M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs, nous sommes réunis ce soir sur l’initiative du groupe socialiste afin de débattre du projet de défense anti-missile de l’OTAN.
Malheureusement, ce débat se tient alors même que les décisions ont déjà été prises, au sommet de Lisbonne, voilà trois semaines, sommet qui a permis l’adoption du nouveau concept stratégique de l’Alliance et l’officialisation du ralliement de la France au projet de bouclier anti-missile. D’une certaine façon, le présent débat a été, voilà trois semaines, la première victime du remaniement ; il se déroule aujourd'hui alors que les dés sont jetés. Je ne puis que le déplorer à mon tour.
Le ralliement de la France au projet de bouclier anti-missile est pour le moins surprenant, monsieur le ministre, si l’on prend en compte les déclarations faites par votre prédécesseur, M. Hervé Morin, le 12 octobre dernier : « La défense anti-missile ne me semble un projet judicieux que pour les pays qui consacrent un effort important à la défense et possèdent une certaine capacité de résilience. En Europe, je crains qu’un tel dispositif ne soit conçu comme une ligne Maginot… »
Ces propos complétaient admirablement ceux qu’il avait tenus le 27 avril 2010, quand il affirmait que « la défense anti-missile, pour séduisante qu’elle paraisse à l’opinion publique, n’en constitue pas moins une erreur ».
Que penser des propos de M. Hervé Morin ? S’agit-il d’un avis trop personnel, d’un dérapage isolé ? Évidemment non : cette opinion était, et reste, largement partagée, à gauche bien sûr, mais aussi à droite.
N’avez-vous pas vous-même, monsieur le ministre, mis en doute la pertinence d’un retour de la France au sein du commandement intégré de l’OTAN ? Je rappelle par ailleurs que vous avez cosigné avec Michel Rocard une tribune dans le quotidien Libération, dans laquelle vous appeliez à un « désarmement nucléaire mondial ». Nous sommes nombreux à y avoir alors accordé du crédit et à y avoir vu des traces de la vérité d’un homme, de la vérité d’une nation aussi, tant cette tribune amplifiait un certain nombre d’idées qui circulaient depuis le discours de Barack Obama à Prague.
Bien sûr, certains ont considéré que ce discours était purement tactique, qu’il était adapté à sa cible et qu’il ne fallait pas le prendre au sérieux. D’autres, et j’en étais, ont pensé qu’il fallait prendre au mot le président américain.
Dans ces conditions, comment ne pas comprendre notre étonnement devant ce changement de pied brutal, cette volte-face abrupte du Gouvernement, entérinant une décision de principe qui n’a été discutée nulle part, ni dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale ni dans la loi de programmation militaire, et encore moins dans le cadre des institutions parlementaires ?
La décision étant prise, il est sans doute moins utile d’en débattre. Il me paraît en revanche nécessaire de revenir sur cette curieuse gymnastique qui conduit des parlementaires s’étant battus, parfois pendant des décennies, pour défendre l’idée de souveraineté nationale et contre l’idée même d’un retour de la France au sein du commandement militaire de l’Alliance, à se contorsionner pour expliquer, avec des accents de sincérité, qu’ils ont changé d’avis, qu’ils ont été mal compris et que c’est maintenant qu’il faut les écouter !
On a le droit d’en sourire ; nous l’avons fait au moment du retour au sein du commandement intégré de l’Alliance. Faut-il aller au-delà et dénoncer l’absence de sincérité de certains intervenants, qui auraient réaffirmé avec la même bonne foi et la même apparence de sincérité l’autonomie stratégique et la souveraineté sans réserve de la France ?
Notre pays souhaiterait donc s’engager sur la voie d’une politique de défense anti-missile à travers la mise en place d’un bouclier de défense du territoire, conçu pour être complémentaire, nous dit-on, de la dissuasion nucléaire.
J’ai eu l’occasion de dire, lors du débat budgétaire, que cette approche me paraît contradictoire avec la définition même de la dissuasion et que l’affirmation d’une complémentarité semble même miner les fondements de la dissuasion.
Il est en tout cas intéressant de noter que cette posture est le complet contre-pied de celle qui était défendue auparavant, quand la défense anti-missile était présentée comme incompatible avec la dissuasion. Il faut également prendre acte du fait que l’OTAN se réaffirme comme une alliance nucléaire.
Certains d’entre vous objecteront que la mise en place d’un bouclier de défense anti-missile pourrait contribuer au désarmement. Je pense qu’il n’en est rien. Face à ce bouclier, grande sera en effet la tentation, pour les États non protégés, de se lancer dans une course aux armements, et, pour les États proliférants, d’améliorer leurs armes en conséquence. En définitive, la militarisation de l’espace est à redouter.
La question la plus importante ici est celle de l’efficacité et de l’utilité d’une telle défense anti-missile.
