M. Alain Anziani. C’est de la poudre aux yeux !
M. Jean-Claude Peyronnet. Cela ne sert à rien !
Mme Alima Boumediene-Thiery. C’est inefficace !
M. Brice Hortefeux, ministre. Quant à la convocation des mineurs devant les tribunaux pour enfants par un officier de police judiciaire, ne nous y trompons pas ! Il s’agit, je le dis au président de la commission des lois, qui est également très attentif à ces sujets, non pas de dénier leurs droits aux mineurs délinquants, mais d’accélérer le cours de la justice pour que la sanction soit comprise et soit donc pédagogique.
Le deuxième objectif est de s’adapter au développement des nouvelles technologies.
Madame Assassi, si je vous ai bien comprise, vous proposez la suppression pure et simple de toutes les dispositions relatives à la vidéoprotection…
Mme Éliane Assassi. Non, pas toutes !
M. Brice Hortefeux, ministre. C’est à dessein que j’emploie ce mot plutôt que celui de vidéosurveillance. Dans notre langue, les mots ont un sens !
Mme Éliane Assassi. C’est vrai !
M. Brice Hortefeux, ministre. Je vous rappellerai, madame la sénatrice, qu’un peu plus d’un tiers des villes ayant reçu une subvention du FIPD, le Fonds interministériel de prévention de la délinquance, pour installer des caméras sont gérées par la gauche. Où est la cohérence, alors que M. Mézard reconnaît son utilité dans certains cas ?
Monsieur Nègre, vous faites partie de ces élus …
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est l’un des supporters les plus zélés !
M. Brice Hortefeux, ministre. … qui, de longue date, ont fait le choix d’installer la vidéoprotection dans leur commune, en l’occurrence, celle de Cagnes-sur-Mer. Je vous en félicite, mais là n’est pas le plus important, ce sont vos électeurs qui, incontestablement, vous en félicitent.
Vous avez résumé la justification principale de la vidéoprotection, à savoir protéger les citoyens, dissuader, dans une certaine mesure, les délinquants pour les empêcher de nuire et élucider les faits de délinquance. Et, surtout, que l’on ne nous reproche pas de prétendre que la vidéoprotection résout tout ! Nous disons tout simplement que c’est un élément déterminant dans l’élucidation et la résolution d’un certain nombre de formes de délinquance.
Je pense aussi aux logiciels de rapprochement judiciaire qui n’ont qu’une vocation, celle d’améliorer la rapidité des enquêtes et de faire progresser l’élucidation des crimes et des délits commis.
Enfin, je pense à la lutte contre le terrorisme ou la criminalité organisée, …
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parlons-en !
M. Brice Hortefeux, ministre. … qui sera facilitée grâce au recours à des outils modernes à la hauteur de certaines méthodes des organisations criminelles, comme l’a rappelé, à juste titre, Catherine Troendle.
Il est très difficile de contester l’utilité et la nécessité de ces dispositions, car elles permettront de lutter plus efficacement et plus concrètement contre les délinquants et les criminels.
Le troisième objectif est de s’appuyer sur la réactivité offerte par les mesures de police administrative. Tel est notamment l’enjeu de la prévention de la délinquance au travers du couvre-feu des mineurs ou encore des contrats de responsabilité parentale. Ces mesures font partie de cette alchimie qui permettra de mieux protéger les mineurs, mais aussi, madame Boumediene-Thiery, de responsabiliser les parents !
Mme Alima Boumediene-Thiery. Vous les fragilisez !
M. Brice Hortefeux, ministre. Si vous revendiquez cette différence avec nous, je suis tout à fait prêt à vous l’accorder ! Pour notre part, nous voulons effectivement contribuer à responsabiliser les parents et non pas les exonérer de toute responsabilité.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Responsabilité sociale !
M. Brice Hortefeux, ministre. Enfin, il faut s’assurer de la complémentarité entre les différents acteurs de la sécurité.
Je l’ai souligné tout à l'heure, la sécurité est d’abord de la responsabilité de l’État, mais c’est aussi l’affaire de tous. À cet égard, il faut garantir une meilleure complémentarité entre l’action de la police et de la gendarmerie nationales, d’une part, et celle des polices municipales, d’autre part.
