M. François Patriat. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, mon collègue et ami Martial Bourquin, retenu à Audincourt, a souhaité que je l’associe à mon propos, dans ce débat sur la mission « politique des territoires ».
Monsieur le ministre, en une heure et demie, un samedi après-midi, dans les conditions que chacun sait, traiter de la politique de l’aménagement du territoire, sujet vaste et transpolitique, sur lequel, au-delà de nos oppositions, mes chers collègues, nous pouvons trouver des voies de convergence, revient à tronquer, rétrécir le débat, qui ne peut être à la hauteur de l’enjeu que chacun veut défendre.
J’ai entendu des propos flatteurs à l’égard de telle ou telle mesure et, dans le même temps, toujours les mêmes récriminations sur les territoires qui seraient pauvres, déshérités et oubliés. Je me demande où est l’urgence : est-elle à la ville ou à la campagne ? J’entends les représentants de la campagne parler de paupérisation, ceux du territoire urbain dire l’urgence face à la violence, à la pauvreté et aux difficultés qui s’installent. Une telle différenciation n’est pas non plus à la hauteur de l’enjeu.
Dans le peu de temps qui m’est imparti, je me livrerai, moi aussi, à l’examen quelque peu rétréci des crédits.
Monsieur le ministre, cette politique de l’aménagement du territoire, déclinée sur plusieurs chapitres, dénote un manque de confiance et d’ambition pour nos territoires.
Avec une diminution des crédits de 5 % en autorisations d’engagement et de 10 % en crédits de paiement, ainsi qu’une nouvelle baisse de 10 % attendue dans les deux prochaines années, l’État se donne de moins en moins les moyens de faire vivre une politique dynamique d’aménagement du territoire.
Je l’avais déjà constaté avec votre prédécesseur, aujourd’hui garde des sceaux, M. Michel Mercier, dont je ne conteste pas, loin de là, les qualités humaines. Lors de sa venue sur le territoire que j’ai momentanément en charge, il s’était dit disposé à accorder des crédits pour telle voie, tel nœud routier, telle démolition, telle construction ou plan, mais sans vision globale de l’aménagement du territoire.
C’est en ce sens que le désengagement de l’État est manifeste.
Monsieur le ministre, comme l’avait fait votre prédécesseur l’année dernière, vous nous répondrez sans doute, pour faire passer l’amertume de la potion, que la politique des territoires va bien au-delà des crédits dédiés à cette mission. Néanmoins, les chiffres sont sans fard. Nous pouvons vous rétorquer, comme nous l’avons fait l’an passé, que le désengagement de l’État va, lui-aussi, bien au-delà de cette mission.
Je pense aux ravages de la RGPP, qui viennent d’être évoqués, au gel des dotations et à la réforme territoriale qui plonge les investissements dans l’insécurité, au ferroutage abandonné, autant de politiques gouvernementales qui vont à rebours des objectifs affichés par cette mission.
Monsieur le ministre, ne prenez pas cette remarque pour une attaque personnelle – vous savez qu’en dépit des désaccords qui peuvent nous opposer je sais reconnaître les mérites de l’action que vous menez –, mais je suis de ceux, et il en est d’autres ici, qui étaient favorables à la création d’un grand ministère de l’aménagement du territoire. Ce dernier, qui aurait bien entendu reçu les moyens nécessaires, aurait enfin été à la fois cohérent et visible sur le plan politique et comptable, en intégrant les services publics, les transports, les collectivités territoriales, le développement rural, mais aussi – pourquoi pas ? – les PME.
Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez affirmé que les baisses drastiques menaceraient peu la continuité des projets locaux. Je ne doute pas de votre sincérité, mais je vois mal comment il pourrait en aller ainsi.
Comment maintenir, avec la même qualité, la présence publique dans nos territoires malgré une baisse des crédits de 10 % en deux ans ? Comment espérer que la présence postale sera la même ? Comment ne pas craindre un coup d’arrêt aux PER alors que les collectivités territoriales qui les cofinancent sont exsangues et que des maisons médicalisées pourraient être entretenues, demain, via ces pôles ?
