M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. J’ajoute simplement, pour que ce soit parfaitement clair, monsieur le sénateur, que le Gouvernement agit.
En effet, le premier dispositif, adopté et appliqué dès 2009, et qui reposait sur l’autorégulation, ne s’est pas révélé satisfaisant. Nous avons donc chargé un organisme indépendant de mener un audit sur cette question. À la lumière des conclusions qu’il rendra, nous déciderons s’il convient ou non de légiférer en la matière. La réponse apportée est donc conforme à ce que vous appelez de vos vœux, monsieur le sénateur, à savoir un dispositif qui s’impose à tous, et notamment au secteur bancaire.
transférabilité des contrats d'assurance sur la vie
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la question n° 1096, adressée à Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Hervé Maurey. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, comme vous le savez, l’assurance vie est le produit d’épargne préféré des Françaises et des Français, en raison notamment de sa sécurité et des avantages fiscaux qui y sont associés.
À plusieurs reprises, le Sénat a marqué son intérêt et son attachement à l’assurance vie et à la protection des bénéficiaires des contrats en étant à l’origine de textes destinés à favoriser leur recherche. Ainsi, en avril dernier, avons-nous voté à l’unanimité une proposition de loi que j’avais eu l’honneur de proposer à la Haute Assemblée.
Avec un encours de plus de 1 200 milliards d’euros en juillet 2010, l’assurance vie confirme un succès qui ne se dément pas depuis plus de vingt ans, malgré l’augmentation régulière de la fiscalité à laquelle elle est assujettie. Aujourd’hui, les prélèvements sociaux, qui seront désormais prélevés annuellement en application de la loi de finances pour 2011, s’élèvent à 12,3 %.
À ce prélèvement s’ajoute une imposition dont le barème varie en fonction de la durée du contrat : 35 % pour les contrats détenus depuis moins de quatre ans, 15 % pour ceux dont la durée est de quatre à huit ans, et 7,5 % pour ceux dont la durée est supérieure à huit ans. Cette dégressivité a pour objectif d’assurer une stabilité permettant de favoriser l’épargne à long terme dont notre économie a besoin.
Cette règle, malgré son caractère strict, est comprise et admise par tous.
En revanche, une autre règle est beaucoup moins bien acceptée : c’est celle qui empêche un souscripteur de transférer un contrat en cours d’une compagnie à une autre, sans perdre le bénéfice de l’antériorité.
Aujourd’hui, pour transférer son contrat, un souscripteur est obligé de le racheter et d’en souscrire un nouveau, perdant ainsi les avantages fiscaux attachés à l’antériorité dont il bénéficiait.
Cette contrainte constitue un verrou en matière de concurrence et de liberté du consommateur, dans un secteur marqué par d’importants regroupements. Une telle situation diffère de celle qui prévaut dans la plupart des cas, et notamment pour d’autres placements d’épargne populaire tels que le livret A.
Dans un rapport adopté en juin 2009, le Conseil économique, social et environnemental, tout en plaidant pour une stabilisation de la réglementation, suggère également que soit offerte la possibilité de « transférer un contrat d’assurance vie d’un opérateur à un autre sans frais excessifs et sans pénalisation fiscale dès lors que le contrat demeure ouvert ».
Ayant écrit à ce sujet à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi le 16 juin 2010 et n’ayant toujours pas obtenu de réponse malgré plusieurs relances, je me permets de vous interroger, monsieur le secrétaire d’État : le Gouvernement entend-il, sur la base des préconisations du Conseil économique, social et environnemental, assouplir une règle qui me semble aujourd’hui très restrictive ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Monsieur le sénateur, vous l’avez dit, il s’agit d’un sujet que vous connaissez bien.
Vous interrogez Mme la ministre sur l’opportunité d’autoriser le transfert individuel de contrats d’assurance vie entre compagnies d’assurance. Or Mme Lagarde est assez réservée s’agissant de l’opportunité de ce type de transferts, et ce pour plusieurs raisons.
