M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Comme vous, monsieur le président de la commission de finances, je trouve ce débat tout à fait important. Il est prospectif dans la mesure où il s’attache à un domaine en évolution, un domaine qui évolue en raison de la globalisation, en raison de la transformation des modes de communication.
Nous devons donc mener une réflexion approfondie sur la façon dont doit évoluer parallèlement la fiscalité qui s’y rapporte, et ce dans un double objectif de rendement et d’équité. Comme le rapporteur général et le président de la commission, le Gouvernement est parfaitement convaincu de cette nécessité.
Cependant, je réitérerai les quelques réserves que j’ai émises tout à l’heure.
J’apporterai, premièrement, quelques nuances aux propos de M. Masson. Monsieur le sénateur, on ne peut pas dire qu’aucun n’impôt ne pèse sur le commerce en ligne. Une TVA s’applique aux ventes effectuées par le biais d’internet. La question est de savoir si les contrôles sont effectifs…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il faut les vérifier !
M. Georges Tron, secrétaire d'État. Exactement !
Quoi qu’il en soit, monsieur le président de la commission, trouvons un terrain d’entente ! Admettons que le principe est établi et que seules les modalités d’application restent encore à définir.
Deuxièmement, je vais me répéter et je vous prie de m’en excuser, ne prenons pas le risque d’être à côté de la plaque. Nous souhaitons mettre en place une fiscalité pour un mode de commerce qui n’a aucune raison d’en être exonéré, même s’il n’en est pas exclu totalement. Mais prenons garde à ne pas opter pour un dispositif qui n’atteindrait pas l’objectif visé et qui pénaliserait tout un commerce interentreprises assis sur les relations via internet, car cela aurait une incidence sur la croissance.
Troisièmement, je souscris aux demandes de réflexions collectives formulées à la fois par le président de la commission des finances et par le rapporteur général. Nous n’avons pas aujourd’hui la capacité d’évaluer précisément le produit d’une telle taxation, estimé par M. le rapporteur général à 500 millions d’euros. Mais, dans la mesure où le prélèvement serait à la fois unique en Europe et sans doute dans le monde, faisons attention à ne pas pénaliser fiscalement nos entreprises au regard de la concurrence à laquelle elles sont soumises. Cela pourrait compromettre leur croissance et, in fine, l’emploi.
En conclusion, je rappellerai que nous avons lancé cette réflexion – comme vous en aviez exprimé le souhait – en partenariat avec les Allemands dans le cadre de la grande étude sur les rapprochements de nos fiscalités à laquelle s’adonne la Cour des comptes. Nous avons bien identifié les tenants et les aboutissants d’une telle démarche. N’anticipons pas sur cette réflexion en adoptant aujourd'hui cet amendement, et évitons les impacts économiques négatifs que je viens d’évoquer !
Monsieur le rapporteur général, engageons cette réflexion, mais en prenant le temps nécessaire. Je vous demande donc de nouveau de bien vouloir retirer cet amendement, sinon le Gouvernement maintiendra son avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. N’ayez crainte, monsieur le secrétaire d'État, il s’agit d’un débat d’orientation. Mais il n’est pas achevé : un certain nombre de nos collègues sur diverses travées souhaitent encore donner leur avis, laissons-les s’exprimer !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Le Sénat n’est pas une union d’intérêts syndicaux particuliers. (Bravo ! sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Fourcade. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. C’est une chambre de réflexion qui regarde l’avenir. C’est son rôle, c’est la raison d’être de notre institution.
Je ne critique pas nos amis députés, qui ont des tâches très difficiles ; mais au Sénat nous sommes un peu différents, un peu décalés (Sourires), ce qui fait notre utilité. Voilà pourquoi c’est dans notre assemblée qu’un tel débat peut avoir lieu.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Grandement même, et en faisant preuve d’une grande ouverture d’esprit !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Nous devons donc accepter que celles et ceux qui ont quelque chose à dire s’expriment, car il est important que nous puissions confronter les différents points de vue.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.
