M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
Mme Christine Lagarde, ministre. Il est indispensable que notre pays ne se retrouve pas à la merci de tel ou tel financeur ou refinanceur, victime de ses desiderata, par l’effet d’une dette qui serait devenue trop lourde à porter et dont nous ne pourrions assurer convenablement le remboursement.
C’est aussi une question de justice à l’égard des générations futures, car nous ne pouvons pas éternellement vivre à crédit et faire porter à ces dernières le poids de la dette.
Mme Nicole Bricq. Et la CADES ?
Mme Christine Lagarde, ministre. Enfin, sur le plan de la politique économique, il est évidemment nécessaire de rétablir la confiance, notamment celle des agents économiques, afin que ces derniers ne constituent pas une épargne de précaution au motif d’une mauvaise gestion des finances publiques.
M. François Marc. Il fallait commencer en 2007 !
Mme Christine Lagarde, ministre. J’évoquais dernièrement ce sujet avec mon homologue allemand, alors que nous débattions des politiques de réduction tendancielle des déficits et de la dette.
Alors que nous sortons de la crise, après avoir légitimement creusé les déficits et accru notre endettement, nous devons en revenir à des méthodes de fonctionnement beaucoup plus raisonnables qui nous permettent d’atteindre les trois objectifs que je viens de mentionner. Nous devons le faire par une maîtrise stricte et durable des dépenses budgétaires de l’État et – nous l’espérons – des collectivités locales, et un effort sans précédent de réduction des dépenses fiscales et des niches sociales, comme vient de l’indiquer François Baroin.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Excellent !
Mme Christine Lagarde, ministre. Pour y parvenir, nous proposons dans ce projet de loi de finances une série de mesures courageuses : des mesures de financement de la réforme des retraites, auxquelles prendront part l’ensemble des acteurs, y compris les patrimoines les plus taxés puisque nous avons relevé d’un point l’impôt sur les hauts revenus et sur les revenus du capital, nonobstant le bouclier fiscal et l’application de toute autre mesure d’exonération ; des mesures de financement de la dette sociale, qui mettent à contribution principalement le secteur de l’assurance ; des mesures de réduction du déficit de l’État.
Parmi ces dernières mesures, je n’en citerai que trois.
Premièrement, nous avons décidé de réduire les avantages fiscaux en faveur de l’énergie photovoltaïque. Cette décision, parfaitement légitime, ne trahit aucune hostilité de la part de Bercy à l’égard du Grenelle de l’environnement et de la nécessaire politique en faveur de l’environnement et de la croissance durable ; simplement, nous avons considéré que les objectifs en la matière ont été atteints et qu’il n’est pas nécessaire, dans ces conditions, de maintenir des avantages fiscaux pouvant conduire à des excès et à des abus.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !
Mme Christine Lagarde, ministre. Deuxièmement, nous supprimons le régime de faveur accordé, par dérogation, aux offres dites triple play en matière de TVA, dont le coût, du fait de l’évolution technologique, a été multiplié par trente en quatre ans, passant de 27 millions d’euros en 2006 à 835 millions d’euros en 2010. Il était indispensable de recadrer cet avantage, justifié à l’époque où il avait été mis en place.
Troisièmement, nous avons procédé à la réduction homothétique – le « rabot » – de 10 % d’un ensemble de niches fiscales. Cette mesure n’est pas assimilable à une augmentation d’impôt dans la mesure où ce sont les contribuables qui ont délibérément « choisi » de profiter de ces niches.
Nous avons donc fait le choix de privilégier la réduction des dépenses fiscales par rapport à l’augmentation générale des impôts, que nous refusons. C’est une question d’efficacité économique et de justice.
À cet égard, le Gouvernement est bien évidemment sensible à la nécessité d’équilibrer l’effort entre les ménages, d’une part, et les entreprises, d’autre part. Ainsi, ces dernières contribueront à hauteur de 60 % à cet effort en 2011, et à plus de 50 % en 2012.
