Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Eh oui !
M. Robert Badinter. Ici même, à cet instant, vous commettez un nouvel acte de défiance envers la magistrature, car cette disposition vise uniquement – j’y insiste – à ne pas laisser les juges apprécier pleinement les peines selon la personnalité de l’auteur et les circonstances de l’affaire.
J’appelle cela, tout simplement, une régression de notre droit, une mise en échec du principe de la personnalisation des peines et un acte de défiance à l’encontre des magistrats. En cette période où la magistrature est accablée de tâches et d’obligations, et alors qu’elle fait l’objet de dures critiques, ce texte n’est absolument pas le bienvenu. C'est la raison pour laquelle nous voterons ces amendements identiques de suppression. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur Badinter, je vous ai écouté très attentivement. Votre intervention est, au-delà des envolées lyriques, talentueuse par définition, et nous nous inclinons tous devant votre compétence.
Permettez-moi cependant de souligner des réalités.
D’abord, vous avez dit très honnêtement, et je l’ai noté avec beaucoup d’intérêt, que la loi de 2007 était finalement une bonne loi.
M. Robert Badinter. Je n’ai jamais dit cela !
M. Brice Hortefeux, ministre. Vous en avez pris la défense trois ans après, par comparaison avec le présent projet de loi. J’imagine que, dans quelques années, votre raisonnement sera le même pour la loi qui sortira du présent débat !
M. Robert Badinter. J’avais voté contre !
M. Brice Hortefeux, ministre. Vous aviez voté contre, mais vous vous êtes appuyé dessus aujourd'hui !
M. Robert Badinter. Trois ans après !
M. Brice Hortefeux, ministre. Trois ans après, bien sûr ! Donc, on reparlera dans trois ans de votre position concernant le texte qui vous est proposé aujourd'hui.
Ensuite, vous commentez des textes et des mots qui ne figurent pas dans l’article 23 bis tel qu’il vous est soumis.
Ainsi, l’alinéa 4 dispose très précisément : « Toutefois, la juridiction peut prononcer… » – il n’y a là aucune obligation ; où la voyez-vous ? – « … par une décision spécialement motivée une peine inférieure à ce seuil ou une peine autre que l’emprisonnement en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de son auteur… » – vous avez dit exactement l’inverse – « … ou des garanties d’insertion ou de réinsertion présentées par celui-ci ».
Pardonnez-moi de vous le dire, mais vous n’aviez pas lu cet article !
Mme la présidente. La parole est à M. Robert Badinter, pour répondre rapidement à M. le ministre.
M. Robert Badinter. Premièrement, monsieur le ministre, je n’ai jamais dit que je m’appuyais sur la loi de 2007. Elle fait partie aujourd'hui de notre droit positif, je ne veux pas faire comme si elle n’existait pas. Cela ne veut pas dire que nous la maintiendrons, en son état, en tout cas.
Deuxièmement, s’agissant du fait que les magistrats sont libres de prononcer ou de ne pas prononcer la peine plancher, je n’ai pas besoin de vous rappeler que le principe même du texte repose précisément sur l’obligation de prononcer la peine plancher. C’est à titre d’exception, motivée par le magistrat, affaire par affaire, qu’en considération des circonstances on écartera la peine plancher.
Ce que vous avez dit tout à l’heure est la marque profonde de l’échec de ce dispositif, compte tenu précisément du fait que, dans la moitié des décisions rendues, les magistrats écartent, par une motivation spéciale, cette peine plancher. Cela veut bien dire que cette dernière n’a pas de raison d’être : une fois sur deux, alors que l’on parle de circonstances exceptionnelles, on l’écarte, il est vrai sans que cela soit bien vu en haut lieu !
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.
M. Alain Anziani. Monsieur le ministre, je n’ai pas apprécié le ton de votre réponse à l’intervention de notre collègue Robert Badinter. Des « envolées lyriques » ? Pour ma part, je n’ai rien entendu de tel. (M. le président de la commission des lois s’exclame.)
En revanche, j’ai entendu un constat précis, argumenté, explicite, auquel vous n’avez pas répondu, à savoir que cette peine plancher, qui était prévue pour être l’exception, devient aujourd'hui le droit commun.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !
M. Alain Anziani. Vous n’avez absolument pas répondu sur ce point, monsieur le ministre. La raison en est simple : il n’y avait sans doute rien à répondre… En l’occurrence, c’est, de votre part, de la pure politique politicienne qui n’a rien à voir avec la sécurité !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 34, 95 et 138 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 23 bis.