Dans le même esprit, il est, à mon sens, indispensable, monsieur Anziani, d’assurer un meilleur encadrement de l’activité du secteur de la sécurité privée, sans que cela porte atteinte aux compétences de l’État. Il ne s’agit en aucun cas, et j’ai eu l’occasion de le dire cet après-midi à l'Assemblée nationale en réponse à une question de M. Jean Glavany, d’une privatisation de l’action publique. Il s’agit d’actions complémentaires, même si la mission régalienne relève pour l’essentiel de l’État.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Vous jouez de la sémantique !
M. Brice Hortefeux, ministre. Louis Nègre a également évoqué la sécurité routière. Encore une fois, notre objectif est clair : faire baisser le nombre des victimes de la route et ne pas dévier de cette orientation, comme il l’a, à juste titre, rappelé. J’ai donné les chiffres d’il y a quarante ans, puis ceux d’il y a dix ans. En 2009, nous avons dénombré 4 273 morts sur les routes et, en 2010, nous sommes passés sous la barre des 4 000. Certes, ce chiffre est encourageant, mais il signifie aussi qu’il existe encore des marges de progression. En la matière, il n’y a pas de fatalité.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est pour cette raison qu’on lâche la pression sur le permis !
M. Brice Hortefeux, ministre. Depuis 2002, en cassant la tendance que j’ai évoquée, ce sont, au total, 23 000 vies qui ont ainsi pu être épargnées ; nous devons tous garder ces chiffres en mémoire.
Concernant le permis à points, j’ai bien conscience qu’il est toujours désagréable de perdre des points, mais on ne les perd pas par hasard ! La perte de points est la conséquence d’un fait simple : le non-respect des règles routières. Il n’y a donc pas là d’injustice.
J’invite le Sénat à adopter l’article 28 bis, et je remercie M. Fouché d’avoir pris l’initiative de proposer deux mesures complémentaires : d’une part, la fixation de la date d’entrée en vigueur du nouvel article et, d’autre part, le maintien à trois ans du délai de récupération des points sur le permis probatoire.
Monsieur Laménie, vous avez rappelé votre attachement à la présence des gendarmes sur le terrain. Je sais que ce sujet vous tient à cœur et je partage votre préoccupation. Cette présence nécessite le maintien du maillage territorial, aujourd’hui composé de 3 382 brigades territoriales.
J’ai, en particulier, pris bonne note de votre volonté d’approfondir le dialogue entre les gendarmes et les élus locaux. J’ai donné des consignes en ce sens, notamment dans votre département.
Cela étant, et je le dis en présence d’un officier supérieur de la gendarmerie, les gendarmes savent parfaitement conduire leurs relations avec les élus locaux. Si une remarque devait leur être faite, elle ne porterait certainement pas sur ce point ! Au demeurant, je ne vois pas très bien quelle remarque je pourrais leur adresser...
Quelques-uns d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, ont exprimé des inquiétudes à propos de l’article 4 du projet de loi, qui prévoit une procédure de blocage des sites pédopornographiques.
Je comprends qu’il y ait des interrogations à ce sujet, mais l’objectif de ce texte part d’un constat très préoccupant : en 2009, plus de 10 000 internautes ont signalé volontairement, sur le site d’alerte, qu’ils étaient entrés fortuitement en contact avec un site pédopornographique. L’analyse de ces sites montre qu’ils sont pour la plupart hébergés à l’étranger, qu’ils sont très mobiles et donc très dangereux.
La mesure évoquée est, par conséquent, destinée à protéger, et non à limiter, l’accès à Internet.
Je me permets de revenir sur une phrase de Mme Boumediene-Thiery, dont les paroles ont sans doute dépassé la pensée. Vous avez en effet, madame la sénatrice, qualifié ce texte de « liberticide ». Franchement, c’est peut-être y aller un peu fort…
Quoi qu'il en soit, si vous considérez que je suis contre le maintien en liberté des délinquants, alors vous avez effectivement raison !
Mme Alima Boumediene-Thiery. C’est votre interprétation, pas la mienne !
M. Brice Hortefeux, ministre. Je suis convaincu que, au-delà des divergences qu’il peut y avoir entre les uns et les autres, nous partageons tous une même volonté : assurer la sécurité de nos concitoyens en tout point de notre territoire. Entre ceux qui ne font qu’aspirer à cela et ceux qui, en votant des mesures efficaces et concrètes, le permettent, chacun reconnaîtra les siens. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à l’examen de la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par Mmes Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat, Assassi et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n°3.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (n° 215, 2010-2011).