Un bouclier infranchissable est bien sûr une utopie, et ce malgré les 200 milliards de dollars investis par les États-Unis ces quarante dernières années, dont 80 milliards depuis 2002. Ce bouclier n’offrirait qu’une protection partielle, non hermétique. Contre quoi, contre qui ? La menace est limitée à quelques dizaines de missiles peu évolués et d’une portée inférieure à 3 000 kilomètres, basés dans des pays proliférants tels l’Iran, la Corée du Nord, la Syrie, le Soudan, la Lybie.
Parmi ces pays, dont on voit mal pourquoi ils s’en prendraient à l’Europe, seul l’Iran, délicatement pointé du doigt par le Président de la République à Lisbonne, possède les moyens de représenter, à terme, une certaine menace. Or, il ne semble pas avoir les capacités de développer seul les segments technologiques nécessaires à la mise en orbite d’un satellite géostationnaire. Nous sommes donc face à un adversaire quasiment virtuel, peu enclin, semble-t-il, à se manifester par ce biais.
Les États-Unis, eu égard à leur avance technologique et aux moyens alloués à leur secteur de la défense, bénéficient de facto d'un poids démesuré. Cela amène à s’interroger sur la place des autres pays, notamment européens, dans une feuille de route déjà prête et qui ne leur laissera qu'une influence minime dans la prise de décision. Ils seront sans doute invités à financer un programme qui profitera presque totalement aux industriels américains, peu enclins à partager leurs technologies les plus sensibles, et ignorera les priorités européennes en termes de menaces. Le danger de suprématie américaine est donc manifeste.
À cela s'ajoute un véritable problème démocratique : la prise de décision devant se faire en quelques minutes, on voit mal comment la concilier avec les procédures de l'OTAN ou comment respecter un temps de décision relevant du politique.
Quelle serait la part d'autonomie nationale dans le cadre d'une défense anti-missile otanienne ? Voilà une question qui a traversé la plupart des interventions ce soir, qu’elle soit formulée de manière explicite par ceux qui sont hostiles à une quasi-tutelle américaine ou de façon plus prudente et plus subliminale par ceux qui font mine aujourd’hui de défendre ou de comprendre la décision du Président de la République.
Enfin, les aspects financiers du projet ne sont évidemment pas à négliger. Celui-ci aurait un coût exorbitant pour le contribuable, au détriment de la coopération civile et militaire ou des équipements. Votre prédécesseur, M. Hervé Morin, rappelait à juste titre qu' « avant d'investir dans un système anti-missile, il faudrait s'assurer que nous disposons des équipements de base ». La contribution de la France à l'OTAN, suite à son intégration au commandement militaire intégré, va déjà passer de 140 millions d’euros à 240 millions d'euros. Où donc aller chercher les 100 millions d’euros supplémentaires ? Cet effort ne pourra être consenti qu’au détriment des équipements militaires, entraînant l'abandon ou la remise en question du développement de certains projets. Pour l'Alliance même, investir dans la défense anti-missile hypothéquerait sans doute ses autres capacités.
L'Europe a-t-elle vraiment intérêt à ce que la défense de son territoire passe par l’OTAN ? Un tel bouclier anti-missile ne servirait-il pas uniquement les intérêts américains ? N’est-il pas temps de développer enfin une réelle politique européenne de défense permettant aux pays de l'est de l'Europe de s’affranchir progressivement de la tutelle américaine, sans craindre une éventuelle volonté expansionniste de leur grand voisin ?
Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames, messieurs, ce débat arrive beaucoup trop tard et ne sera pas suivi d'un vote, mais j’aurais bien évidemment voté contre s’il y en avait eu un : contre un projet inutile et dispendieux, qui ne fait que repousser, une fois de plus, la mise en place d'une unité européenne en matière de défense. Je ne vois pas en une telle unité un simple instrument technique, mais aussi un projet politique, complémentaire des efforts déployés pour construire l’Europe solidaire et unie que nous sommes nombreux à attendre sur ce continent. Je regrette de devoir constater que, une nouvelle fois, il faudra s’en passer. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. André Vantomme.
M. André Vantomme. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, nous aurions aimé pouvoir aborder ces sujets avant que la France ne se soit engagée dans cette nouvelle voie, bien balisée par l’OTAN et somme toute très contraignante pour l'organisation de notre défense, de la sécurité de nos populations et de nos territoires.
Monsieur le président de la commission, nous vous reconnaissons le mérite d’avoir fait vivre ce débat au sein de la commission. Vous n’avez pas réussi à obtenir qu’il se tienne en séance plénière, c’est pourquoi le groupe socialiste a souhaité l’inscrire à son ordre du jour réservé. Par conséquent, ne soyez pas trop sévère avec notre collègue Didier Boulaud : si vous aviez vraiment voulu ce débat, peut-être auriez-vous pu l’imposer.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. C’est un peu plus compliqué que cela !
