M. Michel Guerry. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, le budget de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » atteindra, pour l’année 2011, 3,3 milliards d’euros. Je constate que la baisse des crédits se limite à 3,3 %.
Cela permettra de consolider l’existant, malgré un contexte budgétaire des plus contraints, du fait d’une période de crise financière. C’est là un double témoignage : celui de votre esprit de responsabilité et celui de votre volonté de reconnaissance à nos anciens combattants.
Mes chers collègues, avant tout, je souhaite rendre un hommage appuyé aux associations d’anciens combattants pour leur travail et leur dynamisme. Elles sont des acteurs au quotidien du travail de mémoire, mais aussi du soutien auprès de nos anciens combattants et de leurs conjoints, notamment dans leurs démarches administratives.
À ce titre, monsieur le ministre d’État, je souhaite attirer votre attention sur la nécessaire et difficile revalorisation de la retraite du combattant. L’exercice budgétaire pour 2010 a permis une première augmentation ; je forme le vœu que nous poursuivions cet effort. Il s’agit pour nous d’assurer des conditions de vie décentes à ceux qui ont servi notre pays. C’est là une question de dignité.
Aussi, je profiterai de cette tribune pour revenir sur plusieurs points.
J’évoquerai la situation des anciens combattants de la « troisième génération du feu », présents en Afrique du Nord entre 1952 et 1962. S’agissant de ces soldats, qui ont été pour moi des frères d’armes, je regrette que les contraintes budgétaires n’aient pas permis d’étendre, pour cette année, l’attribution de la carte du combattant à ceux qui étaient présents au-delà du 2 juillet 1962. Chacun sait que des soldats ont été tués bien après cette date en marge des exactions commises contre les pieds-noirs ou les harkis.
L’an dernier, le secrétaire d’État aux anciens combattants s’était rallié à la solution équilibrée de la commission de la carte du combattant, qui consistait à accorder la carte pour quatre mois de présence après le 2 juillet 1962, sous réserve que le séjour ait commencé avant cette date. Cet assouplissement raisonnable entraînerait, il est vrai, une dépense nouvelle de 4,6 millions d’euros pour financer les retraites du combattant correspondantes.
Cependant, cette demande est particulièrement légitime, et j’en appelle, comme Mme le rapporteur pour avis de la commission des affaires l’a fait avant moi, à son traitement prioritaire dans le budget de 2012.
À cette première requête s’ajoute celle d’une véritable égalité de traitement de nos anciens combattants au regard de la retraite : l’attribution, par décret, en juillet dernier, du bénéfice de la « campagne double » aux anciens combattants d’Afrique du Nord répare, certes, une iniquité, et nous nous en réjouissons. Cette bonification était jusque-là réservée aux participants au premier conflit mondial ou aux guerres d’Indochine ou du Golfe.
Toutefois, nous déplorons – et je me fais à cet égard le porte-parole de mon collègue Jean-Paul Alduy – qu’elle ne concerne que les pensions liquidées à compter du 19 octobre 1999, en référence à la loi ayant reconnu « la guerre d’Algérie » et les « combats en Tunisie et au Maroc » comme tels.
Mais mon interpellation va bien au-delà : en sont tout simplement exclus les anciens combattants du secteur privé, à quelque conflit qu’ils aient participé. Alors que les anciens combattants fonctionnaires ou assimilés peuvent ainsi multiplier par trois leur durée de services accomplis en temps de guerre pour le calcul des droits à la retraite, ceux du régime général ne peuvent les comptabiliser qu’une seule fois.
En tant que sénateur des Français établis hors de France, je tiens à évoquer la nécessaire reconnaissance de la Nation pour tous ceux qui, à l’étranger, l’ont aidée et servie. Cette mesure renforcera de façon indéfectible les liens qui ont uni, jusqu’à donner leur vie, ceux qui se sont engagés ou qui ont été incorporés pour la défense du sol national, tout en n’y résidant pas.