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour la motion.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, je formulerai d’abord, une fois de plus, le regret que le règlement nous contraigne à présenter une motion tendant à opposer la question préalable après la clôture de la discussion générale et la réponse du ministre. Je n’ai pas le pouvoir de modifier le règlement, mais, à force de réitérer cette critique, peut-être obtiendrons-nous un jour satisfaction.
Ce qui justifie cette question préalable, monsieur le ministre, c’est avant tout l’interprétation que nous faisons des résultats de votre politique. Vous vous livrez à une inflation de mesures répressives qui non seulement nous inquiète mais encore nous fait profondément douter du bien-fondé de votre logique.
Monsieur le ministre, vous maniez facilement l’ironie à l’égard des élus dont l’avis est différent du vôtre et vous opposez volontiers les « laxistes » aux « efficaces ». Et ce n’est pas la panoplie de qualificatifs dont vous avez encore usé ce soir qui est de nature à rendre vos propos convaincants.
En tout cas, vous affirmez que vos résultats en matière de délinquance sont bons et que vous continuerez à renforcer vos dispositifs répressifs. Or, dans le même temps, des sénateurs de la majorité nous expliquent que ces mesures se justifient par le fait que la délinquance augmente… Mais vous n’êtes pas à une contradiction près !
Il est, selon vous, nécessaire d’adapter la lutte contre la délinquance aux évolutions des formes de celle-ci. Qui peut nier cette nécessité ? Mais cette affirmation ne nous renseigne en rien sur l’efficacité de votre démarche. Le problème, c’est que, au fil des ans, votre réponse est toujours la même puisque c’était déjà celle de vos prédécesseurs, notamment celui qui est aujourd'hui Président de la République.
Ainsi, depuis 2002, la délinquance a effectivement évolué et pas moins de treize lois spécifiques censées combattre l’insécurité ont été votées, mettant toujours en œuvre la même logique. : « ficher, contrôler, enfermer, stigmatiser ».
Comme le disaient déjà Victor Hugo et d’autres, la peine de mort n’a jamais empêché le crime. Depuis que la peine de mort a été abolie, on a d’ailleurs pu constater que sa disparition n’avait absolument pas conduit à une augmentation du nombre de crimes. Cela mériterait tout de même d’être médité.
Ce qu’on observe en fait ces dernières années, c’est que, malgré le durcissement des sanctions, les violences contre les personnes ont progressé,…
M. Roland Courteau. Exactement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … par une sorte d’effet miroir par rapport à une société toujours plus violente et exclusive, à une réponse politique toujours plus répressive et elle-même exclusive.
Malgré ce résultat, vous refusez tout véritable diagnostic de ces phénomènes, tout bilan des effets des lois qui ont été successivement votées et toute analyse précise du caractère de plus en plus violent des actes de délinquance.
Et vous demandez maintenant à M. Bockel un deuxième rapport sur la prévention. Est-ce pour qu’il vous démontre que vous avez raison de considérer qu’il n’y a pas d’autre réponse que la sanction ? N’aurait-il pas été préférable d’attendre le rapport sur la prévention avant de se lancer dans une nouvelle loi axée sur les sanctions ?
Dès la première lecture, ce projet de loi s’est présenté comme un fourre-tout, constitué de dispositions disparates modifiant plusieurs codes et, pour une part non négligeable d’entre elles, sans lien avec les impératifs de la lutte contre l’insécurité. Or une politique efficace ne peut être menée que si elle s’appuie sur un corpus de mesures cohérentes entre elles, pérennes et fixant des repères, lui donnant force et contenu.
Les seuls repères de ce projet de loi, ce sont la répression accrue, la surveillance et le contrôle social généralisés, ainsi que le transfert aux collectivités locales et au secteur privé d’une mission régalienne.
Avant que les députés n’en débattent, vous avez dit avoir « voulu muscler » le projet de loi initial, en réaffirmant que pour vous, « la première des préventions reste la certitude de la sanction ». Je n’en suis pas convaincue ! Je dirai même que l’augmentation de la délinquance violente atteste que ce n’est pas le cas !