Le régime de l’assurance vie est lié, dans notre pays, à la nécessité de favoriser l’épargne sur le long terme. Vous avez également rappelé ce point, qui constitue d’ailleurs l’argument principal sur lequel s’articulera ma réponse. Depuis sa création, ce dispositif a eu pour objet la constitution d’une telle épargne, qui est nécessaire à notre économie. Or la transférabilité induirait un certain nombre d’effets pervers.
Premièrement, elle remettrait en cause – vous avez certainement en tête une telle perspective – le financement de nos entreprises, lié à l’existence d’une épargne sur le long terme. Il s’agit d’un enjeu majeur de politique économique. La détention d’une épargne sur le moyen terme est justement ce à quoi incite le dispositif depuis qu’il a été créé.
De fait, on observe que, en raison notamment du régime fiscal associé à l’assurance vie, la maturité moyenne des contrats est d’environ neuf ans. Cette durée permet à l’assureur d’adopter un horizon de gestion de moyen terme et d’investir dans des actifs à long terme, comme la dette et des actions d’entreprises. Ainsi, fin 2009, 53 % des actifs des assureurs étaient investis dans des actifs d’entreprises, qu’il s’agisse de dette ou d’actions.
Si, d’aventure, le transfert individuel de contrats d’assurance vie était autorisé, l’assureur serait dans l’obligation de réduire son horizon de gestion et de détenir des actifs plus liquides, principalement de la dette souveraine, ce qui n’est pas dans l’intérêt de notre économie ni, surtout, de nos PME.
Deuxièmement, le régime fiscal dont bénéficie l’assurance vie a historiquement été introduit pour inciter à la détention d’actifs sur le long terme. Cet aspect n’est pas sans importance. En effet, si l’incitation à la détention de tels actifs ne constituait plus la priorité du dispositif, le bien-fondé du régime fiscal de l’assurance vie risquerait alors d’être remis en cause, ce que ni le Gouvernement ni vous-même, monsieur le sénateur, ne souhaitent.
Troisièmement, la détention d’actifs sur le long terme est normalement source de rendements pour l’épargnant. Vous l’avez vous-même souligné, monsieur le sénateur, ce produit est souvent le préféré des Français. Le transfert individuel de contrats d’assurance vie ayant pour effet de raccourcir l’horizon de gestion des assureurs, les rendements risqueraient de diminuer, ce qui rendrait moins attractif pour les assurés ce type de produits.
Monsieur le sénateur, je connais parfaitement votre engagement – nous le partageons d’ailleurs – dans la défense des consommateurs. Je connais en outre votre attachement au régime de l’assurance vie.
Vous avez plaidé en faveur de la possibilité de rachat d’un contrat, l’épargnant pouvant alors réinvestir son épargne dans un autre contrat. Or rien n’empêche l’épargnant qui ne serait pas satisfait d’un premier contrat d’en souscrire un second ! Ce point est loin d’être négligeable. En effet, il avait été question, à une certaine époque, de « verrouiller » le nombre de contrats d’assurance vie, en le limitant à un seul.
Tels sont les éléments de réflexion que je souhaitais porter à votre connaissance, monsieur le sénateur. Vous l’avez compris, il s’agit non pas d’une opposition de principe, mais plutôt d’une inquiétude très forte liée à la remise en cause du régime lui-même, mais surtout de tous les avantages que ce dernier procure tant à l’assuré qu’aux PME de notre pays. Or une telle perspective, j’en suis convaincu, ne correspond bien évidemment pas à ce que vous souhaitez.
M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.
M. Hervé Maurey. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de m’avoir enfin apporté une réponse. Je comprends parfaitement les arguments que vous venez d’évoquer et qui sont d’ailleurs ceux qui sont utilisés par les établissements financiers concernés, qu’il s’agisse des banques ou des compagnies d’assurance.
Je tiens toutefois à faire remarquer que le transfert, lequel, par définition, ne remet pas en cause l’existence du contrat, ne nuit pas aux investissements sur le long terme. Ne perdons pas de vue cette donnée !
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, il convient également de considérer le point de vue des consommateurs, auquel je vous sais très attaché.
