M. Richard Yung. Posture !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Amalgame !
M. Brice Hortefeux, ministre. Puisqu’il ne s’agit pas d’une caricature, monsieur Mézard, j’encourage les sénateurs qui siègent sur certaines travées de cet hémicycle et vous-même à adopter cette mesure ! (Exclamations sur les mêmes travées.)
Madame Boumediene-Thiery, vous récusez ce texte en bloc, ce qui est normal. Dans le cas contraire, j’aurais été déçu !
Vous proposez en fait, sans l’exprimer directement – mais je pense que vous êtes suffisamment sincère et courageuse pour assumer cette position ! –,…
Mme Alima Boumediene-Thiery. Absolument !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Je suis cohérente !
M. Brice Hortefeux, ministre. Cela a le mérite de la clarté ! Cette conception souligne d’ailleurs la diversité du groupe auquel vous appartenez...
Vous assumez parfaitement ce point de vue : l’immigration irrégulière, allons-y ! Pour vous, que les immigrants soient réguliers ou irréguliers, qu’ils respectent ou non les règles, qu’ils suivent le parcours légal ou s’assoient dessus, c’est la même chose ! C’est votre droit, mais c’est une vraie différence entre nous, que j’assume également.
Je reconnais, monsieur Assouline, que vous avez fait un très bon discours sur la forme.
M. Jean-Pierre Sueur. Et sur le fond !
M. Brice Hortefeux, ministre. J’y reviens ! Monsieur Assouline, vous avez évoqué deux situations individuelles, effectivement émouvantes, compte tenu de l’origine des personnes concernées et de l’actualité. Comme l’a dit à juste titre M. Dominati, nous connaissons tous des exemples de ces situations.
Or les cas auxquels vous avez fait référence dans votre intervention sont précisément ceux de personnes qui n’avaient pas respecté les règles d’entrée sur notre territoire !
À aucun moment, vous n’avez eu une seule pensée, un seul mot, pour ceux qui se sont donné la peine, pour entrer sur notre territoire, de respecter nos règles et nos lois !
M. David Assouline. Si !
M. Brice Hortefeux, ministre. À aucun moment ! Vous n’avez parlé que de ceux qui ne voulaient pas respecter ces règles...
M. David Assouline. Non ! Vous n’avez pas entendu ! (M. David Assouline brandit le texte de son intervention.)
M. Brice Hortefeux, ministre. S’agissant du droit d’asile, je le dis à Yves Détraigne, dont je connais l’attachement à ces questions, dans la tradition politique qui est la sienne : oui, la France honore sa tradition d’accueil des réfugiés politiques, comme elle le fait depuis des siècles. Mais elle refuse, je le dis très clairement, que ce droit d’asile soit dévoyé.
L’engagement budgétaire de l’État en faveur du droit d’asile n’a jamais été aussi élevé. Il représentait 374,7 millions d’euros voilà sept ou huit ans ; il s’élève à 425,8 millions d’euros en 2010. Cela représente une augmentation de près de 14 %.
Mais il faut aussi garder à l’esprit que le droit d’asile est fait pour protéger les victimes de l’oppression, et non pour autre chose.
Puisque nous évoquons notre tradition d’accueil, je voudrais, à l’instar de M. le sénateur Détraigne, revenir sur la situation dramatique d’Haïti et la réponse que la France y a apportée.
Nous n’avons pas à rougir de notre action. Depuis le séisme de l’hiver dernier, nous avons mis en place un dispositif exceptionnel : 9 000 visas ont été délivrés à des Haïtiens à partir du mois de février 2010, 4 500 titres de séjour ont été accordés et le nombre de ressortissants haïtiens admis au séjour en France a progressé de 45 % entre 2009 et 2010.
Il s’agit là non pas de postures, de slogans ou d’idéologie, mais de la démonstration de la réalité de notre politique, qui vise précisément à ouvrir, à accueillir dès lors qu’une forme de solidarité doit s’exercer. La solidarité de la France à l’égard d’Haïti a pris la forme d’un appui en matière de moyens de sécurité civile et d’aide humanitaire, mais s’est également traduite par l’accueil d’un certain nombre de ses ressortissants sur notre territoire.
Je tiens par ailleurs à rétablir la vérité sur la lutte contre l’immigration irrégulière.
Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, vous me pardonnerez de m’exprimer ainsi, mais je constate – et je le regrette – que tous ceux d’entre vous qui se sont exprimés ont défendu une même position – mais peut-être ai-je mal compris –, qui consiste simplement à ne rien changer,…
M. Richard Yung. Mais non !
M. Guy Fischer. Caricature !
M. Brice Hortefeux, ministre. … alors que nous, nous souhaitons précisément le contraire ! Cessez de répéter « Caricature », monsieur Fischer !
M. Guy Fischer. C’est la vérité !
M. Brice Hortefeux, ministre. La langue française comporte de nombreux autres mots !
La vérité, c’est que les temps changent ! La réalité des flux migratoires évolue ! Libre à vous, monsieur Fischer, de le contester et de le nier, mais telle est la réalité et la société française le sait ! Vous, vous ne le savez pas, mais vous finirez par l’apprendre !
M. Guy Fischer. Je vis aux Minguettes depuis des années, depuis plusieurs décennies !
M. Brice Hortefeux, ministre. Et puisque la réalité des flux migratoires évolue, il faut naturellement que nous adaptions nos moyens en conséquence.
Une fois encore, j’ai entendu ceux qui prônent l’angélisme, un angélisme qui dissimule peut-être quelques arrière-pensées. Ils écartent d’un revers de main un constat simple : fermer les yeux devant l’immigration irrégulière revient à donner une prime permanente aux fraudeurs, aux tricheurs, aux organisateurs de filières ! Voilà la réalité !
M. Guy Fischer. Scandaleux ! C’est comme les pauvres : tous des fraudeurs !
M. Brice Hortefeux, ministre. De la même manière, madame la sénatrice Assassi – je vous écoute toujours avec beaucoup d’attention –, où avez-vous vu que la France aurait été condamnée par la Commission européenne ou la Cour de justice de l’Union européenne ? Où donc ?
Mme Éliane Assassi. Je n’ai pas mentionné la Commission européenne !
M. Brice Hortefeux, ministre. Nulle part ! La Commission européenne a effectivement soulevé un certain nombre d’interrogations lorsque notre pays a procédé à des retours de ressortissants roumains en situation irrégulière.
Aujourd’hui, à Paris, un vol sur cinq est commis par un ressortissant roumain. Madame Assassi – vous êtes une élue –, libre à vous de faire comme si ce n’était pas une réalité connue, publique, officielle ! Libre à vous de le nier ou de ne pas le voir ! Pour notre part, nous n’avons pas choisi de fermer les yeux et de faire comme si rien ne se produisait. Notre défi, notre devoir, c’est de résoudre les problèmes de notre société, et cela en fait partie. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Claude Biwer applaudit également.)
La réalité, c’est que la Commission a conclu qu’à aucun moment la France n’avait pris des mesures inappropriées. Elle nous a simplement invités à procéder à quelques ajustements pour parachever la transposition de la directive de 2004 et nous y procédons dans le présent projet de loi, qui devrait donc, au moins sur cet aspect-là, recueillir votre approbation. (M. Richard Yung s’exclame.)
Monsieur le président Yvon Collin, vous avez admis lors de votre intervention que la lutte contre l’immigration irrégulière était légitime. Mais allez donc au-delà de simples vœux, que je n’ose qualifier de « pieux » s’agissant du groupe RDSE ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. Des actes !
M. Brice Hortefeux, ministre. Franchissez un cap, que je qualifierai de cap de courage (Nouveaux sourires.), je vous y incite fortement ! Allez au bout de votre raisonnement et votez certains articles du projet de loi ! Votez-le, aussi, parce que ce texte transpose en grande partie des directives européennes auxquelles vous avez fait référence. Comme vous le savez, les transposer est une obligation et nous y tenons.
À ce propos, je ne sais pas où certains d’entre vous ont cru lire que la directive Retour du 16 décembre 2008 s’opposerait à un allongement de la durée de rétention. Si vous lisez le texte, il est écrit exactement le contraire !
En effet, l’article 15 de cette directive prévoit explicitement : « La rétention est maintenue aussi longtemps […] qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien. Chaque État membre fixe une durée déterminée de rétention, qui ne peut pas dépasser six mois. » Ainsi que je l’indiquais tout à l’heure, cette durée peut même s’allonger jusqu’à dix-huit mois dans certains cas.
