M. Guy Fischer. Vous opérez ainsi un discret recentrage des missions de l’assurance maladie, que vous voulez cantonner dans la prise en charge des soins les plus lourds.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Procès d’intention !
Mme Annie David. Pas du tout, ce sont les chiffres, et ils sont parlants !
M. Guy Fischer. Ce rétrécissement du champ des solidarités a jusqu’à présent été amorti par les mutuelles complémentaires. Or, nos concitoyens, en raison des difficultés financières qui sont les leurs, sont de plus en plus nombreux à se « démutualiser » : ils seraient aujourd’hui entre 7 % et 8 % à avoir renoncé totalement à l’acquisition d’une mutuelle complémentaire.
Mme Annie David. Absolument !
M. Guy Fischer. Quant à ceux qui en bénéficient encore, ils subiront les conséquences des dispositions contenues dans le présent PLFSS et dans le projet de loi de finances pour 2011.
Je pense particulièrement à la taxation des contrats responsables, qui devrait se traduire, selon les organismes complémentaires eux-mêmes, par une hausse du montant des cotisations de l’ordre de 5 % à 10 %. Madame la ministre, vous avez d’ailleurs affirmé à l’Assemblée nationale que les mutuelles pouvaient ne pas répercuter cette hausse au motif qu’elles disposeraient de réserves confortables. Disant cela, vous feignez d’oublier, car vous ne le savez que trop bien, que ces réserves profitent aux adhérents et qu’elles résultent des règles prudentielles que vous et l’Union européenne leur imposez.
Mme Annie David. Exactement !
M. Guy Fischer. Tout cela conduit à augmenter considérablement le reste à charge des patients : il est passé de 8,3 % en 2004 à 9,4 % en 2008, alors que, dans le même temps, la part de soins remboursée par la sécurité sociale passait de 77,1 % à 75,5 %.
Résultat : nos concitoyens sont déjà 27 % à retarder des soins ou à y renoncer. Outre la hausse des restes à charge, ils subissent les conséquences des déserts médicaux, que vous avez renoncé à réduire, et des dépassements d’honoraires, qui connaissent une hausse régulière et continue : en 2005, 45 % des médecins spécialistes pratiquaient des dépassements, contre 23 % en 1985.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Guy Fischer. Une telle expansion s’étend aux médecins généralistes. Selon ce qu’indique l’Inspection générale des affaires sociales dans un rapport rendu public en 2007, ceux-ci seraient 39 % à imposer des dépassements à leurs patients.
M. Guy Fischer. Eh bien, prouvez-le-moi !
Mme Annie David. C’est tout de même l’IGAS qui l’affirme !
M. Guy Fischer. La situation pèse lourdement sur les patients, puisque 40 % des contrats complémentaires, choisis par les patients les plus modestes, ne remboursent pas les dépassements d’honoraires.
Bref, une part toujours plus importante de nos concitoyens connaissent un parcours de soins irrégulier et insatisfaisant, ce qui n’est d’ailleurs pas sans conséquence sur l’équilibre financier entre médecine de ville et hôpital.
Ces dépassements créent, par ailleurs, d’importants déséquilibres entre professionnels de santé, dépassements que l’on pourrait qualifier de concurrence déloyale entre les praticiens hospitaliers et ceux qui interviennent dans les cliniques « commerciales ». Les règles, vous le savez fort bien, ne sont pas les mêmes partout.
Tout cela conduit à rendre moins attractif le secteur public et légitime insidieusement des pratiques qui sont devenues insupportables pour nos concitoyens.
Face à un constat que vous ne pouvez nier, vous avez, madame la ministre, affirmé à l’Assemblée nationale, que l’émergence du secteur optionnel était de nature à résoudre les difficultés que subissent nos concitoyens.
Nous sommes en droit de nous interroger.
En effet, il semblerait que vous soyez tentée de permettre aux médecins de premier recours respectant le secteur 1 et qui ne sont pas éligibles au secteur 2 d’opter pour le secteur optionnel. Cette évolution nous semble contradictoire avec les objectifs que vous annoncez : loin de diminuer le nombre de généralistes ayant opté pour le secteur 2, elle permettrait au contraire à ceux qui respectent à ce jour le secteur 1 de pratiquer, eux aussi, des dépassements d’honoraires.
