M. Guy Fischer. Calcul électoral !
M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. Nous n’aimerions pas vivre une situation analogue à celle que nous avons connue en matière d’identification des médecins hospitaliers prescripteurs, lorsque nous avions attendu plusieurs années la sortie du décret d’application.
M. Jean Desessard. Voilà !
M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. Par ailleurs, une source non négligeable d’économies réside dans les possibilités offertes par les reconversions de lits. Faut-il le rappeler, c’est dans la loi HPST que fut intégrée la fameuse notion de « fongibilité asymétrique » ?
En outre, la mission souhaite la mise en place de référentiels de coûts d’hébergement, qui gagneraient, à terme, à devenir opposables. Mes chers collègues, il est à craindre que certains établissements médico-sociaux privés – d’aucuns vont encore dire que je leur fais un procès d’intention ! – n’essaient de se refaire une santé, si je puis m’exprimer ainsi, en faisant évoluer à la hausse les faux frais d’hébergement, les tarifs dépendance et soins étant, quant à eux, encadrés.
J’en viens à la question de la gouvernance.
Si celle-ci a été très largement réglée dans le cadre de la loi Hôpital, patients, santé et territoires, nous souhaitons tout de même une modification de la loi organique, pour permettre au Parlement de se prononcer sur l’ensemble des recettes et des dépenses du secteur médico-social, y compris les ressources propres de la CNSA et le complément que la caisse apporte sur ces mêmes ressources à l’objectif national des dépenses d’assurance maladie pour le secteur médico-social, ou ONDAM médico-social.
Nous devrions également pouvoir nous prononcer sur l’ensemble de l’objectif global de dépenses. Si une révision constitutionnelle se révélait nécessaire, nous pourrions prendre appui sur le projet de loi constitutionnelle, que le Gouvernement souhaite déposer prochainement et dont la presse se fait en ce moment l’écho, …
M. Guy Fischer. En juin ou juillet !
M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. … pour inscrire dans la Constitution la trajectoire de réduction de nos déficits publics.
Nous proposons aussi de réaffirmer le principe de parité de financement de l’APA entre l’État et les conseils généraux. Le Sénat a toujours plaidé en faveur de cette répartition égalitaire. Pour ce faire, Philippe Marini l’a rappelé tout à l’heure, l’une des voies envisageables est la création d’une seconde journée de solidarité.
J’évoquerai maintenant la question de la péréquation de l’APA entre les départements, à laquelle notre collègue Bruno Sido tient comme à la prunelle de ses yeux.
M. Bruno Sido. Tout à fait !
M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. Nous proposons de supprimer la référence au nombre de bénéficiaires du RMI, …
M. Bruno Sido. Bien sûr !
M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. … pour la remplacer par un critère de revenu par habitant, et de substituer la notion de « potentiel financier » à celle de « potentiel fiscal ».
Nous entendons nous engager dans la voie de l’expérimentation, préoccupation à laquelle notre collègue Éric Doligé est très sensible. C’est en effet lors d’un déplacement que nous avons effectué dans le département du Loiret que nous est venue cette idée : permettre à certains départements d’expérimenter, sur une base volontaire, une gestion déléguée des crédits d’assurance maladie des EHPAD, ce qui présenterait l’avantage de ne plus avoir qu’une autorité unique et d’agir plus efficacement qu’aujourd’hui sur le reste à charge en EHPAD.
La mission considère que la CNSA devrait être confortée en tant qu’agence rassemblant l’ensemble des acteurs de la prise en charge de la perte d’autonomie.
M. Bruno Sido. Très bien !
M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. Dans le cadre du partenariat public-privé que nous appelons de nos vœux, la mission avait proposé la création d’un comité ad hoc au sein de la caisse, dans lequel siégeraient les représentants des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance. Si cette suggestion n’a pas été suivie d’effet, nous observons avec satisfaction que le groupe de travail piloté par la CNSA sur l’évaluation des situations de perte d’autonomie s’est déclaré favorable à la création d’une commission nationale du partenariat public-privé, que j’ai évoquée au début de mon propos.