Sans doute ce sujet mériterait-il de réunir une table ronde, qui associerait tous les organismes de défense des consommateurs. En effet, derrière cette question se pose également le problème de la mobilité bancaire. Très souvent, face à l’impossibilité de transférer son contrat d’assurance vie, le consommateur renonce à quitter son établissement bancaire, d’autant plus qu’il se trouverait alors confronté aux pénalités évoquées tout à l’heure par notre collègue.
Ces questions doivent donc être examinées, afin de mieux prendre en compte le point de vue du consommateur.
nécessité de la mise en place d'une véritable unité d'aérostructures
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, auteur de la question n° 1077, adressée à M. le ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, cette question était initialement destinée à M. Estrosi. Toutefois, les aléas de la vie parlementaire et gouvernementale me conduisent aujourd’hui à l’adresser à M. Frédéric Lefebvre, qui représente ce matin M. Besson, successeur de M. Estrosi.
Voilà quelques mois, M. Estrosi avait annoncé la mise en place des comités stratégiques de filières industrielles.
Cette mise en place appelle plusieurs réflexions de ma part, étant précisé au préalable que M. Besson, j’imagine, s’inscrit dans la démarche engagée par son prédécesseur, M. Estrosi.
Je crois très fortement en la nécessité de structurer rapidement l’industrie française autour de véritables filières, notamment dans le secteur aéronautique, dont vous savez tous que 80 % de l’activité se situe dans la région Midi-Pyrénées. À travers la mise en place d’une filière aéronautique, apparaîtrait l’opportunité de « muscler » le secteur de la sous-traitance en favorisant le développement de clusters qui, pour leur part, pourraient favoriser l’intégration de la recherche et de l’industrie.
C’est donc avec satisfaction que j’ai pris note de la décision du ministre de l’époque de mettre en place un comité stratégique de la filière aéronautique. Pour des raisons évidentes, je déplore toutefois le fait que ce comité ne soit pas symboliquement basé à Toulouse. Vous savez du reste que Toulouse recevra jeudi prochain, sur le site d’EADS, la visite du Président de la République. Cette visite soulignera une double évidence : d’une part, la place occupée par Toulouse dans le secteur aéronautique ; d’autre part, la place de l’aéronautique dans le tissu industriel national. Peut-être des annonces seront-elles faites à cette occasion.
J’espère cependant que, passé l’effet d’annonce de la création de ce comité stratégique, cette structure sera à moyen terme véritablement opérationnelle et efficace. Je le crois d’autant plus que les travaux actuellement menés par la mission commune d’information sur la désindustrialisation des territoires, à laquelle j’appartiens, confortent largement ce point de vue.
Dans un autre registre, mais sans trop m’éloigner du cœur du sujet, je voudrais souligner qu’il est indispensable de favoriser, dans le périmètre d’EADS et au-delà, l’émergence d’un puissant acteur français dans le domaine des aérostructures. Il est évident que Sogerma, Daher-Socata et, surtout, Latécoère représentent des entités pouvant concourir à l’émergence d’un tel acteur, déjà concurrencé par certaines initiatives allemandes ou américaines.
En ce sens, la presse a évoqué voilà quelque temps l’éventualité pour la société américaine Spirit – cette société, appendice de la firme Boeing, est déjà implantée sur le sol français et est spécialisée dans les éléments composites – d’acquérir la société Latécoère basée à Toulouse et dans une commune du Gers proche de cette dernière ville. Une telle opération, si elle se réalisait, réduirait pratiquement à néant les chances de voir émerger un ensemble industriel national d’aérostructures, qui pourrait bénéficier du concours du Fonds stratégique d’investissement, le FSI. Il existe donc un véritable enjeu sur le plan de la stratégie industrielle, enjeu qui justifie un affichage politique auprès de tous les acteurs concernés, et ce dans un délai relativement rapide. Lorsque j’évoque l’affichage politique et la stratégie industrielle, vous pensez bien, monsieur le secrétaire d’État, que j’interpelle l’État.
