M. Jean-Louis Carrère. Non, c’était très bien !
M. Alain Vasselle, rapporteur. ... je voudrais me féliciter de l’excellent climat qui a prévalu lors de nos débats, malgré nos divergences – loin d’être systématiques ! –, et du dialogue fructueux que nous avons noué avec le Gouvernement représenté en alternance, et parfois simultanément, par cinq ministres, dont certains ont même changé de portefeuille en cours de route !
Je tiens à remercier les rapporteurs et tous les sénateurs qui ont pris part à ces discussions, tout particulièrement les présidents de séance qui, pendant de longues heures, ont dirigé nos débats et supporté les longs propos du rapporteur général de la commission des affaires sociales.
Pour terminer, je vous demande, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires sociales, d’adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 dans le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire. Même s’il n’est pas parfait, nous apporterons les améliorations nécessaires dès 2012 ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l’emploi et de la santé. Madame la présidente, madame la présidente de la commission, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, nos finances publiques portent les stigmates de la crise et sont confrontées à un enjeu majeur de redressement.
Nous devons réduire notre déficit public, tout en évitant de provoquer un effet récessif. C’est une exigence absolue qui concerne aussi bien l’État que les concours de ce dernier aux collectivités locales et les comptes sociaux.
En matière de finances sociales, nous sommes confrontés à un défi auquel nous sommes : assurer la pérennité, l’avenir de notre système de protection sociale, qui constitue un élément clé de la cohésion nationale et dont nous avons tous, sur l’ensemble des travées, constaté le rôle d’amortisseur pendant la crise.
Pour réduire les déficits, le Gouvernement a choisi de réformer le système des retraites et de poursuivre la maîtrise des dépenses de la branche maladie. Il a également décidé de financer la dette sociale sans augmentation d’impôts et de trouver de nouvelles recettes en réduisant les niches sociales et en instaurant des prélèvements exceptionnels dans le cadre de la réforme des retraites.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale repose sur trois grands axes : tout d’abord, l’apport de nouvelles recettes ; ensuite, la maîtrise des dépenses ; enfin, la reprise par la CADES de 130 milliards d’euros de dette, dont 62 milliards d’euros au titre des déficits vieillesse des années 2011 à 2018, pendant la période de montée en charge de la réforme que vous avez votée voilà quelques semaines.
M. Jean-Louis Carrère. Pas tous !
M. Xavier Bertrand, ministre. C’est bien dommage...
Le texte du projet de loi de financement de la sécurité sociale a largement évolué entre la version qui a été présentée en conseil des ministres le 13 octobre et le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire.
D’une part, il a fallu prendre en compte les modifications de financement de la CADES. D’autre part, les parlementaires ont largement enrichi le texte d’origine, ce qui en fait l’un des textes les plus denses depuis que le projet de loi de financement de la sécurité sociale existe.
Je veux saluer la qualité du travail parlementaire, qui a permis de faire évoluer le texte ; j’en remercie la présidente de la commission des affaires sociales et le président de la commission des finances. Je voudrais également saluer les rapporteurs : Mme Desmarescaux, MM. Vasselle, Leclerc, Dériot et Lardeux, ainsi que M. Jégou, rapporteur pour avis, pour leur implication et leurs convictions, que je respecte et salue.
En ce qui concerne l’apport de nouvelles recettes, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 traduit, sur le plan des comptes sociaux, les engagements pris dans le cadre de la réforme des retraites.
Il s’agit tout d’abord de la taxation des stock-options. Le Gouvernement se félicite du compromis qui a pu être trouvé en commission mixte paritaire sur la taxation des actions gratuites : elles ne subiront pas de hausse de prélèvement en dessous d’un seuil fixé à un demi-plafond de la sécurité sociale, ce qui permettra d’encourager le développement de cet outil de management lorsqu’il s’adresse à de très larges catégories de salariés.
Il s’agit également de la taxation des retraites chapeaux. Le compromis trouvé en commission mixte paritaire, avec un seuil d’exonération de 400 euros par mois et un taux réduit de 7 % entre 400 et 600 euros est, là aussi, un bon compromis. Votre assemblée a adopté la semaine dernière, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances, une disposition plus large.