Encore une fois, le calcul n’est pas très complexe et il est assez rapide à faire : quarante-cinq jours, c’est une durée inférieure à six mois ! D’ailleurs, dans certains cas, quarante-cinq jours seront nécessaires pour obtenir des laissez-passer consulaires. Je vous l’ai dit et je vous le confirme : j’ai évolué sur ce plan.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je répondrai à présent aux questions précises que vous m’avez posées sur les dispositions du texte.
J’ai bien entendu vos observations sur les dispositions concernant le contentieux de l’éloignement et la rétention des étrangers en situation irrégulière.
Tout d’abord, je répondrai à M. Détraigne sur la réforme du contentieux. Monsieur le sénateur, vous avez nourri le débat par des propos équilibrés.
Vous vous interrogez sur la conformité à la Constitution de la réforme proposée par le Gouvernement et approuvée par l’Assemblée nationale. Permettez-moi d’apporter deux précisions à ce sujet.
Premièrement, le Conseil constitutionnel a effectivement validé le principe d’une intervention du juge des libertés et de la détention au bout de quarante-huit heures et, à l’inverse, n’a pas admis que ce délai puisse être de sept jours. Mais il n’a pas fixé de bornes plus précises et, en tout état de cause, rien n’indique qu’il s’opposerait à une durée de cinq jours.
M. Jean-Pierre Sueur. On verra !
M. Brice Hortefeux, ministre. Deuxièmement, lorsque le Conseil constitutionnel examinera cette disposition du texte, il vérifiera naturellement sa conformité au principe selon lequel l’autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle. Mais il examinera également la conformité aux autres principes constitutionnels que sont, d’une part, la bonne administration de la justice et, d’autre part, la compétence de la juridiction administrative. J’ai la faiblesse de penser que cette réforme permet de mieux respecter ces principes.
Cependant, la véritable question – et elle a été posée plus ou moins expressément par tous les orateurs – consiste à savoir si cette réforme porte atteinte aux droits de l’étranger ; voilà la préoccupation majeure !
M. Richard Yung. Effectivement !
M. Brice Hortefeux, ministre. À moins d’être dans un déni absolu de la réalité et totalement déconnecté de la société, une première réponse consiste à ne pas raisonner comme si la situation actuelle était une situation idéale. Il arrive régulièrement, aujourd’hui, qu’un juge des libertés et de la détention prolonge la rétention d’un étranger et que, le lendemain, le juge administratif annule la décision du préfet qui avait entraîné la mise en rétention. En réalité, la réforme que nous proposons introduit plus de sécurité juridique, et ce au bénéfice de l’étranger lui-même. (M. Guy Fischer est dubitatif.)
M. Richard Yung. Mais non !
M. Brice Hortefeux, ministre. Seconde réponse à la question posée, je vous rappelle – et il est curieux que ce point n’ait pas été souligné – que le juge administratif n’est pas un ersatz ; c’est un vrai juge. Son indépendance n’est ni contestée ni contestable puisqu’elle a même été reconnue par le Conseil constitutionnel. Le juge administratif protège les libertés tout autant que le juge judiciaire.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est vrai !
M. Brice Hortefeux, ministre. L’étranger peut le saisir d’un recours suspensif, si bien qu’il ne peut pas être éloigné tant que le juge administratif n’a pas statué. (M. Guy Fischer s’exclame.)
Ensuite, je voudrais dire quelques mots sur le droit de recours des étrangers mis en rétention.
Je tiens à remercier Mme Catherine Troendle d’avoir soulevé la question. Madame la sénatrice, permettez-moi de vous préciser à ce sujet que tout étranger en situation irrégulière peut, dès le moment où il est placé en rétention – c’est-à-dire lorsqu’il reçoit notification de l’arrêté en présence de l’interprète –, formuler un recours devant le tribunal administratif contre sa mise en rétention.
Enfin, j’évoquerai l’interdiction de retour.
Monsieur le rapporteur François-Noël Buffet, vous avez rappelé votre souhait que l’interdiction de retour ne soit pas systématique mais relève d’une appréciation du préfet au cas par cas. Je suis tout à fait prêt à reconnaître, et ce d’autant plus qu’il n’y a pas de droit d’auteur dans ce domaine (Sourires.), que la rédaction issue des travaux de la commission des lois est plus adaptée.