J’espère que vos éléments de réponse me permettront de rassurer tous ceux qui, dans la région Midi-Pyrénées et au-delà, sont préoccupés par cette situation. En effet, le Gouvernement ne peut rester indifférent et muet face à cette question, et a donc le devoir, à travers les compétences du ministère de l’économie, des finances et de l’industrie, de parler et surtout d’agir.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé du commerce, de l'artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services, des professions libérales et de la consommation. Monsieur Mirassou, vous avez parfaitement rappelé que Christian Estrosi avait annoncé, dans le cadre des états généraux de l’industrie, un certain nombre de mesures destinées à renforcer la compétitivité et la solidité des entreprises. Le Président de la République s’est d’ailleurs lui-même engagé dans cette voie à plusieurs reprises, et notamment à l’occasion de ces états généraux de l’industrie.
Parmi les mesures prévues figure la structuration en filières de l’industrie française. Les objectifs fixés à l’époque restent évidemment ceux du Gouvernement. Aujourd’hui, comme hier, ces enjeux constituent une priorité.
Vous avez cité un certain nombre d’entreprises, et je n’y reviendrai pas. Au regard du nombre d’emplois concernés, de l’innovation dans ce secteur et du caractère structurant pour le tissu industriel de cette activité, l’aéronautique figure parmi les onze filières stratégiques identifiées lors des états généraux de l’industrie. C’est une bonne nouvelle pour Toulouse.
Lors de l’installation du comité stratégique de la filière aéronautique, le 16 septembre 2010, plusieurs chantiers prioritaires ont été identifiés, dont celui de la supply chain, comme disent les Anglo-Saxons. Il s’agit, dans le cadre de la filière aéronautique, des aérostructures, que vous avez parfaitement présentées tout à l’heure. Ce secteur des aérostructures emploie directement 9 000 salariés en France, auxquels s’ajoutent de 10 000 à 20 000 emplois dans la sous-traitance. Aerolia, Latécoère, Sogerma et Daher-Socata, que vous avez cités, sont les acteurs principaux de ce secteur.
Il s’agit là d’un secteur performant qui, comme vous l’avez dit, est cependant fragmenté.
Il existe donc un enjeu stratégique majeur à faire émerger un grand champion de taille mondiale dans le secteur des aérostructures, et le Gouvernement est décidé à « être au rendez-vous ». Chacune des entreprises françaises que vous et moi avons citées – Aérolia, Latécoère, Sogerma, Daher-Socata – peut être en mesure d’assumer un rôle fédérateur dans le secteur des aérostructures, à condition qu’elle en ait la volonté stratégique et les capacités financières.
L’État n’a pas vocation à dicter aux entreprises leur stratégie. En revanche, il a mis en place des outils, tel le Fonds stratégique d’investissement, ou FSI, aptes à accompagner des opérations ambitieuses de création de valeur industrielle nationale.
Dans le respect des règles de gouvernance de ces dispositifs, le Gouvernement sera attentif à leur mobilisation pour accompagner la concentration du secteur, dès lors que les industriels auront élaboré un projet ambitieux concordant avec les enjeux nationaux de développement industriel.
Dès lors que ce projet ambitieux sera « sur la table », le Gouvernement aura pour priorité d’être aux côtés de cet acteur que nous souhaitons voir émerger en France. Le FSI est également dans l’attente de ce projet que les entreprises doivent définir.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
M. Jean-Jacques Mirassou. Monsieur le secrétaire d’État, je partage les bonnes intentions que vous avez affichées, même si j’attends leur concrétisation par des actes.
Il y a toutefois un point de divergence entre votre diagnostic et le mien. Je suis en effet convaincu du fait que, dès que l’on évoque la stratégie industrielle, l’État a alors toute légitimité pour intervenir, voire pour interférer, dans les choix faits par les industries concernées.
Cela est tellement vrai que, dans d’autres pays concurrents de la France – je pense notamment à nos amis allemands –, les gouvernements, faisant preuve de moins de scrupules, interviennent de manière très importante dans ce type de situation ; un membre du Gouvernement est d’ailleurs généralement chargé de la problématique aéronautique. Je ne peux pour ma part que vous souhaitez d’être un jour chargé de ce dossier, monsieur le secrétaire d’État, car il est éminemment important en termes non seulement de stratégie industrielle, qui engage l’ensemble de la nation, mais également d’emploi et de recherche et développement.