M. Guy Fischer. Je vous pose la question. Vous me répondrez !
M. Guy Fischer. Si vous le prenez comme cela, madame la ministre, je vous interrogerai encore plus souvent ! (Nouveaux sourires.)
Il nous semblait pourtant que le secteur optionnel était plutôt destiné aux médecins hors convention ou inscrits en secteur 2. Avouez que tout cela mérite quelques éclaircissements.
M. Guy Fischer. Quant aux hôpitaux publics, ils sont, une nouvelle fois, victimes d’une politique comptable dont la tarification à l’activité et la convergence tarifaire sont les deux piliers.
Le président de la FHF, la Fédération hospitalière de France, Jean Leonetti, qualifie lui-même la convergence tarifaire en ces termes : « aveugle et menée à marche forcée ».
Qu’importe, vous persistez à vouloir comparer des établissements qui n’ont pas les mêmes objectifs et ne sont pas soumis aux mêmes contraintes.
Si en effet la priorité du privé lucratif est l’accroissement des profits destinés aux actionnaires, les établissements publics de santé n’ont qu’une mission : la satisfaction de l’intérêt général. Cela induit des coûts particuliers, liés à l’obligation d’assumer la permanence des soins, de garantir l’accès aux urgences, de soigner des patients non solvables, d’assumer des soins non programmés, et parfois même non rentables.
Par conséquent, la comparaison ne semble pas raisonnable. Tout comme est profondément déraisonnable la fixation de l’ONDAM que vous prévoyez.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Guy Fischer. Sa progression, limitée à 2,9 %, donc inférieure à 3 %, risque de plonger les hôpitaux dans des difficultés encore plus importantes que celles qu’ils connaissent à l’heure actuelle. Ils sont de plus en plus nombreux à être victimes de l’asphyxie financière que vous leur imposez. D’ailleurs, la Cour des comptes le reconnaît elle-même, le nombre d’établissements en situation déficitaire devrait être majoré, car les pratiques comptables que sont le provisionnement et le report de charges conduisent à minorer les déficits. C’est pourquoi elle conclut son observation en précisant que, en réalité, « les établissements non déficitaires sont l’exception ».
Cela se confirmera d’autant plus avec un ONDAM aussi bas. Selon la Fédération hospitalière de France, qui ne s’est pas trompée jusqu’aujourd’hui, il ne permettra pas d’assumer l’intégralité des dépenses supplémentaires auxquelles les hôpitaux auront à faire face, comme la hausse programmée des dépenses liées à l’énergie. Surtout, il ne permettra pas de prendre en charge les surcoûts financiers liés aux engagements du Gouvernement de revaloriser, dans des conditions d’ailleurs inacceptables, la rémunération des auxiliaires médicaux.
Je pense, par exemple, à la reconnaissance de l’application de la réforme licence-master-doctorat, dite réforme LMD, pour les infirmières et infirmiers du secteur public qui auraient accepté de travailler plus longtemps.
M. Guy Fischer. Pour notre part, nous considérons qu’une telle revalorisation était légitime et qu’elle aurait dû intervenir sans que les personnels concernés aient été obligés de renoncer au bénéfice de la catégorie active.
Vous ne nous avez pas entendus,…
M. Guy Fischer. … et nous le regrettons. Mais ce que nous n’avions pas mesuré alors, c’est que cette mesure n’engageait pas l’État. Et non seulement celui-ci pourra ainsi réduire de manière importante la part du budget consacrée au paiement des retraites à l’avenir, mais une telle mesure aura aussi pour conséquence d’obliger les établissements publics de santé à assumer seuls les dépenses résultant de cette politique salariale.
C’est ce qui a conduit Gérard Vincent, délégué général de la FHF, à déclarer : « Il va falloir que le Gouvernement prenne ses responsabilités sur la politique sociale dans les hôpitaux. », précisant que sa politique salariale « et l’impact de la mise en œuvre de certaines réformes, comme les revalorisations du salaire des infirmières qui sont liées à la réforme LMD, ne sont pas compatibles avec une évolution de l’ONDAM inférieure à 3 % ».
C’est dire si la situation est complexe pour les hôpitaux !
Les directeurs d’établissements hospitaliers évoquent aujourd’hui ouvertement le risque de diminution de la masse salariale, le seul poste permettant de réduire les dépenses.
Mme Annie David. La variable d’ajustement est toujours la même !
