Schurch, Michel Teston et Raymond Vall.
Le groupe de suivi a auditionné la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer, organisé une table ronde avec le secteur routier et autoroutier, puis effectué deux déplacements au mois de décembre 2010, l’un dans le Gers, à l’invitation de notre collègue Raymond Vall, pour étudier le dossier de la RN21 dans ce département, l’autre dans les Hautes-Alpes pour examiner le dossier de l’A51 aux côtés du sénateur Pierre Bernard-Reymond. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Le groupe de suivi a également pris l’initiative d’envoyer, à la fin du mois de décembre dernier, une lettre à l’ensemble des sénateurs pour leur demander leurs observations sur l’avant-projet de SNIT. À ce jour, une quinzaine de contributions écrites ont été reçues. Elles ont été une source précieuse d’informations et de réflexion pour le groupe de suivi.
Je tiens d’ores et déjà à remercier les membres du groupe de suivi de la qualité et du sérieux de leurs travaux. Ceux-ci se poursuivront jusqu’aux mois de mai et juin prochains, date à laquelle, vous l’avez annoncé, madame la ministre, le Parlement devrait débattre du projet de SNIT avant son adoption en conseil des ministres.
Parallèlement aux travaux du groupe de suivi, la commission de l'économie a organisé des auditions, dont certaines ont été ouvertes aux groupes d’études « montagne », « littoral et mer » ou encore « énergie ». Ainsi, M. Jean-Louis Borloo est venu le 6 octobre 2010 présenter la philosophie générale de l’avant-projet de SNIT. Puis, le 19 janvier dernier, Mme Michèle Pappalardo, responsable du commissariat général au développement durable, a présenté les principales conclusions du rapport environnemental relatif à cet avant-projet. Ce document est essentiel puisqu’il évalue a priori l’impact de tous les projets inscrits au SNIT sur l’environnement, notamment leur contribution aux objectifs ambitieux du Grenelle en matière de lutte contre le réchauffement climatique.
Enfin, madame la ministre, nous vous avons auditionnée le 1er février dernier sur l’ensemble des thématiques qui relèvent de votre ministère, mais surtout sur l’avant-projet consolidé du SNIT, présenté quelques jours plus tôt, qui contient des avancées notables par rapport à la version initiale du mois de juillet dernier.
Je ne souhaite pas allonger davantage mon propos, car notre collègue Louis Nègre nous présentera dans quelques instants les conclusions provisoires du groupe de suivi.
Je suis convaincu que les nombreux orateurs inscrits aujourd’hui garderont à l’esprit que l’intérêt général ne se réduit pas toujours à la somme des intérêts particuliers.
M. Yvon Collin. Ce n’est pas une raison pour les sacrifier !
M. Jean-Paul Emorine, président de la commission de l'économie. Bien entendu, il est légitime de défendre les projets qui concernent nos territoires, mais il faut également veiller à leur bilan social, économique et environnemental, surtout dans un contexte de fortes tensions pour les finances publiques. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – M. Raymond Vall applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Louis Nègre, président du groupe de suivi sur le SNIT.
M. Louis Nègre, président du groupe de suivi sur le schéma national des infrastructures de transport. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, comme l’a rappelé le président Emorine, j’ai été nommé président du groupe de suivi sur le SNIT, et c’est à ce titre que je vous présente nos conclusions provisoires.
Notre réflexion a été alimentée par l’ensemble des observations de nos collègues. Toutefois, compte tenu du temps qui m’est imparti aujourd’hui et de la communication que j’ai déjà faite en commission, je ne citerai, à titre d’exemple, que les deux dossiers emblématiques pour lesquels la commission s’est déplacée et centrerai mon propos sur les problématiques générales de ce document.
Le SNIT, madame le ministre, est un document stratégique remarquable et remarqué, qui inscrit pleinement nos infrastructures dans le développement durable. Il est caractérisé par deux éléments forts : d’une part, il intègre la mutation écologique du Grenelle ; d’autre part, il est soumis à concertation.
Il constitue donc, par rapport au CIADT – comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire – de 2003, une démarche particulièrement innovante que nous saluons comme il se doit.
La consultation engagée depuis juillet a d’ailleurs déjà porté des fruits, même si, madame le ministre, comme vous l’avez dit, il faut poursuivre dans cette direction. En effet, l’avant-projet consolidé de janvier demeure perfectible.
J’articulerai mon intervention autour de deux questions : quelles sont les avancées de cet avant-projet consolidé par rapport à la version initiale de juillet ? Quelles sont les limites qui demeurent dans le nouveau document ?
Je distingue trois avancées dans l’avant-projet consolidé.
En premier lieu, le SNIT aborde enfin la question récurrente des coûts des différents réseaux. L’enveloppe globale de 170 milliards d’euros passe ainsi à 260,5 milliards d’euros, du fait de l’addition des projets de régénération, de modernisation et de développement.
