M. Didier Guillaume. Faites-nous une autre proposition !
M. Yves Krattinger. Proposez-nous quelque chose !
M. Didier Guillaume. Nous l’accepterons peut-être !
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État. … et, au fond, remettraient en cause la décentralisation.
M. Yves Daudigny. La solidarité !
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État. Les propositions formulées placent à l’évidence le département dans une position limitée à la gestion d’allocations. Avec une compensation intégrale des dépenses engagées, les départements n’auraient, par exemple, plus aucun intérêt à vérifier notamment la situation des bénéficiaires.
M. Jean-Michel Baylet. Les départements sont plutôt bien gérés !
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État. Plus encore, ce n’est pas l’esprit qui a présidé, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’instauration de ces dispositifs.
Nous sommes ici au cœur du débat : nous ne pouvons raisonnablement considérer ces trois dispositifs comme de simples allocations de solidarité. Nous avons affaire, au contraire, à des prestations qui sont assorties d’un accompagnement personnalisé et évolutif, vous le savez mieux que personne. Et ce sont justement les services départementaux qui organisent les conditions de ce suivi individualisé,…
MM. Jacky Le Menn et Gérard Miquel. Et ils le font bien !
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État. … avec une dimension contractuelle pour le RSA, un projet de vie pour la PCH et un plan d’aide pour l’APA.
Vouloir réduire ces dispositifs personnalisés à des allocations classiques n’est pas la bonne voie à suivre, y compris lorsqu’on se pose justement la question de la pérennité de leur financement.
D’ailleurs, l’un des avantages majeurs d’une gestion décentralisée n’est-il pas d’assurer une gestion et un suivi adaptés aux besoins réels de nos concitoyens ? N’est-ce pas, du reste, l’intérêt financier du département que de le faire au plus fin des réalités sociales, qu’il connaît si bien ?
M. Didier Guillaume. C’est exactement ce qu’on fait !
M. Claude Haut. C’est ce que nous faisons !
M. Gérard Miquel. Et ensuite, que fait-on ?
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État. C’est d’ailleurs ce qu’avait souligné le Sénat en 2007, dans un rapport sur le contrôle comptable du RMI : il n’est pas raisonnable de faire dépendre mécaniquement le versement de compensation financière de l’État d’une politique départementale. À l’époque, Michel Mercier avait brillamment montré que la décentralisation du RMI avait permis d’améliorer significativement la qualité de la gestion de l’allocation et du fichier des bénéficiaires, parce que, précisément, les départements étaient financièrement intéressés à cette bonne gestion.
M. Jean-Michel Baylet. Il a été bien récompensé !
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État. Ensuite, l’idée d’un « ticket modérateur » de 10 % proposé pour l’APA, ainsi que le rapporteur l’a souligné tout à l'heure, paraît relativement faible (M. Claude Haut le conteste.) au regard de la répartition actuelle de cette charge.
La réforme qui est prévue par ces propositions de loi remettrait donc en cause le principe même de la décentralisation,…
M. Didier Guillaume. Eh non !
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État. … en réduisant le rôle des départements à de simples établissements publics qui mettraient en œuvre localement une politique nationale. Est-ce vraiment ce que veulent les auteurs de ces propositions de loi ? (M. Yves Daudigny s’exclame.) Je ne peux l’imaginer.
Par ailleurs, ces propositions de loi vont au-delà des obligations constitutionnelles qui pèsent sur l’État. C’est un point important de notre débat, et cela a été souligné par l’un des intervenants, puisqu’il sous-tend les raisonnements que portent ces propositions de lois.
Le Conseil constitutionnel a eu l’occasion d’interpréter l’article 72-2 de la Constitution, notamment dans sa décision du 13 janvier 2005 relative à la loi de programmation pour la cohésion sociale. Il a estimé que lorsque l’État transfère aux collectivités territoriales des compétences auparavant exercées par lui, le législateur est tenu de leur attribuer des ressources correspondant aux charges constatées à la date du transfert.
Or pour l’APA, la PCH et le RSA – dans sa partie « socle majoré » –, nous sommes en présence d’extensions – et non de transferts – de compétences à l’égard desquelles il n’existe aucune obligation constitutionnelle de compensation intégrale des charges (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.),…
Mme Odette Terrade et M. Jacky Le Menn. Ben voyons !
