M. le président. La parole est à M. Louis Nègre.
M. Louis Nègre. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, au préalable, je voudrais féliciter Francis Grignon de son excellent rapport, dont, bien évidemment, je soutiens l’intégralité des propositions, qui sont constructives. Cela m’est d’autant plus aisé que je tiens à souligner la haute qualité des échanges au sein du groupe de travail – auquel j’ai eu l’honneur de participer –, malgré les sensibilités politiques très diverses de ses membres.
Pour autant, la situation actuelle nous interpelle. Malgré les mesures prises par les pouvoirs publics pour relancer le fret ferroviaire, que ce soit le contrat de performance de novembre 2008, que ce soit l’engagement national pour le fret ferroviaire de septembre 2009, que ce soit le schéma directeur pour un nouveau transport écologique des marchandises de 2009, plus connu sous le terme d’offre « multi-lots multi-clients », malgré toutes ces actions, nous faisons tous le même diagnostic, monsieur le secrétaire d'État : la situation est très dégradée.
En effet, pour reprendre un titre du rapport, nous constatons « un déclin continu du fret ferroviaire en France ». En 1950, le train assurait le transport des deux tiers des marchandises en France, le transport de marchandises étant alors le fer de lance de la SNCF. Aujourd’hui, elle en assure seulement 10 %, et ce en dépit des nombreux plans de réforme successifs du fret qu’elle a menés. (Mme Évelyne Didier s’exclame.) C’est la vérité !
Cette situation est d’autant plus inquiétante que cet effondrement du fret ferroviaire, hors effets de la crise, n’est pas systématique en Europe. Je constate qu’il ne s’est pas produit dans certains pays européens de niveau équivalent à la France.
Force est donc de constater que le fret ferroviaire résiste moins bien en France que chez certains de ses voisins. Cette distorsion pose problème et nous interpelle.
En Allemagne, le trafic total est aujourd’hui quatre fois plus important qu’en France, avec 110 milliards de tonnes-kilomètres en 2008, contre seulement 30 milliards dans l’Hexagone.
En Suisse, le trafic de marchandises transportées par voie ferroviaire a enregistré une croissance d’un tiers entre 1990 et 2007, passant de 53 millions à 71 millions de tonnes de marchandises.
Enfin, en Grande-Bretagne, où les droits de péage sont pourtant trois fois plus cher qu’en France, le fret a crû de 11 % depuis 2002, alors même, mes chers collègues, qu’il baissait de 67 % dans notre pays au cours de la même période !
Bref, vous l’avez compris, le déclin du fret ferroviaire n’est pas une fatalité ; des pays comparables au nôtre réussissent mieux que nous. Sommes-nous condamnés à échouer ? Nous avons, ici même, voté le Grenelle de l’environnement, avec les objectifs ambitieux que l’on sait. Il serait tout de même consternant que la France vote le Grenelle, mais que ce soient ses voisins qui le mettent en pratique !
Que répondre, monsieur le secrétaire d'État, à notre collègue Jean-Pierre Vial, élu en Savoie, qui s’inquiète, à juste raison, de l’absence de décision officielle du gouvernement français sur le projet d’infrastructure majeur pour le fret que constitue la liaison Lyon-Turin, alors que l’échéance expire à la fin de l’année 2010 ?
Que répondre à notre collègue Antoine Lefèvre, élu dans l’Aisne, où les élus locaux ont engagé un million d’euros pour desservir, par voie ferroviaire, une zone qui risque de ne plus l’être ?
Enfin, que répondre à une très grande entreprise française qui, après vingt ans de partenariat avec la SNCF, se sent brutalement abandonnée par l’entreprise publique ?
Pour ma part, je me refuse à rester dans la sphère des vœux pieux et des incantations. Je souhaite que tous les moyens soient mis en œuvre pour que la loi dite « Grenelle 1 », qui prévoit, à son article 11, que la part modale du non-routier et du non-aérien passe de 14 % à 25 % à l’échéance de 2022, soit respectée.
Je voudrais maintenant m’attarder sur le contenu de la proposition de résolution présentée par le groupe CRC-SPG, en rappelant quelle a été la position du groupe de travail sur l’avenir du fret ferroviaire.