Notre troisième priorité, sur laquelle je m’attarderai un peu plus longuement, est la compétitivité de notre économie.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
Mme Christine Lagarde, ministre. Dans un monde qui, comme je l’indiquais tout à l’heure, change fondamentalement avec l’apparition de multiples centres de gravité et l’émergence des nouveaux pôles de concurrence que sont les pays émergents, notre compétitivité dépend de la capacité de notre économie à se positionner en haut de la chaîne de valeur dans tous les secteurs d’activités et de notre aptitude à conserver sur le territoire français notamment des activités à haute valeur ajoutée, mais pas seulement : ainsi, les centres de recherche et développement peuvent nous permettre de nous maintenir en haut de cette chaîne, mais à condition qu’une base industrielle puisse nourrir leurs efforts dans ce domaine.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Absolument !
Mme Christine Lagarde, ministre. Vous le savez pour avoir beaucoup contribué à ces évolutions, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons pris, depuis 2007, un certain nombre de mesures dans le cadre de cette politique économique et fiscale destinée à améliorer notre compétitivité. Je me réfère là aux investissements d’avenir – le grand emprunt –, à la modification en profondeur de notre fiscalité locale, avec la suppression de la taxe professionnelle et son remplacement par la contribution économique territoriale, plus intelligente et ciblée sur l’encouragement du secteur industriel et des PME, et, évidemment, au crédit d’impôt recherche, sur lequel je reviendrai dans un instant.
Nous avons aussi intensifié notre politique de soutien à l’exportation. Les PME et les entreprises de taille intermédiaire doivent impérativement exporter plus. L’affirmer ne suffit pas, il faut aussi repositionner les acteurs publics soutenant l’exportation. Ainsi, nous avons profondément modifié Ubifrance pour en faire un acteur compétitif et efficace auprès des entreprises. Nous avons également modifié les instruments financiers d’aide à l’export, afin que nos entreprises soient en capacité d’affronter les marchés extérieurs et de s’y implanter.
Les mesures que nous vous proposons dans le cadre de ce projet de loi de finances pour 2011, centré sur la compétitivité des entreprises, visent à intensifier ces efforts de réforme structurelle, en agissant dans trois directions.
Le premier volet a trait aux mesures en faveur de l’investissement.
S’agissant de l’investissement immobilier des ménages, comme je l’indiquais tout à l’heure, les chiffres du troisième trimestre de 2010 démontrent que les ménages ont recommencé à investir dans la pierre.
Avec Benoist Apparu, nous avons refondu les trois régimes existants – le crédit d’impôt pour les intérêts d’emprunt, le dispositif du Pass-foncier prévoyant une taxe sur la valeur ajoutée à taux réduit pour la construction de certains logements, et le prêt à taux zéro – pour créer un nouveau prêt à taux zéro amélioré et simplifié, dont nous espérons qu’il sera moins coûteux budgétairement et plus efficace vis-à-vis des Français souhaitant continuer à investir dans l’immobilier.
S’agissant de l’investissement des entreprises et de sa dynamisation, nous avons engagé, d’abord avec Luc Chatel puis avec Christian Estrosi, un travail de concertation avec les entreprises dans le cadre des états généraux de l’industrie. Le but recherché est la détermination des dispositifs les plus efficaces pour soutenir l’investissement.
Nous avons parlé de la contribution économique territoriale, qui permet de mieux cibler les investissements que nous souhaitons solliciter. Mais, bien évidemment, nous trouvons parmi ces dispositifs le crédit d’impôt recherche, qui, de l’avis de tous les investisseurs étrangers, est l’un des facteurs majeurs d’attractivité du territoire français.
Vous connaissez le diagnostic, mesdames, messieurs les sénateurs : la France souffre d’une insuffisance de la recherche privée ; c’est l’effort de recherche et développement qui conditionne notre croissance à long terme ; l’enjeu est donc absolument stratégique pour notre pays, eu égard à la concurrence mondiale que j’évoquais tout à l’heure.
À ce stade de mon intervention, je voudrais donc plaider en faveur du crédit d’impôt recherche, qui, tant dans son architecture que dans ses effets, est probablement l’un des outils fiscaux de politique économique les mieux calibrés, examinés et analysés.
À cet égard, je tiens à saluer la préparation d’un certain nombre de rapports sur la question, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au sein de l’Inspection générale des finances ou de votre commission des finances. Je pense notamment, monsieur le président Arthuis, à l’excellent rapport de M. Christian Gaudin.