(L'article 23 bis est adopté.)
Article 23 ter
Le code pénal est ainsi modifié :
1° À la seconde phrase du second alinéa de l’article 221-3, après le mot : « barbarie », sont insérés les mots : « ou lorsque l’assassinat a été commis en bande organisée ou avec guet-apens sur un magistrat, un fonctionnaire de la police nationale, un militaire de la gendarmerie, un membre du personnel de l’administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l’autorité publique, à l’occasion de l’exercice ou en raison de ses fonctions » ;
2° À la seconde phrase du dernier alinéa de l’article 221-4, après le mot : « barbarie », sont insérés les mots : « ou lorsque le meurtre a été commis en bande organisée ou avec guet-apens sur un magistrat, un fonctionnaire de la police nationale, un militaire de la gendarmerie, un membre du personnel de l’administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l’autorité publique, à l’occasion de l’exercice ou en raison de ses fonctions ».
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 35 est présenté par M. Anziani, Mme Klès, MM. Frimat, C. Gautier et Peyronnet, Mmes M. André et Bonnefoy, M. Yung, Mme Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Guérini, Ries, Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 96 est présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
L'amendement n° 139 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Alain Anziani, pour présenter l'amendement n° 35.
M. Alain Anziani. Monsieur le ministre, que nous proposez-vous dans cet article ? Vous voulez allonger la peine de sûreté en la faisant passer de vingt-deux ans à trente ans pour, dites-vous, accroître la sécurité, augmenter l’efficacité de la peine et dissuader la délinquance.
Franchement, pensez-vous sincèrement que le délinquant qui apprendra que le ministre de l’intérieur a allongé la peine de sûreté pour la porter de vingt-deux ans à trente ans sera amené à réfléchir avant de commettre son acte, voire à s’abstenir ? Je vous pose la question et j’aimerais bien obtenir une réponse, mais, pour moi, à l’évidence, elle ne peut être que négative. Chacun de vous en conviendra, mes chers collègues, le délinquant ne modifiera malheureusement pas son comportement en considération de cet allongement de la peine de sûreté.
Dès lors, si cette mesure n’est pas destinée à dissuader le délinquant, quel est son but ? Il s’agit sans doute de rassurer les forces de police, et nous comprenons que ce soit nécessaire. Mais il s’agit avant tout de séduire l’opinion, disons-le franchement.
Cela signifie que ce texte, au fond, a tout à voir avec la politique et rien à voir avec la sécurité. Un texte de cette nature relève de la pure et simple démagogie !
Mme la présidente. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 96.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cette mesure présente-t-elle un caractère dissuasif ? On peut réellement en douter !
Vous refusez surtout d’établir une corrélation, pourtant évidente, entre les chiffres de la délinquance et la situation économique de notre pays, une situation difficile, voire désastreuse, conséquence de votre politique, qui a appauvri des pans entiers de la population.
Dans les quartiers difficiles, la seule intervention de l’État se résume à celle de la police. Il en résulte une tension, l’État n’étant perçu qu’au travers de ce prisme. Cette tension, vous semblez l’entretenir plus que de raison, en soutenant des agents reconnus coupables de faux témoignages.
Vous voulez l’entretenir, car la majorité présidentielle, pour rester la majorité, compte bien gonfler les chiffres de la délinquance et agiter le chiffon rouge de l’insécurité – ce n’est pas nouveau, et la ficelle est un peu grosse. En supprimant la police de proximité, Nicolas Sarkozy voulait rompre avec la doctrine de l’emploi de la police et de la gendarmerie propre à une autre politique, celle de la gauche. Cette doctrine reposait sur l’idée que la police puisait une partie de son efficacité dans la connaissance précise des lieux où elle intervenait, des personnes qu’elle rencontrait et dans le lien de confiance qu’elle tissait avec la population.
En prenant modèle sur les méthodes militaires où l’on projette des forces d’un centre vers une périphérie, vous construisez la défiance entre la police et la population, vous coupez cette même police des informations de terrain. Vous donnez la priorité au maintien de l’ordre par rapport au travail d’investigation.
Si bien que l’opposition contre les forces de l’ordre est devenue une sorte de rite initiatique à l’entrée dans l’adolescence pour bon nombre de jeunes.