M. André Vantomme. Quoi qu’il en soit, des engagements, que nous constatons sans les approuver, ont été pris par le Président de la République ; ils seront très difficiles à défaire plus tard. Nous dérivons d'une façon telle que tout retour en arrière deviendra, dans deux ou trois ans, complexe, voire impossible.
Le sommet de l'OTAN qui s'est achevé par un accord sur la mise en place d'une défense anti-missile en Europe est un grand succès pour l'organisation atlantique et pour les États-Unis, puisque la France, longtemps circonspecte, méfiante même, face à ce projet, le soutient désormais.
Le nouveau concept stratégique apparaît comme le produit d'un compromis destiné à ne fâcher personne : opération réussie, puisqu'il a été adopté à l'unanimité. Il paie alors un tribut : il est assez vague pour masquer les désaccords et assez ambigu pour permettre les interprétations.
Voici quelques réflexions et quelques interrogations sur les décisions prises à Lisbonne et sur la nouvelle position française.
La défense anti-missile de l’OTAN constitue-t-elle un renforcement ou une fragilisation de la dissuasion ? Cette défense anti-missile peut-elle être un complément de la dissuasion ? La réponse est non pas technique, mais politique.
D'abord, en laissant à d'autres le soin de choisir à notre place la stratégie de défense de la France, de l'Europe, nous affaiblissons notre dissuasion nucléaire. Dans le sillage atlantiste, notre posture stratégique perd son autonomie de décision.
Nous aurions préféré la création d'un concept nouveau, intégrant une défense anti-missile de théâtre à la panoplie défensive, mais gardant la dissuasion nucléaire au cœur du dispositif. Nous aurions voulu un concept qui cherche à rassembler les pays européens autour d'une défense européenne autonome, susceptible de préconiser à l'Alliance une position commune à partir d'un pilier européen qui soit force de proposition, et non pas d'absorption.
M. Sarkozy n'a pas eu cette volonté politique, et nous nous trouverons donc embrigadés sous le parapluie nucléaire américain, assorti d’une hypothétique défense anti-missile. Alliés, et donc alignés ! C'est un enterrement de première classe pour la défense européenne…
Le très récent ralliement du Président Sarkozy à la défense anti-missile proposée par les États-Unis et l'OTAN mérite quelques explications de votre part, monsieur le ministre d’État. Vous-même étiez naguère réticent face à la réintégration pleine et entière de la France dans l'OTAN, n'est-ce pas ?
Or, le 15 octobre, l'Élysée a rappelé le soutien de principe de la France à la nouvelle approche de la défense anti-missile proposée par le Président des États-Unis. C'était un brutal changement de position, d’autant que, quelques jours plus tôt, le 12 octobre, au Sénat, le ministre de la défense, M. Morin, s’était déclaré réticent devant la construction d'une nouvelle « ligne Maginot » en Europe.
Maintenant, il s'agit d'un nouveau tour de vis. En effet, avec le processus de réintégration au sein du commandement intégré de l'OTAN, le Gouvernement et le Président de la République ont mis le doigt dans l'engrenage. Il est normal que nos alliés tirent toutes les conséquences de ce geste originel et que la France soit par suite embarquée dans des projets « otaniens » qu'elle refusait il y a encore quelque temps.
Nous constatons donc un revirement, un glissement atlantiste inquiétant, guidé, ce n’est pas une surprise, par le plus proaméricain des présidents de la Ve République. Ce n'est pas moi qui le dis, mais le département d'État américain…
Pourtant, le Livre blanc de 2007, rédigé sous la haute main de l'Élysée, n'avait pas retenu l'option d'une défense anti-missile des territoires. En revanche, il avait ébauché une démarche intéressante, qui consistait à compléter notre panoplie de défense par des systèmes d'alerte avancée. Pour cela, bien sûr, il fallait disposer de nos propres moyens d'observation et de nos propres systèmes.
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Vous ne l’avez pas approuvé, ce Livre blanc !
M. André Vantomme. C'était logique : la meilleure des préventions consiste à déceler rapidement l'origine de la menace et les intentions d'un État présumé hostile. Sur ce point au moins, le Livre blanc était dans le vrai. Dans ce domaine, des crédits et des programmes existent.
Faut-il développer plus vite ces programmes ? Faut-il approfondir certaines recherches ? Est-ce financièrement possible ? Tout cela méritait réflexion et action, parce que les technologies développées pour l'alerte avancée serviront directement à la protection contre les missiles. Il fallait sans doute explorer encore plus avant cette piste et, dans ce cadre, tenter de favoriser les industries européennes d'abord. Toutefois, l'alerte avancée, sorte de vigie de la dissuasion nucléaire, ce n'est pas la même chose que la défense anti-missile américaine adoptée à Lisbonne.