Le Gouvernement souhaite s’en tenir au compromis trouvé dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale : il veut que ce soit fait lors de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances, afin qu’il n’y ait pas de confusion : telle est la position de M. François Baroin sur ce sujet. Cela étant dit, j’ai bien entendu vos propos, monsieur Vasselle...
Enfin, il s’agit de l’annualisation des allégements généraux de cotisations sociales, pour un rendement de 2 milliards d’euros en 2011.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale comporte également d’autres mesures de recettes, dont certaines ont évolué à l’issue de la commission mixte paritaire. Celle-ci, s’agissant des indemnités de rupture du contrat de travail, en particulier, a repris l’amendement adopté par le Sénat et abaissé le seuil d’exonération à trois plafonds de la sécurité sociale, en conservant la proposition gouvernementale d’introduire une période transitoire en 2011. Le Gouvernement estime que le compromis trouvé constitue un équilibre satisfaisant.
J’en viens à la maîtrise des dépenses
Pour réduire les déficits, le Gouvernement a choisi de poursuivre la maîtrise des dépenses, notamment celles de la branche maladie.
En 2010, ce sera la première fois, depuis sa création en 1997, que l’ONDAM voté par les parlementaires sera intégralement respecté, alors que, depuis 1997, le dépassement a été de 1,5 milliard d’euros en moyenne chaque année ! Certaines années, cependant, ce chiffre était moindre.
La maîtrise de ces dépenses passera, dans les années à venir, par le respect d’un ONDAM à 2,9 % en 2011 et à 2,8 % en 2012. Cette capacité à maîtriser la dépense ne se fait au détriment ni de l’accès aux soins pour tous, ni de la qualité des soins offerts, ni de notre capacité à financer les évolutions technologiques, si importantes dans la sphère médicale, au bénéfice des patients de notre pays. Bien au contraire, notre objectif est de faciliter, grâce aux économies que nous réalisons, l’accès de tous à la médecine de demain.
Dans les prochaines années, pour maîtriser les dépenses conformément à l’ONDAM, nous souhaitons mettre en œuvre les propositions du rapport de Raoul Briet : vous avez ainsi voté le renforcement du rôle du comité d’alerte.
Afin de préserver les personnes les plus fragiles, vous avez aussi voté l’amélioration de l’accès à une couverture complémentaire au travers de la hausse progressive du plafond de ressources pour l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé.
Dans le domaine de l’assurance maladie, le Parlement a contribué à améliorer le cadre législatif de maîtrise des dépenses au travers de plusieurs amendements. Je pense notamment à l’encadrement des modalités de délivrance des dispositifs médicaux.
Vous avez permis l’introduction, dans la convention, de la rémunération à la performance en fonction d’objectifs individualisés, sans toutefois supprimer le contrat d’amélioration des pratiques individuelles, le fameux CAPI : les partenaires conventionnels pourront se saisir de ce thème dans la négociation qui va s’ouvrir.
Vous avez aussi souhaité améliorer votre information sur la dotation MIGAC en la fixant directement dans la loi. Je reviendrai sur ce dispositif, en présentant un amendement du Gouvernement portant sur un sujet particulièrement cher au rapporteur général de la commission des affaires sociales.
S’agissant des maisons de naissance, nous avons pu trouver, à l’issue d’un débat riche, un équilibre satisfaisant pour l’expérimentation, entre le développement de ce nouveau mode de prise en charge et les garanties sanitaires nécessaires, en particulier dans le lien avec une structure autorisée à pratiquer l’activité de gynécologie-obstétrique.
Dans le domaine des accidents du travail et des maladies professionnelles, les AT-MP, les amendements ont permis, globalement, de conforter la clarification que nous proposions en faveur des victimes de l’amiante qui s’adressent au Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA. Les amendements de votre rapporteur, Gérard Dériot, éminent spécialiste en la matière, permettront également d’améliorer la lutte contre la fraude aux AT-MP.
Enfin, toujours en matière de fraude, plusieurs amendements utiles ont été adoptés par le Parlement, notamment pour clarifier les sanctions à l’égard des entreprises ayant recours au travail dissimulé ou pour améliorer les dispositifs de contrôle des hôpitaux et des professionnels de santé.
S’agissant de la reprise de dette, le schéma de financement de la dette sociale est équilibré : d’une part, il n’impose pas aux générations futures le poids de la dette de nos contemporains ; d’autre part, il accompagne la sortie de crise grâce à des prélèvements supplémentaires mesurés et ciblés.