Cette mémoire-là, monsieur le ministre d’État, dépasse nos frontières, mais participe à l’honneur de la France.
C’est aussi dans cette mesure que je me félicite de la décristallisation des pensions, qui prendra effet dès le mois de janvier 2011. Cette promesse sera honorée ; cela mérite d’être rappelé, car elle a un coût, qui limite par conséquent notre marge de manœuvre sur d’autres dispositifs. Sachons le reconnaître.
De même, je tiens à rappeler que le budget de l’année dernière a pris en charge l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français. Si ce texte a mis fin à l’un des tabous de l’histoire de la défense française, il prend en charge les victimes de la société civile.
Par ailleurs, je souhaite attirer votre attention – je ne suis pas le seul à évoquer ce point dans cet hémicycle – sur la situation des veuves de guerre. À ce jour, il existe une disparité entre les pensions versées aux veuves. Elle est liée à la date de décès de leurs époux, tous morts pour la France. Actuellement, pour un décès intervenu avant juillet 1962, la pension est versée au taux du soldat ; au-delà de cette date, elle est portée au taux du grade. Une harmonisation des statuts serait bienvenue, en tenant compte du taux du grade au moment du décès.
Concernant l’allocation différentielle, il a été décidé pour les veuves d’anciens combattants, au nom de la reconnaissance de la Nation pour les époux aujourd’hui décédés, d’attribuer une allocation permettant d’atteindre un plafond de ressources minimum. Par souci d’équité, je vous fais part du souhait que l’application de cette disposition aux veuves de guerre soit étudiée.
Monsieur le ministre d’État, le budget de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » n’est pas un budget comme les autres. En effet, derrière les chiffres, c’est bien la Nation qui exprime sa gratitude envers ceux qui l’ont défendue, ne l’oublions pas.
C’est pour cela que je souhaite également attirer votre attention sur les orphelins dont les parents ont été victimes de la Seconde Guerre mondiale. Avec plusieurs de mes collègues, notamment André Trillard, nous souhaiterions connaître votre position quant aux engagements pris sur ce sujet.
Par ailleurs, je sais que certains se sont émus de la disparition du secrétariat d’État aux anciens combattants, mais je suis sûr que vous saurez les rassurer par votre pleine et entière mobilisation. Je ne doute pas que vous continuerez le travail accompli par Hubert Falco.
Je pense, en particulier, à la réforme des Journées d’appel de préparation à la défense, les JAPD. Le travail de mémoire n’est pas du seul ressort des associations d’anciens combattants.
Les jeunes, filles et garçons, mais aussi leurs parents, ne doivent pas seulement y être associés, ils doivent y participer pleinement. Un travail de transmission intergénérationnel doit être mis en place avec les différents acteurs de la société civile. Je pense en premier lieu à l’école de la République.
Monsieur le ministre d’État, le devoir de mémoire ne doit pas relever de votre seule détermination. Il doit être l’affaire de tous. Il s’agit avant tout de transmettre des valeurs républicaines, qui sont les fondements de notre société.
Enfin, avant de conclure, je souhaite lancer un appel. C’est à nous, politiques, qu’il appartient de réfléchir à la mémoire de demain, notamment en ce qui concerne nos soldats d’aujourd’hui. Bien sûr, nous devons entretenir la mémoire des soldats qui n’ont pas eu le choix, mais votre ministère doit assurer le lien armée-Nation, au moment où notre société a bien des difficultés à comprendre ce que sont l’engagement et le sacrifice ultime pour la Nation. Nous devrons être très attentifs à la place de ces futurs anciens combattants, qui seront en fait de jeunes vétérans.
Leur expérience unique au sein du ministère de la défense, leur courage au cours des OPEX, leur respect de la République et leur dévouement, même si leur engagement est un choix, doivent être cités en exemple. Leur mémoire doit au minimum être honorée lors de commémorations. Je pense en particulier à ceux qui ont fait le sacrifice de leur vie au combat ou qui rentrent mutilés de théâtres d’opérations tels que l’Afghanistan. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon.
