M. Jean-Pierre Masseret, rapporteur spécial. Il nous faut sortir d’un débat incessant, mais toujours conduit en catimini, sur l’Afghanistan. On sait bien qu’il y a un débat permanent sur le sujet, mais il n’est jamais rendu public ni posé devant la représentation nationale ou l’opinion publique.
Ensuite, il est nécessaire de mesurer ce que représente – et c’est un homme de l’Est qui vous le dit – la réforme portant fermeture drastique de régiments et de bases. Il faut aussi examiner – vous le ferez volontiers, j’imagine – le partenariat stratégique à front renversé franco-britannique.
Il faudrait peut-être repositionner, en quelque sorte, la pensée stratégique de notre pays, sujet qui est posé, je le répète, aussi bien à la gauche qu’à la droite.
De nombreuses questions doivent être tranchées. Faut-il un ou deux porte-avions ? La défense doit-elle être anti-missile ou non ? Quel avenir envisager pour la relation franco-allemande ? Où va la politique commune de sécurité et de défense ? Jusqu’où le nombre des avions de chasse va-t-il décroître ? Que reste-t-il de nos ambitions de nation cadre, de notre position autonome et de notre dogme de souveraineté ? Comment, au final, la nouvelle grille de lecture de nos intérêts vitaux se conjugue-t-elle ?
Je répète à cette tribune que nous devons traiter ces questions. Monsieur le ministre d’État, vous les aborderez tout autant que nous, qui sommes dans l’opposition nationale, parce que c’est une responsabilité collective qui nous est posée à tous. Nos concitoyens ont le droit de connaître nos positions, et nous devons y répondre collectivement.
En tant que rapporteur du programme 146, vous imaginez bien que je suis très intéressé par le versant industriel de cette vaste problématique. De nombreuses questions doivent encore être soulevées : que souhaitons-nous conserver de notre autonomie, de nos compétences, de nos bureaux d’étude et de nos savoir-faire dans ce vaste chantier industriel ? Quel rôle doit être attribué à la DGA ? À quoi devons-nous, ou non, renoncer ? Quelle ampleur donner à la mutualisation dans le cadre européen de ces chantiers industriels ? Dans le partenariat franco-britannique récent, quelles seront les conséquences industrielles ?
Les Britanniques sont-ils motivés par autre chose que par le simple constat d’échec patent de leur politique de défense au cours des dix dernières années, et peut-être par le besoin de trouver un allié crédible ?
Nous devons nous poser toutes ces questions, monsieur le ministre d’État, pour préparer le rendez-vous de 2012, sans complaisance ni défiance.
Étant le dernier rapporteur spécial à intervenir, je rappelle à M. le ministre d’État ainsi qu’à l’ensemble de mes collègues que la commission des finances a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Défense » pour 2011 et de l’article 69, qui porte sur la responsabilité pécuniaire des militaires.
À titre personnel, comme d’habitude, je m’abstiendrai, comme je me suis abstenu en commission des finances : François Mitterrand disait qu’il ne fallait jamais voter contre les crédits de défense de son pays, et je partage cet avis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis.
M. Didier Boulaud, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État – mais peut-être devrais-je dire « monsieur le Premier ministre » ? J’avoue ne pas savoir quelle formule doit être employée pour respecter la coutume républicaine ! –, mes chers collègues, en ce qui concerne le programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense, le projet de budget pour 2011 respecte les objectifs fixés en vue de renforcer les moyens des services de renseignement.
Avec 165 recrutements supplémentaires prévus l’an prochain, la Direction générale de la sécurité extérieure, la DGSE, devrait avoir augmenté ses effectifs de 10 % sur trois ans, soit les deux tiers de la progression prévue par la loi de programmation. L’effort est d’autant plus significatif qu’il porte sur des personnels de haut niveau, en particulier des ingénieurs spécialisés dans le renseignement technique et recrutés par contrat.
Il faut également saluer les progrès accomplis, ces dernières années, pour améliorer la situation statutaire et indiciaire des fonctionnaires de la DGSE. Une réforme de l’encadrement supérieur est en cours afin de rendre les carrières plus attractives et de favoriser les passerelles avec la fonction publique d’État. La création d’un corps d’administrateurs, en partie recrutés à la sortie de l’ENA, est un signe de la volonté de décloisonner et de revaloriser le renseignement.
