PRÉSIDENCE DE M. Roger Romani

vice-président

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer complètement l’article 1er de la proposition de loi, ce qui est clairement contraire à la position adoptée par la commission.

Les auteurs de l’amendement mettent en avant de supposées carences dans la négociation collective.

De ce point de vue, les syndicats sont, certes, le plus souvent opposés à l’article 3 de la proposition de loi, qui concerne la gouvernance, mais pas à l’article 1er.

La CGT et la CFDT ont ainsi publié une lettre commune dans laquelle les deux syndicats approuvent la définition des missions et le principe de la pluridisciplinarité. Ce sont justement les éléments essentiels de l’article 1er.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Comment peut-on prétendre défendre l’avenir de la médecine du travail et demander la suppression de cet article 1er ? C’est impossible !

L’avis du Gouvernement est défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Monsieur le ministre, vos arguments sont un peu courts !

Quant à la lettre commune que la CGT et la CFDT ont fait parvenir aux commissions des affaires sociales des deux assemblées et à laquelle Mme le rapporteur s’est référée par deux fois, elle est accessible sur les sites de ces deux organisations syndicales : elle est publique et je l’ai donc lue aussi !

S’il est vrai que les auteurs de la lettre commencent par approuver « en effet pour l’essentiel le principe et le contenu de la définition par la loi des missions des SST assis sur une pluridisciplinarité effective », ils émettent des réserves dans la suite du paragraphe, pour terminer ainsi : « La proposition doit donc être infléchie en conséquence. »

Ces réserves ont notamment trait à l’indépendance de l’équipe pluridisciplinaire et aux moyens dont elle disposera pour jouer véritablement le rôle qui sera le sien aux côtés des travailleurs.

Or, si l’article 1er reste en l’état, c'est-à-dire si les amendements que nous proposons pour l’améliorer ne sont pas adoptés, on sait très bien que l’équipe pluridisciplinaire ne pourra pas jouer son rôle puisqu’elle sera, qu’on le veuille ou non, cantonnée dans des missions et soumise à des priorités qui auront été définies par le directeur des services de santé au travail, qui lui-même est sous la coupe du patronat puisque c’est le président du conseil d’administration élu dans le collège employeur qui aura voix prépondérante pour la définition de ces missions et de ces priorités.

Cessez donc, madame le rapporteur, monsieur le ministre, de jouer aux aveugles ou aux sourds. Vous savez parfaitement qu’il n’y a pas que les dispositions relatives à la gouvernance qui sont contestées : aucune organisation syndicale n’approuve cet article 1er tel qu’il est rédigé et il n’y a pas que l’article 3 qui pose problème, loin de là !

La médecine travail se trouve dévoyée, elle qui avait à l’origine pour mission la préservation de la santé au travail.

Monsieur le ministre, vous pouvez répéter à l’infini que l’indépendance des médecins du travail est réaffirmée et que votre gouvernement est attaché à la médecine du travail. Si c’était vrai, c’est à un grand débat qu’aurait dû donner lieu ce sujet de société et de santé publique, et non pas à une discussion « à la sauvette » qui ne mobilise qu’un petit nombre de sénateurs.

M. Alain Gournac. Il y a la qualité !

Mme Annie David. Monsieur le ministre, vous devriez vous interroger !

Mme Marie-Thérèse Hermange. Le ministre n’est en rien responsable de la présence ou de l’absence des parlementaires !

Mme Annie David. Vous auriez dû reprendre les négociations avec toutes les organisations syndicales et vous attacher à trouver un accord avec l’ensemble des partenaires sociaux et non pas seulement avec les organisations patronales.

Ne prétendez donc plus que la santé des travailleurs a de l’importance pour vous, parce qu’elle n’en a pas. Scandale de l’amiante, éthers de glycol, produits cancérigènes que les salariés inhalent à longueur de journée…

M. Jacques Gautier. N’avez-vous pas été au pouvoir pendant un certain temps ?

Mme Annie David. … ce qui vous importe, ce n’est pas la santé des travailleurs, c’est la bonne santé économique des entreprises !