Mes chers collègues, je vous prie de bien vouloir m’excuser d’avoir été un peu long. Mais le rapport d’information est tellement riche en propositions…
M. Bruno Sido. Excellent rapport !
M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. … et le travail d’expertise que nous avons effectué si approfondi…
Mme Isabelle Debré. Très beau travail !
M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. … qu’il m’a semblé utile de m’y attarder quelques minutes. Je ne doute pas un seul instant que chacun saura tirer les fruits de ce travail, notamment le Gouvernement, qui, je l’espère, nous présentera des propositions dès le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, voire au-delà si nous n’avions pas pu faire tout le chemin nécessaire pour répondre à l’attente de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Orateurs inscrits
M. le président. J’indique au Sénat que, compte tenu de l’organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 33 minutes ;
Groupe socialiste, 26 minutes ;
Groupe Union centriste, 10 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen et des sénateurs du Parti de Gauche, 10 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 8 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe, 3 minutes.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Bernard Cazeau. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le rapport d’information fait au nom de la mission commune d’information sur la prise en charge de la dépendance et la création d’un cinquième risque, et qui sert de socle à nos débats, retranscrit assez bien l’atmosphère sereine et constructive ayant présidé à nos travaux.
Au final, nous avons à mon sens affiché une certaine indépendance d’esprit, à la fois par rapport aux formations politiques dont nous sommes issus, par rapport au Gouvernement qui cherche, du moins le prétend-il, à définir sa doctrine sur le sujet, et par rapport à l’Assemblée nationale avec laquelle nous avons des divergences sur plusieurs points fondamentaux. Peut-être est-ce là la preuve que nous recherchons, au bénéfice de nos concitoyens, une vérité utile !
Il faut dire que l’enjeu est considérable, et ce à plusieurs titres.
C’est un enjeu humain, parce que la dépendance est synonyme de fragilité sanitaire et psychologique pour celui qui la traverse, synonyme d’une peine dont toute la société doit avoir conscience.
C’est un enjeu sociétal, car la structure familiale et les rapports intrafamiliaux sont transformés par le vieillissement accéléré d’une partie de la population.
C’est un enjeu social, dans la mesure où le grand âge équivaut à la mise en danger des personnes et des familles les plus modestes.
Bref, nous sommes non seulement dans un débat technique, mais aussi devant une question de société, dans l’acception la plus noble du terme.
Parlons, d’abord, de l’évolution démographique et des dépenses afférentes.
Les perspectives dressées par l’INSEE laissent envisager une progression de 25 % du nombre de personnes âgées de plus de 75 ans à l’horizon 2025. C’est important, mais ce n’est pas bouleversant ! Notons encore que la part des plus de 80 ans dans la population, ceux dont la probabilité d’être dépendants est la plus élevée, ne progressera que de 1 % d’ici à 2025.
En revanche, il est indéniable que les perspectives portant sur la période 2025-2055 sont plus préoccupantes, puisqu’à cette date la population française comptera 15 % de personnes âgées de plus de 75 ans, contre 8 % aujourd’hui, conséquence de l’arrivée aux âges élevés des générations du baby-boom.
En clair, nous allons vivre, au cours des vingt prochaines années, la même évolution démographique que celle que nous avons connue depuis les années soixante-dix, mais que nous avons su absorber tout en créant des droits nouveaux pour les personnes dépendantes. L’obstacle n’est donc nullement infranchissable ; il n’y a pas de tsunami à l’horizon.
S’ajoute à cela une question importante et difficilement prévisible, celle de la prévalence de la dépendance selon l’âge.
On ne peut en effet projeter dans l’avenir les observations actuelles concernant l’âge moyen de survenue de la dépendance. Avoir 85 ans n’aura pas la même signification dans quinze, vingt ou trente ans qu’aujourd’hui, du fait du recul probable de l’âge moyen de la dépendance.