Mme Nicole Bricq. M. le rapporteur général a raison : le Parlement est un lieu de débat, y compris sur des mesures qui peuvent paraître novatrices. Et, dès lors qu’on innove, monsieur le secrétaire d'État – nous avons bien compris le sens de vos interventions –, on risque de bousculer des intérêts acquis.
Au demeurant, l’argumentation développée par le Gouvernement ainsi que par Mme Procaccia nous laisse un peu sceptique.
Certes, le dispositif que propose M. le rapporteur général n’atteindra peut-être pas l’objectif visé, peut-être en partie seulement. Néanmoins, il offre le mérite de poser un réel problème.
Je ferai remarquer à Mme Procaccia qu’elle a voté avec son groupe sans barguigner le relèvement de la TVA sur les offres triple play, ce que les opérateurs vont répercuter intégralement sur les consommateurs !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Eh oui !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Tout à fait !
Mme Nicole Bricq. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes opposés à cette mesure, dans la mesure où c’est une hausse d’impôt déguisée !
Par conséquent, ayez un discours cohérent et ne venez pas invoquer maintenant l’intérêt du consommateur !
J’en viens à mon deuxième point.
J’ai lu dans la presse économique la description du montage d’une grosse entreprise américaine. Est-il normal qu’une entreprise ait son siège aux Bermudes – c’est tout un programme –, une filiale en Irlande quasiment défiscalisée, et que tout un circuit de bénéfices reparte par la Hollande ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Ah ah !
Mme Nicole Bricq. Tout ça pour ne pas payer d’impôt sur les sociétés…
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. 2,4 % !
Mme Nicole Bricq. Certes, mais c’est quand même extravagant ! Pouvons-nous continuer à accepter ce type de montage au cœur même de l’Europe ?
M. Didier Guillaume. Non, impossible !
Mme Nicole Bricq. Dernière remarque : nous faisons partie de l’Union européenne et de la zone euro, nous devons donc tenir compte de nos partenaires. Mais est-ce une raison pour ne pas agir à l’échelon national ? Chaque fois que nous voulons prendre des mesures, on nous dit qu’il faut attendre, opérer au niveau européen, se mettre d’accord avec l’Allemagne, bref, on ne peut jamais rien faire.
J’évoquerai néanmoins un précédent. Le groupe socialiste a voté au Sénat, lorsque Jacques Chirac était encore Président de la République, la taxe sur les billets d’avion en faveur de l’aide au développement. Je me souviens que la majorité avait traîné les pieds. Au départ, la France était le seul pays à instaurer une telle taxe. Que n’avons-nous entendu ! Nous allions mettre en péril tous les voyagistes, la compagnie nationale, pourquoi agissions-nous seuls, etc.
Or nous avons été rejoints, d’abord par quatre-vingts pays ; aujourd’hui, ils sont plus d’une centaine à payer cette taxe.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. D’ailleurs, on ne sait pas où va cet argent !
Mme Nicole Bricq. Cet exemple prouve que nous pouvons parfois défendre un point de vue au niveau national et parvenir à le faire adopter par nos partenaires.
Je le répète, l’amendement de M. le rapporteur général ne nous paraît pas idéal, mais il a le mérite de poser les termes d’un débat réel, qui prendra de plus en plus d’importance, parce que l’Union européenne ne peut pas continuer à abriter des pays qui pratiquent le dumping fiscal !
M. Jean-Jacques Mirassou. Eh oui !
Mme Nicole Bricq. J’ai déjà eu l’occasion de le rappeler au cours de ce débat : l’Union européenne peut s’endormir sur ses lauriers, mais le réveil sera brutal ! La crise irlandaise en est la démonstration : sommes-nous capables de créer un véritable gouvernement économique européen et d’harmoniser un certain nombre d’impôts à vocation européenne ?