M. Ronan Kerdraon. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, je veux tout d’abord rendre un hommage appuyé et chaleureux à toutes les associations d’anciens combattants, et en particulier, vous le comprendrez, à celles que j’ai l’occasion de rencontrer régulièrement dans mon département, les Côtes-d’Armor. Elles accomplissent un travail efficace et légitime pour défendre les anciens combattants, faire progresser leurs droits et entretenir le nécessaire devoir de mémoire.
Mes chers collègues, le budget des anciens combattants, cela a été rappelé, n’est pas un budget comme les autres : c’est un budget de reconnaissance.
À cet instant, permettez-moi une citation, monsieur le ministre d’État : « la reconnaissance, c’est tout d’abord la représentation des anciens combattants au niveau du Gouvernement, par un interlocuteur privilégié. Il n’est pas dans mon intention de revenir sur cette disposition ». Chacun aura reconnu l’auteur de ces mots, prononcés en avril 2007 : le candidat à l’élection présidentielle, Nicolas Sarkozy. Je regrette que cet engagement, comme du reste celui d’avril 2007 sur les retraites, n’ait pas été tenu par le président élu, Nicolas Sarkozy.
Mme Gisèle Printz. Entre ce qu’il dit et ce qu’il fait…
M. Ronan Kerdraon. Monsieur le ministre d’État, je vois mal comment, en dépit d’une capacité de travail que nous vous reconnaissons tous sur les travées de la Haute Assemblée, …
M. Guy Fischer. C’est vrai, on a pu en juger !
M. Ronan Kerdraon. … vous pourrez à la fois vous occuper des questions de défense, de la mairie de Bordeaux, d’éventuelles dissensions dans la majorité et des anciens combattants ! Peut-être chargerez-vous l’un de vos conseillers ou un directeur de cabinet de cette question ?
M. Guy Fischer. On le craint !
M. Ronan Kerdraon. Or les anciens combattants méritent mieux, soyez-en convaincu. Néanmoins, nous comptons sur votre implication personnelle. Pouvez-vous nous rassurer à cet égard ?
Le budget des anciens combattants doit traduire un droit imprescriptible à réparation et un devoir de mémoire. Il doit permettre d’exprimer notre solidarité envers celles et ceux qui se sont battus pour défendre nos libertés.
Or le budget qui nous est transmis par l’Assemblée nationale est sans doute historiquement le plus mauvais que nous ayons connu. Tous les amendements visant à augmenter les crédits des anciens combattants, adoptés contre l’avis du Gouvernement, ont été annulés par les députés de la majorité.
Votre prédécesseur, monsieur le ministre d’État, s’est justifié en expliquant que, face à la crise, les anciens combattants devaient participer à l’effort collectif. Si personne ne peut nier la crise – et je ne la nie pas –, celle-ci ne doit pas servir à justifier des choix budgétaires contestables et contestés par l’ensemble des associations d’anciens combattants. Bien sûr, il est nécessaire de consentir des efforts, mais ils doivent être répartis équitablement.
Aussi, monsieur le ministre d’État, permettez-moi de vous poser cette simple question : les anciens combattants doivent-ils vraiment être appelés à participer à cet effort ? Pour notre part, à gauche, nous refusons cette double peine. Comment en effet exiger d’eux qu’ils contribuent à la réduction des déficits publics alors qu’ils ont déjà tant donné ?
S’il semble légitime de leur demander, en tant que simples citoyens, de participer à l’effort commun, il n’est pas acceptable de leur imposer, en tant qu’anciens combattants, les mêmes efforts qu’aux autres composantes de la société. Cela témoignerait d’un mépris intolérable à leur endroit !
Or la crise à laquelle votre gouvernement impute cette diminution du budget ne vaut pas pour tous. Permettez-moi de donner un exemple pour illustrer mon propos : un point d’augmentation de la retraite du combattant représente environ 17 millions d’euros. En comparaison, la ristourne accordée à Mme Bettencourt au titre du bouclier fiscal a été de 30 millions d’euros, soit l’équivalent de deux points perdus pour la retraite du combattant !