Enfin, l’effort sur les moyens techniques et les infrastructures ne se relâche pas. Il devra être poursuivi, en accord avec l’augmentation des effectifs et les besoins croissants de traitement des flux de communication.
L’accentuation des moyens humains et techniques de la DGSE engagée depuis deux ans est donc une réalité dont je me réjouis. Restons conscients, toutefois, qu’elle se chiffre en dizaines de millions d’euros, ce qui reste modeste par rapport à l’ensemble du budget de la défense. Il s’agit surtout, à mon sens, d’un rattrapage nécessaire, car, dans le passé, les moyens de la DGSE n’avaient pas suivi les exigences découlant du nouvel environnement de sécurité et des nouvelles technologies de communication.
À l’inverse de la DGSE, la Direction de la protection et de la sécurité de la défense, la DPSD, qui est en quelque sorte le service de sécurité interne du ministère de la défense, doit perdre 15 % de ses effectifs en six ans, soit environ 200 emplois. La mise en place de procédures numérisées permettra des gains sur des postes de gestion administrative alors que le service augmentera le nombre de ses personnels les plus qualifiés, comme en témoigne le doublement des emplois civils de catégorie A en deux ans. Cette évolution devrait améliorer la capacité du service en matière d’exploitation du renseignement et de contrôle de la sécurité des systèmes d’information du ministère.
En ce qui concerne la recherche de défense, autre grand volet du programme 144, nous constatons depuis trois ans un tassement des crédits d’études amont – autour de 650 millions à 700 millions d’euros par an, en comptabilisant les financements complémentaires issus du plan de relance – et, pour 2011, des ventes de fréquences hertziennes, si celles-ci se réalisent.
Je reconnais que nous faisons mieux qu’au cours de la loi de programmation militaire précédente. Je crains malheureusement que ce plafonnement ne se révèle vite insuffisant pour maintenir nos compétences technologiques. En effet, les dépenses de développement, qui font travailler les bureaux d’études, sont en forte baisse. Par ailleurs, le budget d’études amont sera de plus en plus absorbé par les besoins liés à la dissuasion. Le solde disponible se réduit pour les autres domaines, notamment l’aéronautique ou les missiles conventionnels, sans parler de sujets comme les technologies anti-missiles.
Dans ce contexte difficile, des initiatives positives ont été prises pour encourager la recherche duale, notamment le dispositif Rapid qui a rencontré un certain succès, mais ce type de mesure n’atténuera qu’à la marge les insuffisances dans le domaine de la recherche militaire.
Enfin, je déplore le peu de progrès réalisés dans la coopération européenne en matière de recherche de défense, notamment le rôle limité de l’Agence européenne de défense.
Je dirai un mot pour terminer sur le programme 212 Soutien de la politique de la défense, plus spécifiquement sur la politique immobilière.
Les craintes que nous avons exprimées à plusieurs reprises, depuis deux ans, sur la grande fragilité des hypothèses de ventes immobilières se sont malheureusement révélées pleinement fondées.
Il a fallu renoncer à la cession en bloc des immeubles parisiens du ministère de la défense. Les ventes d’emprises en région rapportent moins que prévu. Le projet de location de l’hôtel de la Marine n’est toujours pas clarifié.
Nous constatons que les recettes immobilières sont désormais reportées, pour l’essentiel, à 2013.
Sur 2009 et 2010, le déficit en ressources, supérieur à un milliard d’euros sur deux ans, n’a pas été intégralement compensé par l’autorisation de consommer des crédits de report. Nous avons de réelles inquiétudes quant aux conséquences de ce déficit sur les opérations d’entretien immobilier, les programmes de mises aux normes environnementales, le cadre de vie et de travail des personnels, voire certaines infrastructures opérationnelles comme les pistes aériennes.
Sous réserve de ces observations, la commission a émis malgré tout un avis favorable à l’adoption des crédits des programmes Environnement et prospective de la politique de défense et Soutien de la politique de la défense. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l’UMP. – M. Jean-Pierre Chevènement applaudit également)
M. le président. La parole est à M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis.
M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, vous comprendrez le plaisir du sénateur girondin que je suis de présenter le rapport dont j’ai la responsabilité au nouveau ministre de la défense, lui adressant à cette occasion tous mes vœux de réussite.