Le débat que nous avons eu hier au sujet de la TVA l’a d’ailleurs bien montré : il est inutile de bricoler un impôt dont les règles relèvent forcément de la législation européenne !
M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.
M. Philippe Dominati. Puisque M. le rapporteur général nous invite à nous exprimer, je me permets de reprendre un débat qui a été interrompu au cours de la nuit sur un sujet similaire.
J’ai été sensible aux propos de M. le président de la commission des finances sur les délocalisations industrielles observées il y a quelques décennies en Europe, et plus particulièrement en France, et l’orientation vers une société de services. Il me semble nécessaire d’adopter une vision globale. M. le ministre du budget nous a bien dit, lors de la discussion générale, que la France était devenue la championne des prélèvements obligatoires parmi les pays développés. N’est-ce pas la source du problème ? Les délocalisations, les destructions d’emplois, la perte de compétitivité, les départs d’entreprises vers d’autres pays d’Europe ou du monde résultent avant tout de la fiscalité extrêmement lourde qui pèse sur nos entreprises…
Mme Nicole Bricq. C’est faux !
M. Philippe Dominati. Ce phénomène est incontestable.
Pour cette raison, un certain nombre de membres de cette assemblée ressentent une sorte de crispation lorsqu’ils entendent parler de la création d’une nouvelle taxe. Il faut bien évidemment envisager l’objet de cette taxe, mais nous devrions d’abord nous préoccuper de rejoindre le peloton des pays à fiscalité modérée. Nos entreprises ne retrouveront de la compétitivité et ne créeront des emplois que si nous revenons au niveau de l’Allemagne ou du Royaume-Uni…
Mme Nicole Bricq. C’est un mauvais exemple !
M. Philippe Dominati. Telle est, à mon sens, la direction à suivre, plutôt que d’essayer d’imposer au niveau européen un modèle fondé uniquement sur la création de taxes nouvelles.
En l’occurrence, je m’inquiète de voir que, dans le domaine des nouvelles technologies, nous ne prenons pas les bons réflexes : en l'occurrence, nous ne savons pas si cette taxe pénalisera les entreprises dans leur compétitivité, ou si c’est le consommateur qui la paiera.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est toujours le consommateur qui paie !
M. Philippe Dominati. Le mécanisme proposé par M. le rapporteur général m’inquiète, car je crains qu’il ne s’applique que sur le territoire national, alors que nous savons pertinemment qu’il vise des activités qui peuvent aisément être délocalisées.
Mme Bricq a évoqué le système consistant, pour les entreprises, à multiplier les filiales en Irlande ou aux Pays-Bas, pour profiter de fiscalités plus intéressantes, mais nous ne vivons pas dans un monde parfait ! Je prendrai quant à moi un exemple lié à la production automobile : M. Schweitzer a créé une filiale holding de Renault aux Pays-Bas, il y a longtemps déjà, pour permettre une alliance avec un groupe japonais, justifiée par la recherche d’une meilleure compétitivité.
Le même problème se pose aujourd’hui en ce qui concerne la fiscalité. Je tenais donc simplement à dire : avant de créer une taxe nouvelle, voyons comment améliorer les mécanismes existants dans un espace européen concurrentiel !
M. le président. La parole est à M. Denis Badré, pour explication de vote.
M. Denis Badré. Jean Arthuis s’est exprimé tout à l’heure très clairement en sa qualité de président de la commission des finances. J’interviens pour ma part au nom du groupe de l’Union centriste, pour souligner l’intérêt qu’il porte à l’initiative opportune prise par M. le rapporteur général de la commission des finances et pour saluer l’accueil favorable que lui a réservé M. le secrétaire d’État.
Il s’agit d’un vrai sujet. L’Européen que je suis ne peut pas passer sous silence le fait que cette problématique est typiquement européenne et que nous ne pourrons trouver de solution qu’au niveau européen, sur la base d’un accord franco-allemand. Tout cela est clair, mais mérite d’être répété.