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État. … la Constitution imposant seulement au législateur d’accompagner financièrement ces extensions de compétences de ressources, dont il lui appartient d’apprécier le niveau.
Ces propositions de loi créent une charge excessive pour l’État, même si le gage – insuffisant, convenons-en – que vous introduisez permet de contourner l’article 40 de la Constitution.
Le coût pour l’État de la solution proposée est d’abord excessif et irréaliste dans le contexte actuel de nos finances publiques,… (M. Gérard Miquel s’exclame.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et pour les départements ?
M. Jacky Le Menn. Eh oui, ce n’est pas excessif pour les départements !
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État. … ainsi que cela a été rappelé tout à l’heure par M. le président de la commission des finances et, par vous-même, monsieur le rapporteur.
En effet, chaque année, au vu des comptes administratifs, l’État compenserait, si j’ai bien lu, à l’euro près le reste à charge des départements. Le coût de cette solution pour l’État aurait été, en 2009, de 733 millions d’euros au titre du RSA et de 125 millions d’euros au titre de la PCH. Concernant l’APA, cela représenterait pour l’État un coût évalué à 2,7 milliards d’euros pour 2009.
Au total, les propositions de loi visent à transférer des départements à l’État une charge correspondant à 3,55 milliards d’euros, sans modifier, ni améliorer pour autant, les dispositifs du RSA, de l’APA ou de la PCH. (M. Jacky Le Menn s’exclame.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’État a transféré aux départements la charge des prestations !
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État. Quant au gage proposé sur une augmentation des droits sur le tabac, il s’avère inapproprié, car décalé quant à son échelle. Il faut savoir, en effet, qu’une augmentation de 6 %, comme celle qui est intervenue en novembre dernier, ne produit en année pleine, vous le savez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’une recette de 400 millions d’euros environ.
Enfin, et je m’arrêterai un instant sur ce point, la réponse que vous proposez est inadaptée face à un problème qui est beaucoup plus global dans la mesure où il s’agit d’une question sociétale, celle de la prise en charge de la dépendance dans notre pays.
L’analyse des données chiffrées montre que la question de la compensation des allocations individuelles à la charge des départements concerne très majoritairement l’APA, qui représente plus des trois quarts du coût net pour les départements de la prise en charge des trois prestations, APA, RSA et PCH.
Ce constat est renforcé par une différence de dynamisme entre les trois prestations à long terme : le nombre d’allocataires du RSA et de la PCH n’a pas tendance à augmenter en pourcentage de la population, en dehors, bien sûr, des périodes de mauvaise conjoncture économique que nous avons connues,…
M. Jean-Michel Baylet. Quand même !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et bien sûr cela va s’arrêter ! La population va rajeunir et les emplois vont augmenter !
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État. … alors que le coût de l’APA, vous en conviendrez, parce qu’il est structurel, devrait croître au fur et à mesure de l’allongement de la durée de la vie et donc du vieillissement de la population.
Ainsi, aussi bien en termes de montants à charge des départements à court terme qu’en termes d’évolution à long terme, c’est bien la question plus large de la dépendance qui est au cœur du sujet.
La réponse à la situation des départements passe donc, selon le Gouvernement, par une véritable réflexion sur la prise en charge de la dépendance.
M. Jacky Le Menn. Et que fait-on pendant ce temps ?
M. Claude Haut. Disparition des départements !
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État. Quelles sont en effet les réponses du Gouvernement au Parlement ?
Le Gouvernement souhaite privilégier une réponse en deux temps : d’abord, en prenant des mesures ciblées et ponctuelles, pour le présent et, si j’ose dire, pour faire face ; …
M. Didier Guillaume. Pour ceux que vous avez appauvris !
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État. … ensuite, en apportant des réponses structurelles sur la prise en charge de la dépendance, pour l’avenir.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’assurance !
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État. J’évoquerai d’abord la réponse que le Gouvernement apporte à court terme.