Parmi les domaines que je dois plus particulièrement suivre au sein du programme 146 Équipement des forces, dont je partage la charge avec mon collègue Daniel Reiner, je mentionnerai tout d’abord la dissuasion nucléaire.
L’année 2010 marque une étape très importante pour la modernisation de notre force de dissuasion avec l’entrée en service des nouveaux missiles dans chacune des deux composantes et le lancement de la version M 51.2 du missile balistique.
Le M 51.2 intégrera la future tête nucléaire océanique, la TNO, dont la fiabilité et la sûreté seront validées par la simulation.
Le respect des échéances constitue une remarquable performance technique qui illustre la compétence des équipes du ministère de la défense, du Commissariat à l’énergie atomique et de l’industrie. C’est aussi le résultat de la constance avec laquelle, année après année, les programmes liés à la dissuasion nucléaire ont bénéficié des financements nécessaires, à la hauteur prévue par les lois de programmation successives.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat tient particulièrement à saluer cet effort, en souhaitant bien entendu qu’il se poursuive.
Dans l’environnement international actuel, la dissuasion nucléaire doit demeurer un volet fondamental de notre stratégie de défense.
M. Robert del Picchia, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Très bien !
M. Xavier Pintat, rapporteur pour avis. Notre pays a eu l’occasion, tout au long de cette année, en particulier à la conférence d’examen du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, le TNP, d’exprimer une vision réaliste du désarmement nucléaire fondée sur des actes concrets, mais soucieuse de ne pas affaiblir notre sécurité. Je me félicite que cette approche se retrouve dans le concept stratégique adopté la semaine dernière à Lisbonne par l’Alliance atlantique.
Je voudrais également saluer la coopération engagée avec le Royaume-Uni sur certains aspects du programme de simulation.
Outre son intérêt technique et financier, le traité signé le 2 novembre dernier comporte une dimension politique tout à fait évidente puisque nos deux pays réaffirment leur détermination à maintenir une capacité nucléaire minimale crédible et le rôle de leurs forces nucléaires pour la sécurité de l’Europe dans son ensemble.
S’agissant de l’action Commandement et maîtrise de l’information, qui relève également du périmètre de mon rapport, je constate que les procédures nécessaires à la réalisation des recettes exceptionnelles, qui doivent financer une bonne part de ces actions, sont désormais – « enfin », pourrais-je dire – lancées.
Je souhaiterais tout particulièrement attirer votre attention, monsieur le ministre d’État, sur les programmes liés à l’espace.
La fonction « connaissance et anticipation » constitue la grande priorité du Livre blanc. Le développement des moyens spatiaux au profit du renseignement en est la traduction la plus manifeste, avec le doublement annoncé du budget militaire spatial d’ici à 2020 et un plus large éventail de capacités.
Or nous ne retrouvons pas véritablement les signes de cette ambition dans les budgets présentés depuis trois ans.
Certes, il faut se réjouir que la pérennité de nos capacités d’observation spatiale soit désormais garantie, avec le lancement en national, sans attendre l’accord de tous nos partenaires européens, de la succession d’Helios II.
La commission des affaires étrangères est en revanche assez inquiète des décalages envisagés pour le satellite d’écoute Ceres et pour le satellite d’alerte avancée. Dans ces deux domaines, les démonstrateurs spatiaux qui ont été réalisés ont démontré à la fois l’excellent niveau de nos technologies et la grande utilité des informations recueillies.
C’est vrai pour l’écoute électromagnétique. C’est également vrai pour l’alerte, qui présente un caractère hautement stratégique dans le cadre du débat actuel sur la défense anti-missile balistique, comme l’a souligné dans son rapport Josselin de Rohan.
Monsieur le ministre d’État, il ne faudrait pas perdre le bénéfice des réalisations expérimentales engagées. Nous vous demandons donc de regarder le calendrier de ces deux programmes avec beaucoup d’attention.
Je terminerai en évoquant deux points particuliers.
Le lancement d’une nouvelle étape du système de commandement et de conduite des opérations aériennes, ou SCCOA, est lui aussi retardé. Dans les opérations prévues, certaines me paraissent plus urgentes que d’autres, particulièrement la mise à niveau des radars de surveillance de l’espace aérien.
En ce qui concerne les drones, enfin, nous souhaitons qu’une décision soit rapidement prise pour assurer à nos forces, à proche échéance, les capacités qui répondent à leur besoin et à leur sécurité tout en travaillant à une solution pérenne, en coopération européenne, pour le moyen terme.