Nous aussi, nous écoutons ce que demandent les policiers : ils réclament des effectifs et des conditions de travail décentes.
Ce n’est certainement pas en instaurant de manière démagogique des peines incompressibles pour les assassins de personnes dépositaires de l’autorité publique, de façon d’ailleurs plus hypocrite qu’efficace - ce sont toujours les mêmes méthodes à l’œuvre -, que vous réglerez le problème.
Cette mesure, dont nous demandons la suppression, est donc parfaitement démagogique et uniquement utilisée dans un but de communication publique.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour défendre l’amendement n° 139 rectifié.
M. Jacques Mézard. Là encore, nous sommes face à une mesure d’affichage.
Notre collègue Alain Anziani a très justement posé la question : pensez-vous sérieusement que le délinquant sur le point de commettre ce type d’action criminelle sera freiné par l’allongement de la peine de sûreté de vingt-deux ans à trente ans ?
M. Bruno Sido. Ah oui !
M. Jacques Mézard. Mon cher collègue, quand vous vous poserez sérieusement la question, vous aurez la réponse !
Je rappelle aussi, très simplement, les propos que l’on a souvent entendus sur un enjeu de société considérable : la peine de mort. Depuis l’abolition, avons-nous assisté à une augmentation du nombre des crimes de sang, des crimes les plus abominables ?
M. Jacques Mézard. Non, et nous le savons parfaitement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La peine de mort a-t-elle empêché les crimes ? Non !
M. Jacques Mézard. Nous sommes là dans un processus d’affichage au travers duquel il faut absolument montrer que l’augmentation au fil des mois et des années du quantum des peines permettra de lutter contre la délinquance.
Le vrai problème est celui du fonctionnement de nos institutions, qu’il s’agisse de la police, de la gendarmerie ou de la justice. Cette dernière, qui fait ce qu’elle peut dans les circonstances actuelles, doit pouvoir bien faire son travail.
Nous sommes dans une fuite en avant perpétuelle. Je note, comme vous, les efforts considérables déployés par la commission des lois du Sénat, tant en première lecture qu’en deuxième lecture avant la discussion d’aujourd'hui, pour freiner véritablement la course invraisemblable à laquelle se livre la majorité de l’Assemblée nationale, dans un but – nous l’avons dit et redit – d’affichage médiatique lamentable.
Croyez-vous que vous allez rassurer les forces de police et de gendarmerie avec ce type de proposition ? Nous le savons tous, leurs réactions majoritaires montrent que ce n’est pas le cas.
En outre, ce dispositif sera totalement inefficace.
D’ailleurs, ne vous faites pas d’illusions : si un jury populaire, accompagné des trois magistrats professionnels, décide de ne pas prononcer la réclusion à perpétuité, il a toujours la possibilité, par exemple, de condamner à une peine de vingt-cinq ans ; il n’hésitera pas à le faire s’il considère que la personnalité de l’accusé ou les circonstances particulières de l’affaire le justifient.
Voilà une nouvelle preuve de cette politique de l’affichage, une nouvelle preuve du processus dans lequel nous sommes. Mais il faudra bien y mettre un terme, sinon, jusqu’où ira-t-il ? Nous verrons, demain ou après-demain, l’un des membres de cette majorité, en particulier à l’Assemblée nationale, demander, et l’on a déjà entendu des discours dans ce sens, le rétablissement de la peine de mort. Pourquoi la majorité s’arrêterait-elle en si bon chemin ?
M. André Dulait. Il ne faut rien exagérer !
M. Jacques Mézard. Cela a été dit !
M. Alain Gournac. Mais non !
M. Jacques Mézard. Monsieur le ministre, en la matière, il faut savoir raison garder, mais le Gouvernement n’en semble plus capable ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L’article 23 ter prévoit l’allongement de la période de sûreté pour les auteurs de meurtre aggravé commis à l’encontre de personnes dépositaires de l’autorité publique.
Compte tenu de l’extrême gravité de tels actes, cette disposition paraît justifiée.
En outre, la commission des lois l’a encadrée par rapport au texte issu de la deuxième lecture à l’Assemblée nationale en prévoyant que l’allongement de la période de sûreté ne pourra s’appliquer qu’en cas de circonstances aggravantes, par exemple la bande organisée.