Les auteurs de la proposition de résolution souhaitent que le transport ferroviaire de marchandises soit déclaré d’intérêt général. Or, comme l’a excellemment indiqué notre collègue Francis Grignon, cette proposition ne nous paraît pas crédible. Nous préférons, quant à nous, lancer la réflexion sur la possibilité d’attribuer des subventions pour des lignes de fret déficitaires qui répondraient à une logique forte d’aménagement du territoire.
J’ajouterai que nous devons mener deux actions en parallèle : d’une part, il faut rétablir le fret SNCF sur des fondations saines, ce qui passe par la mise en application, au minimum, du plan « multi-lots multi-clients » ; d’autre part, et c’est pour nous essentiel, il nous faut avoir une vision plus volontariste et plus ambitieuse pour repartir à la reconquête des parts de marché, à l’instar des autres opérateurs européens.
Pour cela, nous devons libérer les énergies en transformant la SNCF pour la faire passer du statut d’administration à celui d’entreprise, en stimulant le recours aux opérateurs ferroviaires de proximité ou en subventionnant les voies de raccordement. Déclarer globalement d’intérêt général le fret ferroviaire aboutirait à rendre inutile toute réforme en interne de la SNCF, ce qui, selon nous, serait le meilleur moyen, à terme, d’affaiblir voire de faire mourir l’activité fret de la SNCF.
Mme Marie-France Beaufils. Ce n’est pas vrai !
M. Louis Nègre. Cela, je ne l’accepterai pas, car la SNCF est une entité majeure, au savoir-faire reconnu, qui doit conserver un rôle de premier plan.
Les auteurs de la proposition de résolution souhaitent également une législation spécifique au secteur routier permettant d’internaliser les coûts externes – notamment les coûts environnementaux – d’un transport qui fait partie intégrante désormais de toute logistique moderne.
Mme Évelyne Didier. Eh oui !
M. Louis Nègre. Sur ce point, comme je l’ai proposé la semaine dernière en commission de l’économie, je souhaite que l’on dépasse les combats idéologiques ou les guerres de tranchées, qui ne permettent pas de progresser objectivement.
Aussi, je confirme ma proposition qu’on mette fin à ces querelles stériles une fois pour toutes, en confiant l’étude des coûts externes du secteur routier à un organisme impartial comme le Conseil général de l’environnement et du développement durable.
En conséquence, et bien évidemment dans la lignée des propositions différentes que nous avons faites dans le rapport, nous ne pouvons, mes collègues du groupe UMP et moi-même, accepter cette proposition de résolution. (Marques ironiques de déception sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Je voudrais cependant profiter de ce débat pour approfondir une thématique qui m’est chère, à savoir l’achèvement de la réforme portuaire.
Qui peut accepter parmi nous que le port d’Anvers soit le premier port maritime de la France ? Qui peut accepter parmi nous que, aujourd’hui, l’exportation dans le monde entier de notre beaujolais national se fasse à partir d’un port belge ? Qui peut se satisfaire parmi nous d’une situation aux termes de laquelle l’ensemble du tonnage des ports français est équivalent au trafic du seul port de Rotterdam ?
Alors que la France, avec le port du Havre, est le premier pays atteint par les navires traversant l’Atlantique et qu’elle dispose, avec le port de Fos-Marseille, d’une ouverture extraordinaire sur le monde méditerranéen, nos ports connaissent aujourd’hui un déclassement continu dans la compétition internationale.
Mes chers collègues, à cet égard, la situation est catastrophique. Nous n’avons plus de grands ports maritimes à la hauteur de nos ambitions, de notre industrie, de notre place en Europe, en dépit des efforts continus de notre collègue Charles Revet, rapporteur de la loi du 4 juillet 2008 portant réforme portuaire. Les transferts d’outillage et de personnel prévus par ce texte tardent à être effectifs. Des syndicats n’hésitent pas à bloquer l’accès à certains terminaux : ils scient la branche sur laquelle ils sont assis et leur action excessive, jusqu’au-boutiste, conduit, concrètement, en dehors de tout discours idéologique, à l’affaiblissement du tissu économique régional, à la délocalisation des entreprises et, par conséquent, à la perte d’emplois pour les salariés de notre pays. Quel gâchis !