Les initiatives territoriales doivent être appuyées. Nous savons tous que les finances publiques se trouvent dans un état catastrophique. C’est vrai d'ailleurs dans tous les pays d’Europe aujourd'hui. Toutefois, la raison d’État n’est pas tout. Monsieur le ministre, on ne peut pas traiter de la même façon certains cadeaux fiscaux improductifs et des initiatives territoriales créatrices d’emplois, d’activité ou de mieux-être pour les populations.
Notre collègue Martial Bourquin préside depuis quelques mois une mission commune d’information sur la désindustrialisation des territoires.
Mme Nathalie Goulet. Très bonne initiative !
M. François Patriat. Nous avons effectué de nombreux déplacements au sein des bassins industriels, dans les villes, certes, mais aussi dans les campagnes. Ces dernières, en effet, contrairement à une idée reçue, sont frappées de plein fouet par la désindustrialisation et rivalisent d’ingéniosité pour maintenir, voire pour relocaliser, des activités industrielles.
Monsieur le ministre, croyez-vous que le moment soit bien choisi pour les abandonner, pour ne pas soutenir leurs initiatives ? Les aider devrait être l’une des priorités des politiques publiques menées dans les territoires.
En fait, la politique des territoires n’est pas un parent pauvre du budget de l’État, qu’il conviendrait, pour des raisons constitutionnelles, d’inviter en bout de table aux repas familiaux. Non, bien utilisée et bien armée, elle serait plutôt l’oncle d’Amérique, pour peu qu’une volonté existe et que l’État fasse confiance, sur la durée, aux entreprises et aux collectivités et qu’il s’engage autour de projets.
Monsieur le ministre, dites-vous bien que si l’État abandonne la partie, si les collectivités sont contraintes par son désengagement à moins financer ces activités, les banques ne suivront pas et des perspectives non négligeables de création ou de relocalisation d’activités sur les territoires seront perdues.
Hier, j’ai participé à une réunion avec les responsables de Réseau ferré de France en Bourgogne, où je préside le conseil régional. Ils m’ont affirmé qu’ils devaient, dans les trois ans à venir, remettre à niveau leurs comptes. L’ajustement est cette année de 50 %, ce qui signifie que RFF enregistre encore des pertes ; il sera de 60 % l’année prochaine grâce aux actions engagées, et peut-être l’objectif de 100 % sera-t-il atteint par la suite. J’y insiste, monsieur le ministre, parce que vous êtes vous aussi l’élu d’une région, à savoir la Haute-Normandie.
J’ai demandé à ces responsables quelles seraient les conséquences de cette politique dans les prochaines années, et ils m’ont répondu – je l’avais deviné ! –, qu’elle se traduirait par un doublement des péages en trois ans dans les conventions passées avec la SNCF.
Monsieur le ministre, vous imaginez bien quel sera l’effet de cette mesure dans la région Bourgogne, pour laquelle la convention SNCF est déjà passée de 104 millions d'euros à 150 millions d'euros en six ans, parce que nous avons financé le cadencement, acheté des trains et amélioré l’offre de TER. Avec le doublement des péages en trois ans, elle montera à 185 millions d'euros.
Si la région Bourgogne, dont les cartes grises sont désormais la seule recette fiscale et qui ne peut plus jouer sur le levier de l’impôt, doit assumer une charge supplémentaire de 25 millions d'euros dans les trois ans à venir, elle le fera au détriment des investissements. Cette dépense nouvelle, qu’elle ne pourra pas assumer, est d'ailleurs constituée, je vous le rappelle, mes chers collègues, de ces crédits de fonctionnement que certains d’entre vous sont si prompts à dénoncer sur ces travées.
J’ai cité cet exemple pour souligner que la réforme des collectivités territoriales, et surtout celle des finances locales, entraînera pour toutes les collectivités, c'est-à-dire tant les communes, les intercommunalités, que, demain, les départements, des manques à gagner ou des baisses de recettes, qui empêcheront de financer le haut débit, les maisons médicales, le fret ferroviaire et les autres activités que, chaque jour, nous sommes amenés à prendre en charge.
