M. Yves Daudigny. À maintes reprises, comme je l’ai encore fait samedi dernier, avant que le Sénat n’ajourne ses travaux en raison de la démission du Premier ministre, nous avons dénoncé les effets pervers de la conduite à marche forcée de la tarification à l’activité telle qu’elle est imposée aux établissements publics depuis quelques années.
La Cour des comptes elle-même a déjà souligné les incohérences de sa mise en œuvre, allant même jusqu’à dire que la T2A est devenue un dispositif opaque pour les gestionnaires. La Cour a encore récemment insisté sur les nécessaires améliorations à apporter au dispositif, s’agissant notamment de la définition même des tarifs et des missions d’intérêt général ainsi que du scénario de convergence des tarifs entre secteurs public et privé.
Notre amendement s’inscrit dans le cadre de ces réflexions et de ces constats. Il vise à intégrer les honoraires médicaux dans le tarif de séjour des établissements privés, préalablement à la régulation prix-volume.
En effet, comment faire converger les tarifs des établissements publics et privés, alors que les modalités de détermination du coût des séjours sont différentes ?
Le problème est que les honoraires médicaux ne sont pas intégrés dans les coûts de séjour des cliniques privées, alors même que les rémunérations des professionnels médicaux le sont dans ceux des établissements publics, formant ainsi un coût « global ». Cette différence participe à la distorsion de tarification que décrit la Cour des comptes dans son dernier rapport.
Pour cette raison, la régulation prix-volume n’a pas, à ce jour, le même impact selon le secteur d’exercice et elle s’effectue au détriment de l’hôpital public : son coût de séjour est effectivement « tout compris », alors que, dans le privé, les honoraires sont soumis aux résultats de la négociation conventionnelle.
À l’origine, faut-il le rappeler ? la réforme de la T2A avait été pensée autour de deux principes directeurs : d’une part, dynamiser la gestion des établissements publics en substituant au financement par dotation instauré en 1983 des recettes issues de l’activité de soins produite ; d’une part, éliminer progressivement les disparités historiques de financement entre établissements, qu’ils soient publics ou privés, en faisant converger leurs tarifs pour appliquer un principe, simple en apparence, à prestation identique, tarif identique.
Encore faut-il, pour cela, se référer à des bases comparables. Tel est l’objet de l’amendement que nous vous demandons d’adopter.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ces deux amendements visent à intégrer dans le tarif les honoraires des médecins exerçant dans les établissements privés.
Cette question est naturellement prise en compte dans le processus de convergence, lequel tiendra compte des honoraires des médecins et des tarifs à l’acte pratiqués par les établissements privés.
À ce jour, le tarif public intègre la part salariale des médecins et des praticiens hospitaliers qui appartiennent à la fonction publique hospitalière, ce qui donne un tarif plus élevé que celui qui est pratiqué pour le même acte dans les établissements privés, puisque s’ajoutent aux actes les honoraires.
Pour le moment, nous ne pensons pas qu’il faille faire évoluer la situation, même si vos réflexions sont tout à fait pertinentes.
M. Guy Fischer. Elles sont pleines de bon sens !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Mme la secrétaire d'État pourra vous confirmer que le Gouvernement intégrera bien entendu les honoraires dans le processus de convergence.
M. Guy Fischer. On sera bien avancé !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. En réalité, vous soulevez la question des dépassements d’honoraires, que vous aimeriez voir réglée.
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Il est vrai que, s’il existait un tarif intégrant les honoraires, cela nous permettrait de régler cette question des dépassements.
M. Guy Fischer. Vous admettez donc que c’est scandaleux !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Puisque, par ailleurs, nous réfléchissons actuellement à la création d’un secteur optionnel, laissons les choses suivre leur cours, laissons les négociations conventionnelles aboutir. Il sera toujours temps de répondre à votre demande.
Aussi, je demande à chacun des auteurs de ces deux amendements de bien vouloir les retirer ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.
M. François Autain Cela dure depuis six ans !
M. Guy Fischer. Six ans, monsieur le rapporteur général !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je le sais, mes chers collègues, mais je suis intervenu pour demander que le processus soit accéléré !