La commission mixte paritaire a retenu l’amendement de M. Vasselle que votre assemblée avait voté tendant à ne pas reprendre la dette 2009-2010 de la branche accidents du travail et maladies professionnelles d’un montant de 1,2 milliard d'euros. Même si le Gouvernement estime que le schéma envisagé permettait cette reprise, il a décidé de s’en tenir au compromis trouvé.
Par ailleurs, vous le savez, le schéma de financement a été modifié à la suite de l’examen du projet de loi organique.
D’une part, il est affecté à la CADES 0,28 point de CSG, et les recettes prélevées sur les assureurs – taxe sur les conventions d’assurance, taxe sur la réserve de capitalisation et prélèvements sociaux sur les compartiments en euros des contrats d’assurance vie en unités de compte – sont affectées à la branche famille.
D’autre part, le lien de compensation entre le panier de recettes fiscales et le montant des allégements généraux de cotisations sociales est rompu, et l’excédent du panier, qui représentera 2 milliards d'euros en 2011, est attribué à la sécurité sociale. Le compromis trouvé en commission mixte paritaire reprend la proposition formulée par Alain Vasselle et permet d’affecter une fraction plus importante de cet excédent à la branche famille à compter de 2013.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Exactement !
M. Xavier Bertrand, ministre. En outre, la totalité des droits de consommation sur les tabacs sera affectée, pour la première fois, à la sécurité sociale à partir de l’année prochaine. Cette revendication ancienne et légitime est ainsi satisfaite. Le Gouvernement se réjouit que le débat parlementaire ait permis de faire avancer les choses et que les garanties qu’il a proposées aient été reconnues et améliorées par la représentation nationale.
Par ailleurs, le Gouvernement a déposé plusieurs amendements
Six amendements de cohérence et de coordination visent à actualiser les chiffres pour prendre en compte l’ensemble des dispositions adoptées par la commission mixte paritaire, ainsi que le projet de loi de finances rectificative qui modifie pour l’année 2010 la répartition des droits de consommation sur les tabacs.
Un amendement concernant l’article 54 tend à annuler l’exception pour les résidants en établissement social et médico-social de la suppression de la rétroactivité de trois mois pour les demandes d’aide au logement.
Enfin, trois amendements portent davantage sur le fond.
L’amendement déposé à l’article 41 bis a pour objet de faire en sorte que le rapport annuel remis au Parlement relatif aux MIGAC, les missions d'intérêt général et à l'aide à la contractualisation, précise le montant des mesures d’accompagnement dont auront bénéficié les établissements de santé privés anciennement sous dotation globale pour prendre en compte certaines spécificités dans leur structure de charges. Mesdames, messieurs les sénateurs, je retrouve un sujet qui m’avait passionné avant 2007 et que, comme vous, j’ai à cœur de faire avancer ! Je recevrai rapidement les représentants de la Fédération des établissements hospitaliers et d’assistance privés à but non lucratif, la FEHAP, pour en discuter avec eux. Comme je l’ai indiqué hier à l’Assemblée nationale, dans un premier temps, le montant concerné devrait être compris entre 30 millions d'euros et 40 millions d'euros.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
M. Xavier Bertrand, ministre. L’amendement concernant l’article 43 bis vise à garantir le financement de l’investissement dans le secteur médico-social à hauteur de 4 % de contribution solidarité autonomie, soit 93 millions d’euros en 2011, mais ne préempte pas pour la suite les décisions qui seront prises dans le cadre de la réforme ambitieuse de la dépendance.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous sommes d’accord !
M. Xavier Bertrand, ministre. Madame Desmarescaux, je pense que cet amendement respecte bien l’esprit de vos propositions.
Enfin, l’amendement déposé à l’article 45 ter tend à systématiser le fait que la totalité des crédits déchus minore la dotation de l’année en cours au Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés, le FMESPP, et sera donc intégrée dans l’ONDAM. Monsieur le rapporteur général, je sais que vous avez des idées précises sur cette question.
Je souligne que le texte adopté par l’Assemblée nationale ne comprend pas l’enrichissement de l’annexe 8 du PLFSS par des données plus détaillées sur le FMESPP, car, en séance publique, les députés n’ont pas accepté cet alinéa. Bien entendu, monsieur le rapporteur général, je prends devant vous l’engagement que le Gouvernement mettra en œuvre cette mesure dans le cadre de la préparation du PLFSS pour 2012. Je n’ai pas souvenir d’engagements que j’aurais pris sans les respecter.