Je ne peux m’empêcher d’établir un rapprochement avec le débat sur la directive Bolkestein, car cette directive portait sur les services et l’amendement de M. Marini vise les services électroniques. Je n’insisterai pas sur cet aspect de la question pour ne pas alourdir notre présent échange de vues.
Pour faire écho aux propos de Mme Procaccia, je dirai qu’il me semble dangereux d’opposer le commerce traditionnel, qui serait considéré comme « ringard », et le commerce électronique, qui serait « moderne ». Le commerce traditionnel peut être absolument moderne, tout comme le commerce électronique peut s’avérer parfaitement ringard ! Nous devons donc veiller à harmoniser le régime de ces différentes formes de commerce pour éviter de biaiser la concurrence.
J’ajoute enfin que toute taxation se répercute en aval sur le consommateur, ce qu’il ne faut jamais perdre de vue !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Évidemment !
M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy, pour explication de vote.
M. Philippe Leroy. Comme l’ensemble des membres de mon groupe, je reste prudent face à la perspective de création d’une taxe nouvelle, compte tenu des dangers que cette démarche peut comporter. Je souhaite cependant revenir sur l’un des points soulignés par M. le rapporteur général et repris par M. le président de la commission des finances : la matière imposable dont nous parlons est nouvelle et cet argument me paraît fondamental. En effet, il ne s’agit pas de taxer une activité traditionnelle, mais de frapper une base nouvelle, qui ne supporte actuellement aucun impôt.
M. François Marc. Et la TVA ?
M. Philippe Leroy. Aucune activité économique ne peut échapper à l’impôt. Je ne vois donc pas pourquoi nous hésiterions aujourd’hui à taxer cette activité nouvelle ; ne pas le faire me paraîtrait même dangereux. Je souhaite donc que le débat qui vient d’être ouvert puisse aboutir rapidement à une conclusion. Ne donnons pas dans la précipitation, afin de limiter les éventuels effets pervers de cette mesure, mais faisons aussi preuve de détermination !
Pourquoi ne pas voter aujourd’hui le principe de cette taxation, en reportant à un décret ses modalités d’application ? Sinon, nous risquons fort d’attendre très longtemps une décision. Je serais donc d’avis que nous votions aujourd’hui une déclaration de principe, qui ne vous gênerait pas pour autant, monsieur le secrétaire d’État, car vous pourriez nous soumettre un projet de décret dans le courant de l’année afin que cette disposition soit effectivement appliquée dès 2012.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.
M. Georges Tron, secrétaire d’État. Je suis sensible à l’argumentation de M. Philippe Leroy, mais je me permettrai de lui suggérer une autre procédure, même si sa proposition s’inscrit dans la logique défendue par M. le rapporteur général. Puisque nous sommes tous d’accord pour reconnaître l’intérêt de ce sujet et des questions posées, notamment en termes de concurrence européenne, et pour constater qu’une réflexion globale doit être engagée sur la fiscalité, je peux prendre l’engagement, au nom du Gouvernement, de constituer un groupe de travail regroupant des parlementaires, des experts, des entrepreneurs, afin de nourrir une réflexion globale. Nous pourrions ainsi éviter d’émettre des signaux négatifs, comme l’a souligné Philippe Dominati, tout en fixant un calendrier et des modalités de travail.
Monsieur le rapporteur général, si vous en êtes d’accord, je vous propose donc de constituer ce groupe de travail, afin de développer notre réflexion et de voir si, en fin de compte, nous devons reprendre votre amendement dans sa forme actuelle ou si nous devons intervenir sous une autre forme.