M. Guy Fischer. Les agences régionales de santé, les ARS, ne manqueront pas d’exiger de telles mesures, dont l’application se traduira par la dégradation de la qualité de l’accueil et des soins dispensés à nos concitoyens, ce qui, naturellement, n’est pas acceptable.
Mme Annie David. Ce sera des maisons d’accueil, des maisons de naissance !
M. Guy Fischer. Je vous citerai quelques exemples, notamment celui des futures pratiques des Hospices civils de Lyon.
Madame la ministre, vous devez nous préciser les moyens que vous entendez mettre en œuvre pour éviter que cela ne se produise.
Enfin, pour conclure sur la question des hôpitaux, je souhaite vous faire part de mon inquiétude quant aux conclusions du rapport Briet : afin de permettre aux hôpitaux de limiter leurs déficits, on y propose de mettre en réserve une partie des crédits alloués au titre des missions d’intérêt général ou MIG. Curieuse proposition que celle-ci quand on sait que les enveloppes budgétaires sont fermées et que vous avez pris l’habitude de sanctionner les hôpitaux dont la situation n’est pas équilibrée en gelant ces enveloppes !
Une telle proposition vise précisément à contourner de manière partielle et temporaire les difficultés récurrentes de financement des hôpitaux, qui sont les conséquences de la T2A, la tarification à l’activité.
Son application reviendrait à exiger des établissements publics de santé qu’ils renoncent à une partie de leurs missions, celles qui sont les moins rentables, c’est-à-dire la permanence des soins de nuit, les urgences, le SAMU, le soin aux détenus, bref, toutes les missions que le secteur privé lucratif refuse d’assurer.
En outre, il ne faut pas oublier que les hôpitaux prennent en charge les patients atteints de pathologies lourdes – les victimes d’AVC, les polytraumatisés, les patients présentant une comorbidité.
Si la situation de la branche maladie est inquiétante, celle de la branche vieillesse n’est guère enviable. Elle présente également un important déficit, puisque vous vous refusez à prendre les mesures qui s’imposent pour garantir son financement à long terme ; et ce n’est pas la contre-réforme des retraites que vous avez imposée à nos concitoyens qui y changera quoi que ce soit !
Mme Annie David. Imposée ! C’est le terme !
M. Guy Fischer. Vous appliquez aux retraites le même traitement qu’à la branche maladie : vous réduisez les dépenses au lieu d’accroître les recettes.
Mme Annie David. Exactement !
M. Guy Fischer. Comme il vous était impossible de baisser directement le niveau des retraites, vous avez instauré, comme en 1993 et en 2003, des mécanismes qui conduisent au final à réduire à la fois le montant des pensions – ce sont les décotes et l’allongement de la durée de cotisation – et leur durée de versement – avec le passage de l’âge légal de départ de 60 ans à 62 ans et le passage de l’âge ouvrant droit à une retraite sans décote de 65 ans à 67 ans.
Il existe pourtant d’autres solutions, que nous vous aurions bien présentées si le Gouvernement, par crainte de la contradiction, n’avait usé de tous les artifices, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, pour nous empêcher de les mettre en débat.
Mme Annie David. Voilà ! Vous avez refusé le débat !
M. Guy Fischer. Il faut dire que cela aurait mis en évidence une réalité insupportable pour nos concitoyens : la réforme des retraites est financée à 85 % par les salariés.
Elle est tout à la fois injuste, brutale et inefficace, puisqu’elle ne permet pas de garantir le retour à l’équilibre financier. Il manque déjà 4 milliards d’euros d’ici à 2018 !
M. François Autain. Eh oui !
M. Guy Fischer. Cela vous permet de justifier dès aujourd’hui le basculement futur vers un système dit « à contributions définies » qui, contrairement au système actuel, ne permettra pas, selon nous, de garantir le niveau des retraites de nos concitoyens.
À ce tableau déjà noir, il convient d’ajouter la situation de la branche accidents du travail et maladies professionnelles et de la branche famille, deux branches qui, elles aussi, sont déficitaires.
À en croire les différentes annexes contenues dans ce projet de loi, la situation n’est pas près de s’arranger. Il faut dire que votre approche, qui consiste à maîtriser les dépenses, n’est plus à la hauteur des enjeux. La preuve en est que, si tout se passe bien, les déficits devraient encore représenter 19 milliards d’euros en 2014.