M. Alain Vasselle, rapporteur. C’est vrai !
M. Xavier Bertrand, ministre. Pour conclure, nous disposons dorénavant, à mon avis, d’un texte riche, équilibré ambitieux, protecteur de nos concitoyens et de l’ensemble des acteurs de la solidarité nationale.
Aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère que vous confirmerez votre soutien à la politique du Gouvernement en votant ce texte, issu des travaux de la commission mixte paritaire et adopté hier soir par l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le remaniement ministériel survenu alors même que nous examinions le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 n’y a rien changé : le Gouvernement a fait le choix de poursuivre une politique de plus en plus insupportable pour nos concitoyens, placée sous le sceau de l’hyper-austérité, et dont les conséquences sont chaque jour un peu plus graves.
Le déficit est contenu, à hauteur de 20,9 milliards d'euros, soit 2,4 milliards d'euros d’économies pour l’assurance maladie et 7,2 milliards d'euros d’économies pour les quatre branches.
Votre ligne de conduite se résume, au final, à un empilement de mesures, toutes plus injustes les unes que les autres et toutes plus inefficaces, alors qu’il faudrait prendre à bras-le-corps la question du financement de notre protection sociale.
Vous vous enfermez dans une logique comptable, considérant qu’il était de votre responsabilité de réduire les dépenses publiques et sociales, afin, dites-vous, de préserver notre système de solidarité qu’est la sécurité sociale.
Pour nous, il est de votre responsabilité d’augmenter les recettes, et cela de manière pérenne et juste, c’est-à-dire de façon solidaire.
C’est à ce titre, sous le couvert de cette belle ambition, que vous imposez de nouveaux déremboursements. On peut d’ailleurs s’interroger sur votre politique en la matière. Mon ami François Autain n’a eu de cesse de vous interpeller sur un sujet majeur : comment se fait-il que des médicaments, dont les agences sanitaires françaises estiment le service médical rendu faible, voire nul pour certains, puissent non seulement être commercialisés, mais surtout bénéficier d’un remboursement, même partiel, de la sécurité sociale ?
Ce mécanisme, qui ne nous semble pas être de bonne pratique, tend à transformer l’assurance maladie en un financeur de l’industrie pharmaceutique française, ce qui n’est pas, convenez-en, sa finalité première.
Que le Gouvernement veuille encourager l’innovation pharmaceutique, particulièrement française, et la recherche peut se comprendre. Mais qu’il le fasse alors avec d’autres ressources que celles de la sécurité sociale, et qu’il soit, à cet égard, plus exigeant et procède, comme nous le proposons, à une étude comparative avec un médicament déjà existant avant chaque nouvelle mise sur le marché.
C’est également à ce titre que vous avez fait le choix scandaleux, à l’article 54, de supprimer la rétroactivité du versement des allocations logement.
Cette mesure, qui n’est pas sans rappeler la tentative de Mme Boutin de réduire l’APL, l’aide personnalisée au logement, frappera d’abord et avant tout les plus faibles, les plus précaires de nos concitoyens, puisque les aides au logement concernées par cet article sont toutes, sans exception, des prestations servies sous conditions de ressources.
Elle aura un effet notamment sur les étudiants, alors même que l’APL constitue aujourd’hui leur seule garantie, plus particulièrement pour les étudiants boursiers, de pouvoir réaliser les études de leurs choix sans dépendre du lieu de résidence de leurs parents.
L’ensemble des organisations syndicales et associatives les représentant ont dénoncé cette mesure, mais vous n’avez cure de leur opposition légitime.
C’est aussi à ce titre que vous vous attaquez une nouvelle fois aux malades les plus fragiles – je pense essentiellement aux personnes âgées, nos anciens –, c’est-à-dire à ceux qui souffrent d’une affection de longue durée. Cela fait deux ans qu’ils sont les cibles de votre gouvernement, dont la technique bien connue de la stigmatisation de certains patients justifie toujours une réduction des droits.