Mon cher collègue, vous avez vanté tout à l'heure les grappes d’entreprises qui sont constituées au travers des PER. Toutefois, chaque fois que l’État crée un pôle d’excellence rurale, il demande à la collectivité concernée de participer, en sus des moyens qu’elle a déjà accordés sur son budget. Si l’on empile de nouveaux pôles en prétendant que les collectivités joueront le même rôle pour les PER que pour les TGV, l’aménagement du territoire ne progressera pas.
Telle est bien la crainte des élus locaux. En effet, l’aménagement du territoire s’est globalisé, notamment à cause de la réforme des collectivités et de celle des finances locales, et c’est bien cette évolution qui, demain, mettra les territoires en difficulté.
Monsieur le ministre, je ne parle pas de paupérisation. Comme vous, j’ai une ambition pour mon pays et pour nos territoires, mais je ne suis pas certain que nous ayons pris aujourd'hui la bonne voie. Le contexte est difficile – nous ne le nions pas –, mais d’autres choix auraient pu être réalisés. C'est la raison pour laquelle nous ne voterons pas les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Monsieur le ministre, je veux souligner, après l’intervention de notre collègue de la Creuse, que je suis, pour ma part, particulièrement heureux que vous soyez aujourd’hui le ministre de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire. (Sourires.)
M. Jean-Jacques Lozach. Soyez plus exigeant !
M. Jacques Blanc. Voilà un peu plus de vingt ans, j’avais rêvé, en tant que secrétaire d’État à l’agriculture, qu’un tel portefeuille soit constitué. Celui-ci à la fois reconnaît le rôle moteur de l’agriculture pour la ruralité et l’aménagement du territoire et ouvre ce domaine d’activité vers les autres secteurs. C’est la preuve, me semble-t-il, que l’on a mesuré à quel point l’agriculture était essentielle pour maintenir la vie dans nos espaces ruraux.
En outre, je tiens à souligner, sans vouloir être désobligeant avec les autres administrations, que le ministère de l’agriculture est sans doute celui dont la dimension européenne est la plus affirmée.
Dans le rapport de la commission de l’économie – notre excellent collègue Jean-Paul Emorine, qui préside cette dernière, ne me contredira pas –, l’importance nouvelle de la politique de cohésion européenne est clairement soulignée. Voilà un an environ que s’applique le traité de Lisbonne, et l’on a oublié, parfois, que ce texte avait fait de la cohésion territoriale l’un des objectifs des politiques européennes.
Jeudi dernier, lors d’une réunion du Comité des régions de l’Union européenne à Bruxelles, j’ai interrogé M. Barroso sur cette politique européenne qui se cherche un peu. Ce qui est capital pour nous, c’est de savoir comment se traduira, à la fois dans les budgets et dans les mesures adoptées, ce nouvel objectif européen.
Monsieur le ministre, je crois qu’avec la DATAR, dont je me réjouis qu’elle ait retrouvé son nom d’origine et dont je salue le délégué interministériel, grâce à vos équipes et compte tenu de votre personnalité, vous êtes l’un des plus à même de peser sur ces sujets et de préparer l’avenir de la politique de cohésion européenne, tout comme d'ailleurs celui de la nouvelle politique agricole commune. Votre nomination est donc une chance, et je me réjouis du choix qui a été fait.
Il est vrai que nous traversons une période difficile, pendant laquelle il est essentiel que les différents secteurs de l’agriculture soient soutenus, et vous l’avez bien compris, monsieur le ministre. Nous subissons une crise mondiale et il faut partout serrer les boulons. Personne ne peut le nier, et il suffit d'ailleurs d’observer ce qui se passe dans les autres pays d’Europe ou du monde pour s’en convaincre. Ce budget est donc contraint. Toutefois, une volonté politique apparaît au travers d’un certain nombre de mesures, je me plais à le souligner.
Je veux féliciter MM. les rapporteurs et me réjouir des décisions qu’a adoptées l’Assemblée nationale dans un dossier qui me tient à cœur – merci de l’avoir rappelé, monsieur le rapporteur pour avis –, celui des zones de revitalisation rurale.