M. Alain Gournac. Elle nous importe aussi !

Mme Annie David. Or on sait très bien que la bonne santé économique des entreprises ne prend pas en compte la santé des travailleurs. (Mme Catherine Procaccia proteste.)

Pour ma part, je veux prendre en compte et la santé des travailleurs et la santé économique des entreprises !

Mme Annie David. Du reste, vous ne défendez même pas la santé économique des entreprises : vous préférez défendre les intérêts des actionnaires et de tous ceux qui détournent les profits engendrés par la productivité des travailleurs ! (M. Alain Gournac proteste.)

Monsieur Gournac, vous pourrez en dire ce que vous voulez,…

M. le président. Pas d’interpellations personnelles, ma chère collègue !

Mme Annie David. … il n’empêche que la médecine du travail méritait de faire l’objet d’un projet de loi porté et validé par l’ensemble des partenaires sociaux et pas seulement par le patronat ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour explication de vote.

Mme Marie-Thérèse Hermange. D’abord, nous nous intéressons, nous aussi, à la santé des travailleurs.

Ensuite, c’est bien dévaloriser le rôle du Parlement que de ne pas reconnaître la valeur d’une proposition de loi et de son examen. Je trouve cette attitude complètement inconséquente !

Mme Annie David. C’est votre point de vue…

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 19 rectifié, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 1° Conduisent pendant la durée d'activité professionnelle et pendant celles d'inactivité, des actions de santé au travail dans le but de préserver la santé physique et mentale des travailleurs tout au long de leur parcours professionnel et de prévenir ou de diagnostiquer la dégradation de l'état de santé des salariés après leur activité, du fait de la réalisation de celle-ci ;

La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.

Mme Marie-Agnès Labarre. Cet amendement a pour objet d’étendre la responsabilité des employeurs aux périodes d’inactivité, que celles-ci soient la conséquence de périodes de chômage ou de l’ouverture des droits à la retraite.

Nous considérons en effet que la responsabilité des employeurs en matière de santé au travail ne doit pas s’arrêter une fois que le salarié n’est plus comptabilisé dans l’effectif de l’entreprise. Rien, sur le fond, ne justifie que la médecine du travail, qui a vocation à évaluer les risques liés au travail, à les quantifier et à établir leurs causes, à les prévenir ou, en dernier ressort, à soigner, se désintéresse du sort des salariés une fois que ces derniers ne sont plus présents dans l’entreprise. En effet, même s’ils ne vont plus sur le chantier ou à l’usine, les maladies qu’ils y ont contractées les suivent jusqu’à leur domicile ou dans leur nouvel emploi.

Si les principes de mutualisation du risque permettent, du point de vue financier, d’éviter qu’une entreprise n’ait à supporter le poids économique des atteintes à la santé qui se sont produites à l’occasion de la précédente activité – il s’agit des mesures concernant le compte spécial –, rien ne garantit aujourd’hui le respect pour le salarié du principe de la « traçabilité des expositions ».

Pour mémoire, les règles en matière d’inscription au compte spécial prévoient que les conséquences des maladies professionnelles sont portées au compte spécial lorsque la maladie a été constatée dans un établissement dont l’activité n’expose pas au risque mais a été contractée dans une autre entreprise.

Or, curieusement, si l’on comprend que l’exposition des salariés à des facteurs dangereux peut avoir des conséquences économiques pour le nouvel employeur, on n’en tire aucune conséquence du point de vue de la santé des salariés.

Mme Annie David. Exactement !

Mme Marie-Agnès Labarre. Nous savons tous pertinemment que les médecins du travail, face à l’importance de leur tâche, ont tendance à se spécialiser en fonction des risques reconnus ou qui surviennent régulièrement dans les entreprises où ils interviennent.