À l’occasion de l’examen du PLFSS pour 2010, vous adoptiez un dispositif permettant d’expérimenter le dossier médical personnel à l’égard des seuls malades inscrits en ALD, considérant sans doute qu’ils étaient les plus coûteux pour la sécurité sociale, fait que je ne conteste pas. Le dossier médical personnel se trouve alors réduit à un simple outil destiné à diminuer les dépenses médicales, alors qu’il pourrait être un véritable outil au service des patients et des médecins, permettant notamment d’assurer la continuité des soins.
Aujourd’hui, vous allez encore plus loin en déremboursant, pour certains patients, les bandes d’autotest de glycémie, alors que seule une mesure régulière du niveau d’insuline permet de prévenir certaines difficultés très lourdes de conséquences. Votre volonté de faire des économies à tout prix nuit une fois encore à toute logique préventive.
Dans le même temps, la majorité a adopté, avec le soutien du Gouvernement, des amendements scandaleux à l’égard des bénéficiaires de l’aide médicale d’État, les considérant comme de potentiels fraudeurs. Ces mesures, dont les conséquences économiques sont limitées, ont un effet politique important.
Mme Annie David. Elles sont populistes !
M. Guy Fischer. Elles contribuent à dégrader un peu plus encore le « vivre ensemble » auquel nous sommes tant attachés.
C’est encore à ce titre que vous augmentez de manière considérable l’assiette sur laquelle est calculé le forfait hospitalier. Celui-ci n’a eu de cesse de croître et a pour effet d’augmenter de manière considérable le reste à charge des patients, lesquels, monsieur le ministre, doivent déjà opérer chaque mois des arbitrages entre leurs dépenses obligatoires – loyer, électricité, transports, alimentation – et les dépenses facultatives. Nous devons mesurer l’importance de la situation. Pour de plus en plus de nos concitoyens, il y va de la santé comme des loisirs et des vacances : elle est devenue, pour les familles et les ménages les plus modestes, une variable d’ajustement comme les autres.
Personne ne peut aujourd’hui se satisfaire de cette situation, et ce d’autant plus que, comme toutes les études le montrent, le renoncement ou le report de soins n’est jamais sans conséquence sur l’état de santé des patients. Les petits problèmes de santé deviennent, avec le temps, importants, et l’on passe d’une logique de prévention à une logique d’urgence. On passe également d’une médecine de ville à une médecine hospitalière ; les patients, dont la pathologie aurait pu être traitée plus en amont s’ils ne connaissaient pas de problèmes d’argent, de précarité ou de difficultés d’accès aux soins, encombrent les services des urgences. De ce fait, les actes non programmés, qui coûtent cher à l’hôpital public, et donc à la sécurité sociale, se multiplient.
Les hôpitaux connaissent des situations financières pour le moins inconfortables. La Cour des comptes considère que les établissements en équilibre financier sont l’exception. Vous vous abritez, pour votre part, derrière les artifices comptables, tels les reports de charges opérés par les établissements pour ne pas apparaître en situation de déficit, pour considérer, contrairement à la Fédération hospitalière de France et à la Cour des comptes, que tout va bien. Or la réalité est tout autre.
Mais les hôpitaux ont une bonne raison d’agir ainsi. S’ils ne veulent pas paraître en déséquilibre, c’est moins pour vous plaire que pour éviter la mise sous tutelle des agences régionales de santé, les ARS, qui résulte de l’adoption de la loi HPST. Aux termes de celle-ci, les établissements en déficit sont placés sous la tutelle des ARS, qui détiennent alors tout pouvoir pour permettre le retour à l’équilibre et peuvent même imposer la fermeture de services, la fusion entre services, voire entre établissements, et, naturellement, la réduction du nombre de personnels.
Les services connaissent actuellement déjà une importante pénurie en personnels. Les hôpitaux doivent faire face à la hausse des charges incompressibles et aux revalorisations de salaires consenties par le Gouvernement, tout cela avec un ONDAM hospitalier très faible, en hausse de moins de 3 %.
Cette augmentation étant inférieure à l’inflation, comment voulez-vous que les hôpitaux puissent faire face ? Ils ne le pourront pas et seront contraints de limiter le seul poste de dépenses possible : celui qui concerne le personnel.
Mme Annie David. Exactement !
M. Guy Fischer. C’est pourquoi nous craignons une dégradation de la prise en charge des patients. Les personnels relatent déjà des situations catastrophiques.