M. Guy Fischer. Nous aimerions que cela aille encore plus vite !
M. Nicolas About. Chi va piano va sano ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. E va lontano !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. La convergence doit concerner des prestations homogènes et clarifier au préalable les différences entre la nature des activités produites. Or, aujourd’hui, le tarif du GHS ne recouvre pas le même champ de charges selon qu’il s’applique à l’hôpital public, où toutes les prestations sont comprises, ou aux cliniques, où les honoraires sont facturés en sus.
L’évolution que proposent les auteurs de ces amendements pour harmoniser les champs de charges couvertes, à savoir le regroupement de la rémunération de la structure et des honoraires dans un même tarif pour les établissements privés, paraît simple en apparence du point de vue technique, mais elle est porteuse de nombreuses implications et conséquences qui dépassent le seul sujet de la convergence tarifaire.
Cette solution ne me semble pas acceptable, du moins en tant que cible à court terme, pour les raisons suivantes.
Premièrement, elle complexifie considérablement le débat sur la convergence, en créant un nouveau sujet de discussion – la question du statut des médecins exerçant en clinique – avec le risque, s’agissant des médecins libéraux, d’une requalification en contrat de travail.
Deuxièmement, elle crée un mécanisme de compensation entre les revenus des cliniques et des médecins, dont les cliniques pâtiront dès lors que la négociation des honoraires se fait dans un autre cadre et que les dépassements d’honoraires sont librement fixés par les médecins.
Troisièmement, elle pose la question de l’harmonisation des règles de prise en charge par les organismes d’assurance maladie, puisque, les dépassements d’honoraires n’étant pas remboursés, le taux moyen de prise en charge est plus bas dans la filière privée que dans la filière publique.
La globalisation de la rémunération devrait dès lors conduire à harmoniser le taux de prise en charge et, donc, à resocialiser les dépassements d’honoraires.
On voit bien, ici, les difficultés, notamment financières, auxquelles une telle évolution se heurterait. D’ailleurs, en 2005, l’Inspection générale des affaires sociales estimait le coût de la réintégration des dépassements à 530 millions d’euros, sauf à créer des effets revenus massifs pour les médecins.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le comprenez, le Gouvernement est, pour ces raisons, défavorable à ces amendements.
M. Jacky Le Menn. Nous comprenons, mais nous ne sommes pas d’accord !
M. Guy Fischer. Cela commence mal, madame la secrétaire d’État !
Mme la présidente. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. J’ai bien entendu les explications qui viennent de nous être données, mais elles ne me convainquent absolument pas ! Une injustice demeurera.
J’insiste sur le fait que ces inconvénients ont été soulignés par la Cour des comptes dans son dernier rapport, à propos, en particulier, de l’imagerie médicale.
Il faut espérer qu’il y aura encore demain des radiologues dans nos hôpitaux ! En effet, compte tenu du mode de rémunération, tous les radiologues quittent l’hôpital pour le secteur privé. Pourquoi ? Ce dernier leur offre une rémunération à l’acte : ils sont rétribués à chaque fois qu’ils réalisent une IRM ou un cliché radiographique. Ce n’est pas le cas à l’hôpital.
Plus grave encore, à mon sens, cette pratique encourage une multiplication des actes d’imagerie médicale, avec toutes les conséquences qui en découlent.
Je voudrais insister sur un deuxième point, auquel je sais M. le rapporteur général sensible.
Les dépassements d’honoraires ne pourront jamais être pris en compte dans le GHS de la clinique, y compris dans l’hypothèse où nous effectuerions des comparaisons intégrant les honoraires. Puisque seuls les honoraires qui font l’objet d’un remboursement par l’assurance maladie obligatoire seront pris en compte, les dépassements ne seront jamais concernés.