À la suite du rapport de Pierre Jamet, le Premier ministre, après avoir rencontré le bureau exécutif de l’Assemblée des départements de France le 1er juin dernier, a décidé de mettre en place une mission d’appui pour aider les départements qui rencontreraient, dès 2011, des difficultés financières urgentes.
Cette mission est à pied d’œuvre et a d’ores et déjà été sollicitée par plusieurs départements. Le travail entre cette mission et les présidents de conseils généraux qui la solliciteront pourra déboucher sur une convention avec l’État comportant des mesures de soutien financier.
Je tiens à rappeler ici, car c’est une donnée importante, que le recours à la mission comme les échanges préalables à la décision de passer ou non une convention sont placés sous le sceau de la confidentialité. C’est la condition d’une démarche à la fois contractuelle et respectueuse de la libre administration.
Par ailleurs, le Gouvernement a décidé un moratoire sur l’adoption de nouvelles mesures réglementaires concernant les collectivités territoriales. Il s’est déjà traduit par la mise en œuvre, par la circulaire du 6 juillet 2010 du Premier ministre, pour les collectivités territoriales, dont les effets sont immédiats et tangibles.
Parallèlement, répondant en cela à la sollicitation de son président Alain Lambert, il a accepté que la commission consultative d’évaluation des normes, la CCEN, puisse étudier, sur la base des propositions formulées par l’Association des maires de France, par l’Assemblée des départements de France et par l’Association des régions de France, non plus simplement le flux des nouvelles normes réglementaires mais également le stock des normes réglementaires accumulées.
Mon collègue Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales travaillera, ensuite, en concertation avec les associations d’élus, à l’élaboration de mesures résultant des propositions de la commission consultative d’évaluation des normes.
Enfin, le Gouvernement a prévu des mesures concrètes dans le projet de loi de finances pour 2011 et dans le projet de loi de finances rectificative pour 2010.
Une réponse structurelle avec un dispositif innovant de péréquation fiscale – il s’agit du fonds de péréquation des DMTO dès 2011 et du fonds de péréquation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, CVAE, réparti début 2013 – qui doit contribuer à résorber en partie le déséquilibre structurel de ressources entre les départements. (M. Claude Haut s’exclame.) La péréquation verticale est accentuée parallèlement.
En matière de RSA, le Gouvernement a veillé à appliquer strictement la clause de revoyure prévue par la loi, en acceptant toutefois de neutraliser ses effets à l’égard des 35 départements qui n’ont imputé aucune dépense de RSA socle majoré pour 2009 ou un montant significativement inférieur à la dépense d’allocation parent isolé, API, supportée par l’État en 2008.
Ainsi, le projet de loi de finances pour 2011 met en œuvre la seconde clause de revoyure, qui se traduit par l’ouverture de 975 millions d’euros, dont 840 millions d’euros sont fléchés vers les départements métropolitains.
Autre mesure, la création, dans le projet de loi de finances rectificative pour 2010, qui est aujourd’hui en cours d’examen au Palais-Bourbon, d’un fonds d’aide aux départements en difficulté doté de 150 millions d’euros.
L’amendement afférent est discuté en ce moment à l’Assemblée nationale. Deux enveloppes distinctes de 75 millions d’euros seront respectivement réparties entre les départements connaissant des difficultés financières particulières et qui auront passé une convention avec l’État, et entre les 30 départements les plus fragiles au regard de la faiblesse de leurs ressources, du revenu moyen de leurs habitants et de la proportion de personnes âgées au sein de leur population.
La mission d’appui – IGF, IGA et IGAS – sera le levier opérationnel pour analyser la situation des départements.
Je cite ces quelques exemples pour vous rappeler que, dans ce domaine, nous agissons concrètement. Car, à nos yeux, ces sujets sont très importants. Il ne faut pas les traiter un par un, il faut s’efforcer de réfléchir de manière approfondie, durable et globale.
C’est dans cette logique et pour la longue période que le Gouvernement s’est engagé à ouvrir le chantier de la dépendance, et ce dès les semaines à venir.
Le Président de la République l’a annoncé, le 16 novembre dernier, il s’agit d’un débat national sur la prise en charge de la dépendance, qui doit se tenir au cours du premier semestre de l’année 2011, avant une inscription de la réforme dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012.