Évidemment, le discours de Grenoble du Président de la République a, en quelque sorte, donné des ailes au contenu du texte. Le chef de l’État partait en « guerre ». Contre quel ennemi ? Les jeunes, les étrangers, les parents… En réalité, les catégories les plus modestes.
Le chef de l’État – garant, de par ses fonctions, du pacte social – a usé des pires amalgames en instillant l’idée d’une configuration sociale et ethno-raciale de la délinquance. Il a insufflé l’idée d’une corrélation entre délinquance et catégories sociales défavorisées, territoires ghettoïsés – ceux d’où viendraient spécifiquement les fauteurs de délinquance –, entre délinquance et origine étrangère, désignant pour la première fois un groupe de population : les Roms. Cette stigmatisation a soulevé l’indignation, mais elle a eu aussi les conséquences que l’on sait, y compris encore tout récemment : dimanche dernier, à Marseille, un groupe de hooligans – ils revendiquent eux-mêmes ce « titre » – a mené une expédition punitive contre un camp de Roms !
Mme Éliane Assassi. Exactement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Avec le discours de Grenoble, le Parlement disposait d’une feuille de route pour le franchissement d’un nouveau palier répressif, dont les modalités ont été présentées dès septembre au Sénat par le biais d’amendements du Gouvernement. La majorité sénatoriale, légèrement réticente au départ, a finalement fait droit à la plupart des desiderata du Gouvernement.
Cela n’a pas suffi : à l’Assemblée nationale, la majorité a encore durci le texte en deuxième lecture, allant jusqu’à remettre en cause le principe de prescription, principe fondamental de notre droit. Je me permets de rappeler que l’imprescriptibilité n’a jamais été retenue que contre les crimes contre l’humanité ; et nous devrions en rester là !
La commission des lois a décidé de refuser, pour l’essentiel, cette nouvelle surenchère. J’en prends acte. Il n’en reste pas moins que ce projet de loi, inefficace en matière de lutte contre l’insécurité et dangereux pour les libertés, n’est pas recevable.
Monsieur le ministre, l’aspiration de nos concitoyens à vivre en sécurité est parfaitement légitime. Sachez-le, je partage l’idée selon laquelle nos concitoyens doivent vivre en sécurité. Cependant, notre groupe considère que la notion de sécurité concerne l’ensemble des aspects de la vie dans la cité, y compris les aspects sociaux, car la sécurité participe du pacte social et du « vivre ensemble ».
Ce n’est, hélas ! pas le sens de votre politique économique, sociale et d’ordre public.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Votre objectif, souvent affiché, de vous attacher l’électorat lepéniste a des effets particulièrement néfastes. Vous légitimez, par votre discours, le discours sécuritaire et anti-immigrés de Le Pen – aujourd’hui, celui de sa fille – et ses solutions simplistes.
En même temps, je constate que le Front national parle beaucoup moins de sécurité et entend se renforcer en défendant des positions pseudo-sociales.
M. Roland Courteau. Exactement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En vous obstinant, vous continuez à jouer avec le feu et à amplifier l’influence du parti de Le Pen.
Vous parlez de coordination de la prévention, de la dissuasion et de la répression.
Concernant la prévention, il faut réintroduire partout la présence humaine, alors que vous vous attachez sans cesse, année après année, à la supprimer. Il faut des éducateurs de rue, il faut des personnels pour la protection judiciaire de la jeunesse, cette PJJ dont le Gouvernement vient, pour la troisième fois, de réduire le budget. Dans les établissements scolaires, il faut des surveillants et des enseignants plutôt que des policiers. Et, là comme ailleurs, aucun portique ou détecteur ne remplacera des personnels formés ! On a entendu dire qu’un instituteur ne pouvait pas remplacer un curé. Eh bien, moi, je peux vous dire qu’un détecteur et un policier ne remplacent pas, dans un lycée, des enseignants et d’autres personnels de l’éducation nationale !
Mme Éliane Assassi. Exactement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut réintroduire du service public et de l’action publique partout, cesser de réduire les subventions aux associations dans les villes et les quartiers et, par conséquent, cesser de sacrifier les budgets des collectivités locales.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La dissuasion recule en proportion des moyens qui sont ou plutôt ne sont pas mis en œuvre avant que ne se produisent les actes délictueux !