Mes chers collègues, nous étions très anxieux devant des propositions qui revenaient, en réalité, à supprimer certaines exonérations prévues dans le budget initial. Or l’Assemblée nationale a bien travaillé, il faut le reconnaître, puisqu’ont été maintenues toutes les mesures sur lesquelles un rapport quelque peu technocratique – pardonnez ma franchise, mes chers collègues – avait jeté le doute. Les technocrates n’avaient rien compris à l’importance de ces zones pour le maintien de l’emploi ! (Sourires.)
Je puis témoigner que, dans le département de la Lozère, ce dispositif a représenté un atout formidable pour les associations, qui ont pu remplir leur mission au service de personnes handicapées dont personne ne voulait. La Lozère a été le premier département à prendre toute la mesure de la dignité de ces personnes et à leur offrir des chances d’avenir.
Je suis fier de ce qui a été fait et de pouvoir contribuer aujourd’hui à maintenir ce dispositif. Médecin neuropsychiatre, j’ai eu le grand privilège d’être le rapporteur de la loi de 1975 en faveur des personnes handicapées, un texte ancien, mais le sujet reste d’actualité.
Mes chers collègues de la commission des finances, ne remettez surtout pas en cause les mesures concernant les zones de revitalisation rurale qui ont été adoptées par l’Assemblée nationale. Votons conformes ces dispositions, afin que personne ne soit tenté d’y revenir. Dans ce dossier, tous les acteurs se sont mobilisés et ont joué leur rôle, notamment l’Association nationale des élus de la montagne, et c’est tant mieux.
Parmi les critères invoqués pour justifier ces zones, on trouve le « déclin » démographique. Qu’est-ce à dire ? Quand un territoire a perdu des milliers d’habitants – en Lozère, nous savons ce que cela veut dire – et qu’il parvient à remonter un peu la pente, il n’est pas tiré d’affaire pour autant ! Un département dont la population totale passe de 75 000 à 76 000 habitants continue à avoir besoin de soutiens, d’investissements, d’exonérations. Il faudra donc être très prudent dans les analyses qui conduiront à revoir certaines cartes. Comme l’Union européenne le fait pour les régions qui sortent du classement ATR, c'est-à-dire qui ne sont plus éligibles aux aides à finalité régionale, parce qu’elles ne respectent plus les critères exigés, il faut créer pour les territoires concernés des périodes de transition, afin d’éviter qu’un couperet ne tombe, supprimant brutalement des acquis qui ont souvent été difficiles à obtenir.
Monsieur le ministre, nous vous faisons confiance, ainsi qu’à toute votre équipe, pour être particulièrement vigilant sur ce point. De même, je suis sûr que la Haute Assemblée, dans sa sagesse, ne remettra pas en cause les votes, tout à fait positifs, de l’Assemblée nationale.
Par ailleurs, je voudrais évoquer, à la suite de nombre de nos collègues, notamment de Bernard Fournier, les maisons de santé pluridisciplinaires, qui constituent une remarquable initiative. (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.)
Ceux d’entre nous qui vivent dans les territoires concernés savent qu’elles seules permettront, demain, de favoriser l’installation des médecins qui sont nécessaires.
M. Jean-Pierre Fourcade. Tout à fait !
M. Jacques Blanc. Monsieur le ministre – il faudra d'ailleurs transmettre le message à votre collègue chargée de la santé –, qu’on cesse de nous expliquer qu’il y a assez de médecins !
Le problème est en partie imputable à M. Fabius, qui, lorsqu’il était Premier ministre, avait baissé les quotas. On n’a pas formé assez de médecins, c’est un fait acquis. Certes, on prétend que la France, par rapport à d’autres pays du monde, compte suffisamment de praticiens, mais ce n’est pas vrai !
En effet, les 35 heures ne sont appliquées dans aucun autre pays ! Or dans un pôle d’urgence comme celui de l’hôpital de Mende, entre les 35 heures et le jeu des astreintes, il faut dix-neuf médecins pour assurer les permanences. En outre, les médecins sont mobilisés par de nombreuses autres fonctions, certains s’engageant même dans la vie politique ! Ils ne sont donc pas tous sur le terrain.