La menace balistique et nucléaire iranienne justifie-t-elle la mise en place d’un système de missiles anti-missiles ? Il y a sur ce sujet aussi une inflexion. Jusqu'ici, on disait qu'un Iran nucléaire était inacceptable ; aujourd'hui, on admet implicitement que c'est envisageable.
Mais c'est le rôle de la dissuasion de faire échec à une telle menace, le jour où elle existera. Un seul missile iranien sur l'Europe et les pays occidentaux seraient habilités, y compris d'un point de vue juridique, à riposter de la façon la plus sévère sur le territoire iranien. Voilà la doctrine française, qui n'a pas besoin de définir avec précision l'ennemi ou la cible, puisqu'elle se doit, pour être vraiment dissuasive, d'être tous azimuts.
Par ailleurs, et c'est paradoxal, la prévention et la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs marquent le pas. Au même moment, on lance une nouvelle course aux armements, qui emporte des conséquences sur la militarisation de l'espace ; c'est comme si on acceptait, de facto, la prolifération balistique et ses conséquences. C'est un aveu d'impuissance et une faute stratégique !
Entre l’OTAN et la Russie, les relations ont toujours été complexes et malaisées, à cause du poids de l'histoire, sans doute, mais aussi du fait que les relations entre l’OTAN et la Russie sont, pour le meilleur et pour le pire, étroitement liées aux rapports entre les États-Unis et l’OTAN. Aujourd'hui, après le sommet de Lisbonne, il en va de même : l'Europe a encore perdu l'occasion d'être l'auteur et l'acteur d'une politique originale, européenne, à l'égard de la Russie. La main passe, et les Européens auront donc à se mettre au diapason de la relation entre les États-Unis et la Russie, marquée par le traité START, la défense anti-missile, etc.
Pourquoi la Russie, farouchement hostile aux défenses anti-missiles, semble aujourd'hui disposée à entrer dans le jeu ? D'abord parce que le projet n'est plus celui que Bush dressait contre Moscou, l’OTAN assurant que l'ennemi n'est plus en Russie. Ensuite parce que la Russie se place ainsi de nouveau, en quelque sorte, à la hauteur des États-Unis : ces deux pays négocieront ensemble les conditions du futur réseau anti-missile. Illusion ou réalité ? Les Russes discuteront de la sécurité continentale avec l'OTAN, et non pas avec l'Union européenne. Hélas, voilà encore une pelletée de terre jetée sur la politique étrangère et de sécurité de l'Europe…
Après avoir longtemps voulu élargir son espace géographique, avec des velléités opérationnelles quasiment planétaires, l'Alliance semble revenue à des options moins ambitieuses. Peut-être le bourbier afghan lui rend-il une raison stratégique perdue…
Toutefois, son nouveau cheval de bataille paraît être non pas l'élargissement géographique, mais la recherche d'une défense « globale » qui puisse inclure des aspects civils et militaires : nouvelle dérive, nouveau défi lancé à l'Union européenne, qui a, de son côté, bien avancé en matière de gestion des crises et d'action civile d'urgence.
Dans la praxis, il faudra rapidement éclaircir un point important : l’OTAN veut-elle se lancer dans une concurrence acharnée avec l'Union européenne dans des domaines comme l'action civile de crise, l'action humanitaire ou les actions militaires de basse intensité, contre la piraterie maritime par exemple ? Quel serait le sens d'une telle concurrence ? Affaiblir encore plus l'Union européenne ? Assécher ses budgets pour que l’OTAN soit la seule ressource possible ?
Récemment, l’OTAN s'est proposée pour coordonner l'aide envoyée en Israël à l'occasion de graves incendies. Est-ce bien raisonnable ? Est-ce bien le rôle d'une organisation militaire de coordonner des moyens civils dans la gestion d'une crise non militaire ? Il va falloir bien définir, à l'avenir, les relations entre l'Union européenne et l’OTAN post-Lisbonne, faute de quoi des concurrences stériles et des doublons inutiles se feront jour.
L’état de nos finances, dont vous êtes grandement responsables, monsieur le ministre d’État, chers collègues de la majorité, puisque vous gouvernez depuis 2002, ne nous permet plus de tout faire, notamment de faire tout ce qui est inscrit dans la loi de programmation militaire. Et vous voulez maintenant ajouter de nouvelles dépenses, via l’OTAN !
Il est possible de tirer des plans sur la comète sans financement réel ; la dernière et déjà caduque loi de programmation militaire en est une illustration. En revanche, il n’est pas possible de les concrétiser : voyez le projet de loi de finances pour 2011 !
Or si la France s’associe au programme américain, il faudra en assumer le coût, aujourd’hui et surtout demain !