Les projections en termes de coûts attestent d’ailleurs pleinement du caractère maîtrisable des évolutions en cours.
Les dépenses en faveur de l’autonomie devraient en effet passer de 1,17 % à 1,55 % du PIB au cours des quinze prochaines années. Autrement dit, il conviendrait de dégager un milliard d’euros supplémentaires par an pour maintenir la qualité actuelle des prises en charge et stabiliser le coût résiduel à la charge des usagers.
La prise en charge annuelle atteindrait alors 32 milliards d’euros à l’horizon 2025, montant qui correspond, d’ailleurs, pour 80%, à des créations d’emplois dans le secteur de l’aide à domicile et les établissements d’accueil. Nous parlons de plus d’un million d’emplois dans la prochaine décennie, contre 600 000 actuellement.
Dans la période économique que nous connaissons, marquée par la stagnation et la désindustrialisation, n’est-ce pas un objectif motivant et primordial pour la société française ? N’est-ce pas une lueur d’espoir pour les millions de salariés qui ne trouvent pas d’emploi ?
Nous sommes donc d’accord, à ceci près que nous nous refusons à sombrer dans un certain catastrophisme quant au diagnostic démographique et financier.
Un autre point d’accord concerne la gouvernance du système, qu’il convient de stabiliser et de simplifier sans pour autant remettre en cause la pertinence des acteurs actuels.
Il convient de conforter et de clarifier le rôle de la CNSA, ainsi que les nombreux circuits financiers contribuant au financement de la dépendance.
Dans le domaine de la programmation médico-sociale, il faut donc remettre de l’ordre, réintroduire de la stabilité et de la logique. À cet égard, la perspective de faire des départements les véritables responsables de la politique médico-sociale est tout à fait bienvenue et devrait, à notre sens, être étudiée de manière approfondie.
Dernier point d’accord entre nous, la nécessité de régler les grandes lacunes du fonctionnement actuel.
Il y a d’abord la répartition inacceptable du financement de l’allocation personnalisée d’autonomie. Comme cela a été dit, il n’est plus tolérable de laisser se creuser l’écart entre solidarité nationale et solidarité locale. La répartition paritaire des coûts entre État et conseils généraux doit redevenir la règle.
Il convient aussi de définir un outil d’évaluation de la dépendance plus complet que l’actuelle grille AGGIR. Nous constatons tous, sur le terrain, que les instruments de mesure ne sont aujourd'hui pas toujours performants et qu’ils n’évitent pas certains écueils. Aussi, loin d’envisager, comme cela a pu être écrit, la suppression du GIR 4, nous devons moderniser l’évaluation médico-sociale. Dans mon département, l’expérimentation, avec la CNSA, du SMAF, système de mesure de l’autonomie fonctionnelle qui nous vient du Québec, donne de très bons résultats.
Il importe enfin de diminuer le reste à charge des résidents en maison de retraite en rénovant l’actuel système de tarification.
Le plan Solidarité-Grand-Âge a eu une vertu importante, celle de moderniser les conditions d’accueil en EHPAD. Mais il a eu une autre conséquence plus fâcheuse : l’accroissement des tarifs d’hébergement payés par les résidents, dans le cadre des conventions tripartites. Aujourd’hui, ce sont 1 500 à 2 000 euros que les personnes hébergées doivent débourser pour être accueillies en EHPAD, soit des montants sans commune mesure avec les revenus de l’immense majorité des familles.
Sans laisser penser que les enfants pourront se dispenser des frais d’hébergement de leurs parents, nous soutenons que des améliorations doivent être apportées. La perspective d’une réforme de la tarification provoquant le transfert d’un milliard d’euros de dépenses des résidents vers l’assurance maladie est intéressante. Elle pose toutefois le problème, monsieur le rapporteur, du déséquilibre actuel des comptes de la sécurité sociale.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. Ce que je n’ai pas ignoré !