En introduction de mon intervention, je soulignais que ce budget n’était pas un budget comme les autres. C’est pourquoi nous devons veiller ensemble à ce qu’il ne soit pas traité comme les autres. Or, si nous ne modifions pas en profondeur le budget qui nous est soumis, l’année 2011 sera pour les anciens combattants un panier vide !
Monsieur le ministre d’État, c’est avec une certaine amertume, je vous l’avoue, que j’interviens aujourd’hui à la tribune, car le budget que vous nous présentez est un budget de renoncements, mais aussi de reniements.
D’abord, les crédits sont en baisse en 2011 de 3,89 %, soit une diminution de 110 millions d’euros ! Et il est prévu qu’ils baissent encore dans les années à venir : de 3,7 % en 2012 et de 3,2 % en 2013.
Ensuite, ce budget ne comporte aucune avancée réelle : rien, ou si peu, sur la carte du combattant ; rien, ou si peu, sur les retraites ; rien, ou si peu, sur la rente mutualiste ; rien, ou si peu, sur l’allocation différentielle en faveur des conjoints survivants ! Il a fallu attendre le discours de votre prédécesseur à l’Assemblée nationale pour entendre évoquer quelques rares et très modestes avancées.
Enfin, et surtout, ce budget est un renoncement aux promesses antérieures du Gouvernement, et surtout à celles du Président de la République ! Certes, me direz-vous, nous devrions y être habitués…
Sur la retraite, Nicolas Sarkozy n’avait-il pas en effet promis 48 points pour la fin de la législature, ce que Hubert Falco avait lui-même confirmé l’an dernier en évoquant le passage de 43 à 46 points en 2011, puis de 46 à 48 points en 2012 ? À l’évidence, mes chers collègues, nous ne les atteindrons pas.
Monsieur le ministre d’État, n’attendons pas que les anciens combattants ne soient plus là pour leur donner une juste reconnaissance !
Depuis des années, les associations d’anciens combattants réclament que leur budget soit équivalent au précédent. Le simple maintien du budget de 2011 au niveau de celui de 2010 aurait permis de satisfaire de nombreuses revendications.
Un tel maintien aurait permis la revalorisation de trois points d’indice de la retraite du combattant en 2011 ; l’attribution de la carte du combattant aux militaires arrivés en Algérie avant le 2 juillet 1962 et justifiant de 120 jours de présence ; un niveau minimal de ressources assuré par l’allocation différentielle de solidarité en faveur des conjoints survivants les plus démunis et son extension aux anciens combattants eux-mêmes.
Il aurait également permis une juste indexation des pensions militaires d’invalidité, laquelle ne devrait pas être inférieure à celle du coût de la vie. Je rappelle que la perte de pouvoir d’achat de ces dernières années est de l’ordre de 7 % en ce qui concerne les traitements bruts de la fonction publique.
Ce maintien aurait par ailleurs permis le relèvement du plafond de la retraite mutualiste du combattant de l’indice 125 à l’indice 130 pour achever le rattrapage.
Aussi, et parce que les réponses apportées par votre prédécesseur lors de son audition par la commission élargie de l’Assemblée nationale le 11 octobre dernier n’ont convaincu personne, je profite de ce débat, monsieur le ministre d’État, pour vous demander de retirer le décret du 29 juillet 2010 sur les bonifications de campagne à égalité de droits entre combattants de tous les conflits, car il est quasiment inopérant, les conditions qu’il prévoit étant trop restrictives.
Cependant, je dois bien admettre une avancée : la décristallisation des pensions militaires des anciens ressortissants de pays étrangers anciennement sous souveraineté française. Toutefois, c’est à une décision du Conseil d’État que l’on doit cette réévaluation du montant des pensions.