Dans tous ces rapports, on trouve sensiblement les mêmes cinq conclusions, que je voudrais rappeler brièvement.
M. François Marc. Ça coûte cher !
Mme Nicole Bricq. À certains, oui ! Il y a des effets d’aubaine !
Mme Christine Lagarde, ministre. Nous disposons d’éléments de réponse sur ce point. J’insiste une nouvelle fois sur le fait que le crédit d’impôt recherche est l’un des rares outils fiscaux dont on mesure avec un peu de sérieux les effets. Mais ce n’est pas parce qu’on en mesure les effets qu’il faut impérativement décapiter le dispositif !
Première conclusion, un euro de crédit d’impôt recherche génère de un à trois euros de dépenses de recherche supplémentaires. À ceux qui dénoncent un effet d’aubaine, je réponds donc que ce n’est pas du tout le cas : les entreprises qui utilisent le crédit d’impôt recherche multiplient leurs investissements personnels.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. En Europe centrale !
Mme Christine Lagarde, ministre. Deuxième conclusion, un euro investi dans le crédit d'impôt recherche se traduit par une augmentation du produit intérieur brut de deux euros à l’horizon de quinze ans. Voilà pour le retour sur investissement !
Troisième conclusion, en 2008, première année d’application de la réforme du crédit d’impôt recherche, on a pu constater que les entreprises ont accru de 1,5 milliard d’euros leur effort de recherche et développement.
Quatrième conclusion, la même année, c’est-à-dire en 2008, 3 000 entreprises supplémentaires sont entrées dans le dispositif ; 60 % d’entre elles n’avaient jamais mené de programme de recherche et développement auparavant.
Cinquième conclusion, pas moins de deux tiers de ces nouveaux bénéficiaires du crédit d'impôt recherche sont des petites et moyennes entreprises.
Je sais par avance, mesdames, messieurs les sénateurs, quels arguments vont m’être opposés : certains chiffres grandiloquents vont être évoqués. J’attire votre attention sur le fait qu’un certain nombre d’entre eux – les plus élevés, ceux que vous allez probablement utiliser dans vos argumentations – incluent le remboursement anticipé du crédit d'impôt recherche au titre du plan de relance.
Je crois donc qu’il faut raison garder : la juste appréciation de la qualité et de la valeur d’un outil exige de bien mesurer et de bien comprendre quel est le risque, quel est le coût, quel est le retour sur investissement, et ce sans se focaliser sur une année de « dégorgement des tuyaux », si vous me permettez cette expression.
Nous avons eu, à l’Assemblée nationale, des débats nourris sur le sujet. Si je comprends la logique suivie par l’Assemblée nationale, qui a souhaité raboter quelque peu le crédit d'impôt recherche, je crois que nous devons être extrêmement vigilants à cet égard et ne pas considérer cet outil comme n’importe quel autre outil. Ce dispositif est très particulier et, de mon point de vue, extrêmement stratégique.
Mais je sais pouvoir faire confiance à la sagacité de la commission des finances et de la Haute Assemblée dans ce processus d’appréciation des effets du crédit d'impôt recherche et de l’utilité qu’il représente pour notre économie.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Il y a eu un peu trop de lobbying sur le sujet !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Nous avons l’habitude !
Mme Christine Lagarde, ministre. Le deuxième volet en matière de réforme structurelle concerne la taxe systémique sur les établissements financiers, la « taxe sur les banques » pour faire simple.
Ajoutée à la contribution au financement de la supervision du secteur bancaire, que nous avons mise en œuvre au début de l’année, et à la contribution exceptionnelle au Fonds de garantie des dépôts instaurée à la fin de l’année 2009, cette taxe portera la contribution des banques à un milliard d’euros en 2013.
Ce dispositif conforte très clairement la position de la France, à un moment où elle prend la présidence du G20 pour toute l’année 2011, pour inciter et encourager, dans une démarche quasi-kantienne, l’ensemble de ses partenaires à adopter le même type de pratiques. Aujourd’hui, ce n’est évidemment pas le cas, mais c’est un combat que nous mènerons aussi.
Enfin, j’en viens au troisième volet de l’effort de réforme structurelle.