Faire reposer le dépistage d’une maladie professionnelle contractée lors d’une précédente activité à un médecin du travail qui n’a jamais rencontré, et n’est normalement pas appelé à le faire, de telles pathologies, c’est prendre le risque d’un dépistage tardif, et donc d’une réduction de chance de guérison pour le patient.

Aussi proposons-nous par cet amendement que le salarié qui le souhaite puisse continuer à bénéficier du service de santé au travail de son employeur précédent.

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Godefroy, Mmes Alquier, Blandin, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, Demontès, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots :

et en vue d'éviter la survenue de pathologies à effet différé

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement a pour objet de mentionner, parmi les actions que conduisent les services de santé au travail, la prévention des pathologies à effet différé.

L’article 1er indique en effet que les SST ont pour mission de suivre les travailleurs tout au long de leur parcours professionnel.

L’objectif est d’éviter toute altération de la santé du fait du travail, et la commission a apporté à cet égard d’utiles précisions, que nous avons d’ailleurs votées.

Cet amendement de précision est fondé notamment sur l’expérience acquise en matière d’exposition à des substances cancérogènes.

Les expositions à l’amiante, aux éthers de glycol, à des poussières de bois ou de ciment, à des adjuvants chimiques, dans l’agroalimentaire, par exemple, provoquent des pathologies qui peuvent se déclarer jusqu’à trente-sept ans après le moment d’exposition.

On peut aussi citer le développement de troubles articulaires après la cessation d’activité, troubles qui aboutissent à de véritables handicaps.

Le travail en horaires décalés de nuit accroît également, dans des proportions importantes, les risques de survenance de troubles par rapport à un même travail effectué de façon diurne.

Le Conseil économique, social et environnemental a rendu en juillet 2010 un avis sur le travail de nuit, qui touche aujourd’hui un salarié sur cinq.

Le CESE souligne que le travail prolongé la nuit présente des dangers pour la santé et devrait rester l’exception. Il propose de renforcer la surveillance médicale, notamment pour les salariés de plus de cinquante ans, et de développer la surveillance épidémiologique afin d’améliorer les connaissances sur les risques à long terme.

Il faut ajouter à ces éléments les effets physiques et psychiques du stress, qui conduisent à la consommation excessive de tabac, de drogue et d’alcool, addictions que notre rapporteur a fort justement soulignées et dont il est inutile de rappeler les conséquences sur la mortalité.

Pour autant, la plupart de ces facteurs ne se traduisent pas toujours immédiatement par une atteinte à la santé des travailleurs ; ils peuvent même être inconnus avant que des travailleurs ou d’anciens travailleurs développent des pathologies.

Il nous paraît donc souhaitable que les SST se préoccupent de ces effets différés, que ce soit par la recherche ou par la communication des observations faites par les praticiens. À partir des données recueillies, ils pourront alerter si nécessaire les branches professionnelles sur les risques à long terme quand ils constatent l’apparition de pathologies afférentes.

Sans doute pourraient-ils par ce progrès éviter de nouveaux drames coûteux en vies humaines, en souffrances, et aussi coûteux financièrement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. L’amendement n° 19 rectifié prévoit une nouvelle rédaction pour définir le but des actions conduites par les services de santé au travail, afin de l’étendre notamment aux durées d’inactivité et aux pathologies à effet différé.

D’abord, la formulation retenue est imprécise. Que signifie en effet le terme : « inactivité » ?

Ensuite, j’estime que pointer uniquement les pathologies à effet différé peut avoir une conséquence négative, alors même que la médecine du travail doit éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, définition globale qui est préférable.

En outre, les auteurs de l’amendement ne mentionnent que des « travailleurs », et non plus des « salariés », ce qui est surprenant en même temps que réducteur.

La commission a donc émis un avis défavorable.

Les auteurs de l’amendement n° 2 entendent viser spécifiquement les pathologies à effet différé.

