Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. C’est pourquoi la commission a adopté un amendement tendant à expliciter le droit actuel plutôt que de conserver la disposition introduite par les députés, qui soulève par ailleurs de nombreux problèmes, notamment au regard de la cohérence de l’échelle des peines, mais aussi du système probatoire.
M. Guy Fischer. Nous sommes d’accord !
M. François-Noël Buffet, rapporteur. Quatrièmement, enfin, la commission a adopté deux nouvelles dispositions : l’une, proposée par notre collègue Sophie Joissains, tend à faciliter le droit au séjour des étrangers qualifiés souhaitant s’installer en France ; l’autre, issu d’un amendement de notre collègue Joëlle Garriaud-Maylam, vise à obliger l’administration à motiver les refus de visa opposés aux étrangers liés à un ressortissant français par un pacte civil de solidarité.
S’agissant maintenant du renforcement de la lutte contre l’immigration irrégulière, le projet de loi s’appuie, d’une part, sur un constat, la complexité et l’inefficacité des mesures d’éloignement et du contentieux associé et, d’autre part, sur deux références : la directive « retour » du 16 décembre 2008 et le rapport de la commission présidée par Pierre Mazeaud, Pour une politique des migrations transparente, simple et solidaire, remis le 11 juillet 2008 au ministre chargé de l’immigration.
Ainsi, les mesures d’éloignement seront simplifiées. Restera essentiellement l’obligation de quitter le territoire, assortie ou non d’un délai de départ volontaire et d’une interdiction de retour de un à trois ans.
Cette interdiction de retour est une mesure nouvelle de la directive. Les députés l’ont durcie en la rendant quasi automatique dans certains cas : cela paraissait disproportionné et la commission est revenue sur ce point au texte du Gouvernement.
Concernant le contentieux de l’éloignement, le texte crée un recours administratif en urgence contre la décision administrative de rétention. Ce point est particulièrement important dans la procédure souhaitée.
Il propose également, afin de clarifier et de « désenchevêtrer » la procédure, le report à cinq jours de l’audience du juge des libertés et de la détention pour prolonger la rétention.
Cette réforme va indéniablement dans le sens d’une meilleure administration de la justice : le contentieux administratif, y compris en matière de rétention, serait purgé au moment de l’intervention du juge des libertés et de la détention. Celui-ci pourra donc se concentrer sur le contrôle des conditions de la privation de liberté de l’étranger.
Toutefois, ce report a suscité des inquiétudes au sein de la commission, notamment au regard des dispositions de l’article 66 de la Constitution. À cet égard, il faut rappeler que le Conseil constitutionnel a censuré, en 1980, un système de rétention dans lequel le juge des libertés et de la détention n’intervenait qu’au bout de sept jours.
En outre, dans la rédaction proposée par le projet de loi, l’étranger pourrait être éloigné sans que la régularité des conditions de son interpellation ait pu être contrôlée.
La commission a, par conséquent, préféré supprimer le report à cinq jours de l’intervention du juge des libertés et de la détention.
Par ailleurs, le projet de loi allonge la durée maximale de rétention. Toutefois, cet allongement n’aura d’effets concrets que pour un petit nombre de cas. La durée moyenne de rétention devrait rester d’une dizaine de jours.
La commission a également adopté un amendement du Gouvernement visant à prendre en compte la situation particulière des étrangers condamnés pour des faits de terrorisme en instance d’expulsion, en prévoyant la possibilité de les maintenir en rétention pendant une durée supérieure à celle qui est prévue dans le droit commun.
Le texte comportait par ailleurs une limitation des moyens susceptibles d’être invoqués devant le juge des libertés et de la détention, en particulier en audience d’appel, aussi bien dans les cas de placement en zone d’attente que de maintien en rétention. La commission est revenue sur certaines de ces dispositions.
Enfin, la commission a intégré des amendements du Gouvernement visant à une transposition plus complète de la directive dite « libre circulation » du 29 avril 2004, concernant les garanties dont bénéficient les ressortissants communautaires en instance d’éloignement.
Pour ce qui est de la promotion de l’immigration professionnelle et à de lutte contre l’emploi d’étrangers en situation irrégulière, il s’agit d’abord de lutter contre l’emploi d’étrangers non munis d’une autorisation de travail.