Il est un autre point sur lequel je souhaite insister, monsieur le ministre d’État : que comptez-vous faire pour donner aux victimes de l’OAS leur place dans la mémoire nationale ? Dois-je vous rappeler le nombre de morts et de blessés liés aux attentats commis par cette organisation criminelle ?
Monsieur le ministre d’État, je souhaite que les cérémonies du 19 mars, qui regroupent incontestablement le plus grand nombre d’anciens combattants, soient l’occasion de réunir les autorités civiles et militaires de manière obligatoire.
Pour conclure, pourriez-vous nous apporter des précisions sur le dossier de l’indemnisation des orphelins victimes de la barbarie nazie ?
« Ils ont des droits sur nous » disait Georges Clemenceau à propos des anciens combattants. Ce que nous vous demandons avec force, c’est que la Nation assume envers eux ses devoirs ! À défaut, comme vous l’a dit avant moi ma collègue Gisèle Printz, le groupe socialiste ne votera pas le budget de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. René Vestri.
M. René Vestri. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, nous sommes appelés à examiner les crédits pour 2011 de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».
Je constate que l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre, l’ONAC, est désormais l’unique interlocuteur des anciens combattants, en lien avec la Caisse nationale militaire de sécurité sociale, la CNMSS.
Je regrette que la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale, la DSPRS, et les directions interdépartementales des anciens combattants et victimes de guerre, les DIACVG, soient supprimées, suivant un calendrier échelonné entre le printemps 2010 et l’automne 2011.
Avec 50 000 associations et près de 4 millions de nos concitoyens concernés, le monde combattant s’attache chaque jour à la sauvegarde du patrimoine moral et des intérêts matériels des anciens combattants et de toutes les victimes de guerre, ainsi qu’au maintien du culte du souvenir et du lien armée-Nation, ce lien étant d’autant plus nécessaire que nos forces sont engagées dans le monde, parfois dans l’indifférence totale de l’opinion.
La promesse du Président de la République et des parlementaires de la majorité présidentielle de porter en cinq ans la retraite du combattant de 32 à 48 points en 2012 semble difficile à tenir, compte tenu des difficultés budgétaires qui touchent toutes les composantes de la société. Les responsables d’associations en sont conscients.
Pourtant, lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale, les députés de la majorité ont déposé un amendement visant à majorer de deux points supplémentaires la retraite du combattant. Il a été adopté en commission, mais rejeté en séance publique.
J’espère que cet amendement sera repris au Sénat et adopté par l’ensemble de mes collègues. Il est important de rappeler que le nombre de retraités anciens combattants a baissé de 200 000 en trois ans. Je pense que cette mesure aurait été facilement financée si le budget pour 2011 était resté au niveau de celui de 2008, car ainsi 160 millions d’euros auraient été disponibles.
Les efforts budgétaires consentis pour 2011 sont relativement modestes : 18 millions d’euros pour le point de retraite supplémentaire, 10 millions d’euros pour les victimes des essais nucléaires et 5 millions d’euros pour les orphelins de parents résistants « morts pour la France », qui ont tout naturellement trouvé leur contrepartie dans les économies dues à la rationalisation engagée depuis 2007 à l’issue du conseil de modernisation des politiques publiques. Elles se sont traduites par l’instauration d’un guichet unique, source d’économies en personnel et en moyens, y compris immobiliers.
S’agissant de la reconnaissance et de l’indemnisation des victimes des essais nucléaires, la loi du 5 janvier 2010 et les décrets du 11 juin 2010 permettent d’indemniser les personnes civiles et militaires qui ont résidé dans des zones du Sahara et du Pacifique définies par le texte et souffrant de pathologies cancéreuses considérées comme radio-induites. Il faudrait effectivement s’assurer que ce dispositif s’applique rapidement, car il est attendu depuis de nombreuses années par les associations de vétérans.
Je prends acte de la proposition du Gouvernement d’inscrire un crédit de 10 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2011. Cette provision a vocation à être abondée en cours d’exercice si elle devait s’avérer insuffisante pour couvrir les besoins.