Je ne vois pas ce que cette précision apporte au texte, si ce n’est qu’elle exclut implicitement les autres pathologies et permet de faire le lien avec le débat sur les retraites, alors que, prétendument, il n’y a pas de relation entre les deux sujets.

La commission demande le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. L’amendement n° 19 rectifié me paraît avoir été satisfait dans le cadre de la réforme des retraites, raison pour laquelle j’y suis défavorable, mais ses auteurs seront-ils, eux, satisfaits par cette argumentation ?... (Sourires.)

Je précise donc que la loi portant réforme des retraites renforce en effet les obligations de l’employeur, notamment en matière de suivi des expositions des travailleurs à certains facteurs de risque.

La fiche d’exposition doit être communiquée non seulement au service de santé au travail mais aussi au salarié à son départ de l’entreprise, y compris en cas d’arrêt de maladie, ce qui facilite le suivi médical en dehors de l’entreprise.

Je suis également défavorable à l’amendement n° 2, parce que, sans minimiser la problématique, que je n’ignore pas, l’intervention des services de santé au travail s’inscrit dans un rôle plus global, les actions qu’ils conduisent visant tous les risques présents dans les entreprises.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Pour une fois, les explications de M. le ministre me conviennent. (Sourires.)

M. Guy Fischer. La soirée commence bien ! (Nouveaux sourires.)

Mme Annie David. Alors que Mme Payet reproche à notre amendement d’être mal rédigé et aux termes « périodes d’inactivité » de ne pas signifier pas grand-chose – nous avons pourtant expliqué qu’il pouvait s’agir de la retraite –, M. le ministre rappelle à juste titre que les mesures relatives au suivi médical des travailleurs après l’emploi ont été intégrées dans le projet de loi portant réforme des retraites, plus précisément dans son article 25.

Ces dispositions peuvent nous donner satisfaction, mais en partie seulement, car, me semble-t-il, notre amendement est plus complet, et peut-être même complémentaire, raison pour laquelle nous le maintenons.

M. Xavier Bertrand, ministre. Quelle déception ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. J’ai bien entendu les arguments de M. le ministre sur le rôle plus large des SST. Je rappelle cependant que les pathologies à effet différé concernent 16 millions de travailleurs.

Mme Annie David. Tout à fait !

M. Jean-Pierre Godefroy. Par l’intermédiaire de la médecine du travail, on pourrait donc véritablement voir large ! Nous nous étions depuis longtemps mis d’accord avec Mme Payet pour mentionner les addictions à l’alcool et à la drogue dans le texte ; la question des pathologies à effet différé est aussi grave.

Le stress au travail, tel qu’il se développe aujourd’hui, aura des effets dans les années à venir. Il ne faudrait pas qu’aujourd’hui nous nous voilions la face, en considérant que cette question devra être traitée de façon plus large, un jour. Nous savons bien que c’est dans le milieu du travail que les effets du stress sont le plus ressentis, au point de parfois conduire à des suicides.

Ainsi, le travail de nuit, comme le Conseil économique, social et environnemental le fait observer dans son avis du 8 juillet 2010, risque d’avoir des effets sur la santé et d’entraîner le développement de pathologies dont on ignore encore comment elles se manifesteront exactement lorsque les travailleurs parviendront à l’âge de la retraite.

Au sein de la mission d’information sur le mal-être au travail, nous avons aussi souligné que le stress lié au transport, qui vient s’ajouter au stress du travail, risque d’avoir des effets tout à fait désastreux.

En termes de protection des salariés au travail, cela n’aurait pas changé grand-chose de prendre en compte, dans cette proposition de loi, les pathologies à effet différé dont nous soulignons l’importance. Le texte n’en aurait été que conforté, et sans doute rendu plus efficace.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 2.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Godefroy, Mmes Alquier, Blandin, Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Campion, Demontès, Ghali, Printz, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Daudigny, Desessard, Gillot, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher, Le Menn, Teulade et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Après les mots :

les délégués du personnel

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

et les intervenants en prévention des risques professionnels

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec notre amendement n°°5 relatif à l’alinéa 22 de l’article 1er sur lequel, je le rappelle, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable, ce qui nous donne quelques espoirs quant à l’adoption du présent amendement.