D'une part, il faut revoir le numerus clausus, et, d'autre part, comme l’a souligné le Président de la République devant le congrès de l’Association des maires de France, en reprenant les préconisations du rapport de Mme Hubert, il est nécessaire d’instituer un système de bourses.
Que l’on ne prétende pas que l’on imposera à des médecins de s’installer dans les zones rurales. Nous ne voulons pas de gens qui viennent parce qu’ils y sont obligés !
Nous voulons que les médecins viennent parce qu’ils en ont envie. En effet, s’ils arrivent forcés et contraints, ils n’auront d’autre envie que de partir ! Par conséquent, il n’y aura pas le climat de confiance dont on a besoin dans l’exercice de la médecine. Cessons d’écouter les technocrates !
Mes chers collègues, je sais ce que c’est, car j’ai exercé la médecine et je connais les conditions de travail dans le pays rural profond. C’est la raison pour laquelle nous avons besoin d’inciter les médecins à venir s’installer dans les territoires ruraux à l’aide d’un système de bourses de l’État. Ce dispositif était prévu, de par la loi, mais il est insuffisant. Il convient également de permettre aux départements de poursuivre le recrutement de médecins supplémentaires.
S’agissant des pôles d’excellence rurale, je dis bravo ! Il faut continuer sur cette voie, car ces structures mobilisent les efforts et la capacité d’invention. Le pays rural n’est pas à la traîne, il est capable d’aller de l’avant ! (Mme Nathalie Goulet s’exclame.) Il est capable d’inventer et d’être un moteur dans notre société, ce dont nous avons besoin.
Concernant le numérique, j’espère que l’on mettra en place l’équivalent du FACÉ, le Fonds d’amortissement des charges d’électrification, car les territoires ruraux en ont besoin.
À cet égard, je vous alerte contre ceux qui voudraient remettre en cause ce fonds. En effet, ce dernier a constitué un instrument formidable pour électrifier le pays rural.
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
M. Jacques Blanc. Mettons en place un dispositif similaire pour le numérique : établissons une mutualisation, faisons payer les sociétés et les consommateurs ! Ce sera une charge supplémentaire, il est vrai, mais quand on permet la vie dans l’espace rural, on ne sert pas que ceux qui y habitent. L’équilibre de l’espace rural français est déterminant pour l’aménagement du territoire dans son ensemble !
En outre, les femmes et les hommes de cette société, qui sont complètement perdus, ont besoin de repères. On parle de développement durable, mais développer le territoire durablement, c’est d’abord maintenir la vie dans les espaces ruraux ! Voilà ce qui détermine l’équilibre de la société !
C’est un message que vous porterez à Bruxelles, monsieur le ministre, et nous bénéficierons de ses retombées. Nous comptons sur vous et nous voterons les crédits que vous nous proposez ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Bruno Le Maire, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, l’enthousiasme de Jacques Blanc en faveur des territoires ruraux est de bon augure,…
M. Jean-Pierre Fourcade. Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. … et je tiens à le remercier de cette ferveur, que je partage évidemment pleinement.
C’est la première fois que je m’exprime publiquement en tant que ministre de la ruralité et de l’aménagement du territoire, et je me réjouis que ce soit dans le cadre du Sénat, à tout seigneur tout honneur.
M. Jacques Blanc. Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. Tout d’abord, je tiens à rendre hommage au travail remarquable qui a été accompli par mon prédécesseur M. Michel Mercier et, dans le même mouvement, vous remercier toutes et tous d’être présents un samedi après-midi et d’avoir pour cela bravé les routes enneigées afin d’examiner les crédits de la mission « Politique des territoires ».
Ensuite, en réponse aux remarques de M. François Patriat, que j’écoute toujours avec beaucoup d’attention,…
M. Jean-Jacques Lozach. Vous avez raison !
M. Bruno Le Maire, ministre. … soyez assurés de la détermination sans faille dont je ferai preuve dans l’exercice des missions qui m’ont été confiées par le Président de la République et par le Premier ministre.
Je suis déterminé – je le dis à l’attention de M. Jacques Blanc, mais également de chacun d’entre vous – à soutenir tous les territoires ruraux et à offrir à leurs habitants la qualité de service et de technologie qu’ils sont en droit d’attendre de la République.