J’ai noté que la dernière modification concernant la croix du combattant, parue au Journal officiel du 12 novembre 2010, devrait permettre à 75 000 jeunes Français qui ont fait les campagnes d’Irak, d’Afghanistan, d’ex-Yougoslavie, entre autres théâtres d’opérations récents, de postuler aux avantages qui sont attachés à cette distinction.
Augmenter le nombre des ayants droit à ces prestations et diminuer le budget général est, à mon sens, quelque peu contradictoire. Cela semble annoncer un décret d’application qui va rendre inopérante une disposition votée par la représentation nationale. J’espère sincèrement me tromper et j’attends avec impatience de voir le décret d’application du 12 novembre 2010.
Concernant la campagne double – pour avoir été mobilisé en Algérie, comme beaucoup de Français, j’y suis particulièrement sensible –, je suis satisfait de constater que le décret du 29 juillet 2010 portant attribution du bénéfice de la campagne double pour les anciens combattants d’Afrique du Nord la concrétise enfin.
Georges Clemenceau a prononcé devant la représentation nationale, le 20 novembre 1917, il y a quatre-vingt-treize ans presque jour pour jour, cette phrase : « Ces Français que nous fûmes contraints de jeter dans la bataille, ils ont des droits sur nous ». Il s’agissait des droits des combattants de la guerre de 1914-1918. Ceux des autres générations du feu sont là pour nous rappeler que nous conservons un devoir à l’égard de tous, et notamment des survivants.
La reconnaissance de la Nation envers ceux qui l’ont servie, qui ont tout risqué pour elle, jusqu’à leur propre vie, telle est la requête légitime des survivants et des ayants droit. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Janine Rozier.
Mme Janine Rozier. Mes prédécesseurs ont dépassé leur temps de parole, je risque de faire de même ! (Sourires.)
Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, l’organisation de notre Haute Assemblée accorde cinq minutes de temps de parole au rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales que je suis. C’est peu, très peu, trop peu, d’autant que, dans la discussion générale, beaucoup d’intervenants s’expriment sur tel ou tel point précis, spécifique et, souvent, tout à fait personnel !
Habituée à entendre chaque année, durant ce débat, de nombreuses récriminations – voire des contre-vérités –, j’ai souhaité cette année m’exprimer, pensant bien connaître le dossier, ce qui n’est pas facile tant les actions qui sont menées sont nombreuses et quelquefois dispersées.
Le budget des anciens combattants est un grand budget social de l’État, dont le montant pour 2011 sera, je le rappelle, de plus de 3,7 milliards d’euros. Il faut passer beaucoup de temps à étudier ce budget pour en connaître la diversité et les richesses, qui sont animées par le désir que nous avons tous de compenser les services et la reconnaissance que nous devons au monde combattant.
Les manques, les oublis et les insuffisances de ce budget nous sont sans cesse remis à l’esprit par les remarques, souvent justifiées, des grandes associations qui y travaillent, mais aussi par les nombreuses demandes – quelquefois fantaisistes – de nos électeurs transmises aux parlementaires, soucieux d’apporter des réponses vraies.
Notre devoir et notre travail de parlementaire consistent justement à étudier les demandes et à les comparer avec les réponses qui sont données par l’État au travers des sommes allouées.
Ainsi, chaque année, à cause de la baisse inéluctable de la démographie – 355 000 adhérents de moins en 2010 et 345 000 en 2011 –, le périmètre des crédits se réduit. Cette année, l’absolue nécessité budgétaire imposée par la RGPP ne permet pas d’actions très nouvelles mais n’impose pas non plus de coupes claires.
En effet, il n’est pas question, comme je l’ai lu dans une publication d’une association combattante, de « supprimer des droits acquis ». Il s’agit, au contraire, de faire savoir et de faire reconnaître que ces droits existent, qu’ils sont conséquents, que nous nous efforçons de les entendre, d’y répondre et de les améliorer.