Ils seront d’ailleurs certainement plus élevés encore, car cette estimation repose sur des projections peu réalistes et à court terme. Vous prévoyez, par exemple, une hausse de la masse salariale de 2 % alors que l’OFCE, l’Observatoire français des conjonctures économiques, table pour sa part sur une augmentation du chômage, dont le taux devrait passer de 9,4 % à 9,7 %.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Guy Fischer. Une part importante des ressources de la sécurité sociale étant assise sur les cotisations liées au travail, une augmentation, même minime, du chômage ne sera pas sans conséquence sur les comptes sociaux. La perte de 100 000 emplois correspond en effet à une diminution de 1,5 milliard d’euros des cotisations.
Quant à la mesure censée permettre de réaliser les principales économies pour la sécurité sociale, à savoir la modification des règles applicables en matière de calcul des exonérations de cotisations sociales, elle n’est évidemment pas satisfaisante.
Tout d’abord, nous sommes en droit de nous demander comment une simple mesure technique peut rapporter autant et, surtout, pourquoi vous ne l’avez pas prise plus tôt.
Ensuite, nous sommes fondés à vous demander pour quelles raisons vous demeurez ainsi au milieu du gué. Vous refusez en effet d’appliquer la recommandation de la Cour des comptes, laquelle vous exhorte, y compris dans le rapport annuel qu’elle vient de rendre, à calculer les exonérations sur l’ensemble des éléments de rémunération soumis à la CSG, une mesure qui permettrait de gagner 2 milliards d’euros supplémentaires.
Enfin, cela nous conforte dans la conviction que vous devez cesser d’utiliser à votre guise les cotisations sociales, en exonérant les employeurs sans aucune contrepartie. Et ce d’autant plus que ces exonérations contribuent à affaiblir la qualité de l’emploi, à créer des trappes à bas salaires et donc, indirectement, à amoindrir encore un peu plus les ressources allouées à la sécurité sociale.
Il s’agit là d’un cercle vicieux qui dégrade les comptes publics et les conditions de vie et de travail de nos concitoyens : il convient d’y mettre fin.
Nous formulerons tout au long de ce débat une série de propositions : taxation des revenus financiers, majoration des cotisations sociales pour les employeurs qui abusent des contrats précaires, modulation du taux de cotisations en fonction de la politique salariale des entreprises, élargissement de l’assiette ; autant de mesures qui permettraient d’accroître les ressources disponibles pour financer la sécurité sociale et donc les politiques solidaires auxquelles nos concitoyens sont très attachés.
Ces pistes se situent à mille lieues de votre politique d’assèchement des comptes sociaux, qui ne sert qu’à décrédibiliser notre modèle et à satisfaire les exigences du patronat.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Madame la présidente, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, la litanie du « trou de la sécu » avait déjà un passé glorieux ; tout laisse à penser qu’elle a encore de beaux jours devant elle.
Les années d’excédent du régime général de la sécurité sociale entre 1999 et 2001 paraissent très loin. Depuis cette date, aucun gouvernement n’a pris des mesures suffisantes pour garantir l’équilibre des finances sociales, ni même pour s’en rapprocher.
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Pas même M. Jospin !
M. Bernard Cazeau. Au contraire : le rythme de dégradation des soldes financiers s’est accéléré à une allure que nous n’avions jamais connue jusqu’alors.
« Arrêté de péril », titrait le sénateur Vasselle en juillet 2009, au cœur de la crise, alors que le creusement des déficits prenait un tour inédit.
M. François Autain. Il ne se renouvelle pas beaucoup !
M. Bernard Cazeau. Quinze mois plus tard, la formule reste malheureusement d’une grande actualité…
M. François Autain. Eh oui ! Et en 2008, c’était déjà comme cela !
M. Bernard Cazeau. … mais je ne vous ai pas entendu la reprendre tout à l’heure, monsieur le rapporteur général.
L’angoisse de ne pouvoir maintenir nos acquis fondamentaux est aujourd’hui au cœur des préoccupations des Français. C’est d’ailleurs le sens des mobilisations massives qu’a connues le pays au cours des deux derniers mois. Nos concitoyens en ont plus qu’assez des thérapies de choc qu’on leur prescrit sans discontinuer pour tenter d’enrayer l’effondrement des budgets sociaux.