Cela dit, Réseau ferré de France, RFF, considère que ces estimations financières sont trop optimistes. Le SNIT table, pour les vingt-cinq prochaines années, sur des dépenses de 15 milliards d’euros s’agissant de la modernisation du réseau ferré, hors Île-de-France et hors projet du Grand Paris, contre 25 milliards d’euros selon RFF. De même, le Gouvernement estime à 25 milliards d’euros le coût de la maintenance du réseau, quand RFF envisage plutôt une enveloppe de 40 milliards d’euros. Ces estimations de RFF ne donnent qu’un ordre de grandeur, mais elles illustrent parfaitement la difficulté d’apprécier les coûts de maintenance et de rénovation des réseaux existants.
De cela découle la première préconisation du groupe de suivi : pour mieux définir les orientations, nous considérons que le Gouvernement doit présenter un schéma des besoins de rénovation de tous les réseaux existants, assorti d’un diagnostic précis et d’un échéancier des coûts.
Ce diagnostic existe déjà en matière ferroviaire, même s’il doit être actualisé et affiné.
En matière fluviale, un audit a été demandé par le Parlement, mais n’a toujours pas été réalisé à ce jour, alors même, par exemple, que l’écluse fluviale de Port 2000 apparaît comme un dossier particulièrement pertinent.
S’agissant du secteur routier, l’objectif principal – et légitime – du document est le transfert modal. Toutefois, étant donné que ce secteur concentre, je le rappelle, 90 % du transport de marchandises, il doit faire l’objet de la même attention que les autres réseaux. Nous demandons donc, madame le ministre, un diagnostic du réseau routier existant. Nous souhaiterions que ce diagnostic soit réalisé par un organisme extérieur indépendant et qu’il dresse un échéancier des coûts de rénovation pour toute la durée du SNIT, afin d’éviter que ne se reproduise pour le secteur routier le malheureux destin du réseau ferroviaire.
En deuxième lieu, l’avant-projet consolidé explicite la clef de financement entre l’État, les collectivités territoriales et les autres acteurs pour chaque mode de transport. Le groupe de suivi constate que les collectivités territoriales seront le premier financeur du SNIT, à hauteur de 37,2 %, contre 32,8 % pour l’État. Pour cette raison, nous préconisons, madame le ministre, une concertation approfondie et organisée avec les principaux décideurs locaux concernés par le SNIT d’ici aux mois de mai ou de juin, au moins au niveau régional.
Le groupe de suivi demande également une hiérarchisation des projets.
L’avant-projet consolidé reconnaît d’ailleurs clairement que 70 % à 80 % seulement des mesures prévues dans le SNIT seront effectivement réalisées. Il existe des projets plus structurants et prioritaires que d’autres, notamment, monsieur le président de la commission, parmi les nombreux projets de LGV – ligne à grande vitesse –, où le coût du kilomètre peut être vingt fois plus cher que la régénération d’un kilomètre de voie ferrée.
Au vu de la situation alarmante de ce secteur, j’en appelle personnellement, madame le ministre, à un Grenelle du ferroviaire, afin de définir ensemble un plan volontariste et ambitieux, mais réaliste,
qui nous permettra d’atteindre – c’est bien le but –concrètement les objectifs de transfert modal voulu par le Grenelle de l’environnement.
M. Jean-Pierre Vial. Très bien !
M. Louis Nègre, président du groupe de suivi. En troisième lieu, afin d’apaiser les inquiétudes des élus concernés, les projets routiers qui bénéficient d’une déclaration d’utilité publique sont dorénavant regroupés dans une nouvelle annexe. C’est une bonne chose. Toutefois, le groupe de suivi souhaite que l’on suive le même raisonnement pour les projets de modernisation et de régénération ferroviaires que réalise de son côté RFF, afin qu’il soit possible d’avoir une vue d’ensemble de ces deux secteurs.
J’en viens à présent aux difficultés relevées par notre groupe de travail et auxquelles le nouveau document n’apporte pas de réponse.
Tout d’abord, nous constatons que les projets de développement portuaire et d’interconnexion avec le réseau fluvial manquent d’ambition pour relancer le fret ferroviaire.
M. Jean-Pierre Vial. Absolument !
M. Louis Nègre, président du groupe de suivi. Les projets portuaires stricto sensu ne représentent que 2,7 milliards d’euros, soit 1 % des dépenses globales.
Compte tenu de l’importance cruciale des ports pour le transfert modal des marchandises, notamment le transport massifié, il est peu vraisemblable que ce schéma donne à ces ports, par ailleurs régulièrement bloqués par des grèves (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), et manquant d’hinterland, l’impulsion nécessaire pour rattraper, voire dépasser les ports de l’Europe du Nord. Je vous rappelle, chers collègues qui venez de vous émouvoir de mon propos, qu’aujourd’hui le premier port français ne s’appelle ni Marseille ni Le Havre, mais Anvers !
Par ailleurs, le groupe de suivi présente, en complément du développement des ports, trois propositions pour relancer le fret ferroviaire.