Vous pensez que nous aurons, demain, un secteur optionnel, monsieur le rapporteur général. J’ai donc bien compris que vous n’étiez pas pressé. Les patients, eux, le sont beaucoup plus que vous…
M. Jacky Le Menn. Ils sont impatients !
M. François Autain. … et souhaiteraient que cette question soit résolue.
Pour ma part, j’estime que le secteur optionnel n’est pas la solution. Il impliquerait un transfert des dépenses remboursées par l’assurance maladie obligatoire vers les complémentaires santé. Or, vous le savez, à chaque fois que l’on effectue ce type de transfert – le Gouvernement le fait continuellement, au point qu’aujourd’hui les soins courants ne sont plus remboursés qu’à 50 % par l’assurance maladie obligatoire, le régime complémentaire comblant les 50 % restants – on creuse les inégalités.
C’est pourquoi nous ne pouvons pas être favorables au secteur optionnel…
M. Nicolas About. C’est pourtant une bonne chose !
M. François Autain. … et nous ne pensons pas pouvoir nous en remettre à cette solution pour régler les problèmes de dépassement d’honoraires ni, a fortiori, des différences existant entre les secteurs privé et public.
Nous renouvelons donc notre demande d’intégration des honoraires dans les GHS du secteur privé, ce qui faciliterait et de beaucoup la comparaison et découragerait, de surcroît, les médecins tentés de pratiquer des dépassements d’honoraires. Dès lors, le changement de secteur d’activité – public ou privé – ne constituerait plus pour eux une issue.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Je ne voterai pas les deux amendements qui viennent d’être présentés.
M. François Autain. Nous sommes étonnés !
M. Jean-Pierre Fourcade. Ils me semblent effectivement beaucoup trop simples : si l’on examine de près le fonctionnement de notre système de santé, on constate que, au-delà de la fameuse opposition entre le secteur public et le secteur privé, la situation est beaucoup plus complexe qu’on ne le pense.
Pour être plus précis, j’apporterai deux bémols à la proposition qui nous est faite.
D’une part, chacun sait que les tarifs sont plus élevés dans le secteur privé sans but lucratif que dans le secteur public. Une des principales revendications de la Fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs concerne d’ailleurs une modification tarifaire.
D’autre part, comme chacun le sait également, des activités libérales sont aussi exercées dans le cadre de l’hôpital public et donnent lieu aussi à des dépassements d’honoraires. (M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales acquiesce.)
Par conséquent, en optant pour un système simpliste de rapprochement entre les secteurs public et privé, sans tenir compte de tous les éléments annexes, on raterait complètement l’opération.
Cela étant dit, madame la secrétaire d’État, je voudrais vous indiquer – ce sera ma manière de saluer votre promotion et votre arrivée dans vos nouvelles fonctions – que le problème de la convergence est actuellement suivi par un chef de bureau de la direction de l’organisation des soins, qui est tout à fait sérieux ; le dossier progresse donc très bien.
Je pense néanmoins que cette question de la convergence, dont on parle partout – dans tous les colloques, dans tous les ouvrages portant sur les thèmes que nous abordons maintenant –, mériterait un peu plus d’approfondissement. Si vous créiez un groupe de travail chargé de réfléchir aux modalités techniques de la convergence,…
M. François Autain. On n’arrête pas d’en créer !
M. Jean-Pierre Fourcade. … cela permettrait de sortir des idées toutes faites. Nous pourrions ainsi, premier objectif, trouver des solutions pour que nos régimes de sécurité sociale dégagent des économies et, second objectif, sortir de ces querelles idéologiques entre le secteur privé et le secteur public.
Cette mesure serait importante. Il faudra peut-être du temps pour dégager des pistes, mais la création d’une telle structure, spécifiquement dédiée au problème de la convergence, me paraît s’imposer, au-delà de ces amendements que, bien entendu, je repousserai.
Mme Isabelle Debré. Très bien !
M. François Autain. En attendant, les inégalités subsistent !
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Mesdames, messieurs les sénateurs, un groupe de travail se réunit de manière régulière, depuis quelques mois, qui se consacre précisément à l’évolution de la tarification des établissements.