La directive « sanctions » intervient sur plusieurs plans : impliquer l’ensemble de la chaîne économique par le jeu des solidarités financières qui responsabilisent chacun à son niveau ; améliorer le sort des étrangers irrégulièrement employés en prévoyant, d’une part, le paiement des sommes qui leur sont dues au titre du travail effectué, où que ces personnes se trouvent, et, d’autre part, l’adoption de procédures leur permettant de faire reconnaître leurs droits.
Le projet de loi complète la législation nationale pour assurer le respect des normes communautaires. Il renforce les interdictions à la charge des donneurs d’ordre et maîtres d’ouvrage. Il renforce également les droits des salariés illégalement employés, avec la revalorisation du montant de l’indemnisation forfaitaire pour rupture de la relation de travail à trois mois de salaire ou encore la prise en charge, par l’employeur, de tous les frais d’envoi des rémunérations impayées dans les pays de destination du travailleur étranger.
Le projet de loi élargit par ailleurs le champ de la solidarité financière des donneurs d’ordre et maîtres d’ouvrage.
Enfin, il alourdit le dispositif répressif à l’encontre des personnes recourant à des employeurs d’étranger sans titre. Les nouvelles sanctions pourront notamment consister en une fermeture administrative de l’établissement concerné d’une durée maximale de trois mois, le remboursement des aides publiques précédemment octroyées ou l’exclusion de la commande publique.
L’Assemblée nationale a notamment décidé d’exonérer les employeurs de bonne foi des sanctions frappant l’emploi d’étrangers sans titre ainsi que de certaines sanctions administratives. La commission a supprimé cette disposition, qu’elle a estimée superflue. L’infraction visée est en effet intentionnelle et le droit positif tient compte de la bonne foi de l’employeur lorsque celle-ci est avérée.
Parallèlement, le projet de loi transpose la directive du 25 mai 2009 créant une « carte bleue européenne ». Ce nouveau titre de séjour, réservé aux travailleurs hautement qualifiés, offrira à ses titulaires des conditions avantageuses d’accès au marché du travail et aux droits sociaux, de regroupement familial et de mobilité au sein de l’Union européenne.
Avant de conclure, je dirai quelques mots sur l’asile. Les délais d’examen des dossiers sont trop longs. Ils atteignent en moyenne dix-neuf à vingt mois si l’on ajoute le délai d’instruction des dossiers par l’OFPRA, et le délai de jugement par la CNDA, ce qui n’est pas satisfaisant, d’autant que les incidences budgétaires sont très importantes.
Trois articles visent à rationaliser les procédures. Un premier concerne le placement en procédure prioritaire, qui serait expressément possible lorsque le demandeur d’asile a altéré ses empreintes digitales afin de ne pas être reconnu par le système EURODAC ou lorsqu’il a menti sur des éléments de son parcours. Un deuxième prévoit de rationaliser l’octroi de l’aide juridictionnelle devant la CNDA, en prévoyant que celle-ci ne pourrait plus être demandée dans le cadre d’un réexamen. Enfin, un troisième autorise la CNDA à recourir à la visioconférence pour les requérants situés outre-mer. Un amendement du Gouvernement, adopté par la commission, prévoit d’étendre cette possibilité à l’ensemble du territoire national.
Sur tous ces sujets, la commission a adopté des amendements qui permettent de nuancer les dispositifs proposés et de prendre en compte la diversité des situations des demandeurs d’asile.
Monsieur le président, monsieur le ministre, telles sont les observations que la commission des lois a formulées sur le projet de loi qui nous est soumis. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Yves Détraigne applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes nombreux, sur nos travées, à regretter la présentation de ce texte qui s’inscrit en vérité dans la lignée de la politique migratoire conduite depuis 2002, texte injuste et parfois même, il faut le dire, attentatoire à la dignité de la personne humaine, une valeur que le groupe que je préside défend inlassablement.
M. Richard Yung. Très bien !
M. Yvon Collin. Dans un environnement toujours plus ouvert, où la mondialisation économique produit des ravages et où, de surcroît, les aléas climatiques influenceront de plus en plus les mouvements de population, il est illusoire de croire que l’Europe et la France peuvent être érigées en forteresses impénétrables, indifférentes au sort de millions de personnes frappées par la misère.