J’honorerai bien entendu, au côté de François Baroin, l’engagement que nous avons pris dans l’article 76 de la loi de finances pour 2010, consistant à revenir devant la Haute Assemblée pour évoquer la réforme de la taxe professionnelle : ses effets ; les questions sensibles qu’elle soulève, notamment en matière de péréquation ; le volume, l’assiette et le taux de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, ou l’IFER. Ce rendez-vous me permettra de donner suite à l’excellente initiative qu’a prise votre président de la commission des finances d’organiser, à la fin du mois de septembre, un débat sur les conséquences et les effets de la réforme de la taxe professionnelle.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les observations que je souhaitais faire, à titre liminaire, à l’aube de l’examen de ce budget.
Je tiens à remercier tout particulièrement la commission des finances, son président, son rapporteur général et tous ses membres, qui ont examiné avec beaucoup de patience et d’intelligence ce projet auquel nous allons consacrer tant de temps. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous entrons dans le troisième stade de notre chronologie budgétaire d’automne.
Le premier stade est celui de la programmation des finances publiques – la trajectoire – : comment retrouver une situation raisonnable, alors que celle que nous connaissons aujourd’hui est encore très compromise ?
Le deuxième stade est celui du financement de la sécurité sociale. À cet égard, je voudrais rendre hommage à nos collègues de la commission des affaires sociales et à mon homologue Alain Vasselle, car le travail réalisé est très remarquable.
Le troisième stade est, si j’ose dire, celui de la « loi mère », la loi de finances.
Je vais m’efforcer de vous apporter quelques éléments de cadrage à ce sujet, en évoquant – dans l’ordre – la dette, le déficit, les recettes, les dépenses. Ma conclusion portera sur le dixième anniversaire d’un texte qui devait nous apporter le salut : la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, dite LOLF.
Mais je voudrais dire, en introduction, toute la reconnaissance de la commission des finances aux deux ministres en charge de ces dossiers.
Je voudrais indiquer à M. le ministre du budget que nous l’écouterons aujourd’hui avec encore plus d’attention que d’habitude (Sourires.) et, surtout, que nous le soutiendrons dans toutes les mesures difficiles qu’il faut prendre. Nous veillerons à ce que le Sénat ne dégrade pas les efforts indispensables de réduction des dépenses fiscales, indépendamment du lobbying souvent excessif auquel des catégories professionnelles ne craignent pas de se livrer, avec des méthodes frisant parfois les pressions indécentes.
MM. Robert del Picchia et Yvon Collin. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Je voudrais en outre inscrire mon propos dans l’analyse de la situation macro-économique faite par Mme Christine Lagarde. Nous sommes bien dans une situation paradoxale, nous sommes bien en sortie de crise, mais un point doit plus particulièrement attirer notre attention : notre déficit de compétitivité ne cesse de se creuser.
Regardez les chiffres du troisième trimestre de l’année 2010, mes chers collègues : nous pouvons, en les observant, soit nous réjouir, soit nous désespérer.
Nous pouvons peut-être nous réjouir, car un taux de croissance de 0,4 % du produit intérieur brut, la moyenne de la zone euro, est un bien meilleur résultat que celui que certaines Cassandre nous prédisaient.
Nous pouvons nous désespérer, ou au moins exprimer de fortes préoccupations, s’agissant de notre solde extérieur, car, dans cette période où la croissance redémarre, celui-ci ne cesse de se détériorer.
La consommation, quoi que certains disent sur ce point, se porte assez bien ; mais, au fur et à mesure qu’elle se relance, elle contribue à déséquilibrer davantage le solde extérieur.
M. Jean-Jacques Jégou. Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. On ne peut donc que souscrire aux propos de Mme Christine Lagarde, quand elle met l’accent sur la compétitivité et la préparation de l’avenir.
J’en viens à mon premier sujet, c’est-à-dire à la dette.
Le projet de loi de finances pour 2011 a simplement pour objectif de ralentir la progression de la dette. Quand j’entends parler de rigueur et de mesures douloureuses, peut-être celles-ci le sont-elles dans certains domaines, mais il ne s’agit que de freiner la progression de la dette.