Le texte proposé par l’article 1er pour l’article L. 4644-1 du code du travail commence ainsi : « L’employeur désigne un ou plusieurs salariés compétents pour s’occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l’entreprise. »

Il poursuit plus loin en indiquant que, à défaut, l’employeur peut faire appel à des intervenants en prévention des risques professionnels, aux services de prévention de la sécurité sociale avec l’appui de l’Institut national de recherche et de sécurité, et à l’Organisme professionnel de prévention du bâtiment et des travaux publics ou à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail.

Il va de soi que tous ces organismes sont mentionnés en considération de leur professionnalisme, et parce qu’ils emploient des personnels qualifiés dans le domaine de la prévention.

Avec notre amendement, nous proposons que les salariés compétents auxquels l’employeur fait appel soient obligatoirement titulaires de qualifications, reconnues par des titres ou des diplômes, dans le domaine de la protection et de la prévention des risques professionnels.

Une validation des compétences acquises sur le terrain pourrait également être admise, pour ceux qui pratiquent cette activité depuis très longtemps.

De la sorte, l’ensemble des professionnels mentionnés, qu’ils soient à l’intérieur ou à l’extérieur de l’entreprise, doivent être, dans des disciplines diverses, des intervenants qualifiés en prévention des risques professionnels.

Les médecins du travail seront donc nécessairement, inévitablement, pourrais-je dire, conduits à travailler avec des employeurs, des membres de comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, des délégués du personnel et, pour ce qui est des autres intervenants, de personnes disposant d’un titre ou d’un diplôme dans le domaine de la prévention des risques, ou d’une validation des compétences acquises.

Il est logique d’accepter, comme nous vous y invitons, notre amendement n°°3, en cohérence avec l’amendement n°°5.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur. Cet amendement supprime la coordination entre les médecins du travail et les organismes extérieurs désignés par l’employeur pour prévenir les risques professionnels. Cela me paraît très dommageable pour la qualité et l’efficacité de la protection des travailleurs. Il est au contraire important que tous les acteurs concernés puissent travaillent ensemble.

La commission souhaite donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Si vous adoptiez cet amendement, un certain nombre d’acteurs verraient leur champ d’intervention restreint. Ce serait l’exact contraire de ce que vous recherchiez tout à l’heure.

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 47 rectifié, présenté par M. Gournac et Mmes Procaccia, Kammermann, Hermange et Bout, est ainsi libellé :

Alinéa 10

I. - Première phrase

Remplacer les mots :

les médecins du travail et une équipe pluridisciplinaire comprenant des intervenants

par les mots :

une équipe pluridisciplinaire de santé au travail autour des médecins du travail et comprenant des intervenants

II. - Dernière phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Les médecins du travail animent et veillent à la coordination de l'équipe pluridisciplinaire.

La parole est à M. Alain Gournac.

M. Alain Gournac. Monsieur le président, je voudrais simplement, avant de défendre cet amendement, confirmer à nos collègues du groupe CRC-SPG que nous souhaitons la bonne santé de nos entreprises comme la bonne santé de nos salariés au sein de ces entreprises.

C’est ainsi que le redressement de la France sera possible et que nous pourrons aller encore plus loin. Il ne s’agit pas d’être d’un côté ou de l’autre. Il faut être des deux côtés à la fois pour servir le mieux la France.

Que proposons-nous, avec Mmes Procaccia, Kammermann, Hermange et Bout, et forts du soutien de ma collègue versaillaise, Mme Bernadette Dupont ?

Mme Catherine Procaccia. Que des femmes !