De plus, compte tenu des moyens financiers de l’OTAN, la mise en place d’un tel bouclier anti-missile hypothéquerait les autres capacités de l’Alliance. Quel sera le coût financier du projet ? Dans cette affaire, quelle sera la part laissée par les industriels américains à leurs homologues européens ? Dans le système dont M. Rasmussen s’est fait le VRP, nous avons du mal à trouver la place des industries européennes. Seront-elles de simples sous-traitants ?
Ne soyons pas trop naïfs en ce qui concerne les bénéfices attendus par nos industriels ! Nous connaissons tous l’acharnement des Américains, et même de nos amis Britanniques, quand il s’agit de défendre leurs intérêts en matière de technologies militaires !
Selon le très complet rapport du président de notre commission, le projet de défense anti-missile américain et « otanien » nous oblige à un choix douloureux : soit la France participe, et elle risque une dérive budgétaire ; soit elle ne participe pas, et elle risque à la fois l’effacement stratégique et la perte d’un marché pour son industrie de la défense. Entre le Charybde budgétaire et le Scylla stratégique, nous sommes, je le crains, devant un marché de dupes : nous aurons Charybde et Scylla !
Maintenant que le principe du bouclier anti-missile est accepté, des réponses doivent être apportées aux questions essentielles : faut-il prendre acte du projet américain et s’insérer directement dans le dispositif préconçu ? Peut-on demander que ce projet devienne américano-européen, c’est-à-dire que les Européens participent pleinement à la conception, à la réalisation, au fonctionnement et au commandement du système ? Quelle sera la participation des industriels français et européens ? Quelles sont vos réponses à ces questions, monsieur le ministre d’État ?
En définitive, nous sommes devant un projet défensif militaire qui cache une nouvelle forme de mainmise sur la défense européenne et qui nous éloigne d’une politique de sécurité et de défense autonome. Je vous le concède, cela se produit avec le consentement d’une bonne partie de nos partenaires européens…
Il n’en demeure pas moins que nous sommes en train de perdre notre autonomie stratégique, acquise au prix de grands sacrifices depuis les années soixante. Une page se tourne ; j’espère que nous n’aurons pas à le regretter ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Quel pessimisme !
M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.
M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre de la défense et des anciens combattants. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi d’abord de me réjouir d’être parmi vous pour faire le point ce soir sur une des questions majeures de notre politique de défense : la défense anti-missile balistique.
Vous auriez tous souhaité que ce débat se tienne plus tôt, voilà quelques semaines, au lendemain de la publication de l’excellent rapport de M. le président de la commission, intitulé « Les conditions d’un engagement de la France dans la défense anti-missile balistique de l’OTAN ».
Comme l’a expliqué le président de Rohan, l’actualité politique en a décidé autrement. Le débat a lieu aujourd'hui ; je me félicite de la qualité des interventions que je viens d’entendre.
Avant d’aborder la question de la défense anti-missile à proprement parler, je voudrais formuler quelques remarques plus générales, en réponse aux questions qui m’ont été adressées.
Je me doutais bien que, dans un débat comme celui-ci, on invoquerait les mânes du général de Gaulle.
M. Daniel Reiner. Oui !
M. Alain Juppé, ministre d'État. M. Daniel Reiner l’a fait, dans une intervention très argumentée.
Pour ma part, je serai beaucoup plus modeste ; je n’ai aucune idée de ce que dirait aujourd'hui le général de Gaulle… En revanche, ce que je sais, c’est qu’il est tout à fait inexact d’affirmer que nous tournons le dos à la politique de défense menée depuis les origines de la Ve République.
Dois-je rappeler que, en 1995, le président Jacques Chirac et mon gouvernement ont amorcé un retour dans les structures intégrées de l’Alliance atlantique ? C’était il y a quinze ans !
À l’époque, nous avions fixé deux conditions : d’une part, un rééquilibrage des responsabilités entre Américains et Européens au sein de l’Alliance ; d’autre part, l’affirmation de la volonté de l’Europe de se doter de ses propres capacités de défense. Aucune de ces deux conditions n’était alors remplie, et nous avons donc renoncé à ce processus de réintégration.
Depuis, les choses ont évolué. Un tournant historique est intervenu en 1998, lorsque le Royaume-Uni a pour la première fois reconnu que l’Europe était fondée à se doter de sa propre capacité de défense, et ce pas forcément au sein de l’Alliance atlantique. Je ne reviendrai pas sur les conseils européens successifs qui ont permis de dessiner l’architecture de la défense européenne et qui ont également donné la possibilité à l’Union, au cours des dernières années, d’intervenir sous son drapeau sur une bonne vingtaine de théâtres d’opérations extérieurs. Certaines de ces interventions sont d’ailleurs encore en cours ; nous en parlions ce matin à Bruxelles, à l’occasion de la réunion des ministres de la défense de l’Union européenne : je pense à la mission Atalante, au large des côtes de la Somalie.