M. le président. La parole est à M. Jack Ralite, pour explication de vote.
M. Jack Ralite. Permettez-moi de faire une petite remarque à ce point de la discussion.
Empruntant l’expression à un tiers, j’ai l’habitude de dire que nous avons tous un héritage et que nous devons le défendre, mais que, en même temps, nous devons nous en défendre. Autrement, nous risquons de connaître des retards d’avenir et d’être, comme on dit, inaccomplis. Or, comme le disait René Char, « l’inaccompli bourdonne d’essentiel ».
Mme Marie-Thérèse Hermange. C’est vrai !
M. Jack Ralite. A priori, voyant quelqu’un qui avance une proposition respectueuse de cette philosophie qui m’est très chère, j’éprouve un intérêt réel.
Lors d’une réunion culturelle qui se tenait à Avignon, le ministre de la culture, M. Frédéric Mitterrand, disait, dans le même esprit, que, pour inventer du nouveau, il fallait vraiment qu’acteurs privés et publics apprennent à travailler ensemble. Il ajoutait même qu’il faudrait une « sorte de galanterie ».
Avant de débattre d’un sujet aussi important, peut-être faudrait-il que nous nous donnions le temps de travailler, parce que nous ne disposons pas tous de l’outillage nécessaire – M. le rapporteur général en détient une partie, mais c’est son métier ! Nous, nous ne sommes pas complètement outillés pour réagir immédiatement, nous n’avons pas rencontré tous les intéressés.
Même en se limitant au seul secteur de la culture, on ne peut mesurer toutes les conséquences de cet amendement. La technologie est-elle une fatalité ou, puisqu’il s’agit d’une invention humaine, la question n’est-elle pas plutôt de la civiliser et de la maîtriser ? Voilà une vraie question !
Je suis ennuyé de la façon dont la question est posée et dont le débat se déroule. Oui, il faut penser à neuf dans une situation neuve, mais on ne peut le faire qu’au prix d’un travail inouï, parce qu’il est plus difficile de délier que de relier. Il faut donc envisager des structures où le débat démocratique soit possible pour faire progresser la réflexion sur ce type de question.
Dans le cas présent, ce dossier est « piloté » par la commission des finances, mais d’autres commissions, comme celle de la culture, sont également concernées. En effet, cet amendement touche tout un pan de la culture et je ne pense pas, contrairement à un certain M. Madelin, que les nouvelles technologies sont naturelles comme la gravitation universelle. Elles sont une œuvre humaine et je ne veux pas écarter de ma réflexion les inventeurs pour me limiter aux commerçants.
Un énorme travail reste donc à accomplir. La proposition du Gouvernement présente un intérêt si elle nous donne la possibilité de réaliser ce travail inouï démocratiquement, c’est-à-dire en étendant la réflexion au-delà du cercle restreint d’une seule commission. C’est pourquoi, sur une question comme celle-ci, le groupe CRC-SPG sera amené à s’abstenir.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce débat est tout à fait passionnant. Si nous pouvons sortir des clivages traditionnels pour débattre de ces questions majeures dont dépend notre avenir, ainsi que notre capacité à faire face aux missions de service public et à l’exercice des fonctions régaliennes de l’État, nous y gagnerons. Cependant, mes chers collègues, il est quinze heures trente et il va falloir conclure !
Monsieur le secrétaire d’État, le groupe de travail que vous avez évoqué existe déjà au sein de la commission des finances et l’amendement que M. le rapporteur général vient de nous présenter est le fruit de ses premiers travaux. Il pose une question essentielle, car la donne a totalement changé. Il en va de même pour l’architecture de notre fiscalité.
Si le Gouvernement souhaite nous accompagner dans cette réflexion, nous sommes prêts à travailler avec lui.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je voudrais remercier nos collègues qui, dans leur diversité, ont bien voulu s’exprimer et faire part de leurs convictions.
Catherine Procaccia a évoqué ses inquiétudes, je les comprends. Qu’elle me permette néanmoins de lui dire que la très grande inquiétude que nous pouvons tous partager, c’est celle de l’endettement, celle de notre déficit budgétaire.