Par conséquent, dès l’instant que des comités stratégiques consacrés à ces filières sont créés, il ne faut pas rester au milieu du gué : il faut « pousser les feux » pour que le Gouvernement joue pleinement son rôle. Sinon, les industriels que vous avez cités pourraient être tentés de « jouer petits bras » et préférer, en l’absence d’une volonté politique affirmée à l’échelon gouvernemental, ne pas se lancer dans un effort d’une telle ampleur.
Il faut donner aux énergies existantes la possibilité de tirer le maximum de leur potentiel et confirmer par des actes la volonté politique que vous avez affichée à l’instant, monsieur le secrétaire d’État.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Frédéric Lefebvre, secrétaire d'État. Monsieur Mirassou, mon collègue Éric Besson, en charge de ces dossiers, est particulièrement déterminé à ce que, dès lors que les entreprises se mobiliseront, des mesures soient prises. La balle est dans le camp des entreprises. Il ne s’agit pas d’avoir des scrupules ou de ne pas faire comme nos amis allemands. Au contraire ! Il n’est toutefois pas possible de définir la stratégie des entreprises à leur place.
Une fois qu’une stratégie et un projet ambitieux seront sur la table, l’État sera aux côtés du secteur des aérostructures.
M. Jean-Jacques Mirassou. Il pourrait d’ores et déjà le stimuler !
suppression de quarante-trois postes RASED
M. le président. La parole est à M. Robert Hue, auteur de la question n° 1138, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.
M. Robert Hue. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, vous me permettrez d’évoquer la situation et l’avenir des réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED, à partir de la réalité de mon département, sachant que la situation du Val-d’Oise est, à bien des égards, représentative de la réalité nationale.
Cette situation renforce, s’il en était besoin, l’extrême inquiétude qui traverse aujourd’hui les communautés scolaires face au désengagement de l’État dans leur domaine. Toutefois, le fait de s’en prendre aux RASED, dispositif performant, est pour moi révélateur de la volonté régressive des initiateurs de cette démarche.
Le fait d’avoir supprimé depuis trois ans des dizaines de milliers d’emplois d’enseignement et d’accueil n’est pas sans conséquences sur la qualité de notre service public de l’éducation nationale. De surcroît, ces réductions massives de capacités humaines sont décidées au moment où les effectifs scolaires sont, quant à eux, en hausse, notamment dans le premier degré.
Les chiffres sont là. Ils sont divulgués de la manière la plus officielle qui soit par le préfet présidant le conseil départemental de l’éducation nationale. Le Val-d’Oise comptera, en 2011, 1 408 élèves supplémentaires, évolution renforçant la tendance des précédentes années. Or ce chiffre se heurte à une baisse du nombre d’emplois, qui passe de 7 113 emplois en 2008 à 7 000 emplois aujourd’hui, du fait notamment de la non-affectation, l’an prochain, de 78 nouveaux postes.
De fait, nous ne sommes pas confrontés à une volonté de faire des économies, mais nous subissons le « dogme » de la suppression d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite. Cette politique a des conséquences directes sur les dispositifs de lutte contre l’échec scolaire, aujourd’hui sacrifiés.
La « preuve par le Val-d’Oise » est criante. En effet, le rectorat confirme non seulement la suppression budgétaire des 43 postes dédiés au dispositif RASED, mais prévoit également, au travers de nouveaux glissements d’emplois, la suppression supplémentaire de 11 postes affectés au dispositif RASED.
Par conséquent, l’annonce de la non-budgétisation de 54 postes affectés au dispositif RASED, sur les 78 postes non-affectés que j’ai évoqués, démontre que sont principalement visés les postes d’enseignant dédiés au travail spécifique en direction des élèves les plus en difficulté.
Du fait de l’action du Gouvernement, madame la secrétaire d’État, nous passons de la discrimination positive au nivellement par le bas.
Au moment où l’on prétend faire de l’illettrisme une cause nationale, ces décisions, si elles étaient confirmées – j’attends votre réponse à cet égard –, seraient intolérables. Elles annonceraient en effet la mise à mort d’un dispositif vanté par l’ensemble de la communauté scolaire. Nous ne pouvons oublier que ces choix auront des conséquences particulièrement douloureuses pour les familles et les élèves ayant le plus besoin d’une école susceptible de répondre aux inégalités sociales et scolaires.