Quelle est la situation aujourd'hui ? C’est un général français qui assume l’un des deux grands commandements stratégiques de l’Alliance, celui qui est voué à la transformation, dont le siège est à Norfolk. Nous tenons d’autres postes de responsabilité importants au sein de l’Alliance. À Lisbonne, comme à Bruxelles ce matin, j’ai réaffirmé avec beaucoup de netteté la volonté d’instaurer entre l’Alliance atlantique et l’Union européenne une relation qui respecte l’autonomie de chacune de ces institutions. Je reprends ici les termes mêmes qu’a utilisés M. Rasmussen ce matin à Bruxelles. N’est-ce pas là que se situe le véritable changement dans l’attitude de nos partenaires au sein de l’Union européenne ?
Ce changement a déjà permis des avancées très significatives.
Ainsi, le traité franco-britannique n’est pas une simple déclaration d’intentions. C’est un ensemble d’engagements extrêmement précis et détaillés, qui portent – c’est une innovation intéressante – sur la dissuasion nucléaire. Nous travaillons à la mise en œuvre de ses dispositions, qui seront, j’en suis persuadé, suivies d’effet très rapidement.
Cette démarche a été saluée tant à Lisbonne qu’à Bruxelles aujourd'hui comme une avancée dont profiteront non seulement l’Alliance atlantique, mais également l’Union européenne. Nombre de mes homologues européens ont même souhaité qu’elle serve d’exemple à d’autres coopérations.
M. Daniel Reiner. Acceptons-en l’augure !
M. Alain Juppé, ministre d'État. S’agissant du partenariat franco-allemand, on dit périodiquement qu’il se porte mal. Depuis les premiers temps de la réconciliation entre nos deux pays, nos intérêts ne sont pas toujours convergents, mais je constate que nous parvenons toujours à trouver des solutions de compromis.
Demain, je serai à Fribourg. Le Président de la République présidera avec Angela Merkel le sommet franco-allemand. Dans la foulée, je me rendrai à Illkirch, près de Strasbourg, pour accueillir un bataillon de soldats allemands qui va s’installer sur le territoire français dans le cadre de la brigade franco-allemande. Ce symbole fort témoigne que notre partenariat avance.
De manière plus prospective, nous sommes en train de préparer, dans le cadre de ce que l’on appelle le triangle de Weimar, une initiative commune à la France, à la Pologne et à l’Allemagne pour faire progresser la politique européenne de sécurité et de défense. Vous le voyez, nous ne renonçons pas, bien au contraire.
En ce qui concerne le jeu des États-Unis, je ne lis pas dans les cœurs ou dans les esprits. Je me contente de lire les textes : selon le concept stratégique de l’Alliance tel qu’il a été adopté à Lisbonne, le cœur de la responsabilité de l’OTAN demeure la sécurité collective, conformément à l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord, aux termes duquel toute attaque contre l’un des membres de l’Alliance est une attaque contre l’ensemble des membres de l’Alliance. C’est le cœur de la vocation de l’OTAN.
J’ai été un peu surpris que M. Chevènement, dont je sais qu’il est en général un lecteur attentif, ait fait une lecture aussi approximative du concept stratégique. Il est écrit noir sur blanc que l’Alliance est une alliance nucléaire tant qu’il y a des armes nucléaires. On ne peut donc pas considérer que ce qui a été décidé à Lisbonne, c’est la liquidation de la dissuasion nucléaire ; bien au contraire !
Mme Voynet m’a rappelé mes déclarations en faveur du désarmement. Oui, madame Voynet, je souhaite, comme tout un chacun, un monde sans armes nucléaires. Mais quand on veut mettre quelqu’un en difficulté en rappelant ses propos, il faut les citer jusqu’au bout. Je me suis exprimé en ces termes dans la Revue de la défense nationale : « Je souhaite que la France tire les conséquences du processus souhaitable de désarmement, “le moment venu”, quant à ses propres capacités. Je considère que le moment n’est pas venu. » Je ne me sens donc pas du tout en contradiction avec ce que j’ai pu déclarer. De même, je me sens parfaitement à l’aise avec le processus de réintégration de la France dans les structures intégrées de l’Alliance atlantique.
J’en viens maintenant à l’objet plus précis de notre débat, c'est-à-dire la défense anti-missile.
À la suite du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, la France a décidé, dans le cadre de l’Union européenne et de l’Alliance atlantique, de prendre part aux efforts collectifs pouvant conduire, à terme, à une capacité de défense active contre les missiles.