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable sur les crédits du programme Équipement des forces, comme d’ailleurs sur ceux de l’ensemble de la mission « Défense ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, rapporteur pour avis.
M. Daniel Reiner, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, s’agissant de ma partie, qui concerne les équipements conventionnels du programme 146, je ferai deux séries de considérations ayant trait, d’une part, aux données financières et, d’autre part, aux données physiques, c'est-à-dire aux programmes d’équipement proprement dits.
Concernant les données financières, qui représentent ma première partie de considérations, je présenterai quatre remarques simples.
Premièrement, la programmation budgétaire ne sera pas intégralement respectée : les crédits budgétaires – hors ressources exceptionnelles, mais l’histoire récente a montré qu’elles pouvaient être exceptionnelles – seront inférieurs de 3,63 milliards d’euros aux prévisions de la loi de programmation sur les exercices 2011, 2012 et 2013.
Deuxièmement, la réduction des ressources budgétaires affectera essentiellement les années 2012 et 2013. En effet, pour 2011, les prévisions portant sur les seules ressources budgétaires font apparaître un manque de 500 millions d’euros pour 2011, de 1,34 milliard d’euros en 2012 et de 1,79 milliard d’euros en 2013. Les problèmes sont donc reportés sur les exercices futurs, ce qui n’est jamais une bonne méthode.
Troisièmement, au sein de la mission « Défense », les crédits de paiement affectés à l’équipement des forces diminueront de 5,78 % en 2011. La sanctuarisation des équipements militaires a vécu. Ces derniers vont redevenir la variable d’ajustement budgétaire qu’ils ont toujours été. La parenthèse n’aura duré que trois ans.
Quatrièmement, la réduction des crédits d’équipement va entraîner le report de programmes importants : la rénovation des Mirage 2000D – notre rapport écrit insiste sur ce programme et j’y reviendrai tout à l’heure –, le programme d’avions ravitailleurs multirôle, la quatrième étape du programme de surveillance de l’espace aérien et de commandement des opérations aériennes, certains programmes d’armement terrestre, ainsi que le programme de satellite d’écoute Ceres qui devait entrer en service en 2016. J’observe que l’armée de l’air a été particulièrement mise à contribution, ce qui posera des problèmes redoutables pour notre aviation de combat.
Ma deuxième série de considérations concernera la mise en œuvre des programmes.
Pour ce qui est de ma partie, les équipements conventionnels, je distinguerai ce qui va bien ou mieux de ce qui ne va pas ou inquiète.
Dans la première série, je mentionnerai trois sujets.
Le premier est le sauvetage – le mot n’est pas trop fort ! – du programme d’avions de transport A400M. Votre prédécesseur s’y est impliqué, monsieur le ministre d’État. Comme on le sait, ce programme a suivi le chemin critique de l’Europe de la défense. Après de longs mois de discussion, l’avenant au programme a été signé entre les États contractants et EADS. Je veux espérer que les difficultés soient désormais derrière nous et regrette, naturellement, l’augmentation du coût de ce programme, en dépit du choix initial d’un marché forfaitaire.
Le second est la mise à l’eau, le 4 mai 2010, de la première frégate multi-missions, l’Aquitaine, qui vous est chère, monsieur le ministre d’État ; elle a mis un terme aux tergiversations sur ce programme qui était initialement ciblé sur dix-sept frégates, mais qui bénéficiait de financements innovants – il faut toujours s’en méfier ! – et se trouve désormais réduit à onze unités pour la France.
Enfin, je voudrais dire un mot de la remise sur pied du programme de fabrication du petit missile terrestre, successeur du missile Milan, auquel je me suis particulièrement intéressé, avec notre collègue Jacques Gautier. Certes, rien n’est encore décidé sur le long terme, mais la situation semble évoluer dans la bonne direction et nous pouvons garder l’espoir que le remplacement de ce missile, dans sa trame, restera européen.