Nous ne savons pas ce que sera, en 2011, l’évolution de l’économie européenne. Nous ne savons pas ce que seront les contraintes qui, en 2011, nous seront imposées par cette évolution. Nous avons devant nous des périodes difficiles et il va falloir trouver des solutions pour préserver les recettes publiques. C’est incontournable ! Les contraintes d’aujourd’hui sont peut-être légères par rapport à celles qui nous attendent demain et après-demain.
Je pense tout particulièrement – je sais quel est l’engagement de Catherine Procaccia en ce domaine – à la contrainte de financement de la protection sociale. Il ne suffit pas, de loi de financement de la sécurité sociale en loi de financement de la sécurité sociale, de chercher des recettes de rendement ou des recettes de poche pour les mettre en face d’un déficit galopant. Il y a un vrai problème de structure, un vrai problème de système, et il faudra l’affronter comme il est !
Je rappelle également à notre collègue que les collectivités territoriales n’étaient pas visées par l’amendement présenté, pas plus que les très petites entreprises puisque seules étaient concernées les entreprises dépassant 460 000 euros de chiffre d’affaires.
Je voudrais remercier Jean Louis Masson des appréciations qu’il a bien voulu formuler. Nous le connaissons pour être un homme libre. Son apport au débat est important et mérite d’être pris en considération.
Nous travaillons pour l’équité, nous travaillons pour l’avenir de notre système fiscal. Jean Louis Masson nous a parlé du déficit budgétaire en revenant – il n’était pas là hier soir pour entendre Mme Christine Lagarde – sur la conditionnalité, essentielle, dans le dossier de l’aide à l’Irlande.
Au demeurant, Mme la ministre de l’économie nous a confirmé qu’elle viendrait devant les commissions des finances des deux assemblées avant que soit arrêtée la décision, qui, s’agissant de la mise en œuvre du fonds européen de stabilité financière, doit être prise à l’unanimité.
M. Denis Badré. C’est une décision intergouvernementale !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Effectivement, la décision doit être prise État par État ; elle n’est pas encore arrêtée et le Gouvernement nous informera des conditions dans lesquelles elle est susceptible d’intervenir.
Par ailleurs, je comprends bien la réaction – j’allais dire spontanée, viscérale – de Philippe Dominati dès qu’il s’agit d’instaurer une taxe nouvelle. Je dirai que j’ai pu avoir la même. J’ai souvent, et pendant des années et des années, répété la même chose. Mais, dès lors que le monde change, la fiscalité doit changer.
Je remercie vivement Nicole Bricq et les membres de son groupe de leur esprit ouvert quant à cette réflexion.
Nicole Bricq a bien voulu nous rappeler la hausse de la TVA sur les offres triple play, mais j’ai trouvé – qu’elle me le pardonne – une certaine contradiction interne dans son propos.
Mme Nicole Bricq. Pourquoi ?
M. François Marc. Les contradictions sont chez vous !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Nous avons tous nos contradictions. Assumons-les ! Personne n’a le monopole des contradictions ! (Sourires.)
Mme Nicole Bricq. Et la TVA dans le secteur de la restauration ?
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Nos histoires, aux uns et aux autres, sont complexes et nous devons accepter la contradiction, qui, en quelque sorte, est la vie !
Je remercie vivement Philippe Leroy. Je partage à certains égards son impatience, mais je suis tenu, par la parole que j’ai donnée au Gouvernement, d’entrer dans un processus de réflexion. Celui-ci ne saurait évidemment trop durer. D’ailleurs, nous examinerons, en 2011, un projet de loi de finances rectificative, et ce pourra être le moment d’évoquer des sujets de stratégie fiscale.
Enfin, j’ai écouté avec plaisir le propos de M. Jack Ralite.
J’ai bien noté et je reprendrai, s’il m’y autorise, la citation de René Char : « L’inaccompli bourdonne d’essentiel ». C’est effectivement un très beau propos et une très belle référence.