Dans ces conditions, il ne semble pas qu’il y ait disproportion entre l’acte commis et l’aggravation de la peine.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques de suppression nos 35, 96 et 139 rectifié.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Permettez-moi de rappeler ce qu’est la période de sûreté. En fait, elle a deux conséquences.
La première, c’est que, pendant un certain temps, le condamné ne sortira pas de prison.
La seconde conséquence, très regrettable, est contraire à la loi pénitentiaire que nous avons votée, et je m’étonne que ce ne soit pas dit sur ces travées (L’orateur désigne la droite de l’hémicycle), aucune mesure de réinsertion ne sera prise à l’égard du condamné pendant toute la période de sûreté. La personne ne pourra même pas bénéficier de soins à l’extérieur de l’établissement si sa santé, notamment mentale, le requiert. Autrement dit, au terme de la période de sûreté, le condamné sera dans une situation pire qu’au début.
C’est donc une disposition extrêmement grave, qui va à l’encontre à la fois de la réinsertion et de la lutte contre la récidive.
Par ailleurs, s’agissant de mesures aussi exceptionnelles, qui modifient totalement, on l’a vu, notre code pénal, je suis tout de même étonné de constater, même si tout ministre peut représenter l’ensemble du Gouvernement, que le garde des sceaux ne soit pas présent au banc du Gouvernement, en tout cas pour la discussion de ces articles.
M. Jacques Mézard. C’est vrai !
M. Jean-Pierre Michel. À l’occasion de l’examen d’autres textes concernant, notamment, l’environnement ou l’agriculture, nous avons vu les ministres compétents se succéder au banc du Gouvernement lors de la discussion d’articles les concernant plus particulièrement. (Marques d’approbation sur certaines travées du groupe CRC-SPG et du RDSE.)
Je serais curieux de savoir si le ministre de la justice cautionne la mesure qui nous est soumise.
Récemment, au cours d’une audition menée dans le cadre des travaux préparatoires à un rapport d’information que j’ai cosigné, Mme la directrice des affaires criminelles et des grâces a affirmé – je ne crois pas déformer ses propos ; il n’est qu’à lire le procès-verbal – que le fondement de notre politique pénale, c’était la liberté totale d’appréciation du juge pour fixer les peines en fonction de la personnalité du délinquant. Sur le moment, et je le lui ai dit, j’ai pensé qu’elle plaisantait. Aujourd'hui, on voit bien que c’était le cas. Malheureusement, ni elle ni son ministre ne sont là pour le confirmer, ce qui est tout à fait regrettable.
Nous voyons bien que le Gouvernement n’a pas de politique pénale : il accepte une loi pénitentiaire et, ensuite, valide des dispositions contraires. Sa politique pénale est totalement médiatisée : elle n’existe que pour l’opinion publique, pour la télévision, pour les déclarations du Président de la République. Pour le reste, elle est totalement contradictoire et contre-productive.
Quelle sera l’attitude d’un condamné, à l’issue d’une peine de trente ans d’emprisonnement, qui sortira – car il sortira un jour – sans jamais avoir bénéficié, durant tout ce temps, de mesures facilitant sa réinsertion et propres à éviter aussi une récidive ?
Pour toutes ces raisons, nous voterons ces amendements identiques de suppression.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je souscris tout à fait aux propos qui ont été tenus sur cet article. Je n’y reviens donc pas.
Pour ma part, je remarque que cet article justifiera à merveille la déchéance de la nationalité pour les étrangers qui commettent ce type de crime. Certes, il s’agit là d’un autre sujet, mais, dans ce domaine, l’affichage compte pour beaucoup, et ici c’est assez désastreux.
Il faut une certaine cohérence : on ne pourrait pas imaginer que la déchéance de la nationalité ne soit autre chose qu’une double peine pour un crime déjà très lourdement puni par les jurés.
La peine de mort n’a jamais empêché le crime et son abolition n’a pas entraîné d’augmentation de la criminalité. Il faut toujours garder cela à l’esprit.
L'article 23 ter porte sur les crimes commis contre des personnes dépositaires de l’autorité publique. Cette précision soulève d’autres questions. Il convient tout d’abord de savoir précisément qui cela concerne.
Ce matin, lors de l’examen en commission du projet de loi dit « Besson », alors que certains commissaires faisaient remarquer que les parlementaires ne rentraient pas dans le champ de la loi, il s’est trouvé de nos collègues pour ironiser : on ne va pas condamner l’assassin d’un représentant du peuple qui donne ainsi l’occasion à certains de se réjouir…Mais c’est le genre de plaisanteries dont on est coutumier au sein de la commission des lois !