M. Bernard Cazeau. Mes chers collègues, j’en viens à nos points de désaccords, qui tiennent essentiellement à la question du mode de financement du droit à l’autonomie.
M. le président et M. le rapporteur de la mission commune d’information savent bien que de nouvelles recettes sont indispensables, mais les pistes qu’ils suggèrent ne sont pas satisfaisantes à nos yeux.
J’écarte, d’emblée, la création d’une seconde journée de solidarité, tant la première fut un fiasco mémorable. Du reste, seuls les salariés seraient touchés par une telle décision ; ce n’est pas la peine de leur en demander plus ! Je ne parle pas non plus d’une extension des prises en charge au titre du régime général de la sécurité sociale, tant le niveau de déficit est abyssal et structurel.
La perspective d’excédents éventuels de la branche famille a fondu avec la crise. L’éventualité d’une cinquième branche, alors que les quatre autres sont en déficit, n’est pas non plus très crédible à court terme.
Vient alors la réponse de la majorité, qui constitue pour nous une impasse : celle du financement individuel de la couverture dépendance. Ce financement individuel prendrait deux formes : la prévoyance personnelle sous forme de produits d’assurance et le gage sur héritage.
Nous considérons que les assurances individuelles sont injustes, car elles sont réservées à une certaine catégorie de revenus. De plus, nous le savons toutes et tous, l’assurance privée conduira à une sélection des clients, ainsi qu’à des coûts dérivés importants. Méditons, à cet égard, l’exemple américain : la gestion privée de l’assurance-maladie conduit à ce que 15 % des dépenses concernent non pas les soins, mais la rémunération des compagnies d’assurance.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. Comment cela se passe-t-il pour la complémentaire santé ?
M. Bernard Cazeau. Outre-Atlantique, en matière de dépendance, l’assurance privée individuelle n’est pas fonctionnelle, et les seniors américains aspirent à une prise en charge publique.
M. Philippe Marini, président de la mission commune d’information. On peut faire mieux que les Américains !
M. Bernard Cazeau. Pourquoi pas !
M. Alain Vasselle, rapporteur de la mission commune d’information. Nous n’avons jamais dit qu’ils étaient nos modèles...
M. Bernard Cazeau. Selon nous, les compagnies d’assurance n’ont rien à faire dans la couverture des risques liés à la dépendance.
En ce qui concerne le rétablissement d’une forme, certes optionnelle, de recours sur succession, nous considérons que le caractère volontaire du gage n’enlève rien à la rupture d’universalité qu’il constitue. Il y aura bien, demain, deux catégories de bénéficiaires de l’APA, selon le mode de récupération successorale choisi.
La question des seuils est, elle aussi, très problématique, car elle vise très directement les propriétaires de résidence principale, du petit pavillon périurbain à la fermette des zones rurales ; rappelons ici que 75 % des retraités sont propriétaires de leur logement.
Enfin, quelle égalité y aura-t-il entre ceux qui, avec 20 000 euros de gage, perdront 15 % de leur patrimoine et ceux, les plus riches, qui n’en perdront qu’une infime fraction ?
M. Philippe Marini, président de la mission commune d’information. On peut relever le seuil !
M. Bernard Cazeau. De surcroît, cette mesure ne réglerait rien à court terme, puisque les gains espérés n’interviendront qu’avec un long décalage. Monsieur Marini, dans mon département, nous sommes encore en train de récupérer des successions datant de la prestation spécifique dépendance, tant les procédures sont complexes et les conseillers en patrimoine astucieux !
M. Jean Desessard. Il n’a pas tort !
M. Bernard Cazeau. C’est bien dans l’approche financière du dossier que nous divergeons. Celui-ci mérite, selon nous, d’être envisagé sous l’angle de la solidarité nationale.
M. Philippe Marini, président de la mission commune d’information. Vous êtes d’accord sur les dépenses, mais pas sur les ressources !