C’est ce même ONDAM que vous imposez aux établissements médico-sociaux. Pour la première fois, il est historiquement bas, et on voit mal comment les structures non commerciales pourraient créer des places supplémentaires.
De surcroît, il convient d’ajouter à cette situation les mécanismes d’appels à projets instaurés dans la loi HPST et dont tous les responsables du secteur disent qu’ils entraînent au mieux des retards, au pire le retrait des dossiers déposés. C’est d’ailleurs cela qui vous permet de ponctionner 100 millions d’euros sur la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
Vous avez rejeté tous les amendements présentés destinés à garantir une meilleure prise en charge des foyers d’accueil médicalisés par l’assurance maladie. Pourtant, les besoins en termes de médicalisation sont grandissants, du fait du vieillissement des populations accueillies. Ce refus conduit les départements à assumer des dépenses supplémentaires, ce qui, dans le contexte actuel de raréfaction des ressources disponibles pour ces derniers, nous inquiète.
Tout cela est de mauvais augure pour la prise en charge de la dépendance, dont nous avons déjà compris, à l’écoute du Président de la République, du Premier ministre et de certains députés, qu’elle reposerait d’abord et avant tout sur la capacité financière des personnes concernées, puis sur l’assurance privée et sur les départements.
Pour en revenir à l’hôpital, d’autres pistes doivent être explorées, me direz-vous. Certains préconisent que les hôpitaux agissent sur leur patrimoine immobilier, d’autres proposent tout simplement de réduire le champ d’action des hôpitaux pour éviter qu’ils ne dépensent trop. Autrement dit, c’est la réduction des services publics, un pas supplémentaire vers le démantèlement du service public hospitalier.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Guy Fischer. Cette proposition ne nous étonne guère puisque vous opérez depuis des années, singulièrement depuis l’adoption de la loi HPST, un incroyable mouvement de privatisation, non plus des hôpitaux eux-mêmes mais, plus grave encore, de leurs missions, et ce sans aucune contrepartie.
« Sans aucune contrepartie », c’est d’ailleurs votre maître mot, non pas lorsqu’il s’agit de la santé de nos concitoyens, mais lorsqu’il s’agit d’accorder des exonérations de cotisations sociales aux employeurs. Celles-ci coûtent cher à la collectivité puisque, selon la Cour des comptes, elles ont pour effet de créer des trappes à bas salaires, de favoriser la précarité et donc de raréfier les financements pour la sécurité sociale. Elles creusent d’ailleurs considérablement les déficits des comptes sociaux.
Nous vous avons d’ailleurs démontré durant les débats que nous voyions fonctionner depuis plusieurs années un mécanisme assez curieux, mais instructif : plus les exonérations baissent, plus la part des exonérations non compensées – c'est-à-dire la part de cotisations que l’État refuse de redonner à la sécurité sociale – s’accroît.
Je le réaffirme au nom de notre groupe : il est grand temps que le Gouvernement cesse cette pratique d’exonérations de cotisations sociales et qu’il trouve d’autres moyens pour financer sa politique d’emploi, laquelle est d’ailleurs peu fructueuse.
Nous regrettons également que le Gouvernement ait demandé une seconde délibération sur l’amendement déposé par notre collègue Alain Vasselle et tendant à geler au SMIC pour 2010 le montant des exonérations de cotisations sociales consenties. Même si elle était loin de ce que nous proposions, à savoir la suppression progressive mais totale des exonérations de cotisations sociales, cette mesure avait tout de même le mérite de prévoir un tarissement de celles-ci, à un rythme il est vrai très modéré.
Mme Annie David. C’est vrai !
M. Guy Fischer. À peine cet amendement était-il adopté que Laurence Parisot criait au scandale et obtenait du Gouvernement et de sa majorité qu’il fût retiré.
Mme Raymonde Le Texier. Bien sûr !
Mme Annie David. C’était déjà trop !
M. Guy Fischer. Cela illustre l’ensemble de votre politique.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Guy Fischer. Vous ne gouvernez plus pour l’intérêt collectif, mais pour une somme de petits intérêts individuels, à commencer par les hyper-riches, qui bénéficient déjà du bouclier fiscal, le patronat et, au-delà, les spéculateurs.
Vous avez refusé tous nos amendements destinés à apporter de la sécurité dans le financement de notre système de protection sociale et de la justice sociale.