Premièrement, il convient de suivre les préconisations exposées dans le rapport d’information de notre excellent collègue Francis Grignon, en particulier l’embranchement des ports avec le canal Seine-Nord Europe ; la nécessité d’un tel investissement, madame le ministre, n’est pas discutable.
Deuxièmement, il est indispensable de disposer d’une évaluation des externalités négatives engendrées par le transport routier de marchandises, tant au niveau français que sur le plan européen. Cette évaluation, réalisée par un organisme extérieur, est nécessaire pour sortir par le haut du débat sans fin sur les coûts réels respectifs de la route et du fer.
M. Jean-Pierre Vial. Très bien !
M. Louis Nègre, président du groupe de suivi. Troisièmement, le schéma doit montrer comment les projets, tels que la liaison Lyon-Turin, et, à terme, la traversée centrale des Pyrénées, s’inscrivent dans le réseau de transport transeuropéen. À nos yeux, ce dernier est insuffisamment rappelé dans le SNIT, malgré les efforts que l’on peut percevoir dans l’avant-projet consolidé.
Ensuite, une deuxième difficulté réside dans le fait que l’aménagement et la modernisation des routes nationales existantes sont insuffisamment pris en compte par le SNIT,…
MM. Raymond Vall et Jacques Mézard. C’est vrai !
M. Louis Nègre, président du groupe de suivi. …alors que, madame le ministre, la majorité des contributions des meilleurs experts de nos territoires, c’est-à-dire les sénateurs, traitent de ce sujet.
M. Jacques Mézard. Très bien !
M. Louis Nègre, président du groupe de suivi. Nous nous félicitons à nouveau des orientations « grenelliennes » du SNIT – orientations que nous soutiendrons totalement –, mais nous proposons de prendre davantage en compte l’aménagement du territoire…
M. Jacques Mézard. Bravo !
M. Louis Nègre, président du groupe de suivi. … en adoptant une interprétation plus équilibrée des critères du Grenelle.
Le Gouvernement a, selon nous, une lecture très stricte, voire trop stricte des critères de congestion, de sécurité ou d’intérêt local.
Le SNIT est fondé sur une véritable révolution copernicienne des objectifs (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.), au point que le secteur routier n’y mobilise même pas 10 % des crédits !
M. Gérard Longuet. Ridicule !
M. Louis Nègre, président du groupe de suivi. Soit, madame le ministre, mais il serait toutefois souhaitable que ce document stratégique accorde aussi toute sa place à la notion de désenclavement (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste. – M. Raymond Vall applaudit également.),…
M. Gérard Longuet. Eh oui !
M. Louis Nègre, président du groupe de suivi. …surtout lorsqu’il n’existe pas de desserte alternative – pour reprendre les termes figurant dans le SNIT –, comme c’est le cas, ainsi que l’a très bien expliqué Raymond Vall, avec la route nationale 21 dans le Gers, où, sur des dizaines de kilomètres, il est impossible aux véhicules de se dépasser. Dans ce genre de situation, on a l’impression d’être au XXe siècle plutôt qu’au XXIe !
Le groupe de suivi demande donc très concrètement que le Gouvernement engage, dès la prochaine loi de finances, des crédits d’études pour établir les cahiers des charges des onze projets de désenclavement routier visés par le Gouvernement dans la nouvelle fiche ROU 6 de l’avant-projet consolidé.
Un mot, enfin, sur le projet emblématique de l’A51. Je me suis rendu sur le terrain, madame le ministre. Comme dirait Mme Élisabeth Guigou, il faut absolument faire quelque chose ! (Sourires.)
M. Marc Daunis. Enfin une bonne référence ! (Nouveaux sourires.)
M. Louis Nègre, président du groupe de suivi. Il me semble nécessaire d’achever, comme l’autorise la loi Grenelle 1, cet itinéraire autoroutier dont la réalisation est largement engagée, de manière à décharger, avec la fin concomitante de l’A 48, l’axe rhodanien, épine dorsale de l’économie française et même de l’économie européenne.
Je crois donc nécessaire de définir le plus rapidement possible un plan d’action concret d’achèvement de cet axe d’aménagement du territoire. Pour se convaincre de cette nécessité, il suffit de se demander comment il serait possible, si un accident grave se produisait un jour dans le sillon rhodanien, d’alimenter tout le Nord de la France et de l’Europe.
Enfin, une dernière difficulté est liée au fait que l’évaluation environnementale du SNIT comporte de nombreuses limites. À la lecture du rapport environnemental, on ne sait pas clairement si la France parviendra, grâce au SNIT, à atteindre les objectifs ambitieux du Grenelle.
Comment mesure-t-on, par exemple, les effets, territoire par territoire, des nouvelles infrastructures ? Ou encore quelles sont les solutions de substitution possibles pour les grands projets d’infrastructures ?
Nous souhaitons donc, madame le ministre, au-delà de ce premier débat, poursuivre la réflexion afin que toutes ces questions essentielles soient traitées dans les mois à venir. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – M. Raymond Vall applaudit également.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Roland du Luart.)