C’est bien sûr aussi un enjeu primordial pour les départements. Au vu du très grand nombre d’acteurs concernés par le champ de la dépendance, il est impératif qu’il soit mené dans la concertation, et que les départements de France y prennent leur juste part, toute leur part.
Plusieurs rapports ont éclairé ce sujet complexe – je pense naturellement aux rapports Gisserot, Vasselle, Rosso-Debord et à celui de la Cour des comptes –, ont dressé des diagnostics et proposé un éventail d’options envisageables sur l’évolution de la gouvernance, sur les financements et sur le degré de socialisation des dépenses de dépendance.
Il nous appartiendra donc collectivement de dégager des solutions négociées et partagées. Je suis convaincue que ce travail, auquel seront associés tous les groupes politiques, formulera des propositions susceptibles de nourrir les initiatives législatives à venir.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les raisons pour lesquelles le Gouvernement souhaite que ces propositions de lois ne soient pas adoptées.
M. Didier Guillaume. Dommage !
Mme Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'État. Notre devoir est de laisser le chantier de la dépendance se dérouler, d’élaborer des propositions et d’en tirer les conséquences législatives le moment venu.
Notre devoir sera alors d’examiner des textes mûrement réfléchis et préparés par des acteurs divers et complémentaires.
Notre devoir est enfin – il n’y a pas de différence entre nous sur ce point – de réfléchir sereinement aux réformes importantes qui nous attendent et qui permettront de faire progresser notre démocratie, nos équilibres généraux, dans un souci partagé de la plus large transparence possible. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et au banc des commissions.)
M. Didier Guillaume. Je ne suis pas convaincu !
M. le président. La parole est à M. Yves Krattinger. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Yves Krattinger. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je veux d’abord saluer l’immense travail effectué, sur cette thématique, au sein de l’Assemblée des départements de France, l’ADF, et dont le congrès d’Avignon, en octobre dernier, fut sans conteste le point d’orgue.
Je salue la présence parmi nous de son président, M. Claudy Lebreton, de son vice-président qui a beaucoup travaillé sur le dossier, M. Michel Dinet, ainsi que celle d’un certain nombre des représentants des départements. Jamais jusque-là nous n’étions parvenus à une telle convergence, pour ne pas dire unanimité.
Unanimité, d’abord, sur la nécessité d’un engagement des départements dans la mise en œuvre des solidarités sociales : l’APA, la PCH et le RSA. Unanimité, ensuite, sur un constat : l’effet de ciseaux, très important, subi par les départements en raison essentiellement de la compensation insuffisante, par l’État, du coût des trois allocations de solidarité. Unanimité, enfin, sur la nécessité d’un acte législatif pour régler ce problème structurel.
La séance d’aujourd’hui est donc une première victoire pour celles et ceux, nombreux, qui pensent que la solidarité nationale n’est pas un vain mot et que des réponses sont urgentes pour la viabilité à long terme du pacte républicain, et pour les départements en termes de financement sur le court terme.
Il s’agit d’une première étape parlementaire d’un combat qu’il faut poursuivre pour que les conseils généraux restent en situation d’agir quotidiennement à l’amélioration du bien-être de nos concitoyens en concrétisant les solidarités sociales et territoriales.
Plus personne ne conteste sérieusement la spécificité des difficultés budgétaires rencontrées par les conseils généraux. Aucun autre niveau de collectivité ne subit un tel décalage entre la progression rapide de ses dépenses obligatoires et la stagnation de ses recettes.
Évoquant ce phénomène de désajustement à l’occasion de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2011 le 22 octobre dernier, notre collègue rapporteur du budget à l’Assemblée nationale a eu ces mots très justes : « Quand vous gérez au plus près, que vous réalisez toutes les économies possibles et que, malgré tout, vous rencontrez des difficultés, c’est que quelque chose ne va pas dans la structure même des financements ».
Un sénateur du groupe socialiste. Eh oui !
M. Yves Krattinger. Il parlait des conseils généraux.
M. Gilles Carrez a parfaitement raison : quelque chose ne va pas, et ce dérèglement est à chercher dans la nature même du système de compensation mis en œuvre depuis 2002 – nous en convenons. En octobre 2009, la Cour des comptes estimait déjà, à propos du financement de la décentralisation, que « les mécanismes retenus n’apparaissent ni satisfaisants, ni viables à long terme dans le domaine social ». Elle parlait des départements.