L’une des principales revendications consiste notamment à demander instamment l’augmentation du plafond majorable de la rente mutualiste qui avait stagné durant de longues années. Depuis 2007, nous le réévaluons chaque année. Ainsi, ce plafond a atteint 1 715 euros au 1er janvier 2010 et la dotation de l’État pour y faire face était de 247 millions d’euros, ce qui représente une augmentation de 3,3 %.
Cette retraite mutualiste – distribuée notamment par la Caisse autonome de retraite des anciens combattants, la CARAC, l’Association républicaine des anciens combattants et victimes de guerres, l’ARAC, la société mutuelle de retraite des anciens combattants, la SMRAC, et la France Mutualiste, et versée à l’issue de la période de cotisation – permet d’améliorer la retraite des adhérents. Elle est abondée par l’État à hauteur du versement effectué par eux jusqu’à concurrence, en 2011, de 1 715 euros. Elle est exonérée de tout impôt et l’abondement de l’État pour l’année 2011 sera de 8 millions d’euros. Seuls 20 % des adhérents atteignent le plafond.
Beaucoup de nos collègues de l’opposition à l’affût des niches fiscales et sociales pourraient sans doute se pencher sur celle-ci, qui n’est nullement menacée, et qui coûte à l’État chaque année 35 millions d’euros.
Pour répondre justement à un véhément président d’association qui écrit que nous souhaitons supprimer des droits acquis, je souhaite rappeler que sont exclus de l’impôt sur le revenu, pour le monde combattant, la retraite du combattant, les pensions militaires d’invalidité, les retraites mutualistes, l’allocation de reconnaissance des anciens membres des formations supplétives et de leurs veuves – qui demandent un abondement de l’État de 200 millions d’euros –, la demi-part supplémentaire pour les plus de 75 ans et leurs veuves – qui représente pour l’État 195 millions d’euros –, l’Aide personnalisée au logement, l’APL, et sans doute bientôt l’Allocation personnalisée d’autonomie, l’APA, puisqu’elle fait l’objet d’une revendication nouvelle qui va être étudiée.
Nos anciens combattants ne sont ni oubliés, ni maltraités. Nous les aimons et nous le prouvons.
Un autre mécontentement a été signalé à cause d’un retard intervenu dans la délivrance de la carte du combattant par les services de l’ONAC. Une panne informatique, sans doute due à une forte extension des réseaux, en a été la cause. Des excuses ont été présentées et tout va rentrer dans l’ordre.
Le niveau du plafond de l’allocation différentielle allouée aux conjoints survivants, qui était de 550 euros en 2007, devenu 800 euros au 1er janvier 2010 et 817 euros au 1er avril 2010, qui a donc augmenté de 48 % en trois ans, n’atteint toujours pas le niveau du seuil de pauvreté défini par l’Union européenne. C’est une question qu’il nous faudra aborder au plus vite.
Monsieur le ministre d’État, j’avais alerté votre prédécesseur au cours des deux dernières années sur ce sujet. J’avais notamment demandé un rapport concernant les veuves d’anciens combattants. En effet, certaines touchent une pension à la suite du décès de leur mari pendant les combats, d’autres ont seulement une pension de réversion, souvent minime. Celles qui n’ont pas été salariées et qui ne peuvent prétendre à aucune retraite n’ont parfois que l’allocation différentielle pour vivre. Il faut absolument approfondir cette question qui touche énormément de femmes seules qui, elles, n’osent pas réclamer. Le problème existe également pour les conjoints et il est prévu d’y remédier.
L’autre revendication, souvent évoquée par mes collègues d’Alsace et de Lorraine, est l’éventuelle extension de la notion d’« annexe du camp de Tambow » – si chère à Gisèle Printz – qui concerne les incorporés de force dans les camps soviétiques à l’est et à l’ouest de la ligne dite « Curzon ».