Le droit de grève est une chose, paralyser un pays en est une autre, surtout lorsque les employés en cause bénéficient de conditions de rémunération plutôt attrayantes…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voilà un cavalier idéologique ! (Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. Louis Nègre. Bref, je souhaite que les directoires dans les grands ports maritimes achèvent de toute urgence la mise en œuvre de la réforme portuaire, condition sine qua non d’une relance pérenne et véritable du fret ferroviaire, notamment de ces fameux corridors européens de fret qui représentent en grande partie l’avenir du fret et des ports dans notre pays.
Je terminerai mon intervention en proposant que la France, au-delà de ses plans successifs, se donne donc les moyens d’une véritable ambition nationale pour le fret et retrouve une dynamique, comme dans d’autres pays européens, conforme aux engagements que nous avons votés dans le cadre des lois Grenelle.
En définitive, mes collègues du groupe UMP et moi-même ne saurions souscrire à cette proposition de résolution, qui ne me paraît pas réaliste. En revanche, je souhaite, pour sortir de l’impasse où nous sommes, que soient abordées, dans le cadre d’un Grenelle du ferroviaire que j’appelle de mes vœux, toutes les questions qui se posent aujourd’hui pour l’avenir des chemins de fer français, notamment au regard des dispositions qui ont été prises par notre principal concurrent, l’Allemagne. Alors que la SNCF est en déficit de plusieurs centaines de millions d’euros, réduit le nombre de ses emplois, perd des parts de marché, la Deutsche Bahn réalise quant à elle plusieurs centaines de millions d’euros de bénéfices.
Mme Évelyne Didier. Elle bénéficie d’investissements publics !
M. Louis Nègre. Dans ce Grenelle du ferroviaire, toutes les questions devront être mises sur la table. Comment, s’appuyant sur l’exemple du plan allemand de 1994, remettre la SNCF et RFF à égalité avec leurs concurrents européens ? Comment, à travers le SNIT, dans le cadre d’une enveloppe financière contrainte, harmoniser au mieux nos actions en faveur des lignes LGV et de la rénovation des lignes ferroviaires ? Comment établir un système tarifaire équitable entre les différents modes de transport, comme le préconise le commissaire européen Siim Kallas ? Enfin, comment renforcer l’efficacité et la compétitivité de notre chère SNCF ?
À mon sens, la situation actuelle n’est pas une fatalité !
Je conclurai sur une note d’optimisme en rappelant que le célèbre milliardaire Warren Buffett a investi, au début du mois de novembre 2009, 34 milliards de dollars dans l’entreprise de chemin de fer Burlington Northern Santa Fe et qu’il prendra en charge les 10 milliards de dollars de dettes détenues à ce jour par l’entreprise.
Cet investissement est le plus élevé de toute l’existence du milliardaire américain. J’ai la faiblesse de penser, monsieur le secrétaire d’Etat, mes chers collègues, qu’il n’a pas agi sans raison et qu’il considère le fret ferroviaire comme un transport d’avenir respectueux de l’environnement. À nous de faire de même ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est un plaisir d’être parmi vous aujourd’hui pour examiner cette proposition de résolution relative au développement du fret ferroviaire.
Je profite de cette occasion pour exposer devant le Sénat la politique que mène le Gouvernement en matière de fret ferroviaire, qui doit devenir une solution de remplacement au transport routier.
Il s’agit d’un sujet important, sur lequel la Haute Assemblée a beaucoup travaillé. Je remercie les sénatrices et les sénateurs qui ont pris la parole aujourd’hui et reprendrai chacune de leurs interventions, en développant certains points.
Je tiens à saluer la qualité du rapport d’information sur l’avenir du fret ferroviaire réalisé par le groupe de travail composé de cinq sénateurs issus de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire et présidé par Francis Grignon.
Je fais mienne l’appréciation que vient de porter Louis Nègre sur les propositions contenues dans ce rapport d’information et je les partage. Celles-ci s’inscrivent dans la droite ligne de notre politique, dont la priorité est d’assurer l’essor du fret ferroviaire au cours de la prochaine décennie.