Or, dans le projet de loi de finances pour 2011, rien de pérenne n’a été proposé, bien que nous ayons eu à débattre de cette question au travers de nombreux amendements.
Les départements doivent faire face à des dépenses sociales – RSA, PCH, APA – croissantes – près de 13,5 milliards d’euros en 2010 – et le reste à charge net supporté par leurs budgets représentera, pour la seule année 2010, un montant de 5,3 milliards d’euros. On peut d’ailleurs noter pour le département que j’ai l’honneur de présider, qui figure dans les 10 départements les plus pauvres, que la compensation 2010 atteint seulement 54 % des dépenses des allocations de solidarité. Cela traduit, en plus, un traitement injuste des inégalités territoriales dans la manière dont sont réparties les compensations.
Face à ce constat partagé bien au-delà des 102 départements de France, que nous propose le Gouvernement ? Trois choses essentiellement, la première étant la création, dans la loi de finances rectificative pour 2010, d’un fonds exceptionnel de soutien en faveur des départements doté de 150 millions d’euros. Mais je rappellerais que 75 millions d’euros sont en dotation…
M. Didier Guillaume. Eh oui !
M. Yves Krattinger. … et 75 millions d’euros en avances remboursables.
M. Didier Guillaume. Bien sûr !
M. Yves Krattinger. Vous comprendrez bien qu’au regard des 5,3 milliards d’euros en jeu pour cette année, 2010, ce fonds fait figure de goutte d’eau dans un océan, celui de la dette de l’État à l’égard des départements. Sur ce point, je rejoins donc M. Claudy Lebreton quand il estime que « les conseils généraux ne demandent pas la charité ». Ils attendent des solutions durables et pérennes.
M. Jean-Pierre Plancade. Bien sûr !
M. Yves Krattinger. La deuxième solution avancée par le Gouvernement, c’est l’amélioration du système de péréquation actuel, notamment horizontal. C’est nécessaire, et il convient de soutenir une démarche ambitieuse sur ce sujet. Néanmoins, ces mécanismes de péréquation n’agiront qu’à la marge sur les budgets départementaux : 7 % à 8 % du décalage tout au plus. Je citerai ici une nouvelle fois M. Gilles Carrez qui écrivait dans son récent rapport rédigé avec M. Michel Thénault : « l’ensemble du besoin de financement créé par la hausse structurelle des dépenses ne sera couvert par la seule amélioration de la gestion des dispositifs, et par la péréquation horizontale », la solution ne pouvant venir, selon les rapporteurs, que « des arbitrages réglés par voie législative et réglementaire ».
M. Jean-Pierre Plancade. Absolument !
M. Yves Krattinger. Enfin, la troisième annonce, qui semble aujourd’hui être la réponse envisagée par le Gouvernement aux difficultés exprimées par les départements, c’est l’ouverture pour 2011 du chantier de la dépendance. Permettez-moi, là encore, de douter pour les raisons suivantes. Tout d’abord, cette réflexion ne favorise pas un règlement global de la compensation des trois allocations ; la PCH a son évolution spécifique ; le RSA ne serait pas traité alors qu’il dérape financièrement sans que les conseils généraux puissent maîtriser quoi que ce soit dans la délivrance du RSA.
M. Didier Guillaume. Exactement !
M. Yves Krattinger. Ensuite, parce que cette réforme ne serait pas effective avant, au mieux, l’année 2012, et plus probablement 2013. (M. Jacky Le Menn s’exclame.) Enfin, parce que nous sommes en profond désaccord avec le Gouvernement concernant le recours obligatoire à l’assurance privée. Excusez-nous de penser que le recours à l’assurance privée ne change pas globalement le coût de la dépendance mais modifie uniquement le mode de financement. Nous ne sommes pas sûrs que ce recours allège, pour la société, la charge globale et diminue le nombre de personnes âgées.