Concernant les sujets d’inquiétude, je citerai au tout premier rang le report du programme de rénovation du Mirage 2000D. Le Livre blanc prévoyait que les forces aériennes reposeraient sur deux piliers : le Rafale et le Mirage 2000D, excellent avion qui pourrait, sous réserve de la rénovation de ses systèmes d’armes, rester opérationnel au moins jusqu’en 2025. Évidemment, le report de cette rénovation, dû à l’acquisition anticipée de onze Rafale, s’il était confirmé l’an prochain, pourrait conduire à une obsolescence du Mirage 2000D dès 2014 et réduire ainsi à 150 avions le format de l’aviation de combat française. Comme vient de le dire notre collègue Jean-Pierre Masseret, tout doit être fait pour éviter d’en arriver là, sinon l’armée de l’air ne pourra plus remplir ses contrats opérationnels.
Je citerai également le report du programme de l’avion ravitailleur multi-rôle, ou MRTT, destiné à pourvoir au remplacement de la flotte de ravitailleurs en vol, qui va nous contraindre à trouver des solutions palliatives. Toute rupture capacitaire est en effet inacceptable pour l’aviation de combat, en général, et pour les forces aériennes stratégiques, en particulier.
Ensuite, je mentionnerai l’absence de décision concernant le choix du remplacement du système intérimaire de drones MALE. Je sais bien que la succession du Harfang déployé en Afghanistan devrait se décider dans les semaines qui viennent, et j’observe néanmoins que l’industrie française disposait de toutes les technologies utiles pour être présente sur ce segment et que nous avons collectivement « raté la marche ».
Enfin, j’évoquerai le report du programme Scorpion destiné à assurer la plus grande cohérence du matériel utilisé pour les équipements de l’armée de terre. Ce programme particulièrement intelligent connaît des reports successifs depuis plusieurs années, qui risquent fort d’engendrer des surcoûts et de le rendre finalement moins pertinent.
Pour terminer, je préciserai que la commission unanime a approuvé l’amendement relatif aux marins-pompiers de Marseille, adopté par l’Assemblée nationale : ces militaires seront ainsi traités comme leurs collègues civils. Mme Bernadette Dupont tenait beaucoup à ce que nous le mentionnions, et je l’ai fait pour elle.
Sous le bénéfice de ces réserves et de ces observations, la commission des affaires étrangères, dans sa majorité, a suggéré d’adopter les crédits de la mission « Défense ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE et au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. André Dulait, rapporteur pour avis.
M. André Dulait, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le ministre d’État, je me joins aux collègues qui m’ont précédé pour exprimer mon plaisir personnel de vous retrouver à cette place !
Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, mes chers collègues, je souhaite pour ma part évoquer rapidement, sans citer les chiffres compte tenu de la modestie du temps de parole qui m’est imparti, les chances et les risques qui s’attachent à la réforme de notre outil de défense en matière de ressources humaines.
Le projet de budget pour 2011 s’inscrit dans le cadre fixé par la loi relative à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 qui prévoit, à terme, la suppression de 54 000 postes. Cette diminution du format, qui devra s’appliquer progressivement d’ici à 2014, est sans précédent. Mais, plus encore que la déflation des effectifs, la réorganisation des méthodes constitue l’enjeu majeur de cette réforme.
La mutualisation et la rationalisation du soutien commun, les restructurations territoriales, le redéploiement des bases de défenses, la poursuite des expérimentations d’externalisation, toutes ces mutations menées de front constituent autant de défis pour nos armées.
Les perspectives d’avenir offertes par cette réforme sont réelles : une organisation rationalisée et mutualisée est une condition de la fiabilité de notre outil opérationnel, mais l’effort demandé en termes de transformations est considérable.
Les économies de personnels doivent provenir des réorganisations et des mutualisations : tel est l’enjeu de la réforme. Si l’on diminue les effectifs sans réformer l’organisation en profondeur, l’outil militaire dans sa globalité sera fragilisé.
La difficulté tient à ce que les deux opérations sont menées de front : des objectifs de baisse d’effectifs ont été définis ; il faut qu’ils soient en phase avec le calendrier des restructurations.
En 2010, le pilotage de la déflation a été satisfaisant. Pour l’instant, le seul volet de la réforme qui rencontre des difficultés est le reclassement des militaires vers la fonction publique. Il fallait s’y attendre : seulement la moitié de l’objectif a été atteint ; les administrations réduisant leurs effectifs dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, elles n’accueillent donc pas nos militaires à bras ouverts.
J’en viens aux crédits du programme 178 pour 2011. Le présent projet de loi de finances a amélioré la situation du titre 2, et la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées s’en félicite, même si elle doute que cette augmentation soit suffisante, puisque ce titre n’est abondé qu’à hauteur de 113 millions d’euros par rapport à une perte en ligne évaluée à 200 millions d’euros.