Là encore, je ne crois pas que l’on puisse parler de « volte-face », comme en témoigne une note au bas de la page 5 de l’excellent rapport de M. le président de la commission des affaires étrangères : « Un tel outil – la défense anti-missile balistique – ne peut donc être considéré comme un substitut de la dissuasion. Mais il peut la compléter en diminuant nos vulnérabilités. C’est pourquoi la France s’est résolument engagée dans une réflexion commune, au sein de l’Alliance atlantique, et développe son propre programme d’autoprotection des forces déployées. » Ces propos ont été tenus par Jacques Chirac lors d’un discours prononcé à l’Île Longue, le 19 janvier 2006.
En cohérence avec un tel objectif, la loi de programmation militaire prévoit le financement d’une capacité autonome d’alerte avancée et d’une capacité autonome de défense anti-missile de théâtre destinée à protéger nos forces déployées.
La future capacité d’alerte avancée reposera sur un radar de très longue portée, dont la capacité opérationnelle est attendue pour 2018, et sur une composante spatiale fondée sur un satellite géostationnaire à capteur infrarouge, dont le lancement est prévu en 2020. Cela étant, nous bénéficions d’ores et déjà des acquis d’un démonstrateur, Spirale, lancé en 2009, qui place la France au petit nombre des pays disposant d’une compétence d’alerte avancée spatiale.
En matière de capacité de défense anti-missile de théâtre, nous disposons déjà d’un premier élément avec le système sol-air moyenne portée terrestre, ou SAMP-T, qui commence à être mis en œuvre par l’armée de l’air. Mais, dans l’état actuel de la programmation, il faudra attendre l’horizon 2020, avec la mise en service du radar de détection et de poursuite et du système de commandement et de contrôle associé, pour que la France dispose d’une capacité anti-missile autonome. Tel est bien notre objectif.
Pour financer ces projets, 1 milliard d’euros de crédits de paiement a été prévu en programmation sur la période allant jusqu’à 2020. À ce montant s’ajoutent environ 55 millions d’euros en matière d’études amont sur la période 2011-2014 pour la préparation du programme d’alerte avancée. J’ai bien noté que le président de Rohan trouvait cette somme insuffisante ; nous tiendrons le plus grand compte de son avis.
Ces efforts commencent à porter leurs fruits. Le 18 octobre dernier, avec le succès du premier tir de qualification du système SAMP-T face à une menace de type « missile balistique de théâtre », la France est entrée dans le club très fermé des puissances ayant démontré une capacité d’interception dans ce domaine.
Lors du sommet de Lisbonne, les 19 et 20 novembre derniers, les alliés ont décidé du principe de l’extension de la défense anti-missile de théâtre à une défense des territoires et des populations.
Vous le savez, notre environnement stratégique évolue de plus en plus vite.
La prolifération balistique au Moyen-Orient, en particulier en Iran, fait peser une menace croissante sur le territoire de certains de nos alliés, qu’il s’agisse de l’Union européenne, de l’Alliance atlantique ou des pays liés à la France par des accords de défense, ou sur nos forces déployées, notamment aux Émirats arabes unis, au Liban ou en Afghanistan.
À moyen terme, à l’horizon 2015-2025, la question de la vulnérabilité de notre propre territoire national peut aussi se poser. Dans ce contexte, nous avons donc donné notre accord au développement d’une capacité de défense anti-missile des territoires et des populations de l’Alliance, tout en restant vigilants sur deux points essentiels.
Nous avons d’abord obtenu que seul le système de commandement et de contrôle, qui permettra le raccordement et le fonctionnement, au sein d’une architecture intégrée, des systèmes d’interception et des capteurs apportés librement par les nations, soit financé en commun. C’est à ce projet que sera affectée la somme de 150 millions à 200 millions d’euros qui a été mentionnée. Le coût de l’extension de ce système de la défense des théâtres à la défense des territoires fait l’objet d’une première estimation de l’Alliance qui correspond à peu près à ce montant. La France contribuera à ces financements via sa contribution annuelle au budget commun de l’Alliance atlantique dédié aux infrastructures, selon la clef de répartition habituelle d’environ 12 %, ce qui paraît à notre portée et correspond en tout cas à nos ambitions.
Nous avons également obtenu que la défense anti-missile soit clairement définie comme un renforcement et non comme un substitut de la dissuasion nucléaire. Sur ce point, je voudrais m’inscrire en faux contre les propos tenus ce soir par certains orateurs dénonçant une ambiguïté. Non, il n’y a aucune ambiguïté, car la formulation du concept stratégique et de la déclaration finale est parfaitement claire sur ce point !
La déclaration du sommet de Lisbonne énonce en effet que l’Alliance atlantique « dispose de tout l’éventail des capacités nécessaires pour assurer la dissuasion et la défense contre toute menace pesant sur la sûreté de nos populations », que « nous maintiendrons une combinaison appropriée de forces conventionnelles, nucléaires et de défense anti-missile », que « la défense anti-missile deviendra partie intégrante de notre posture générale de défense » et que « notre objectif est de renforcer la dissuasion en tant qu’un des éléments centraux de notre défense collective ». Une phrase capitale de cette déclaration finale est gravée dans ma mémoire : « la défense anti-missile renforce la dissuasion – missile defence bolsters deterrence ». Il est en outre prévu, dans le même texte, que la souveraineté de la France sur sa force de dissuasion nucléaire est totalement garantie par les accords que nous avons conclus.