Cette logique répressive porte en elle l’abandon de missions régaliennes puisqu’elle va dans le sens d’une police supplétive de rétablissement de l’ordre, servant d’appoint à d’autres polices privées ou semi-privées, qui sont de plus en plus lourdement armées, avec les risques que cela comporte.
Votre politique du chiffre et la multiplication des gardes à vue ont éloigné les policiers des citoyens et tendu les relations entre les uns et les autres. Nos concitoyens doivent pouvoir avoir confiance dans leur police et leur justice. Or, monsieur le ministre, cette justice, vous n’avez de cesse de la rendre responsable de tous les maux et, s’agissant de la police, vous avez apporté votre soutien à des policiers assermentés qui avaient produit de faux témoignages destinés à faire inculper quelqu’un à leur place.
M. Jean-Pierre Sueur. Nous attendons toujours des excuses à ce sujet !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est bon ni pour la justice, ni pour la police, ni, par conséquent, pour la sécurité publique.
La confiance dans la justice relève aussi de l’application de sanctions justes, proportionnées et utiles, qui donnent du sens à la peine. Mais que devient le principe de proportionnalité avec l’application d’une peine plancher aux primo-délinquants, avec l’extension du champ de la période de sûreté ?
Quid du droit à un procès équitable et des droits de la défense avec la visioconférence dans le procès pénal ?
Quid d’une justice équitable quand la grande délinquance, qui se nourrit de la petite, n’est pas visée dans ce texte et que la délinquance financière est, les chiffres l’attestent, de moins en moins sanctionnée ?
Ce texte pose, cela a été dit, de sérieux problèmes au regard des libertés publiques. Vous mettez en balance sécurité et liberté, au nom de l’efficacité. D’abord, ce n’est pas acceptable. Ensuite, les résultats actuels de votre politique ne plaident pas en faveur de son efficacité.
Le projet LOPPSI 2 organise partout le contrôle social et la surveillance, grâce notamment aux technologies nouvelles.
Il renforce la surveillance et la censure sur Internet, alors même que leurs effets en matière de lutte contre la pédophilie ou autres réseaux illicites ne sont pas prouvés. Nous y reviendrons dans la discussion des articles.
Vous généralisez le fichage de la population. En outre, en l’absence de mécanismes de contrôle et de recours assurés, les personnes innocentées demeureront fichées et les erreurs – dont le pourcentage est déjà énorme pour le fichier STIC – ne seront pas rectifiées.
De la même façon, vous étendez considérablement la vidéosurveillance sur la voie publique – que vous l’appeliez « vidéoprotection » n’y change rien ! –, pierre angulaire de l’aide aux collectivités territoriales, ce qui se traduit par une privatisation du visionnage des images. Et vous dépossédez la Commission nationale de l’informatique et des libertés d’une de ses compétences au profit d’une commission placée sous le contrôle de l’exécutif.
Là encore, l’efficacité de la prolifération de la vidéosurveillance n’est pas prouvée. Je parle bien de « prolifération » : je ne conteste pas l’utilité de la vidéosurveillance, par exemple dans le métro parisien, encore que son efficacité sur la poursuite des délinquants ne soit pas toujours évidente ; ce que nous contestons, c’est sa prolifération tous azimuts. En tout cas, cela ne fait aucun doute, elle est très coûteuse et son installation, sa maintenance et sa gestion privée constituent autant de marchés juteux que guignent des sociétés privées de surveillance ! Une fois de plus, on se demande jusqu’où vous voulez aller.
On peut parler également de la surveillance des manifestations. Il ne vous suffit plus de criminaliser l’action syndicale, avec de très nombreux placements en garde à vue de militants syndicaux. La surveillance des manifestations laisse maintenant présager de sérieuses atteintes aux libertés.
Concernant les étrangers, avec le projet de loi relatif à l’immigration qu’avait préparé M. Éric Besson et que vous allez bientôt défendre devant nous, les étrangers sont montrés comme des fauteurs de troubles. Il est évident que les étrangers et les autres citoyens, au sens de « habitants de la Cité », ne sont pas égaux devant la loi.