M. Alain Gournac. Je suis en effet bien entouré ! (Sourires.)

Nous sommes assurément favorables à l’équipe pluridisciplinaire, mais nous souhaitons que le médecin joue un rôle central dans cette organisation, à laquelle il est indispensable de donner un pivot.

Le médecin du travail doit être bien positionné au sein de cette équipe. Il appartient aux médecins du travail de conduire les activités, et ils doivent disposer d’un pouvoir central.

Nous tenons à réaffirmer ce principe, que nous avions déjà posé lors de l’examen du texte relatif à la réforme des retraites. Il s’agit en effet que le médecin du travail soit mieux respecté dans notre société. S’il ne doit jouer finalement qu’un rôle secondaire au sein l’équipe, nous n’aurons pas bien travaillé. Comme je souhaite que le Sénat travaille bien, je vous propose cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 21, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 10, dernière phrase

Après les mots :

Les médecins du travail

insérer les mots :

animent et

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. La question de la constitution des équipes pluridisciplinaires a pu, pendant un temps, inquiéter certains acteurs du monde de la santé au travail, à commencer par les médecins eux-mêmes qui, constatant la volonté du Gouvernement puis des auteurs de cette proposition de loi de placer la santé au travail sous la domination du patronat, craignaient que la mise en place de ces équipes ne participe du même mouvement.

Il est vrai que la notion d’« assistants » n’est pas pleinement satisfaisante et laisse l’impression qu’il s’agit surtout d’une manière de pallier le problème central de la pénurie de médecins du travail.

Nous pouvons tous nous réjouir, cependant, que des personnes qui ne sont pas des médecins puissent apporter leurs compétences particulières, ainsi qu’une approche professionnelle différente.

Il serait par ailleurs regrettable que la médecine du travail ne participe pas à l’évolution générale de la médecine, qui accorde une place de plus en plus large aux relations horizontales et aux compétences croisées en lieu et place des relations verticales et hiérarchiques, et qui favorise aujourd’hui le travail en réseau.

En somme, on pourrait dire du travail en équipes pluridisciplinaires qu’il est une action coordonnée nécessitant la coopération de différents spécialistes au service d’un but commun : la promotion de la santé au travail.

Encore est-il nécessaire de préciser la manière dont ces compétences diverses et complémentaires seront coordonnées et « animées ».

L’alinéa 10, que nous proposons de modifier, prévoit, conformément à la volonté d’un certain nombre de professionnels, qu’il appartient au médecin du travail d’assurer la coordination de l’équipe.

Loin de nous l’idée de mettre en cause ce principe de bonne gestion. Au contraire, nous proposons d’ajouter qu’il revient également au médecin du travail d’animer l’équipe, c’est-à-dire de mobiliser ses compétences et d’impulser ses actions.

Cet ajout nous semble d’autant plus nécessaire que, la semaine dernière, notre commission a précisé à bon droit qu’il appartient aux médecins du travail de prescrire les interventions nécessaires.

Cette impulsion, qui appartient au médecin, n’est pas, de sa part, la marque d’une volonté de domination sur les autres membres de l’équipe. Simplement, sa formation spécifique est de nature, selon nous, à lui permettre d’impulser les actions nécessaires, de la même manière qu’il pourra prescrire les interventions qu’il jugera opportunes.

Aussi sommes-nous étonnés après l’adoption, hier, en commission, d’un amendement présenté par M. Gournac qui tend précisément à supprimer la notion de prescription. Nous ne le voterons donc pas.

Non pas que nous soutenions plus particulièrement l'amendement qui avait été présenté, la semaine dernière, par notre collègue Bruno Gilles ; mais la rédaction de ce dernier amendement nous semblait bien préférable, à condition d’y ajouter, comme nous le proposons, la notion d’animation, particulièrement importante dans le cadre des missions de prévention ou de dépistage.

C’est la raison pour laquelle nous vous invitons à adopter notre amendement.