Comment pourrait-il en être autrement ? Les pensions de retraite seront de plus en plus tardives à obtenir,…
Mme Annie David. Et elles seront plus faibles !
M. Bernard Cazeau. … la couverture santé coûte de plus en plus cher aux familles, les franchises et les déremboursements de tous ordres sont devenus le fardeau quotidien de millions de Français.
La frustration de nos concitoyens est immense lorsqu’ils constatent que les efforts demandés aux assurés sociaux année après année ne contribuent qu’à des économies marginales, notoirement insuffisantes pour remettre le système d’aplomb.
Pourtant, que n’a-t-on pas entendu ici depuis une décennie !
La réforme Fillon de 2003 devait sortir l’assurance vieillesse de l’ornière une fois pour toutes. Nous savons ce qu’il en est, puisque nous sortons du débat avec M. Woerth sur la réforme des retraites, et cela a été encore pire.
Madame la ministre, le « dossier médical personnel » devait dégager des milliards d’euros d’économies de gestion.
M. François Autain. Oui, 3,5 milliards d’euros !
M. Bernard Cazeau. Ces économies, nous les attendons encore.
La « maîtrise des prescriptions », promise par les professionnels – c’est ce que vous nous avez rapporté à plusieurs reprises – en échange de la hausse de leur rémunération, reste sans grand succès jusqu’à aujourd’hui.
M. François Autain. Le médecin traitant !
M. Bernard Cazeau. La tarification à l’activité des établissements hospitaliers devait limiter pour de bon les besoins financiers des hôpitaux. Elle semble poser davantage de problèmes qu’elle n’en résout.
M. François Autain. Tout à fait d’accord !
M. Bernard Cazeau. J’y reviendrai.
Rien de tout cela n’y a fait, la pente naturelle des dépenses de santé est demeurée à peu près identique – moins 3 % bon an mal an – et les résultats du régime général l’attestent de façon limpide.
Jugeons plutôt : 10,2 milliards d’euros de déficit en 2008, 20 milliards d’euros en 2009, 23 milliards d’euros en 2010 et 32,5 milliards d’euros escomptés en 2011 si, comme le dit M. le ministre des finances, « rien n’avait été fait ». Cependant, monsieur le ministre, malgré vos mesures, le déficit s’élève tout de même à 21 milliards d’euros.
Bref, la crise n’a fait qu’aggraver avec brutalité une situation structurelle qui lui préexistait.
Durant tout ce temps, la dette sociale s’est chargée, au fur et à mesure, d’une incroyable mécanique de cavalerie budgétaire que le Gouvernement a fait mine d’ignorer, jusqu’à ce que les outils financiers dont nous disposons via l’ACOSS viennent à lui rappeler l’urgence qu’il y avait à agir.
C’était il y a peu, lorsque la majorité sénatoriale votait les dispositions organiques préalables au transfert de la dette sociale à la CADES. L’horizon d’extinction de la dette sociale s’éloignait d’autant : avec 130 milliards d’euros supplémentaires, soit un doublement de la dimension financière de la CADES, la durée d’apurement de la dette sociale sera prolongée jusqu’en 2025. L’article 9 du présent texte acte d’ailleurs ce mécanisme de reprise de la dette.
Il faut bien absorber la « dette de crise » – c’est sans doute ce que vous nous répondrez tout à l’heure, madame la ministre ; je m’adresse à vous parce que vous êtes la seule à vraiment écouter l’opposition, et d’ailleurs je vous en félicite. Mais nous savons tous que la crise tient lieu d’alibi de circonstance et que la CADES doit intégrer tout autant le passif de plusieurs années d’une gestion laxiste que celui de la déprime économique de ces deux dernières années.
En contrepartie, il faudra affecter 3,5 milliards d’euros de prélèvements nouveaux au financement de la CADES pour garantir sa viabilité, une forme d’impôt a posteriori, même si l’on prétend ici qu’il n’y a pas d’impôt nouveau.
Le régime général aurait pourtant bien eu besoin de ces sommes pour amoindrir le déficit de l’année. J’ai d’ailleurs cru comprendre que votre majorité s’est montrée quelque peu frondeuse, surtout à l’Assemblée nationale, sur la question de la nature des recettes qu’il conviendrait d’affecter à la CADES. M. Vasselle et M. Jégou ont certes été très frondeurs aussi, mais seulement en commission ; en séance, c’était terminé, il n’en a pas été question !