La dissuasion nucléaire française indépendante conserve donc son rôle national propre de garantie ultime de nos intérêts vitaux, tout en concourant à la dissuasion globale de l’Alliance. Rien ne change sur ce point.
Pour aller plus loin, nous devons aujourd’hui prendre en compte cinq enjeux : un enjeu stratégique, lié au besoin de garantir à terme notre dissuasion et de consolider notre relation avec la Russie ; un enjeu de souveraineté, lié à la nécessité de préserver un accès et une participation de la France aux systèmes de commandement et de contrôle ; un enjeu industriel, compte tenu du risque de marginalisation de notre industrie de défense face aux entreprises américaines ; un enjeu financier, au regard des moyens que nous consacrerons à la défense anti-missile et des risques d’éviction qu’elle pourrait faire peser sur notre programmation militaire ou sur celle de l’Alliance ; enfin, un enjeu d’interopérabilité, car nous devons veiller à ce que les systèmes concourant à la défense anti-missile balistique au niveau national – systèmes de veille, d’acquisition et de tir – soient compatibles avec des architectures et des standards retenus dans le cadre de l’Alliance atlantique.
Au regard de ces différents enjeux, nous agirons en conformité avec trois principes de base.
Le premier principe est le maintien de notre autonomie stratégique.
Cela suppose de rester vigilants et de développer une stratégie de pédagogie envers nos alliés européens sur l’intérêt de la dissuasion nucléaire française et britannique, pour faire valoir la complémentarité réelle de celle-ci avec la défense anti-missile balistique.
Cela suppose ensuite de préserver notre souveraineté, notamment sur le segment de commandement et de contrôle, et de valoriser la contribution de nos capacités et de notre industrie de défense.
Cela suppose enfin d’accompagner la coopération de l’Alliance avec la Russie comme nous l’avons décidé lors du sommet de Lisbonne. À cette occasion, le dialogue avec le Président Medvedev a été un moment extrêmement fort. Cette décision est importante, car elle crée de la confiance et montre que nos intérêts en matière de sécurité sont communs. Nous devons donc trouver un juste équilibre entre les besoins de l’Alliance et la volonté de la Russie de participer à la protection du territoire européen. Le Président Medvedev a évoqué l’idée d’un système de défense anti-missile conjoint reposant sur des zones de responsabilités en Europe, le Premier ministre Poutine ayant ensuite expliqué que, si l’on ne progressait pas sur ce terrain, une course aux armements pourrait se déclencher à nouveau. Mais je veux accorder une importance prioritaire aux déclarations faites à Lisbonne par le Président Medvedev. La suggestion russe doit être étudiée plus en détail dans les mois prochains, afin d’en évaluer la faisabilité technique et financière.
Le deuxième principe est le réalisme.
À la suite du sommet de Lisbonne, de nombreux travaux vont s’engager – notre débat ne s’achève donc pas ce soir, car nous aurons l’occasion d’évoquer ce sujet en de nombreuses circonstances –, qu’il s’agisse de scénarios opérationnels ou d’études techniques et d’ingénierie. Nous devons veiller à ce que ces travaux répondent bien aux ambitions de l’Alliance en termes de couverture géographique, de menaces prioritaires et de critères d’emploi, tout en évitant de succomber à la tentation de la surenchère. Nous devons également lancer les études nous permettant d’évaluer les propositions discutées dans le cadre de l’Alliance, d’analyser la pertinence des solutions qui existent déjà et de défendre nos positions au sein des groupes de travail techniques.
Enfin, le troisième principe est le pragmatisme.
Nous devons prendre en compte l’approche « phasée » proposée désormais par les Américains, afin d’intégrer nos réflexions dans un calendrier cohérent ; sur ce point, j’ai bien noté les conseils de prudence et de réalisme qui nous ont été dispensés, notamment par le président de Rohan.
Comme vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, à court terme, notre vision est claire : notre priorité est de développer des moyens de défense anti-missile de théâtre, pour répondre aux besoins opérationnels de nos forces et préserver notre base industrielle de défense. Cette stratégie nationale nous donne une vraie crédibilité pour peser dans le débat qui s’est engagé au sein de l’Alliance atlantique, qu’il s’agisse de la question de l’extension de la défense anti-missile de théâtre aux territoires ou de la relation entre l’Alliance et la Russie.
À plus long terme, les orientations que nous prendrons dépendront des retours d’expérience de ces premières étapes. Nous disposons donc de tous les atouts pour relever ce défi du xxie siècle. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)