Vous avez voté, dans le Grenelle I, un objectif clair et particulièrement ambitieux : faire passer de 14 % à 25 % la part des modes alternatifs à la route et à l’aérien – le ferroviaire, le maritime et le fluvial – d’ici à 2022.
Comment faire pour bâtir une offre de fret ferroviaire utile et compétitive ?
Vous l’avez tous rappelé, le fret ferroviaire en France, à la différence d’autres pays européens, connaît depuis plusieurs années, et quels que soient les gouvernements et les majorités à l’Assemblée nationale, de graves difficultés et peine à trouver sa cohérence économique. Il a été touché de plein fouet par la crise économique que nous connaissons depuis deux ans et, si des signes de reprise sont perceptibles, ils restent encore bien modestes.
Les crises sociales qui ont lieu depuis le début de l’année, particulièrement au cours des dernières semaines, auront malheureusement des conséquences sur l’activité de la SNCF. C’est par centaines que des trains sont actuellement « calés », comme on dit dans le langage cheminot, et certains clients partiront vers d’autres opérateurs ferroviaires, vers le transport fluvial dans le meilleur des cas, ou, pire, vers le fret routier.
Dans ce contexte difficile, l’entreprise publique a joué un rôle important dans l’acheminement des produits pétroliers qu’elle a traité en priorité, ce qui témoigne de la réactivité de ses équipes.
Désormais, notre objectif n’est pas de conquérir des parts de marché. Nous voulons les reconquérir. Les chargeurs sont demandeurs, vous l’avez tous relevé, mesdames, messieurs les sénateurs, en illustrant vos propos d’exemples.
Se pose également, vous le savez, un problème de rénovation du matériel. Autant le matériel ferroviaire à destination des voyageurs, qu’il s’agisse des TGV, des TER ou des transiliens, s’est modernisé, autant, en matière de fret, y compris d’équipement de triage que citait tout à l’heure Mme Beaufils, on en est resté à des technologies des années soixante-dix, pour ne pas dire des années cinquante ! Le parc de wagons, à quelques exceptions près, n’est pas un parc de qualité, notamment en termes de bruit ou de freinage.
Par conséquent, nous devons engager des améliorations en ce sens et faire en sorte que la concurrence se déroule convenablement. Je vous le rappelle, avant la crise sociale actuelle, la SNCF assurait 85 % du fret ferroviaire, les entreprises publiques ou privées autres que la SNCF ayant pris en quelques années à peu près 15 % de parts de marché. Malheureusement, la situation risque d’évoluer au détriment de la SNCF et les chiffres seront certainement très différents dans quelques semaines.
Nous avons mis en place avec le concours du Parlement – M. le président Emorine et la commission de l’économie ont joué un rôle important en ce sens – l’Autorité de régulation des activités ferroviaires. Cette haute autorité d’arbitrage est en place, son siège est fixé dans une ville ferroviaire, Le Mans. Elle est dotée de pouvoirs étendus : elle peut notamment se prononcer sur tous les litiges relatifs à l’accès au réseau ferroviaire ainsi que sur la tarification des péages. Elle est donc aujourd’hui opérationnelle.
Vous avez tous évoqué l’engagement national pour le fret ferroviaire. De quoi s’agit-il précisément ? C’est un programme d’actions que Jean-Louis Borloo et moi-même avons lancé, dans le cadre duquel il est prévu de déployer 7 milliards d’euros d’ici à 2020 uniquement pour le fret ferroviaire. Il constitue évidemment une feuille de route pour l’État, RFF et l’ensemble des entreprises et des acteurs concernés.
Quels sont les moyens mis en place ?
Nous avons prévu de dégager des sillons pour le fret, en augmentant la construction de lignes nouvelles de 4 500 kilomètres dans les trente prochaines années, 2 000 avant 2020 et 2 500 après.
Par exemple, lorsque nous construirons une ligne nouvelle au sud de Tours en direction de Bordeaux, madame Beaufils, c’est la ligne classique partant de Saint-Pierre-des-Corps à Bordeaux qui sera disponible pour l’autoroute ferroviaire ou le TER. Nous allons dégager sur les lignes classiques énormément de sillons pour le fret ferroviaire.