L’une des difficultés de la « manœuvre » tient manifestement au respect de la concordance entre le cadrage financier retenu pour l’évolution de la masse salariale et les objectifs en matière d’effectifs.
Par rapport aux prévisions de la loi relative à la programmation militaire, plusieurs évolutions ont conduit à une augmentation de la masse salariale, alors même que les effectifs diminuent.
Certaines dépenses ont été souhaitées, comme l’intégration dans l’OTAN : la participation pleine et entière à l’OTAN se traduit par un surcoût de près de 26 millions d’euros pour 2010 et, à terme, de 56 millions d’euros en année pleine. De même, le doublement des effectifs à Abou Dabi induit une augmentation de la masse salariale, qui passe de 6,7 millions d’euros en 2009 à 19,4 millions d’euros en 2011.
En revanche, d’autres dépenses ont été subies, comme l’augmentation du coût de l’indemnisation du chômage des militaires, qui s’élève à plus de 100 millions d’euros depuis 2009 : ce montant atteint des records et montre l’impérieuse nécessité de réussir la reconversion des militaires lorsque cesse leur contrat.
L’autre difficulté est de parvenir à faire coïncider, dans le temps et selon les types d’emplois, les départs naturels et les besoins en réduction de postes. De ce point de vue, trois points me préoccupent.
Le premier concerne la fidélisation des militaires du rang. L’âge moyen de départ des militaires du rang de l’armée de terre ne cesse de baisser. Plus que jamais, la fidélisation devient un enjeu de la qualité de notre outil de défense. Sans doute les restructurations en cours exercent-elles une influence sur ce phénomène, mais il faudra aussi prendre en compte des causes plus structurelles liées à l’évolution de notre société.
Le second point concerne les conséquences de la réforme des retraites, laquelle se traduira globalement par un décalage de deux ans des limites d’âge, une augmentation du taux de cotisation et le passage de quinze ans à dix-neuf ans et demi du bénéfice du minimum garanti. Cette dernière mesure est un sujet de préoccupation, car elle risque de dissuader les contractuels, qui font des carrières courtes, de renouveler leur contrat après dix ans. À ce sujet, j’aimerais donc savoir, monsieur le ministre d’État, quelle initiative vous comptez prendre pour gérer la spécificité de leur situation.
Le troisième point qui nous inquiète est l’incidence de la réforme des retraites sur la déflation des effectifs. Naturellement, le prolongement des carrières va à l’encontre de la réduction du format des forces, qui repose en partie sur les départs naturels. Pourriez-vous nous indiquer précisément, monsieur le ministre d’État, l’effet de cette réforme sur le rythme de la déflation ?
Ces préoccupations ne se cumulent pas avec les difficultés attendues sur les opérations extérieures, ou OPEX. Je voudrais ici me féliciter au contraire de la progression de leur budgétisation : ces opérations appartiennent désormais au fonctionnement ordinaire de nos armées. Elles ne sont plus ni imprévisibles ni ponctuelles ; il faut cependant espérer qu’elles ne deviennent pas toutes permanentes !
J’ajouterai un dernier mot, pour évoquer le budget des réserves militaires : il reste très en deçà des montants qui permettraient aux armées d’atteindre les objectifs fixés en matière de recrutement et d’activité. Lors des auditions organisées par la commission, les militaires indiquent régulièrement que ces réserves sont indispensables pour répondre aux besoins des armées.
En conclusion, je souhaite souligner l’ampleur des réformes en cours : peu d’organisations publiques ou privées de cette taille se sont lancées dans une modification aussi profonde de leur mode de fonctionnement, de leurs implantations géographiques et de leurs effectifs. Je tiens donc à saluer la nomination de M. le ministre d’État et à lui adresser tous nos vœux de réussite dans l’exercice d’une fonction difficile.
M. Didier Boulaud. Il en aura bien besoin, le pauvre homme !
M. André Dulait, rapporteur pour avis. Monsieur Boulaud, nous ne doutons pas de la volonté de M. le ministre d’État !
Sous le bénéfice de ces observations, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées recommande l’adoption des crédits de la mission « Défense ». (Applaudissements sur les travées de l’UMP, de l’Union centriste et au banc des commissions.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Carrère, rapporteur pour avis.