M. Bernard Cazeau. Nous ne sommes pas là face à un obstacle insurmontable pour les finances publiques ; nous sommes face à la nécessité de définir des priorités politiques et sociales.
M. Jean Desessard. Exactement !
M. Bernard Cazeau. Les pistes de financement existent : le persistant paquet fiscal, dont le seul volet « successions » prive chaque année l’État de 2 milliards d’euros de recettes ; le cadeau fait aux grosses entreprises dans le cadre de la suppression de la taxe professionnelle, qui oblige l’État à payer aux collectivités ce qu’elles percevaient auparavant des sociétés imposées sur leurs territoires. Vous savez bien, monsieur Marini, en tant que rapporteur général de la commission des finances, que le financement paritaire de l’APA coûte trois fois moins que la réforme de la taxe professionnelle en régime de croisière !
M. Philippe Marini, président de la mission commune d’information. Il est vrai que cette réforme est chère !
M. Bernard Cazeau. D’autres voies, encore, sont à explorer, qui mobiliseraient une fiscalité spécifique d’un niveau globalement faible, à l’assiette large et évolutive, et susceptible de progresser au gré des besoins.
Les Français sont prêts à faire face à cette solidarité nouvelle. Ils ne veulent ni assurance ni recours sur succession ; vous pouvez le vérifier ! Ils veulent une réforme porteuse de progrès et d’humanité. Ils veulent une gestion de proximité et une garantie pour l’avenir de leurs parents et grands-parents.
Tout cela est possible, c’est une question de volonté politique. C’est donc à cet élan nouveau et à la mise en pratique de la justice sociale que je vous invite ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – M. Yvon Collin applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le temps de parole qui m’est imparti se limitant à trois minutes, je me dispenserai des formules de politesse et vous demanderai de bien vouloir excuser le caractère lapidaire de mon propos.
M. Adrien Gouteyron. Ce sera dense !
M. Philippe Adnot. Si vous souhaitiez quelques précisions, je vous les apporterai hors de l’hémicycle, faute de temps.
Un débat sur la dépendance ! Cette idée n’est tout de même pas banale ... On fait un peu comme si ce sujet n’avait pas été maintes fois exploré, comme si on en ignorait les données, alors qu’il existe, dans chaque département, un schéma gérontologique.
Madame la ministre, l’heure n’est plus aux colloques, aux interrogations, à la réflexion sur la dépendance. Nous savons tout sur ce sujet ! L’heure est désormais à l’action.
M. Yvon Collin. Eh oui !
M. Philippe Adnot. Pour agir, nous devons poser quelques principes. Le premier de ces principes est que la solidarité nationale doit financer le handicap, la dépendance et le revenu de solidarité active, le RSA. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. C’est le bon sens !
M. Philippe Adnot. L’écart entre le financement qui incombe aux départements et la participation de l’État ne cesse de se creuser, et l’on fait supporter par les plus faibles les charges les plus lourdes. Or, plus le nombre de personnes âgées et de chômeurs est élevé et plus ces charges sont lourdes !
M. Guy Fischer. C’est injuste !
M. Philippe Adnot. Un autre principe est que ces charges ne doivent pas incomber aux collectivités locales ; elles relèvent de la solidarité nationale. Il s’agit non pas de résoudre le problème de quelques-uns, mais de respecter le principe républicain de solidarité, et nous devons tous nous y consacrer !
Par ailleurs, il est important de sauvegarder le principe de la responsabilité des familles, qui doivent être les premières sollicitées. Dans la société actuelle, on oublie que la famille est, au premier chef, responsable des aînés et des enfants. Cela signifie qu’il faudra prévoir une participation de leur part, soit immédiate, soit différée.
Il faut conserver un ticket modérateur à la charge des départements pour inciter à la bonne gestion et au contrôle de l’effectivité. La prise en compte de la dépendance par la nation doit se faire par rapport à une dépense moyenne par GIR, au niveau des plans d’aide, afin d’éviter un certain laxisme en ce qui concerne le classement des dépendances.