Je souhaite donc une réponse précise de votre part, madame la secrétaire d’État, quant à l’annonce de ces 54 suppressions de postes dédiés au dispositif RASED.
En apportant votre réponse, vous ne pourrez oublier que cette question précise sur l’avenir des RASED est posée alors qu’un sentiment de colère et d’incompréhension émerge face aux dysfonctionnements récurrents émaillant la vie quotidienne des groupes scolaires.
Il ne peut en être autrement quand, dans un département comme le mien, 150 classes sont quotidiennement privées d’enseignant.
M. Daniel Reiner. On trouve les mêmes problèmes dans d’autres départements !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de M. Luc Chatel.
Monsieur le sénateur, la réforme de l’enseignement primaire a permis de recentrer les actions de l’école sur les apprentissages fondamentaux.
Chaque élève en difficulté – c’est l’ambition qui est au cœur de cette réforme – doit recevoir une réponse adaptée à sa situation, grâce d’une part à l’institution d’une aide personnalisée de deux heures hebdomadaires en petit groupe, assurée par les enseignants et, d’une part, à des stages de remise à niveau gratuits proposés aux élèves de CM1 et de CM2, pendant les vacances scolaires, à raison de trois heures par jour pendant une semaine.
M. Daniel Reiner. Gadget !
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État. Désormais, les enseignants ont la possibilité, en prolongement de la classe, de traiter eux-mêmes les difficultés d’apprentissage de leurs élèves. Il ne s’agit pas d’une régression (Protestations sur les travées du groupe socialiste.), bien au contraire !
Ces deux heures d’aide personnalisée représentent au total soixante heures annuelles consacrées par chaque maître à des actions directes auprès des élèves en difficulté. Cet effort représente l’équivalent de 16 000 postes d’enseignants.
Avec cette évolution, nous avons fait le choix de réinvestir l’action des maîtres spécialisés du RASED sur les plus graves difficultés d’apprentissage des élèves. C’est là que la compétence spécialisée de ces maîtres trouve réellement à s’employer avec efficience.
Le ministère de l’éducation nationale vise donc non pas la disparition du dispositif RASED, mais sa mise en cohérence avec la réforme de l’école primaire et avec les moyens nouveaux dont elle dispose pour lutter contre l’échec scolaire.
M. Daniel Reiner. Des mots !
Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, j’en viens à la situation particulière que connaît votre département, le Val-d’Oise.
Dans ce département, au cours de l’année scolaire 2009-2010, pas moins de 33 000 élèves ont bénéficié du dispositif d’aide personnalisée de deux heures hebdomadaires, soit 25,5 % des effectifs. Peut-on dès lors parler d’une régression ?
Pour cette année scolaire, votre département a obtenu une dotation supplémentaire de 52 équivalents temps plein, ou ETP.
En ce qui concerne les RASED, il est vrai que les inspecteurs d’académie ont été invités, dans le cadre de la préparation de la rentrée de 2011, à dresser un état précis des besoins et à en tirer les conséquences en termes d’organisation.
Dans le Val-d’Oise, cette analyse a amené à réduire le nombre de postes de RASED pour le fixer à 207 ETP. La diminution de 43 ETP que vous évoquez correspond à une situation antérieure de « surnuméraires ». Elle n’aura donc absolument aucune incidence sur les personnels titulaires, d’autant que le Val-d’Oise compte aujourd’hui 52 postes de RASED vacants.
Comme vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, nous n’abandonnons pas les élèves en situation de difficulté scolaire, loin s’en faut. Nous leur apportons une réponse précise, de proximité, assurée par les enseignants, c’est-à-dire par ceux qui connaissent le mieux les élèves. Nous n’abandonnons pas non plus les RASED : nous leur donnons une fonction précise en adéquation complète avec leur mission.
Notre ambition pour l’école est d’aider chaque élève selon ses besoins, afin de lui permettre de construire sa réussite.