Que souhaitons-nous faire dans ce plan ? Notre action s’articule autour de huit axes que vous avez tous rappelés : la création d’un véritable réseau d’autoroutes ferroviaires cadencées, le doublement du transport combiné de marchandises, l’installation d’opérateurs ferroviaires de proximité, le développement du fret à grande vitesse, l’instauration d’un réseau orienté fret, la mise en place de mesures favorisant la desserte des ports, que M. Nègre vient d’évoquer, la suppression des goulets d’étranglement et l’amélioration du service offert aux transporteurs.
S’agissant de la création d’un réseau d’autoroutes ferroviaires cadencées, comme l’a souligné M. Teston, nous avons démarré entre le triage de Bettembourg, au Luxembourg, et Portbou. Alors qu’il n’existait au départ qu’une seule navette par jour, nous en serons bientôt à quatre navettes quotidiennes, la quatrième devant être mise en place tout prochainement. Cette liaison se développe de façon satisfaisante.
Sur l’Atlantique, nous avons engagé une consultation pour désigner le futur opérateur ; nous recevrons les offres des trois candidats le mois prochain.
L’idée est de venir du nord de la France, de transiter par la région parisienne, de descendre vers Saint-Pierre-des-Corps et d’utiliser ensuite la ligne classique vers Poitiers-Angoulême-Bordeaux, avec, pendant la mise au gabarit B 1 pour le combiné des tunnels au sud de Poitiers, l’utilisation de l’ancienne ligne de l’État par Niort-Saintes et Bordeaux.
L’adaptation du réseau est en cours pour atteindre cet objectif.
Sur le Mont-Cenis et Orbassano que Michel Teston a également cités, il s’agit d’élargir la phase de transport. Nous avons donc lancé un appel avec les Italiens pour partir plus près de Lyon et aboutir plus loin en Italie, le but étant de saturer le Mont-Cenis avant le tunnel Lyon-Turin dont je reparlerai tout à l’heure.
Nous étudions actuellement une quatrième autoroute ferroviaire avec RFF, sur un itinéraire nord-sud et est-ouest.
Pour favoriser le transport combiné de marchandises, nous avons augmenté de 50 % environ l’aide à l’exploitation des services de transport combiné. Nous voulons également augmenter la longueur des trains de fret, qui est limitée par la réglementation à 750 mètres. Depuis 2009, nous faisons déjà circuler des trains de 850 mètres sur l’axe Paris-Marseille et nous travaillons actuellement avec les opérateurs du transport combiné pour permettre la mise en service de trains de 1 000 mètres sur les axes Paris-Marseille et Bettembourg-Portbou en 2012 et Lille-Bayonne en 2013.
La SNCF joue un rôle important dans le développement du transport combiné. Sa filiale NAVILAND CARGO, qui a pris le contrôle de la société NOVATRANS, est en effet le premier opérateur français de transport combiné. La SNCF s’est engagée auprès de l’Autorité de la concurrence à proposer aux autres opérateurs de transport combiné de constituer une société d’exploitation en commun sur certains terminaux, afin que chacun y ait accès librement.
J’en viens aux opérateurs ferroviaires de proximité.
Vous avez parlé tout à l’heure de Warren Buffett et des compagnies américaines qui, voilà trente ou quarante ans, étaient celles qui perdaient le plus d’argent. Aujourd’hui, grâce à un énorme marché issu de l’accord de libre échange nord-américain, l’ALENA, entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, elles sont devenues des sociétés très profitables.
Aux États-Unis, avant l’installation de ces très grands trains de fret qui traversent les États-Unis du nord au sud et d’est en ouest, il existait déjà les short lines, opérateurs ferroviaires de proximité qui rassemblent les wagons et préparent les trains.
Dans le port de Hambourg, d’où partent environ 50 % à 60 % de son fret au-delà de 350 kilomètres par la voie ferroviaire, on dénombre 150 opérateurs ferroviaires de proximité.
L’évolution du fret ferroviaire dépend donc fortement de ces opérateurs.