Qu’il me soit permis de rappeler que le point de retournement en ce domaine, celui au-delà duquel, enfin, la dette régressera en capital – en d’autres termes l’équilibre primaire – n’est prévu, dans notre programmation des finances publiques, que pour 2013. Si l’on s’inscrit bien dans cette trajectoire, cette dette, qui est un fardeau de plus en plus lourd, continuera inéluctablement à progresser jusque-là.
Nous en avons un témoignage très clair en observant les crédits affectés aux charges financières. Depuis les exercices 2005 et 2006, nous nous situons à un étiage compris entre 35 milliards d’euros et 40 milliards d’euros. Nous allons franchir – je n’ose dire allègrement – la limite des 40 milliards d’euros – 45 milliards ? 50 milliards ? – pour atteindre très rapidement, dans trois ou quatre ans, le niveau de 55 milliards d’euros, et ce dans le respect de la trajectoire fixée par la loi de programmation triennale des finances publiques.
Donc, si la loi de finances pour 2011 est difficile à élaborer, les suivantes le seront davantage,…
M. Daniel Raoul. Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. … n’ayons aucune illusion à ce sujet. Ce n’est qu’un constat matériel : quand on doit dégager 40 milliards d’euros pour payer le remboursement et les intérêts, il faut faire des efforts. Mais lorsque le montant s’élève à 55 milliards d’euros, les efforts à consentir sont plus importants. C’est une réalité à laquelle on ne peut échapper, mes chers collègues.
Évoquons maintenant le déficit.
Nous pouvons nous réjouir ensemble que, par rapport à la prévision pour 2010, le déficit diminue de 60 milliards d’euros. Cela étant, qu’est-ce qui, dans cette réduction, représente un vrai effort de notre part et de celle du Gouvernement ?
M. Jean-Jacques Jégou. Pas grand-chose !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Regardons les choses.
Mme Nicole Bricq. Nous les avons regardées !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Considérez-vous comme anormal que l’on s’efforce de synthétiser les principaux éléments au début de l’examen du projet de loi de finances, chers collègues ? Je pense être dans mon rôle.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mais oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Sur cet écart, seuls deux éléments résultent de décisions relevant du Gouvernement : l’augmentation des dépenses, qui est contenue à 4,5 milliards d’euros, et les effets des mesures nouvelles sur les recettes, pour 1,7 milliard d’euros.
Les autres facteurs essentiels qui expliquent l’écart de déficit d’une année à l’autre sont les suivants.
Tout d’abord, il faut citer l’évolution spontanée des recettes fiscales – 12 milliards d’euros –, c’est-à-dire l’effet de retour à la croissance, que, par définition, on constate à droit constant.
Ensuite, l’arrêt du plan de relance est important, puisque, même si nous regrettons les rapports très agréables que nous avons eus pendant la durée de sa mission avec Patrick Devedjian, il n’en reste pas moins que le plan de relance est fait pour ne pas se répéter. Donc, il est naturel que l’on engrange une comparaison favorable de 8,2 milliards d’euros.
Enfin, nous avons un effet comptable résultant de la réforme de la taxe professionnelle ; simplement, celle-ci, pour des raisons purement techniques, coûte 5,3 milliards d’euros de moins que l’année précédente.
Tout cela contribue à la diminution du déficit budgétaire, et l’on ne peut que s’en réjouir.
Mon propos est simplement de focaliser l’attention sur ce qui relève de véritables efforts effectués par le Gouvernement, et ce propos, vous le voyez, relativise ce que l’on peut entendre ici ou là sur le caractère extraordinairement rigoureux de ce budget.
M. François Marc. Oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. En effet, ce budget est raisonnable, sérieux ; mais, à mon sens, ce n’est vraiment pas ce que l’on pourrait appeler un budget de rigueur.
Le projet de loi de finances comporte des dispositions qui réduisent le déficit d’administrations publiques autres que l’État, c’est-à-dire les administrations sociales, et c’est une bonne chose.
Il faut enfin souligner que ce projet de loi de finances aura des effets importants sur l’avenir. C’est, en quelque sorte, un « PLF à retardement », car toutes les mesures qui réduiront les dépenses fiscales au titre de l’impôt sur le revenu vont se traduire – c’est une excellente chose – par un rendement en 2012, en 2013 et les années suivantes.