Il nous revient aujourd’hui de prendre conscience de cette tendance lourde de l’Histoire et d’en tirer les conséquences, avec responsabilité, car ces flux doivent être régulés, mais aussi avec humanité, car notre pays ne saurait rester indifférent face à la désespérance et au plus grand dénuement.
D’ailleurs en ma qualité de rapporteur spécial de la mission budgétaire « Aide publique au développement » pour la Haute Assemblée, il m’est donné de connaître et de découvrir des situations particulièrement difficiles, voire insoutenables. Je pense à Haïti, ou encore à l’Afrique subsaharienne.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, en sept ans, le présent projet de loi est le cinquième consacré au même sujet : la maîtrise de l’immigration. Preuve s’il en fallait encore que, en dépit des discours flatteurs de la majorité, cette politique a abouti à un échec, malheureusement assorti de graves dommages collatéraux, et les gains électoraux qui en ont découlé restent à démontrer.
Le droit des étrangers est, certes, marqué par une grande instabilité, qui nourrit à l’évidence une insécurité juridique d’autant plus intolérable qu’elle concerne des personnes le plus souvent en situation d’extrême fragilité économique et psychologique.
Depuis 1976 et l’ouverture du droit au regroupement familial fondé sur l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, notre droit fluctue ainsi entre politiques restrictives et politiques plus accommodantes. Mais les mesures répressives ne sont jamais parvenues à réguler efficacement le phénomène migratoire, qui a pris des dimensions nouvelles avec l’ouverture des frontières née de la convention signée à Schengen en 1990.
Monsieur le ministre, je tiens à vous le dire avec force, à l’image des autres membres du groupe du RDSE, je ne suis pas favorable à l’entrée et au séjour irréguliers d’étrangers pas plus qu’à des régularisations massives.
M. Louis Nègre. Bravo !
M. Yvon Collin. La lutte contre l’immigration clandestine est légitime dans la mesure où elle se veut respectueuse de l’humain et impitoyable avec ceux qui tirent profit de la misère.
Mais je ne suis pas non plus favorable, de même que mes amis radicaux, à des mesures extrêmes fondées sur les quotas, les chiffres, les statistiques, en un mot l’inhumanité. Or c’est bien dans cette voie que votre gouvernement pourrait s’engager au travers du présent texte.
M. Guy Fischer. Il s’y engage !
M. Yvon Collin. Nous rejetons, en effet, la philosophie qui fait de l’étranger un suspect permanent pouvant être reconduit aux frontières à tout moment par l’administration sans décision d’un juge.
Nous rejetons surtout la philosophie qui introduit deux catégories de Français : les « bons » et les autres, ceux d’origine étrangère qui pourront être déchus de leur nationalité pendant dix ans s’ils ont commis certains crimes.
Mme Françoise Laborde. Tout à fait !
M. Yvon Collin. Une telle régression est inacceptable, car contraire au principe le plus fondamental de notre République fondé sur l’indivisibilité du peuple français : l’égalité de tous sans distinction d’origine, comme l’énonce d’ailleurs l’article premier de la Constitution.
De plus, je vous rappelle, mes chers collègues, que le Conseil constitutionnel a très clairement considéré en 1996 que, « au regard du droit de la nationalité, les personnes ayant acquis la nationalité française et celles auxquelles la nationalité française a été attribuée à leur naissance sont dans la même situation ».
Dans ces conditions, il est évident que l’article 3 bis du présent projet de loi introduit une distinction intolérable qui n’est ni légitime, ni même proportionnée à la finalité de sauvegarde de l’ordre public recherchée.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, il est toutefois clair, à la lecture du texte que nous examinons, que la transposition des trois directives déjà évoquées n’est qu’un prétexte, que je qualifierais de fallacieux. En effet, il va bien au-delà de ce qu’exige l’Union européenne. Je ne citerais que quelques exemples.
Ainsi en est-il de l’interdiction de retour, quasi systématique, alors qu’elle ne devrait être qu’une faculté en dernier recours selon la directive Retour. Ainsi en est-il du placement en rétention, dispositif également de dernier recours selon la même directive, mais qui devient aujourd’hui la règle presque absolue. Ainsi en est-il encore de l’allongement de trente-deux à quarante-cinq jours de la durée maximale de rétention, ce qui est incompréhensible, alors que la durée moyenne de rétention est de dix jours, et en contradiction avec le droit communautaire, qui prévoit que toute rétention est aussi brève que possible.