M. François Autain. Vous voyez, monsieur Fourcade, malgré le groupe de travail…
M. François Autain. Moi, je maintiens l’amendement !
Mme la présidente. L'amendement n° 257, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'article 42, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l'article L. 162-22-9 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le financement des mesures salariales concernant la fonction publique hospitalière intervenant en cours d'année fait l'objet d'un projet de loi rectificatif de financement de la sécurité sociale. »
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Les dispositions infra-annuelles qui sont prises par les pouvoirs publics et viennent corriger à la hausse les charges hospitalières sont subies par les établissements hospitaliers. C’est le cas, notamment, des revalorisations salariales.
Pour autant, les tarifs hospitaliers ne sont pas corrigés en fonction de ces mesures prises en cours d’année.
Il est donc proposé que ces charges supplémentaires soient intégrées à l’ONDAM hospitalier, au travers de l’adoption d’une loi de financement de la sécurité sociale rectificative, étant précisé que notre rapporteur général a indiqué, à de nombreuses reprises, que nous pourrions aller jusqu’à l’adoption d’une telle loi.
Il ne nous semble pas opportun, en effet, de faire supporter aux budgets des hôpitaux des décisions qui ne relèvent pas de leur responsabilité directe.
À ce stade de mon intervention, je dois préciser que, pour 2011, on ne parle plus de revalorisations de salaire dans les fonctions publiques, puisque le Gouvernement a notamment décidé le gel du point d’indice. Et le traitement sera le même pour 2012 et pour 2013, bien que le Gouvernement, faisant preuve d’une certaine hypocrisie sur la question, n’ose pas le dire…
Le Gouvernement continue donc d’exercer une pression sur les salaires, et ce n’est pas le glissement vieillesse technicité, ou GVT, argument massue censé justifier le gel des rémunérations, qui viendra nous convaincre.
Nous estimons que des pressions considérables sont aujourd’hui exercées sur un certain nombre de leviers, en particulier sur la prise en compte de certaines charges dans les budgets hospitaliers. C’est pourquoi nous avons présenté cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous comprenons bien l’objectif de M. Guy Fischer. Ce n’est pas la première fois que nous évoquons les difficultés engendrées par les actualisations qui sont réalisées en cours d’année, sans être forcément intégrées dans l’ONDAM.
Cela étant, il n’est pas nécessaire de légiférer sur ce point, la loi prévoyant déjà que le Gouvernement peut, s’il le souhaite, faire voter aux parlementaires une loi de financement de la sécurité sociale rectificative pour apporter toutes les corrections nécessaires.
M. Guy Fischer. Ce n’est jamais arrivé !
M. François Autain. Jamais !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Certes, ce n’est jamais arrivé, mais la faculté de le faire est offerte au Gouvernement, s’il le juge nécessaire.
Monsieur Fischer, vous devez tout de même intégrer dans votre raisonnement un élément nouveau. Suivant les recommandations du rapport Briet sur le pilotage des dépenses d’assurance maladie, nous aurons dorénavant trois rendez-vous dans l’année pour les avis obligatoires du Comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie.
Par l’amendement que nous avons fait adopter ici, au Sénat, contre la volonté du Gouvernement – Mme Roselyne Bachelot-Narquin ne voulait pas en entendre parler – nous avons fixé un rendez-vous supplémentaire, et systématique, établissant ainsi trois échéances dans l’année : le 15 avril, le 15 juin et le 15 octobre.
À ces dates, le comité d’alerte doit faire le point concernant le respect de l’ONDAM et, en cas de non-respect de l’objectif, formuler des propositions de correction. Si, au moment du troisième avis, le dépassement est sensible, le Gouvernement ne devra sans doute pas hésiter à nous présenter un projet de loi de financement de la sécurité sociale rectificative pour corriger le tir. Bien sûr, si la correction peut être apportée au cours de l’exercice suivant, nous attendrons, mais un écart trop important nécessitera certainement que nous procédions par le biais d’une loi rectificative.
Le dispositif mis en place me paraît donc satisfaisant et je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’adopter la solution qui nous est proposée et qui, par ailleurs, poserait des problèmes d’application pratique.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Il est défavorable. Cet amendement nous paraît sans objet, dans la mesure où l’ensemble des charges nouvelles qui seront à supporter par les établissements pour l’année à venir sont d’ores et déjà intégrées dans le cadre de la construction de l’ONDAM.