M. Jacques Blanc. Bravo !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je le dis non seulement en tant que ministre, mais aussi comme élu d’un territoire rural, le département de l’Eure.
Je suis également totalement résolu à améliorer l’attractivité de nos territoires, à renforcer leur cohésion, ce qui suppose naturellement davantage d’égalité entre tous les territoires français, que ce soit en termes d’accès aux technologies numériques de nouvelle génération,…
M. Jacques Blanc. Très bien !
M. Bruno Le Maire, ministre. … d’accès au transport – je le dis pour Nathalie Goulet –, ou – et c’est peut-être ma préoccupation première – d’accès aux soins pour tous.
En effet, je suis élu d’un département qui est classé 99e sur 100 en termes d’accès aux soins pour les citoyens qui y habitent.
Mme Nathalie Goulet. Le 100e, c’est le mien, l’Orne !
M. Bruno Le Maire, ministre. Je trouve inacceptable que, dans notre République, on doive attendre six mois avant d’avoir un rendez-vous chez l’ophtalmologiste ou chez un spécialiste quand on habite dans le département de l’Eure, alors que, à quatre-vingt-dix kilomètres, plus près de la capitale, le délai d’attente n’est que de deux ou trois semaines !
Une telle inégalité est inadmissible dans notre République. L’accès aux soins pour tous dans les territoires ruraux sera donc une des priorités de ma mission.
La ruralité et l’aménagement du territoire ne se résument évidemment pas à l’agriculture, mais cette dernière reste malgré tout au cœur des défis à relever dans ces domaines. Le portefeuille ministériel dont j’ai la charge a donc une vraie cohérence ; je le dis en écho aux remarques d’Anne-Marie Escoffier.
M. Jean-Jacques Lozach s’est livré à une comparaison musicale pour qualifier les nouvelles attributions du ministère, évoquant, notamment, La marche funèbre de Chopin. Pour ma part, j’y vois plutôt une sorte de symphonie pastorale à la fois homogène, belle et puissante. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jacques Blanc. Bravo !
M. Bruno Le Maire, ministre. J’en viens à des considérations plus techniques, car nous sommes censés examiner un budget. Vous me pardonnerez donc d’aborder les chiffres.
Je rappelle que le programme 112, Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire, a été doté en crédits de paiement de 292,8 millions d'euros en 2011, 310,6 millions d'euros en 2012 et 288,7 millions d'euros en 2013 selon la programmation triennale. Par rapport aux 340 millions d'euros de crédits de paiement en 2010, les crédits baissent donc de 14 % en 2011.
Dans un contexte de réduction des dépenses publiques, le budget du programme 112 a été préservé et la baisse est à nuancer ; je remercie M. le rapporteur spécial, François Marc, d’avoir eu l’honnêteté de le signaler.
En effet, les dettes du programme ont été apurées. Chacun ici se souvient que, en 2008-2009, un effort de remise à niveau des crédits de paiement a été fourni grâce au plan de relance, qui a doté le programme 112 de 70 millions d'euros de crédits de paiement supplémentaires. Cela a permis de résorber totalement la dette exigible du FNADT, le Fonds national pour l’aménagement et le développement des territoires, en 2009. Nous avons ainsi apuré les comptes, ce qui est satisfaisant.
Le montant des crédits de paiement alloué en 2011 devrait permettre de maintenir un niveau de dette raisonnable à la fin de l’année 2011.
Par ailleurs, en 2010, le budget a été abondé de 40 millions d'euros supplémentaires pour mettre en œuvre les mesures du CIADT rural.
Enfin, le budget pour 2011 sera également abondé par des reports de crédits pour un montant de 30 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 16 millions d'euros en crédits de paiement. Ils permettront notamment – je le dis à l’attention de MM. les rapporteurs – de financer les restructurations de défense.
Tous les engagements qui ont été pris seront donc tenus. Je tiens à souligner que ce budget préserve toutes les actions engagées par le Gouvernement depuis 2009 : les plans d’excellence ruraux, les grappes d’entreprise, les pôles de compétitivité et les actions mises en œuvre par le CIADT.
Sur cette base, je fixe au programme 112 quatre grandes priorités.