Face à ces réponses insuffisantes de l’État, et dans un esprit de responsabilité qu’exige l’urgence de la situation, nous avons élaboré la solution qui nous semblait la plus appropriée pour résoudre cette question. Vous l’avez aujourd’hui entre les mains et, comme l’a fort bien dit Yves Daudigny lors de sa présentation, elle s’articule autour d’un principe fort : la mise en œuvre locale d’une solidarité nationale juste et équitable.
C’est la consolidation de notre pacte social républicain qui est en jeu. Nous devons trouver rapidement des ressources pour le financer et c’est au Parlement qu’il revient de délibérer sur ces choix, profondément politiques. Au mois de juin dernier, j’ai produit – et je vous demande d’y être attentifs – avec notre collègue M. Roland du Luart, membre du groupe UMP, au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, un rapport sur les compensations des transferts de compétences. À cette occasion, nous avions proposé, ensemble, une mesure essentielle : la clarification du financement des prestations de solidarité.
En effet, l’allocation personnalisée d’autonomie est financée par un concours de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. Il en est de même de la prestation de compensation du handicap. Le revenu de solidarité active est financé par un concours du Fonds national des solidarités actives, par un transfert de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers, au titre de l’allocation de parent isolé, et, enfin, par un concours du fonds de mobilisation départementale pour l’insertion.
Madame la secrétaire d'État, quel rapport y a-t-il, par exemple, entre la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers et le revenu de solidarité active ? Aucun ! Vous voulez engager le chantier de la dépendance, dites-vous, mais venons-en tout de suite à l’examen des solutions !
La seule chose bien claire pour tous, c’est que les financements actuels sont notablement insuffisants dans les budgets départementaux. Il est indispensable d’introduire une grande lisibilité en la matière. C’est la raison pour laquelle mon collègue UMP et moi-même avions proposé d’octroyer à cet effet une ressource unique pour financer ces allocations.
Ensemble nous avons dit aussi qu’une part de CSG nous semblait être la solution la plus cohérente au regard des compétences sanitaires et sociales des conseils généraux. Cet impôt dispose d’un rendement par point supérieur à 10 milliards d’euros, plus encore dans une version élargie à la totalité des revenus.
Ainsi, une augmentation du taux de 0,3 % pourrait apporter le montant nécessaire à la stabilisation des budgets départementaux – 3,34 milliards d’euros avez-vous dit, 3,3 milliards d’euros selon Charles Guené –, si l’on admet une part résiduelle supportable de solidarité infradépartementale, appelée ticket modérateur, allant de 10 % à 15 % de la dépense totale selon la richesse des départements, soit 1,7 milliard d’euros.
La semaine passée, lors de l’examen des crédits de la mission budgétaire « Relations avec les collectivités territoriales », j’ai eu le grand plaisir de constater l’intérêt de Christian Poncelet pour ce dispositif à l’occasion de son intervention à la tribune.
J’ai le même plaisir à citer le Rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques de la Cour des comptes, paru en juin 2010, à propos du financement de l’allocation personnalisée d’autonomie, de la prestation de compensation du handicap et du revenu de solidarité active.
Voici ce qui est écrit dans ce rapport : « Ces prestations sociales ne peuvent être régulées par les seules collectivités locales qui sont chargées de leur gestion. Il revient à l’État de revoir les conditions de financement de ces prestations, qu’il a transférées aux départements sans leur donner les moyens d’en maîtriser l’évolution, ou de modifier les dispositifs sociaux eux-mêmes. »
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Yves Krattinger. En cette période de rigueur budgétaire extrême, cette légère augmentation de la CSG élargie aurait l’immense avantage d’être totalement neutre pour le budget de l’État.
Dans la mesure où le Gouvernement ne veut ni supprimer le bouclier fiscal…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Si, cela va venir !
M. Yves Krattinger. … ni restaurer la TVA sur la restauration, chacun assumera, en toute authenticité, ses choix politiques devant nos concitoyens.
La question qui nous préoccupe aujourd’hui est la suivante : comment prendre en charge la solidarité nationale nécessaire à la pérennité de notre pacte républicain ? Nous sommes ici pour en débattre et j’imagine la frustration de nos collègues de droite, privés du droit d’en discuter ici avec nous,…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Comment cela « privés du droit » ?