À un moment où il est fait justice aux anciens fonctionnaires et militaires de l’ex-empire colonial français pour obtenir une décristallisation complète, justice pourrait sans doute aussi être rendue à ces anciens prisonniers très âgés et peu nombreux. Ce serait indispensable !
Mme Nathalie Goulet. Très bien !
Mme Janine Rozier. Le décret du 29 juillet 2010 portant attribution de ce qui a été appelé « la campagne double » aux anciens combattants d’Afrique du Nord est accueilli avec un sentiment de justice par ceux qui la réclamaient depuis que le conflit avec l’Algérie a été reconnu comme « guerre ». Cette attribution, qui permet à l’heure de la retraite de multiplier par trois le temps passé en Algérie, bénéficiera aux seuls fonctionnaires et assimilés, excluant les ouvriers, les paysans et les combattants du secteur privé, qui, eux, ne touchaient pas leur salaire pendant la guerre et n’ont pas forcément retrouvé leur emploi au retour des combats. Ce qui est considéré comme une justice pour certains est une injustice flagrante pour les autres !
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !
Mme Janine Rozier. Avec la suppression de la DSPRS, qui disparaîtra complètement le 31 décembre 2012, et celle des 663 équivalents temps plein travaillé qui en découle, de nombreux transferts sont opérés vers la mission « Défense », vers la Caisse nationale militaire de sécurité sociale et surtout vers l’ONAC, en sa qualité d’interlocuteur unique grâce à son réseau de 102 services départementaux, l’ONAC que M. Jospin voulait supprimer en 2001, que nous avons remis sur pied et dont nous abondons largement les crédits sociaux depuis 2007 !
Concernant les équivalents temps plein travaillé, au 31 juillet 2010, 67 % des agents étaient reclassés. M. Jean-Marc Todeschini, rapporteur spécial de la commission des finances, et moi-même avons eu l’occasion de dresser le bilan des conséquences de la réforme au cours de contrôles, de contacts et de rencontres auxquels étaient conviés les responsables des grandes organisations et associations de combattants.
M. le président. Il faut vraiment conclure, ma chère collègue !
Mme Janine Rozier. Oui, j’ai presque fini, monsieur le président ! (Rires.)
Mme Marie-Thérèse Hermange et Mme Nathalie Goulet. Ce n’est qu’une fois par an !
Mme Janine Rozier. Effectivement, ce débat n’a lieu qu’une fois par an !
Mme Évelyne Didier. Si tout le monde double son temps de parole…
Mme Janine Rozier. Attendez, c’est important !
Nous avons pu ainsi vérifier ensemble que les moyens matériels et financiers seront donnés notamment à l’ONAC pour faire face à ses missions, mais nous avons également pu montrer et mesurer l’attachement tenace de tous envers les anciens combattants et le désir d’être à leur service.
Dans mon intervention consécutive au rapport que j’ai rendu devant la commission des affaires sociales, j’ai parlé des avancées qui sont à signaler dans le budget 2011 ; je n’y reviendrai pas.
Si vous me le permettez, monsieur le président, je voudrais signaler à M. Fischer que le 19 mars 1962 est une date extraordinaire, puisque c’est le jour de mon mariage ! (Rires.) Mais ça n’est pas une victoire pour la France !
J’ai évoqué ici des points particuliers pour lesquels je suis souvent sollicitée par mes collègues qui doivent répondre à leurs administrés, mais aussi parce qu’il est bien de rappeler, pour que nul ne l’oublie, que des hommes, nos pères, nos grands-pères ont répondu à l’appel de la France pour défendre les libertés dont nous jouissons aujourd’hui.
Nous devons respect, attention, écoute et sollicitude au monde combattant, et nous devons transmettre ces valeurs à nos enfants. C’est ce point commun qui doit nous unir, quelles que soient nos sensibilités politiques. C’est, en tout cas, celui du groupe UMP ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je vous remercie, madame Rozier, d’avoir utilisé pleinement vos quatre minutes. (Sourires.)
La parole est à M. le ministre d'État. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)