Madame la ministre, je ne serais pas choqué que l’on accorde une prime aux départements qui sont les plus rigoureux dans le contrôle de l’effectivité. Certaines statistiques mettent en évidence des différences de situation pour le moins édifiantes. Dans certains départements, une personne sur deux âgées de plus de 75 ans est dépendante, soit trois fois plus que la moyenne, et les plans d’aide y sont deux fois supérieurs à la norme. Si l’on doit compenser les dépenses des départements, mieux vaut le faire sur des moyennes de strates, et ne pas encourager les gestionnaires laxistes.
En matière de financement, nous devons faire preuve de lucidité. Évoquer la création d’un cinquième risque avant de s’être mis d’accord sur des cotisations nouvelles relève du non-sens. Il y va de l’acceptabilité du système ! L’assurance doit d’abord permettre aux familles d’assumer leurs responsabilités. Ce mode de financement ne peut donc être envisagé qu’avec prudence pour la prise en charge de l’autonomie.
Contrairement à ce qu’a dit Charles Guené, l’État ne peut pas se retrancher derrière sa situation budgétaire pour ne rien faire. De quelle marge d’action peuvent disposer des départements désormais privés de la capacité de lever l’impôt ? On ne peut se cacher derrière cet argument illusoire...
Je soutiens, pour ma part, la solution défendue par M. Sido, qui consiste à retrancher deux journées de RTT, car elle permet d’apporter une réponse immédiate à des problèmes auxquels il faut en tout état de cause remédier rapidement.
M. Guy Fischer. Il ne faut pas tout mélanger !
M. Philippe Adnot. Par ailleurs, cette solution ne coûterait rien au budget de l’État, à l’équilibre duquel nous sommes tous attentifs, et serait la marque de la solidarité de l’ensemble de la société française. Or il est de notre devoir d’être solidaire !
M. Guy Fischer. Ce sont toujours les salariés qui paient ! C’est une fausse bonne solution !
M. Philippe Adnot. Ce système permettrait d’avancer en attendant de trouver la solution idéale. Nous ne pouvons plus attendre : nous devons agir vite et de façon globale. Le temps des colloques est révolu, madame la ministre ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.
M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous vivons de plus en plus longtemps : on peut s’en réjouir ! La France devrait compter, selon les prévisions de l’INSEE, 4 millions de personnes âgées de plus de 80 ans en 2020, et 11 millions en 2050.
Malheureusement, l’allongement de la durée de la vie s’accompagne souvent d’une perte d’autonomie, ce qui nous impose de réfléchir aux moyens d’accompagner aux mieux nos aînés, de répondre à leurs besoins, et de leur permettre de vivre dans le respect et la dignité. Nous sommes donc confrontés à un véritable enjeu de société, à un défi social considérable.
« Je créerai une cinquième branche de la protection sociale pour consacrer suffisamment de moyens à la perte d’autonomie et garantir à tous les Français qu’ils pourront rester à domicile s’ils le souhaitent ». Ces propos, vous le savez, ont été tenus par le Président de la République en 2007, lorsqu’il annonçait la mise en œuvre d’une « grande politique de la fin de vie ». Il aura tout de même fallu patienter quatre ans avant que le débat ne soit enfin engagé !
La question qui se pose désormais est simple : quelle politique mettre en place, et avec quels moyens, pour assurer la prise en charge de la perte d’autonomie, qui frappe de plus en plus souvent certains de nos concitoyens ?
Sur un tel sujet, les radicaux attendent un texte ambitieux et respectueux des valeurs humanistes qui sont au cœur de notre pacte républicain. Hélas ! les dernières déclarations du Président de la République remettent en cause les promesses de création d’une cinquième branche de la protection sociale fondée sur la justice sociale et la solidarité nationale, création qu’il appelait pourtant de ses vœux en 2007, à grand renfort de tambours et trompettes.