Mme Éliane Assassi. Exactement !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La double peine revient par la bande puisque la Cour d’assises est invitée à se prononcer sur cette peine complémentaire. On est bien loin des déclarations du ministre de l’intérieur Nicolas Sarkozy, qui estimait en 2003 qu’il n’y avait pas besoin de la double peine pour lutter contre l’insécurité.
Qu’en sera-t-il aussi des droits des personnes retenues avec des audiences de prolongation de la rétention sur le lieu même de cette rétention...
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C’est l’autre texte, pas celui d’aujourd’hui !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ... ou avec la visioconférence, fût-elle assortie de l’accord de l’intéressé, ou encore le bracelet électronique sans condamnation ?
Vous donnez aussi le ton de ce que vous avez en tête pour la modification de la justice des mineurs en instaurant pour ceux de treize ans un couvre-feu qui, depuis des années, est souhaité par certains élus.
Le terme même de « couvre-feu », avec sa connotation guerrière, suggère que les villes sont remplies la nuit de jeunes errants dangereux, agissant dans un sentiment d’impunité…
M. le président. Veuillez conclure !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’ai le temps, vous savez !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non, votre temps de parole est terminé !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Oui, c’est fini !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle terrible et désespérante vision de la jeunesse !
Vous instaurez aussi à l’égard des mineurs ce qui ressemble fort à une comparution immédiate, interdite aujourd’hui en matière de justice des mineurs.
Avant de terminer,...
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Ah !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ... je signale une autre disposition emblématique : l’expulsion et la pénalisation des occupants d’habitats hors normes sur des terrains publics ou privés.
Encore une fois, vous stigmatisez des populations, des pauvres, et plus particulièrement les Roms.
Quand le président Sarkozy parle au peuple de la situation, il dit des choses simples : il y a, d’un côté, les étrangers et les Français gentils et, de l’autre, les mauvais. Il est vrai qu’il avait fait campagne sur l’idée de deux France, celle qui travaille et celle qui ne fait rien, c’est-à-dire les chômeurs. Aujourd’hui, le nombre de travailleurs devenus chômeurs l’empêche de faire cette distinction.
En revanche, la division est toujours votre objectif. Vous attisez les haines et la peur, ce qui pousse à l’autodéfense, au développement des polices privées et, en fin de compte, à l’accroissement de l’insécurité,...
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. ... alors que tous les éléments nécessaires à une politique solidaire sont en panne.
Mes chers collègues, je vous incite à voter cette question préalable, car, avant tout nouveau texte, il nous faut débattre sur ce thème : qu’en est-il réellement de la délinquance, de ses causes, des multiples facteurs de sa hausse ou, au contraire, de sa diminution, celle que vous prétendez constater, mais que nous ne voyons jamais ? C’est seulement après un tel débat que nous pourrons discuter sereinement d’un texte sur la sécurité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Monsieur le président, les auteurs de la motion appuient leur demande d’adoption de la question préalable sur le caractère à leurs yeux composite du texte et sur les atteintes qu’il porterait aux libertés publiques.
Sur le premier point, il convient de noter que le champ couvert par le projet de loi rend compte de la diversité des formes de délinquance, de leur évolution récente et de la nécessité d’agir sur tous les leviers disponibles pour assurer la protection et la sécurité des Français. À cet égard, l’étendue du champ du texte est le signe de son efficacité.
S’agissant de l’atteinte qui serait portée aux libertés publiques, il convient de rappeler, comme l’a fait le Conseil constitutionnel, que la recherche des auteurs d’infraction est nécessaire à la sauvegarde des principes et droits de valeur constitutionnelle.
Il appartient au législateur d’assurer la conciliation entre cet objectif de valeur constitutionnelle et l’exercice des libertés publiques constitutionnellement garanties. La commission des lois s’y est employée en renforçant, lorsque cela lui est apparu nécessaire, les garanties prévues par le texte s’agissant des libertés individuelles et en veillant à ce que les restrictions apportées par le texte à l’exercice de ces libertés soient strictement limitées à ce qui est nécessaire pour assurer la sauvegarde de l’ordre public. Tel est notamment le cas des dispositions concernant la vidéoprotection ou le maintien des prérogatives de l’autorité judiciaire.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, la commission des lois demande le rejet de cette motion, et elle est d’autant plus fondée à le faire que, en vertu de la réforme constitutionnelle, c’est son texte qui vous est soumis.