Le projet de loi n’aurait comme justification qu’un prétexte, disais-je. En réalité, ses auteurs ont pour ambition d’inscrire dans la législation de la République la régression des droits des étrangers, tant lorsque ces derniers entrent sur le territoire national que lorsqu’ils ont été autorisés à y séjourner.
La privation de liberté est érigée en outil de gestion courante de l’immigration, alors qu’elle ne devrait être que l’exception.
Le contrôle du juge, pourtant indispensable pour garantir une liberté individuelle, est repoussé, complexifié, enserré dans des délais intenables. Les droits de la défense et l’équité de la procédure deviennent dès lors de lointains souvenirs.
Tout semble fait pour restreindre l’exercice de ses droits par l’étranger, pourtant placé dans une situation de très grande fragilité. Ainsi, la notification de ses droits est reculée : elle aura lieu à son arrivée en zone de rétention et non lors de son arrestation. Les moyens qu’il peut soulever devant le juge sont réduits. Les irrégularités pouvant affecter une procédure deviennent ainsi quasi inexistantes. Le délai d’appel du parquet est allongé. L’ostracisme, à savoir l’interdiction de retour pendant cinq ans, est banalisé. Même la garantie de représentation de l’étranger ne suffira plus à fonder une décision de refus de prolongation de la rétention.
Vous êtes aussi en train de vider de sa substance le droit d’asile, en étendant les hypothèses dans lesquelles une demande pourra faire l’objet d’une procédure prioritaire, moins protectrice des garanties fondamentales, ou encore en restreignant l’accès au bénéfice de l’aide juridictionnelle.
En clair, vous faites de l’étranger un justiciable de seconde zone, à rebours de ce qui a toujours fondé la tradition d’accueil et de respect de l’État de droit et qui a honoré la République.
Je ne peux non plus masquer mon étonnement en constatant que cette complexification constitue une source de contentieux et représente un coût plus élevé pour la collectivité. Je pense à la banalisation du bracelet électronique, au moment où le Gouvernement clame le besoin de faire des économies.
En tout état de cause, les valeurs que nous défendons sont aux antipodes de celles qui sous-tendent le présent projet de loi. Nous appelons à une politique migratoire responsable et respectueuse des droits fondamentaux, là où le dogme de l’immigration choisie n’est qu’un slogan creux et électoraliste.
D’ailleurs, le nombre des entrées en France, qui oscille depuis 2005 entre 210 000 et 220 000 personnes par an, malgré le vote de lois visant à tarir les flux et à complexifier l’accueil, démontre l’inanité de la voie suivie.
Le dépôt du projet de loi, malheureusement, parachève le durcissement du discours dominant sur l’immigration. Le débat, plus qu’indispensable, sur l’identité nationale n’aura réussi, hélas, qu’à libérer la parole qui stigmatise l’autre, celle qui assimile d’abord un individu à ses origines, sa couleur de peau ou sa religion, au détriment de l’unité de la nation et des citoyens. Quitte à ouvrir la boîte de Pandore du communautarisme, contraire aux traditions et aux principes de la République ; quitte aussi à renier les principes humanistes qui fondent l’idée même d’Europe, comme ce fut le cas cet été avec la funeste circulaire stigmatisant les Roms,…
M. Guy Fischer. Scandaleux !
M. Yvon Collin. … que les autorités européennes de Bruxelles ont aussitôt condamnée avec raison.
M. Yvon Collin. La peur de l’autre, si l’on n’y prend garde, ne peut qu’engendrer la haine, et nous ne savons que trop bien, eu égard à l’Histoire, vers quelles dérives funestes la haine peut conduire un pays.
Cette banalisation de la peur de l’autre, nous la condamnons, au nom de l’universalisme des Lumières, des règles de l’État de droit, des principes fondamentaux d’une République ouverte sur le monde et sûre de son avenir.
C’est pourquoi la majorité des membres du groupe du RDSE a déposé de nombreux amendements et s’opposera fermement à ce projet de loi. C’est aussi la raison pour laquelle mon excellent collègue Jacques Mézard défendra tout à l’heure, avec force et talent, notre motion tendant au renvoi à la commission. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sauf oubli de ma part, ce projet de loi est le septième texte relatif aux étrangers présenté par la droite depuis 2003, soit sept réformes en sept ans !