Plus précisément, l’ONDAM, ainsi que les sous-objectifs de dépenses qui en découlent, sont construits chaque année en tenant compte de l’intégralité des mesures nouvelles qui impacteront, pour l’année à venir, les établissements de santé, y compris en provisionnant des charges encore incertaines au moment de la construction.
Dans le secteur relevant de la tarification à l’activité, sur lequel porte l’amendement, le financement de ces mesures nouvelles est ainsi intégré, au moment de la campagne tarifaire annuelle, dans les tarifs de prestation et dans l’évolution de la dotation relative aux missions d’intérêt général et d’aides à la contractualisation des établissements de santé.
Mme la présidente. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Les hôpitaux ont déjà beaucoup de difficultés, sans modification de l’ONDAM, à assurer le financement des charges qui leur incombent. Je n’en prendrai qu’un seul exemple, madame la secrétaire d’État.
Alors que, pour l’hôpital, les charges fixes augmentent chaque année d’environ 4 %, vous prévoyez, pour 2011, une augmentation de recettes de l’ordre de 2,9 % pour l’hôpital – certes, ce taux n’est pas encore fixé, mais, en imaginant qu’il soit identique au taux prévu pour l’ONDAM, il n’excédera pas 2,9 %. En clair, puisque les charges fixes augmentent de 4 %, sauf à creuser le déficit, les hôpitaux devront réduire leurs personnels au risque de porter atteinte à la qualité des soins dispensés.
Ce n’est pas seulement une vue de l’esprit ou un fantasme ; c’est ce qui se passe aujourd’hui dans un certain nombre d’hôpitaux. Le dernier exemple en date est celui de l’hôpital Tenon, où le service des urgences a dû être fermé, parce qu’il n’y avait plus suffisamment de personnels.
Je mets en garde le Gouvernement sur les risques que l’on prend à trop pressurer les dépenses hospitalières. Le seuil d’alerte a déjà été atteint et, en refusant l’amendement qui constituerait pour les hôpitaux une sorte de garantie, on prend un risque : nous ne sommes pas à l’abri de la fermeture, demain, d’un certain nombre de services – c’est déjà arrivé –, ni de l’allongement des délais d’attente pour se faire traiter à l’hôpital, délais qui sont actuellement relativement courts dans notre pays.
Nous avons pensé que cet amendement était de nature à éviter ces dérives que tout le monde condamne.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Je voudrais saisir cette occasion, puisque nous discutons des budgets hospitaliers, pour évoquer un problème que vous connaissez bien, madame la secrétaire d’État, vous qui êtes lyonnaise.
Mme Isabelle Debré. Si on vous gêne, dites-le nous ! (Sourires.)
M. Guy Fischer. Vous ne nous gênez pas du tout. Je me sens bien avec ma secrétaire d’État lyonnaise ! (Rires.)
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Moi aussi, je suis lyonnaise… (Nouveaux rires.)
M. Guy Fischer. Trêve de plaisanterie, mes chers collègues, mon temps de parole s’écoule !
J’avais eu l’occasion, au cours du débat sur le projet de loi portant réforme des retraites, d’évoquer le conflit qui oppose à leur direction les personnels de nuit des Hospices civils de Lyon – infirmiers, mais également surveillants des services médicaux et manipulateurs d’électroradiologie.
Au moment où les négociations sur les primes de nuit, menacées de suppression, sont dans l’impasse, je voudrais y revenir de façon plus précise et vous faire à ce propos deux demandes, madame la secrétaire d’État.
La pénibilité subie par les personnels hospitaliers, très présente dans le texte portant réforme des retraites, peut être légitimement évoquée dans le cadre d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui va accroître la souffrance au travail de l’ensemble des personnels de la fonction publique hospitalière.
D’abord, un bref historique s’impose.
En 1974, la direction des HCL avait pris en compte la pénibilité du travail de nuit en accordant aux agents sollicités une « prime d’heure supplémentaire de nuit ».