Quant au fait que la discussion doive être démocratique et ne saurait être le monopole de notre pauvre petite commission des finances, nous sommes d’accord, ô combien, avec notre collègue ! C’est un sujet global. Nous l’avons bien vu puisque, dans cet hémicycle, tous les groupes, toutes les sensibilités, toutes les formations se sont sentis concernés.
Je pense, monsieur le secrétaire d’État, qu’ayant ainsi résumé nos échanges et souhaitant vivement que le groupe de travail dont nous avons parlé se mette en place avec nos collègues députés, je puis retirer mon amendement en remerciant celles et ceux qui ont bien voulu contribuer au débat.
M. Jean-Marc Todeschini. Tout ça pour ça !
M. le président. L'amendement n° I-11 est retiré.
L'amendement n° I-354, présenté par M. P. Dominati, est ainsi libellé :
Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au dernier alinéa de l'article 1559, les mots : « aux réunions sportives d'une part » et « d'autre part » sont supprimés ;
2° La quatrième ligne du tableau du I de l'article 1560 est supprimée ;
3° Le 3° de l'article 261 E est abrogé ;
4° L'article 279 est complété par un n ainsi rédigé :
« n. Le droit d'admission aux manifestations sportives. »
II. - La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales des I et II ci-dessus est compensée, à due concurrence, par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.
... - La perte de recettes résultant pour l'État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Cet amendement a pour objet de supprimer la taxe sur les spectacles appliquée aux réunions sportives et à lui substituer l’application d’une TVA.
Savez-vous, monsieur le président, qu’une inégalité demeure dans ce domaine ? Le maire de Marseille, par exemple, pour soutenir le développement du sport dans sa commune, n’a pas pris le même chemin que le maire de Paris et, alors que les clubs parisiens paient cette taxe sur les spectacles, ceux de Marseille – ou d’autres villes telles que Saint-Étienne –ne s’en acquittent pas.
Cette taxe sur les spectacles est donc inéquitable parce qu’elle crée une disparité dans le secteur sportif, et c’est pour combattre cette iniquité que les clubs sportifs réclament sa suppression.
Il appartient à l’État de prendre la décision. Celle-ci ne serait pas coûteuse. Je dirai même, monsieur le rapporteur général, qu’elle rapporterait de l’argent. Si ma mémoire est bonne, la recette nouvelle atteindrait, dans un premier temps, 25 millions d’euros par an, étant précisé qu’il faudrait apporter une compensation aux collectivités territoriales qui perdraient éventuellement une recette.
Cette solution serait également bénéfique pour l’ensemble de la profession, le dispositif actuel empêchant les clubs sportifs de récupérer la TVA sur la totalité de leurs recettes.
Enfin, dans la perspective d’un certain nombre d’évolutions, qu’il s’agisse des infrastructures sportives à financer – un débat qui nous occupe actuellement – ou de la nécessité pour un certain nombre de sports de se développer – je pense notamment à la situation du rugby comparée à celle du football –, il est temps de trouver un système qui corresponde aux souhaits d’un grand nombre d’acteurs.
Ce sujet a été évoqué à plusieurs reprises, dans les rapports commandités ou élaborés par Jean-François Lamour, Éric Besson, David Douillet, mais également à l’occasion des récents états généraux du football français, inspirés et présidés par le Président de la République.
La problématique à laquelle nous sommes confrontés est donc la suivante : une profession souhaite une réforme, qui serait au demeurant plutôt bénéfique pour les finances de l’État, mais le sujet reste pendant parce qu’on n’arrive pas à trouver le bon lien avec le financement des collectivités territoriales, dont certaines veulent promouvoir le sport et d’autres non.
Voilà pourquoi, avec cet amendement, je propose purement et simplement de supprimer une taxe existante, au bénéfice d’une autre taxe existante.