Permettez-moi de vous les rappeler : en 2003, loi relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité et loi relative au droit d’asile ; en 2004, loi élargissant les conditions d’expulsion du territoire ; en 2006, loi relative à l’immigration et à l’intégration et loi relative au contrôle de la validité des mariages ; en 2007, loi relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile ; cette année, enfin, présent projet de loi.
C’est dire votre acharnement, votre obsession, mes chers collègues de la majorité, à procéder au démantèlement du statut des étrangers, en n’omettant jamais au passage de stigmatiser et de criminaliser les populations étrangères, voire celles qui sont issues de l’immigration.
Je tiens à rappeler en cet instant les très nombreuses régressions qui ont été adoptées en matière de regroupement familial et d’asile, au nom de l’immigration choisie.
La transposition de directives européennes, monsieur le ministre, n’est en l’occurrence qu’un prétexte qui vous sert à justifier votre réforme et vous permet de faire de la surenchère en allant bien au-delà des recommandations européennes.
Il est utile de souligner que le texte déposé par votre prédécesseur intervient aujourd’hui dans une période électorale qui est l’occasion pour vous de flatter à la fois l’électorat du Front national, afin de récupérer des voix nouvelles, et la frange de votre électorat la plus extrême, qui pourrait être tentée par les sirènes du Front national. (Protestations sur les travées de l’UMP.- Approbations sur les travées du groupe CRC-SPG.) Son examen va occuper le terrain politique pendant la campagne des élections cantonales puis, en raison de la navette, pendant celle des élections présidentielles.
Le projet de loi intervient également dans le contexte aggravé encore et toujours par vos orientations politiques de crise économique et sociale que connaît notre pays. Cette crise vous permet de désigner à l’envi des boucs émissaires responsables de tous nos maux : les étrangers, bien évidemment !
Ce texte intervient enfin après le débat nauséabond sur l’identité nationale, dont le principal effet a été de libérer la parole raciste dans le pays.
Mme Bariza Khiari. C’est vrai !
Mme Éliane Assassi. Le décor est planté !
Avec cette nouvelle réforme, vous traitez, comme à votre habitude, la question migratoire essentiellement sous l’angle sécuritaire et répressif. Vous n’hésitez pas à faire, une fois n’est pas coutume, des amalgames douteux entre immigration et délinquance, terrorisme compris, comme si l’une se nourrissait de l’autre et réciproquement. Je pense à l’assignation à domicile avec surveillance électronique réservée jusqu’à présent aux délinquants, à la création du délit de mariage gris, à l’abus de droit au séjour ou à la déchéance de la nationalité. L’étranger est sans cesse perçu comme un délinquant, voire un ennemi.
Le récent examen du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dit « LOPPSI 2 », confirme, si besoin en était encore, cette tendance à assimiler l’étranger à un délinquant, à moins que ce ne soit l’inverse. J’en veux pour preuve le fait que certaines des dispositions du texte précité télescopent, en quelque sorte, celles du présent texte !
Qui plus est, la LOPPSI 2 issue des travaux de la commission mixte paritaire va être examinée le 8 février, soit en plein cœur du débat sur l’immigration.
Vous n’hésitez pas non plus à remettre en cause au passage les grands principes contenus dans la Constitution, la Déclaration universelle des droits de l’homme, des textes internationaux ratifiés par la France, comme l’évoquera tout à l’heure mon amie et collègue Josiane Mathon-Poinat, à l’occasion de la présentation de la motion tendant à opposer la question préalable.
Le projet de loi est donc un ramassis de dispositions plus choquantes les unes que les autres, et le vocabulaire utilisé est insupportable.
Mme Catherine Troendle. C’est inadmissible !
Mme Éliane Assassi. J’assume tout à fait mes propos, ma chère collègue !
Ainsi, après les termes « immigration subie », « immigration choisie », vous employez à présent des expressions telles que « charge déraisonnable pour le système d’assistance sociale »,…
M. Louis Nègre. Mais qui paie ?
M. Guy Fischer. Les immigrés sont tous des fraudeurs !
Mme Éliane Assassi. … « bannissement », « assimilation », terme qui fait explicitement référence à l’époque coloniale ! Mais comment s’en étonner de la part de ceux qui prônent le rôle positif de la colonisation ?