Il faut d’ailleurs dire des choses simples sur cette interdiction de retour. Lorsqu’un étranger en situation irrégulière fait l’objet d’une mesure d’éloignement, – voilà une affirmation qui nous différenciera de vous, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition – la moindre des choses est qu’il ne revienne pas immédiatement en France ! Si vous soutenez le contraire, surtout, dites-le ! Pour notre part, notre position est claire et je la réitère : quand un étranger en situation irrégulière fait l’objet d’une mesure d’éloignement, il ne doit pas revenir immédiatement dans notre pays ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Catherine Troendle. Tout à fait !
M. Brice Hortefeux, ministre. Défendez l’inverse, cela ne pose aucun problème !
J’ajoute que cette interdiction de retour n’a bien sûr aucun caractère automatique.
Son prononcé doit être motivé, sa durée peut être modulée…
M. Richard Yung. Mais pas par le juge !
M. Brice Hortefeux, ministre. … et, surtout, à tout moment, la possibilité de l’abroger demeure. Il s’agit d’une mesure, et je vous remercie de me donner l’occasion de le souligner, qui souligne l’équilibre guidant notre action. (M. Guy Fischer fait un signe de dénégation.) Caricature, dira M. Fischer !
M. Guy Fischer. Absolument pas !
M. Guy Fischer. Non ! Ce que je voulais dire c’est que la tendance est à l’allongement des délais !
M. Brice Hortefeux, ministre. J’en viens à la question de la nationalité.
D’abord, en ce qui concerne l’accès à la nationalité et l’assimilation qu’elle induit, et je crois l’avoir dit en commission des lois, je ne suis pas un fanatique du mot « assimilation ».
M. Guy Fischer. Vous faites des progrès !
M. Jean-Pierre Sueur. Le mot est pourtant dans le texte !
M. Brice Hortefeux, ministre. Mais nous partons d’un principe simple : l’assimilation, pour l’opinion commune – et pour des personnes qui ont des idées proches des vôtres, mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition –, c’est plus que l’intégration. Je citerai à ce sujet Patrick Weil qui, honnêtement, est certainement plus proche de vous que de nous. Je ne reviendrai pas sur son engagement passé, car chaque fois que je l’évoque cela l’énerve, mais soyez sûrs que j’ai toute sa biographie en mémoire.
M. David Assouline. Et même sa fiche aux Renseignements généraux !
M. Brice Hortefeux, ministre. Non, c’est historique, monsieur Assouline ! M. Weil était engagé dans une famille politique dans laquelle vous n’étiez pas vous-même parce que vous étiez beaucoup plus loin, à gauche…
M. Weil, qui est présenté – et c’est certainement exact – comme un spécialiste de la question – encore une fois, il est insoupçonnable de la moindre proximité avec le Gouvernement, je peux en témoigner depuis plusieurs années –, déclarait en septembre dernier : « Il ne faut pas avoir peur du mot assimilation et le rejeter, car elle existe dans tous les pays d’immigration […] ».
Pour être tout à fait complet, monsieur Assouline, j’ajouterai que c’est en 1945, sur proposition du Conseil national de la Résistance, que l’assimilation a été inscrite dans le code civil.
Mme Alima Boumediene-Thiery. On peut modifier le code civil ! Il nous est déjà arrivé de le faire !
M. Brice Hortefeux, ministre. Ensuite, concernant la déchéance de la nationalité, je citerai de nouveau Patrick Weil : « La déchéance, loin d’être étrangère au droit libéral de la nationalité, en est constitutive ».
Monsieur le sénateur Détraigne, vous le savez – vous vous êtes en effet montré sensible à la question –, il s’agit de prévoir la possibilité de retirer la nationalité française à ceux qui attentent à la vie d’une personne dépositaire de l’autorité publique. Qui peut sérieusement contester que ce type d’acte criminel extrêmement grave est, heureusement, rare ? Il me semble d’ailleurs que c’est M. David Assouline qui l’a rappelé. Mais ce n’est pas parce qu’un tel acte est rare que l’on doit faire comme s’il n’était pas perpétré ! La notion d’équité et d’égalité encourage précisément à prendre en compte cette réalité.