Depuis lors, la prime, considérée sur l’année, représente l’équivalent d’un mois de salaire pour ces personnels travaillant de nuit, soit 10 % à 12 % du salaire mensuel.
C’est au mois d’août que la direction des HCL, se référant à une recommandation de la chambre régionale des comptes, déclare illégale cette prime et décide sa suppression.
Il faut noter que la prétendue illégalité de cette prime de nuit avait déjà été relevée par la Cour des comptes dans un rapport thématique de mai 2006 intitulé Les personnels des établissements publics de santé. La Cour s’appuyait à l’époque sur une circulaire de 1999 relative à l’élaboration et à la publicité des textes relatifs à la rémunération des fonctionnaires.
Il semble donc que, depuis 1999 au moins, l’illégalité perdurait et que rien n’avait été fait à l’époque pour tendre vers une régularisation statutaire de cette compensation de la pénibilité.
On peut noter cependant que le décret n° 2002-598 du 25 avril 2002 portant mesures d’adaptation de la réduction du temps de travail dans la fonction publique hospitalière, créait un cadre pour l’indemnisation des heures supplémentaires dans la fonction publique hospitalière. La direction des HCL n’avait pas manqué de s’y référer en précisant, par une note de service en date du 29 août 2002, les nouvelles modalités de calcul induites par ce décret et y incluant nommément la prime « heure supplémentaire des infirmières de nuit ».
On peut donc considérer que les Hospices civils de Lyon n’ont pas dérogé au devoir de publicité en énonçant les conditions d’indemnisation des heures supplémentaires.
C’est dire que, sans remettre en cause l’analyse de la Cour des comptes, il y a matière à se poser des questions sur la portée réelle de cette « illégalité » de la prime de nuit des HCL.
Aujourd’hui, les négociations sont dans l’impasse. En effet, la direction des HCL fait aux organisations syndicales des propositions inacceptables : soit supprimer la prime progressivement, soit la remplacer par une prime compensatoire du même montant mais qui viendrait à extinction au fur et à mesure du déroulement de carrière des agents, autrement dit gel des salaires et négation de l’ancienneté et de l’expérience ; il s’agissait aussi de revenir sur la durée légale du travail en imposant aux salariés d’effectuer dix nuits de plus par an, avec, pour corollaire, la suppression probable de 200 postes.
Il faut noter enfin une incompréhension du personnel : les aides-soignants ne bénéficient pas de la prime, alors qu’ils supportent les mêmes servitudes, et les nouveaux entrants dans les services s’en voient privés.
Face à une telle incompréhension, j’en appelle à vous, madame la secrétaire d’État, avec mes deux questions très précises. J’ai d’ailleurs écrit à ce propos au président du conseil de surveillance des Hospices civils de Lyon, notre collègue Gérard Collomb.
Premièrement, madame la secrétaire d’État, accepteriez-vous de nommer un médiateur pour régler ce conflit, faisant ainsi droit à la demande qui a été formulée par les organisations syndicales ?
Deuxièmement, pensez-vous qu’il serait possible d’harmoniser, par voie législative ou réglementaire, cette question des primes, instaurées selon des modalités qui continuent à varier selon les établissements ?
Une prise de position de votre part – je ne vous la demande pas immédiatement – serait d’autant plus importante, et appréciée, que l’on constate une très grave perte d’attrait pour le travail de nuit aux HCL et que, sans cette prime, il deviendra bientôt impossible de maintenir les effectifs indispensables aux contraintes de service public dans une grande ville comme Lyon.
Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. La situation particulière à Lyon fait l’objet de discussions entre les syndicats et l’Agence régionale de santé, et le ministère proprement dit est saisi pour la première fois de la question au plan national.
Je peux d’ores et déjà vous dire, monsieur Fischer, que je porterai un regard très attentif sur cette question. Nous verrons comment la situation évolue, et, si le besoin se fait sentir, nous étudierons l’opportunité de mettre en place un médiateur.
Mais je préfère examiner le dossier plus précisément avant de vous apporter une réponse, prochainement.