Le rapport d’information du groupe de travail présidé par le sénateur Francis Grignon propose de favoriser le développement des OFP. Nous avons fait évoluer le cadre législatif et réglementaire pour faciliter leur mise en place. La loi ORTF – je n’aime pas beaucoup ce sigle, parce qu’il nous renvoie à la suppression de l’ORTF en 1975 ! (Sourires) – permet notamment à RFF de confier des missions de gestion et d’entretien des voies à faible trafic exclusivement dédiées au fret à des opérateurs ferroviaires de proximité.
Ces évolutions ont permis l’émergence de trois OFP en Languedoc-Roussillon, Bourgogne et Poitou-Charentes – avec celui du grand port maritime de La Rochelle, j’y reviendrai. En Auvergne, l’opérateur – il s’agissait au départ d’une entreprise de transport routier – se lance actuellement : …
Mme Marie-France Beaufils. Il est en préparation !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. … il commencera à fonctionner le mois prochain, à la suite de l’accord que M. Hortefeux et moi-même avons signé avec le préfet de région et le président de la chambre de commerce, M. Marcon.
D’autres projets de toutes natures sont à l’étude en Bretagne, dans la région Centre, en Midi-Pyrénées. Nous souhaitons par exemple développer le fret à grande vitesse, afin que les marchandises dont le transport est actuellement assuré par DHL ou FEDEX soient mises au départ de l’aéroport de Roissy ou d’autres lieux sur des TGV fret, comme il existe des TGV postaux.
Le projet porté par l’association CAREX, présidée par le député Yanick Paternotte, avance bien, mais il ne se concrétisera pas avant un an ou deux ans.
Nous avons par ailleurs défini un réseau orienté fret, sur lequel nous améliorerons la qualité de service, l’interopérabilité du réseau et l’électrification de ses itinéraires. Actuellement, près de 700 millions d’euros sont consacrés à des programmes d’électrification du réseau : je pense à Bourges-Saincaize et Serqueux-Gisors, qui a été cité tout à l’heure pour la desserte du Port du Havre.
Nous allons investir, avec RFF, 380 millions d’euros pour ces itinéraires, notamment afin de les rendre tous destinataires d’installations permanentes de contresens, ou IPCS, qui permettent une meilleure fluidité des circulations.
Nous allons également déployer sur le réseau orienté fret, après l’avoir fait à titre expérimental sur le TGV Paris-Strasbourg, l’ERTMS ou european rail traffic management system, la nouvelle signalisation européenne.
En outre, parmi les projets européens actuellement acceptés par le conseil des ministres des transports européens figure le raccordement des ports du Havre et de Dunkerque aux corridors de fret européen Rotterdam-Anvers-Lyon-Bâle et Aix-la-Chapelle-Terespol. Nous relions donc nos itinéraires aux grands parcours de fret européens.
L’amélioration de la desserte ferroviaire de nos ports est un enjeu majeur pour le développement du fret ferroviaire. Notre objectif est de doubler la part de marché du fret ferroviaire pour les acheminements à destination et en provenance des ports. Le port de Dunkerque, en France, est un bon exemple ; malheureusement, pour d’autres, les avancées sont moins significatives. Pour atteindre nos objectifs, il faut mettre en place des OFP dans les ports.
Vous le savez, depuis la réforme portuaire, les ports sont responsables de leur réseau. Par exemple, le port de Dunkerque en a confié la gestion à Europort, qui est l’opérateur d’Eurotunnel, d’autres l’ont confiée à la SNCF. Des opérateurs ferroviaires de proximité sont en train d’être créés au Havre, à Dunkerque, à Marseille, au port fluvial de Strasbourg.
Ces projets, qui s’inscrivent dans le cadre de la loi portant réforme portuaire, représentent des investissements très importants pour les grands ports maritimes. En particulier, une grande plateforme multimodale sera mise en service au Havre dès 2013 et le projet du terminal de Mourepiane à Marseille est bien avancé, puisque les travaux devraient commencer l’an prochain.