Je rappelle que l’avis conforme du Conseil d’État est obligatoire avant que le décret puisse être pris. C’est une garantie d’autant plus forte que cette procédure est et sera rare.
M. David Assouline. C’est un sophisme ! Cela n’existait pas avant !
M. Brice Hortefeux, ministre. J’ai compris que vous posiez la question du principe même de la mesure. Je vous le dis, là aussi très sereinement : le Gouvernement estime qu’assassiner un représentant de l’ordre est suffisamment grave pour considérer que l’auteur, s’il a acquis la nationalité française récemment, n’a manifestement pas pris la mesure des valeurs auxquelles il a volontairement adhéré. (M. Louis Nègre applaudit.)
M. Charles Revet. Très bien !
M. David Assouline. Et les autres ?
M. Brice Hortefeux, ministre. Certains d’entre vous, notamment David Assouline – pardonnez-moi si ce n’était pas le cas –, ont invoqué la décision du Conseil constitutionnel du 16 juillet 1996 pour en retenir ce quelle ne permet pas de faire.
A contrario, je vous rappellerai très exactement ce que permet une telle décision : « pour des raisons d’intérêt général […] le législateur a pu […] prévoir la possibilité, pendant une durée limitée, pour l’autorité administrative de déchoir de la nationalité française ceux qui l’ont acquise sans que la différence de traitement qui en résulte viole le principe d’égalité […] ». C’est exactement ce que nous voulons faire aujourd’hui ! Cela signifie qu’il ne s’agit en aucun cas de créer deux catégories de Français !
Je souhaite répondre encore à deux questions qui m’ont été posées lors de la discussion générale.
Madame Garriaud-Maylam, je vous confirme que la circulaire rappelant aux agents de l’administration la nécessité d’appliquer les règles de simplification des justificatifs de nationalité pour l’obtention d’une carte d’identité ou d’un passeport a été envoyée au préfet le 1er février, hier donc. (MM. Jean-Pierre Bel et Jean-Pierre Sueur s’impatientent.)
J’ai tenu, conjointement avec le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, et la ministre d’État, ministre des affaires étrangères et européennes, à ce que les préfets, les parquets et les consuls reçoivent les mêmes instructions.
Monsieur Antoinette, les chiffres relatifs aux reconduites effectuées à partir des territoires d’outre-mer ne sont pas inclus dans le chiffre relatif au territoire métropolitain, soit 28 000 pour l’année 2010.
Pour la Guyane, le chiffre est effectivement de 9 000 – chiffre qui s’ajoute donc au chiffre national –, alors qu’il s’agit à l’évidence, vous l’avez dit vous-même, d’un département qui ne peut pas accueillir un tel flux de migrants. J’ai pu le mesurer par moi-même, et je vous engage d’ailleurs à inviter vos collègues à venir sur place – ce qu’ils feront, je n’en doute pas, avec un immense plaisir – pour qu’ils puissent faire de même.
J’ai également pu constater que le sujet n’était pas « corseté » par les frontières partisanes et faisait au contraire l’objet d’un consensus qui en étonnerait beaucoup et qui en tout cas dépasse largement les frontières qui existent au sein de la Haute Assemblée.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, avec ce projet de loi, nous faisons donc trois choix.
D’abord, nous faisons le choix de la pleine intégration des étrangers qui sont en France en situation régulière. C’est le premier message que nous devons porter : oui, ceux qui respectent nos lois et les conditions pour venir sur notre territoire sont les bienvenus !
Ensuite, nous faisons le choix d'une lutte résolue contre les formes d’esclavagisme moderne, et je remercie Catherine Troendle d'avoir souligné que nous combattions toutes ces pratiques inhumaines.
Enfin, même si nous pouvons encore certainement améliorer notre action dans cette voie, nous faisons le choix du développement solidaire et du codéveloppement dans les pays d'origine de l’immigration, parce que, pour répondre aux défis de l’immigration, nous devons bien sûr nous préoccuper de ce qui se passe dans ces pays et y encourager le développement économique, social et, d’ailleurs aussi, démocratique.
C'est par ces choix pragmatiques, responsables et cohérents que nous parviendrons, mesdames, messieurs les sénateurs, à consolider l'équilibre de notre communauté nationale et la cohésion de notre société. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Claude Biwer applaudit également.)