La première priorité est l’accompagnement des mutations économiques des territoires. Nous voulons préserver les soutiens alloués au titre de la prime d’aménagement du territoire pour des projets créateurs d’emplois dans les zones classées AFR, c'est-à-dire éligibles aux aides à finalité régionale. Entre 2008 et 2010, plus de 13 000 emplois ont été créés grâce à ce dispositif, et plus de 11 000 emplois ont été repris ou maintenus sur la même période, ce qui justifie à mon sens le maintien de crédits importants pour le programme.
Un montant de 7,7 millions d'euros sera consacré en 2011 par la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l'attractivité régionale, la DATAR, au financement des conventions de mutation économique ou des contrats de site en cours.
Concernant les restructurations de défense, qui ont été décidées en début de quinquennat, le budget pour 2011 n’affiche pas de dépenses. Il sera en fait abondé par les reports de crédits que j’ai mentionnés précédemment.
Le plan gouvernemental d’accompagnement territorial du redéploiement des armées prévoit la mise en place de vingt-trois contrats de redynamisation de site de défense, CRDS, et de vingt-six plans locaux de redynamisation, PLR, sur la période 2009-2015.
Cette démarche est déjà bien engagée et suit le rythme des restructurations de la défense. Cinq CRDS ont été signés en 2009 ; trois CRDS et deux PLR ont été signés en 2010. Nous maintiendrons ce rythme de façon que l’ensemble des engagements puissent être tenus.
La deuxième priorité assignée au programme 112 est le renforcement de l’innovation et de la compétitivité dans les territoires.
Tout d’abord, les outils à développer sont les pôles de compétitivité et les grappes d’entreprises, qui ont montré leur efficacité au cours des années précédentes. Un montant de 11,6 millions d'euros en crédits de paiement y est consacré en 2011, ce qui représente une augmentation de 5 % par rapport à 2010.
La DATAR, pour sa part, consacrera 7,5 millions d'euros aux pôles de compétitivité. Ainsi que l’ont rappelé notamment Mme Evelyne Didier et M. le rapporteur spécial, François Marc, il va de soi que cette participation ne représente qu’une petite partie d’un budget global de 1,5 milliard d'euros pour la période 2008-2011 et que tous les ministères abondent pour mettre en place ces pôles de compétitivité.
Je précise également que ces derniers font l’objet d’un audit : nous veillons attentivement qu’ils respectent les critères fixés par le Gouvernement. Par exemple, sur les treize pôles de compétitivité qui ont été soumis à un audit en 2009, sept ont été renouvelés, tandis que six, qui ne correspondaient pas aux critères de définition, ont vu leur label retiré et ont été réorientés, pour la plupart, vers des grappes d’entreprises.
Ces dernières, dont le fonctionnement donne également satisfaction, se verront attribuer un budget de 8,7 millions d'euros au titre du programme 112.
Par ailleurs, toujours dans le cadre du renforcement de l’innovation et de la compétitivité des territoires, l’accès de tous les citoyens à la technologie numérique est un enjeu majeur.
Si nous voulons revitaliser les territoires ruraux – c’est le cas des communes rurales de l’Eure, notamment près d’Évreux – nous devons y garantir l’accès à l’internet au très haut débit et aux technologies les plus modernes auquel chaque citoyen a droit.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous ne ferez jamais venir un médecin de vingt-cinq ou vingt-six ans, avec son conjoint, dans une commune où il n’y a pas l’internet à très haut débit !
M. Jacques Blanc. Tout à fait !
M. Bruno Le Maire, ministre. Chacun travaille désormais avec le numérique. Par conséquent, pour que les communes rurales soient vivantes, il faut qu’elles aient accès à un haut niveau technologique ; c’est une priorité absolue.
M. Jacques Blanc. Bravo !
M. Bruno Le Maire, ministre. À cet égard, l’État s’engage à trouver une source de financement pérenne du Fonds d’aménagement numérique des territoires ; à cette fin, nous nous appuierons sur les propositions du rapport remis par mon collègue du département de l’Eure, Hervé Maurey.
Mme Nathalie Goulet. Excellent rapport !