Ce projet de loi – comme tous ceux qui l’ont précédé – est inutile, inefficace, inconstitutionnel, idéologiquement dangereux et pervers.
C’est un texte de circonstance qui fait suite à plusieurs faits divers : je pense, notamment, à l’arrivée de plus d’une centaine de Kurdes sur les côtes corses, arrêtés puis libérés par le juge des libertés et de la détention en raison d’irrégularités de procédure, et à la destruction de camps occupés par des ressortissants roumains et bulgares, dont l’expulsion collective a défrayé la chronique et valu à la France, ne vous en déplaise, une condamnation à l’échelon européen.
Mme Éliane Assassi. N’oublions pas non plus le discours très dur de Nicolas Sarkozy, prononcé à Grenoble et dans lequel il a évoqué, notamment, la réévaluation des motifs donnant lieu à la déchéance de nationalité, propos que n’ont pas manqué de reprendre, sous forme d’amendements, les députés UMP.
Le Gouvernement, aidé en cela par sa majorité parlementaire, a ainsi développé tout un catalogue de mesures pour supprimer ce qu’il estime être des obstacles à sa politique d’enfermement et d’expulsion du territoire des étrangers, à savoir l’intervention du juge des libertés et de la détention jugée trop laxiste, des possibilités de recours pour irrégularité contre des décisions de placement en rétention et d’expulsion bien trop nombreuses, à la différence des obstacles à la délivrance de titres de séjour, à l’intégration des étrangers.
Vous avez même profité de ce texte pour étendre et pérenniser en outre-mer le régime dérogatoire au droit commun applicable aux étrangers, comme s’il s’agissait d’une terre d’exception.
Tout y est, ou presque ! Ne manque plus, dans le présent projet de loi, que la remise en cause du droit du sol au profit du droit du sang, et l’édification de murs à nos frontières !
Je le dis d’emblée, ce ne sont pas les modifications adoptées en commission des lois qui vont nous faire changer d’avis, tant elles constituent un mini-dépoussiérage, de la poudre aux yeux. Nous ne sommes pas dupes !
Ce projet de loi a pour objet la maîtrise autoritaire de l’immigration, avec, d’une part, le renforcement du concept de l’immigration choisie symbolisé par la fameuse carte bleue européenne, et, d’autre part, la multiplication des dispositions restrictives et répressives à l’encontre de tout étranger depuis son arrivée en France jusqu’à son expulsion.
En effet, premièrement, vous voulez empêcher à tout prix les étrangers d’entrer en France. Pour ce faire, vous avez créé, en particulier, ce que l’on appelle des zones d’attente « sac à dos » : l’étranger arrivant en France apporte avec lui, en quelque sorte, sa zone d’attente. Cette zone d’attente virtuelle, même remaniée en commission, a pour objet essentiel de faciliter le refoulement, en catimini et loin de tout regard extérieur, de tout groupe d’étrangers arrivant en tout point du territoire.
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
Mme Éliane Assassi. Cette mesure est grave, car elle empêchera les intéressés de faire valoir leur éventuelle qualité de réfugiés, assouplira considérablement les règles en matière de notification des droits de ces derniers, et restreindra les pouvoirs du juge des libertés et de la détention.
Par ailleurs, les possibilités de recourir à la procédure prioritaire en matière d’asile sont facilitées, ce qui est inquiétant, cette procédure constituant un frein à la reconnaissance du statut de réfugié.
Une fois encore, l’amalgame entre immigration irrégulière et demandeurs d’asile, notions qui, pourtant, n’ont rien à voir, est fait !
Deuxièmement, pour ceux qui auraient tout de même réussi à entrer en France,…
Mme Éliane Assassi. … vous avez prévu des mesures les empêchant de se maintenir sur le territoire national, qu’il s’agisse des mariages gris, blancs – appelez-les comme vous le souhaitez –, de la stigmatisation des populations roumaines et bulgares, pourtant parties intégrantes de l’Union européenne, par le biais de l’abus de droit au séjour.
Les obstacles sont également multipliés : remise en cause du droit au séjour pour les étrangers gravement malades, contrôle de l’assimilation…