M. Guy Fischer. Ils sont très critiques, et après, ils se couchent !
M. Bernard Cazeau. Cette remarque vaut surtout pour M. Vasselle. M. Jégou est tout de même plus en accord avec lui-même !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Le texte partira en commission mixte paritaire !
M. Bernard Cazeau. Les sénateurs savent bien que le relèvement de la CRDS est une obligation morale,…
M. François Autain. Bien sûr !
M. Bernard Cazeau. … pour des raisons tant de transparence envers les contribuables que de pérennité de la ressource sur le long terme.
La clarté et la responsabilité voudraient que l’on évite de couvrir la dette par un cocktail de prélèvements incertains et, surtout, que l’on s’abstienne de détourner les recettes du Fonds de réserve pour les retraites afin d’assurer le remboursement de la dette sociale. Par votre faute, cet outil d’équité entre les générations sera dilapidé en quelques années, en termes à la fois de stocks et de flux, alors qu’il devait permettre d’amortir le choc du départ à la retraite des générations du baby-boom.
En vérité, madame, messieurs les ministres, par-delà les techniques comptables, on ne retrouvera pas avant longtemps le niveau de recettes antérieur à la crise : autant dire que la CADES, cette commodité budgétaire, a très sûrement de beaux jours devant elle. Et ce sont bien plusieurs générations, contrairement à ce que vous dites, qui en feront les frais. À moins d’un changement de politique, rien ne laisse présager, en effet, que les finances sociales se rétabliront à court terme.
J’en veux pour preuve le débat que nous avons eu, il y a quelques jours, sur les perspectives budgétaires nationales pour les trois prochaines années. Il a mis en lumière, monsieur le ministre du budget, toute la fragilité des prévisions sur lesquelles reposent vos espoirs d’amélioration.
« Illusionnisme », disait à cette occasion l’un de nos éminents collègues centristes – et non pas socialiste ! –, qui constatait que le redressement affiché se fondait sur le retour d’un environnement économique particulièrement favorable sur le papier, mais tout à fait hypothétique dans les faits.
M. Guy Fischer. Et même illusoire !
M. Bernard Cazeau. L’annexe B de votre projet de loi de financement de la sécurité sociale est d’emblée soumise aux mêmes réserves, puisque l’amélioration spontanée de la croissance et des salaires à partir de 2012 n’est en rien garantie. De plus, quand une telle accélération des recettes est conjuguée avec un ONDAM en décélération, dont la croissance annuelle moyenne est estimée à 2,8 %, on se prend à penser que les chiffres qui nous sont fournis relèvent davantage du vœu pieux que de la prévision économique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Ce sont des objectifs volontaristes ! Vous manquez de volontarisme…
M. François Autain. C’est vous qui êtes au pouvoir !
M. Bernard Cazeau. Rappelez-vous, d’ailleurs, que l’annexe B du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 prévoyait, elle aussi, un taux de croissance de 2,5 % à compter de 2011 et une progression de la masse salariale de 5 % à partir de la même année.
M. Guy Fischer. C’est tout le contraire ! Ils gèlent les salaires des fonctionnaires l’année prochaine !
M. Bernard Cazeau. Aujourd’hui, il vous faut réviser ces chiffres à la baisse pour tenir compte de la réalité.
Venons-en aux mesures nouvelles contenues dans votre projet.
Quelques progrès se font jour concernant les recettes. Nous ne boudons pas notre plaisir en constatant que vous amorcez un virage dont vous n’aviez de cesse de dire, jusqu’alors, qu’il n’était même pas envisageable. N’est-ce pas, monsieur Woerth ?
Quelles critiques, quels quolibets n’avons-nous pas essuyés lorsque nous évoquions la taxation des retraites chapeaux, la fiscalité des stock-options et de l’épargne salariale ou, d’une façon générale, les exonérations patronales !
M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Nous avons fait ce que vous souhaitiez !
M. Bernard Cazeau. Que n’avons-nous pas entendu lorsque nous avons soulevé la question des cotisations sociales ou de la CSG ! « Impossible », disait M. Vasselle ! « Ridicule », disait M. Woerth ! « Dangereux », disait M. Baroin ! « Inconséquent », disait Mme Bachelot ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)