Mais si les réductions de niches fiscales ne « rapportent » qu’environ 500 millions d’euros en 2011, leur rendement sera de 2,7 milliards d’euros en 2012 et de 3,6 milliards d’euros en 2013. C’est un aspect tout à fait positif, qu’il faut souligner.
J’en viens aux recettes, et plus exactement à la préservation des recettes, c’est-à-dire à la lutte contre l’excès de dépenses fiscales, avant d’évoquer, en quelques mots, la réforme fiscale à venir.
Le Premier ministre a eu le très grand mérite d’annoncer au mois de mai des orientations qui s’appliquent dans une large mesure à ce budget.
Je pensais, pour ma part, que la réduction, le rabot, de 10 % des avantages fiscaux aurait pu avoir une base encore plus large. L’Assemblée nationale, dans ses votes, a élargi la démarche ; nous le ferons encore, je l’espère.
Je voudrais rappeler que, dans une période comme celle que nous vivons, la réduction proportionnelle est en réalité la méthode la plus juste, la plus équitable, la plus incontestable, car c’est celle qui fait participer tout le monde à l’effort nécessaire. S’il est bien sûr compréhensible que l’on examine de façon plus technique, plus détaillée tel ou tel régime, le fond du raisonnement, c’est tout de même bien la réduction proportionnelle des avantages.
Permettez-moi de redire un propos qui n’est pas seulement une plaisanterie. Lorsqu’on s’adresse à une catégorie qui a été favorisée depuis longtemps par une exonération, une incitation, un avantage quelconque et qu’on lui demande aujourd’hui des efforts en soutenant qu’elle conservera 90 % de ses privilèges, normalement, on devrait avoir en face de soi des individus satisfaits de conserver 90 % de ce qui n’est qu’un avantage financé par les deniers publics.
Lorsqu’on entend les raisonnements qui nous sont tenus sur le crédit d’impôt recherche ou les emplois à domicile, on se dit que les bénéficiaires de ces mesures devraient avoir le réalisme et l’honnêteté de constater que l’essentiel est conservé et leur est garanti.
En ce qui concerne, par exemple, les emplois à domicile, le « rabot » ne s’applique pas au dispositif fiscal, qui est intégralement préservé.
Mes chers collègues, nous ne devons pas trop être victimes des intérêts particuliers et il faut être capable de rappeler que, dans une période difficile, des efforts doivent être faits par toutes et tous, des efforts proportionnés aux capacités contributives.
À mon avis, le talent et le grand mérite du Premier ministre britannique, madame le ministre, c’est de dire avec franchise que, mieux on est pourvu, plus on doit faire d’efforts, et que, dans une période comme celle que nous connaissons actuellement, nul ne peut s’en exonérer.
Je suis de ceux qui pensent que c’est ce langage qu’attend l’opinion publique,…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. … en tout cas l’opinion sérieuse et responsable, et que rien ne sert d’essayer de caresser quelques intermédiaires ou lobbies dans le sens du poil, car en réalité ils sont – j’en ai la conviction – très peu représentatifs, sinon de leurs propres intérêts.
Pour ce qui est de la préservation des recettes, nous nous efforcerons de vous soutenir, et nous vous soumettrons quelques idées complémentaires.
Par ailleurs, nous allons aborder un thème que la commission des finances a fait sien depuis déjà un certain temps : l’adaptation des assiettes fiscales à l’évolution des technologies. En d’autres termes, le monde change, les technologies se modernisent,…
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Et les fraudes aussi !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. … les habitudes des consommateurs et leur comportement se modifient. La fiscalité peut-elle rester identique ?
S’agissant, par exemple, des « étranges lucarnes », doit-on ne considérer que la technologie par laquelle s’exprimaient Léon Zitrone, Pierre Bellemare ou Catherine Langeais ? (Sourires.)
M. Jean-Jacques Jégou. C’était le bon temps !
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Les choses n’ont-elles pas un tout petit peu changé depuis ? Cette démarche est commune à la commission des finances et à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Nous estimons que ce sujet doit être mis sur la table et traité de façon responsable.
De la même façon, les plates-formes de transaction sur Internet sont un sujet que nous avons souhaité mettre au premier plan de nos préoccupations. D’ailleurs, madame le ministre, la crise irlandaise est là pour illustrer et mettre en valeur nos propos.