J’en profite d’ailleurs pour préciser, M. Teston ayant pris cet exemple, que le port de La Rochelle avait initialement conclu un accord avec la SNCF. Cette dernière a toutefois pêché par excès de prudence et, désormais, les trains sifflent en allemand… (Sourires.) En effet, tandis que la SNCF ne voulait pas transporter les wagons plus loin que Saint-Pierre-des-Corps, d’autres opérateurs ont proposé de les acheminer jusqu’à Guéret, c’est-à-dire non loin de leur destination finale. La SNCF a donc malheureusement perdu ce marché au profit de la filiale de la Deutsche Bahn. Mais ce sont toujours des camions en moins sur les routes, avec, à la clef, des économies d’essence…
Quant aux goulets d’étranglement, ils sont nombreux, le plus important d’entre eux résultant de la traversée de l’agglomération lyonnaise et du complexe de la gare de la Part-Dieu.
Pour remédier à ce problème, que le président Guy Fischer connaît bien,…
M. le président. C’est certain !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. …nous avons lancé le contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise, le CFAL. Ce projet n’est pas aisé à conduire, parce qu’il faut tenir compte tout à la fois de la géographie, de l’aéroport Saint-Exupéry, du raccordement au sud de Lyon, de l’urbanisation et de la connexion des axes nord-sud et Rhin-Rhône.
Par ailleurs, les contournements de Nîmes et de Montpellier seront engagés l’année prochaine.
En ce qui concerne le service offert aux transporteurs, il mériterait vraiment d’être amélioré. RFF a déjà lancé une plateforme commerciale pour ses clients.
Afin de travailler à la mise en œuvre de ces huit axes, qui sont largement en accord avec les propositions développées dans le rapport d’information, nous avons installé un comité de suivi réunissant tous les acteurs concernés, des représentants des ports, de France Nature Environnement, de la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale, la DATAR, etc.
Le rôle de la SNCF est également très important. L’entreprise va investir un milliard d’euros sur cinq ans dans des projets de développement du fret. Elle a déjà engagé l’essor de l’offre de transport en trains massifs et transforme son offre de wagon isolé. Il faut encore accomplir des progrès pour répondre aux besoins des entreprises – certaines d’entre elles rencontrent des difficultés avec la nouvelle offre « multi-lots multi-clients » – et prendre des mesures sociales d’accompagnement pour les personnels en interne.
J’évoquerai rapidement le transport routier de marchandises. La mise en place de l’écotaxe, dont le principe et les modalités ont été adoptés dans le Grenelle de l’environnement et dans la loi de finances pour 2010, ne prend pas de retard, mais il convient de tenir compte de l’étendue du réseau concerné. La République tchèque, que vous avez citée en exemple, madame Beaufils, ne compte que 805 kilomètres d’autoroutes. Quant aux Allemands, ils ont mis quatre ou cinq ans pour mettre en place leur système Toll Collect.
Je vous rappelle, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il s’agit d’inclure toutes les autoroutes gratuites, le réseau de routes nationales qui subsistent ainsi que, le cas échéant, les routes départementales, en fonction des souhaits exprimés par les conseils généraux. Les discussions ont été particulièrement longues – croyez-en mon expérience en Charente-Maritime ! – et le nombre de routes départementales concernées sera finalement beaucoup plus important que prévu, les élus locaux craignant un report du trafic vers les routes qui ne seraient pas intégrées dans le dispositif.
C’est donc un réseau extrêmement vaste qui se profile. Il devrait nous rapporter 1,2 milliard d’euros par an, montant dont il faudra naturellement déduire les frais de fonctionnement de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF. Je précise également que les recettes provenant des routes départementales seront naturellement perçues par les départements.
Il s’agit donc d’un projet d’envergure.
Nous expérimenterons d’abord le dispositif adopté au Sénat et à l’Assemblée nationale en Alsace, avant de désigner le concessionnaire d’ici à la fin de l’année et de mettre en service le dispositif sur l’ensemble du territoire en 2012.
Le déploiement d’un tel système sur un réseau à l’échelle de la France qui compte des autoroutes, des routes nationales et des routes départementales prend du temps, d’autant qu’il convient d’utiliser une technologie compatible avec celle qui est utilisée par les autres pays, pour ne pas commettre les mêmes erreurs que dans le domaine ferroviaire,…