Madame la ministre, vous envisagez d’intégrer dans le processus les mutuelles, les compagnies d’assurance et les organismes de prévoyance. Ce choix, regrettable, est également préconisé par le rapporteur de la mission commune d’information du Sénat, M. Alain Vasselle. Quant au député Valérie Rosso-Debord, elle va bien au-delà puisqu’elle propose, dans son rapport, de rendre obligatoire dès l’âge de 50 ans la souscription d’une assurance contre la perte d’autonomie, dispositif voué à se substituer progressivement à l’allocation personnalisée d’autonomie.
Nous déplorons ces différentes orientations. Ainsi, à cause des déficits abyssaux de nos finances publiques – une situation très bien décrite par Philippe Marini ! –, nos concitoyens devraient recourir aux assurances privées ! Je considère, pour ma part, que la prise en charge de la perte de l’autonomie ne doit pas s’inscrire dans une logique assurantielle qui, nous le savons, aggraverait les inégalités entre les plus aisés et les plus modestes. Or tel n’est pas, je l’imagine, le but que vous recherchez !
En revanche, je suis favorable à la proposition de M. le rapporteur, lequel préconise l’instauration d’un mécanisme de gage patrimonial optionnel, différent du recours sur succession mis en œuvre dans le cadre de la prestation spécifique dépendance, certains d’entre nous s’en souviennent. Limité à 20 000 euros, ce gage ne concernerait que les personnes choisissant de bénéficier de l’allocation à taux plein et dont la valeur du patrimoine est supérieure à 150 000 ou 200 000 euros – le seuil reste à fixer –, c’est-à-dire déjà assez élevée. L’économie ainsi dégagée pourrait donc être redéployée par les conseils généraux afin d’améliorer la situation des personnes âgées dépendantes les plus démunies.
En effet, nous le savons, l’enjeu financier est considérable. Les départements sont véritablement asphyxiés par le financement de l’APA. Rappelons-le, le poids de cette prestation était, pour 2010, de 5,5 milliards d’euros, le nombre de ses bénéficiaires ayant quasiment doublé depuis 2002, c’est-à-dire depuis que la prestation spécifique dépendance a été remplacée par l’allocation personnalisée d’autonomie.
Certes, les conseils généraux sont, du fait de leur proximité avec les administrés, les plus aptes à évaluer les situations individuelles et à coordonner les actions avec les principaux partenaires. Toutefois, leurs ressources fiscales désormais inexistantes et la rigueur implacable de l’État, qui a déjà gelé les dotations, ne leur permettent plus de faire face à leurs dépenses en général, notamment à celles qui sont liées à I’APA. En outre, les transferts massifs de compétences qui ont été effectués n’ont pas été accompagnés, pour les départements, des compensations nécessaires qu’il aurait pourtant été indispensable et juste de leur verser.
Mes chers collègues, ce désengagement organisé de l’État est inacceptable. En effet, lors sa création, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie était censée financer l’APA pour moitié, mais sa part a chuté de 50 % en 2002 – seule année, je le rappelle, où les engagements ont été tenus – à moins de 30 % aujourd’hui ! Les conseils généraux sont donc contraints de pallier les carences de l’État ; l’urgence est patente.
Madame la ministre, comment comptez-vous les aider à sortir de l’impasse financière dans laquelle la récente réforme de la fiscalité locale les a placés ? J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet en décembre dernier, lors de l’examen de trois propositions de loi identiques et relatives à la compensation des allocations individuelles de solidarité versées par les départements, textes déposés par les sénateurs de l’opposition. Je vous avais alors alertée sur l’urgence d’octroyer aux conseils généraux les ressources financières nécessaires pour assumer les compétences que la loi leur attribue. En vain !
La mission sénatoriale préconise – utilement – le partage de la charge de I’APA selon une règle de stricte égalité entre l’État et les départements. Je m’en félicite, car ce serait le juste retour du respect des engagements pris.