Exception d'irrecevabilité
M. le président. Je suis saisi, par MM. Sueur, Yung et Anziani, Mmes Boumediene-Thiery et Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat et C. Gautier, Mme Klès, MM. Michel, Antoinette, Assouline et Badinter, Mmes Blondin, Cerisier-ben Guiga et Ghali, M. Guérini, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Lepage, MM. Madec, Mermaz, Patient et Ries, Mme Tasca et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 492.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité (n° 240, 2010-2011).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la motion.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, il y a, et vous le savez bien, quelque chose qui ne va pas dans votre discours.
Il y a eu six lois sur l’immigration en cinq ans.
M. Jean-Pierre Sueur. Six ! (M. le ministre fait un signe de dénégation.)
Mme Éliane Assassi. Sept avec celle-là !
M. Jean-Pierre Sueur. J’ai relu – et l’on pourrait d’ailleurs faire le même exercice en matière de sécurité – ce que disaient les membres du Gouvernement, vous-même parmi eux, pour défendre chacune de ces lois et je vous invite, monsieur le ministre, à relire leurs paroles.
À tous les coups, on nous a dit la même chose.
M. Jean-Pierre Sueur. « Vous êtes dans l’idéologie, dans le déni de réalité ; nous, nous sommes concrets, nous luttons contre l’immigration clandestine…
M. Jean-Pierre Sueur. … et cette loi sera la dernière. »
Mme Bariza Khiari. La der des ders !
M. Jean-Pierre Sueur. Mais, cela, vous l’avez dit pour la première, pour la deuxième, et vous l’avez encore dit aujourd'hui ! Vous le redirez pour la prochaine… et pour celle d’après, qui, comme toutes les précédentes lois sur l’immigration clandestine devra enfin régler ce problème que nous ne voudrions pas voir.
Pourquoi faut-il alors qu’il y ait, chaque année, une ou deux nouvelles lois sur la sécurité et une nouvelle loi sur l’immigration ? C’est une question à laquelle vous n’avez pas répondu.
Vous avez bien entendu ce qu’a dit M. Yung. Il y a six ans, les organismes qui travaillent sur ces sujets avaient évalué le nombre d’étrangers en situation irrégulières à environ 300 000. Aujourd’hui, ces mêmes organismes évaluent ce nombre à… environ 300 000. Quelle efficacité par rapport à votre objectif !
Vous regardez, vous, la réalité…
M. Jean-Pierre Sueur. …et vous faites, dites-vous, baisser l’immigration clandestine. Mais la réalité est toujours la même ! (M. le ministre fait un signe de dénégation.)
La réalité, vous le savez bien, ne se partage pas entre ceux qui font des discours et ceux qui s’occupent du monde réel. Vous êtes vous-même un formidable discoureur et, à cet égard, le discours de Grenoble est emblématique.
Comme l’a dit l’autre jour, alors que nous inaugurions un mémorial – et je ne fais aucune assimilation – avec Simone Veil et Jacques Chirac, la fille de Jean Zay, chaque fois que l’on commence à parler d’un peuple, d’une ethnie, d’un groupe en le montrant du doigt – et c’est bien ce qui s’est passé à Grenoble ! –, on entre dans cette spirale.
M. Guy Fischer. C’était scandaleux !
M. Jean-Pierre Sueur. C’est vous, monsieur le ministre, qui vivez de discours parce qu’il vous faut toujours frapper l’opinion. C’est pour cette raison que les déplacements sont si nombreux – encore un demain, et peut-être nous y retrouverons-nous – pour répéter inlassablement les mots « sécurité » et « immigration » !
Le Premier ministre Lionel Jospin, qui jamais – jamais ! – n’a fait de démagogie sur la question de l’immigration clandestine, a été rigoureux, mais il est resté fidèle à un certain nombre de principes qui nous sont chers dans cette République : il a suscité le respect sans pour autant en rajouter dans cette rhétorique.
M. Jean-Pierre Sueur. David Assouline l’a dit avec une grande émotion et beaucoup de force – ce fut un discours sobre et fort, cher David –, il est dangereux de présenter toujours l’étranger comme un problème, une menace, de susciter la peur, de ne jamais dire que, l’étranger, c’est aussi, depuis toujours, une chance pour la société.