Si l’on suit votre logique, puisque vous précisez quelles sont les personnes concernées, un médecin hospitalier qui serait victime d’un assassinat doit-il être considéré comme un détenteur de l’autorité publique ?
À mes yeux, l'article 23 ter est typiquement une mesure d’affichage. Il vise à répondre à certaines sollicitations et à justifier ce débat désastreux sur la déchéance de la nationalité pour des Français qui ne le seraient pas encore tout à fait, même s’ils le sont depuis neuf ans et demi.
Sur le plan du droit, cet article pose d’épineuses questions. En effet, vont pouvoir entrer dans son champ d’application des quantités de personnes qui ne sont pas forcément dépositaires de l’autorité publique et dont l’assassinat pourra être ainsi très lourdement sanctionné, car les magistrats ne manqueront pas d’appliquer la loi.
Il est assez détestable de voir comment on manie l’échelle des peines, la perpétuité, la pseudo-perpétuité - alors que la perpétuité, normalement, n’existe plus – et tout cela pour de simples raisons d’affichage !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 35, 96 et 139 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 55, présenté par M. Longuet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Alinéas 2 et 3
Remplacer les mots :
guet-apens
par le mot :
préméditation
La parole est à M. Dominique de Legge.
M. Dominique de Legge. La notion de « guet-apens » n’existe pas en droit pénal, contrairement à celle de « préméditation », qui est ici plus adaptée.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. La commission émet un avis favorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.
M. François Zocchetto. Quel est l’état du droit aujourd'hui ? L’assassin d’une personne dépositaire de l’autorité publique peut être condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, peine que la cour d’assises peut assortir d’une période de sûreté de vingt-deux ans.
Il nous est proposé de porter cette période de sûreté à trente ans : nous avons eu ce débat en première lecture. À ce jour, une période de sûreté de trente ans ne peut être prononcée que dans un seul cas, pour les assassinats ou meurtres d’enfants précédés ou accompagnés de viols, de tortures ou d’actes de barbarie, soit des circonstances aggravantes pour des crimes totalement odieux.
Lors de la discussion générale, j’ai souligné qu’il ne s’agissait pas d’entrer dans une comparaison de ces crimes qui se fonderait sur leur caractère plus ou moins odieux : tous sont odieux. Néanmoins, nous devons avoir présents à l’esprit qu’une échelle des peines est nécessaire : les circonstances aggravantes que nous avons relevées pour les assassins d’enfants et qui permettent le prononcé d’une période de sûreté de trente ans doivent se retrouver pour les assassins de personnes dépositaires de l’autorité publique.
C'est la raison pour laquelle la commission des lois, son président, son rapporteur, les présidents du groupe de l’UMP et du groupe de l’Union centriste avaient proposé en première lecture que soit considéré comme circonstance aggravante le fait que le crime soit commis en bande organisée ou avec guet-apens. Si nous remplaçons le terme « guet-apens » par celui de « préméditation », nous en revenons à la définition pure et simple de l’assassinat, dont je rappelle qu’il est un meurtre commis avec préméditation.
Pour ma part, je suis opposé à cet amendement dont l’adoption constituerait un recul tout à fait important par rapport à la décision que nous avons prise en première lecture. Par conséquent, je ne le voterai pas.
Nous devons conserver ici des circonstances aggravantes, comme pour les assassins d’enfants. Faute de quoi, ceux-ci, quand bien même ils auraient commis leurs crimes en les faisant précéder ou en les accompagnant de viols, de tortures ou d’actes de barbarie, n’encourraient pas de peines supérieures à celles qui pourraient être prononcées à l’encontre d’assassins de personnes dépositaires de l’autorité publique. Cela ne me paraît pas normal.
Certes, le « guet-apens » en tant que tel n’a pas encore sa place dans le code pénal ou dans le code de procédure pénale, néanmoins, le terme figure dans le dictionnaire de la langue française et il n’est pas interdit de l’introduire dans le domaine pénal. D’ailleurs, cette notion se trouve déjà dans de nombreuses jurisprudences. C’est pourquoi je la défends.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Michel. Mon groupe s’abstiendra. Nous ne voudrions pas que le président du groupe UMP, M. Longuet, voie tout l’hémicycle voter contre son amendement ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)