Mme Catherine Tasca. Comme notre collègue Jacques Muller, je voudrais rebondir sur l’intervention de M. Fourcade. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Fourcade. Je n’interviendrai plus ! (Sourires.)
Mme Catherine Tasca. Selon un argument constamment ressassé par la majorité, toute réduction des privilèges exorbitants que s’accordent les dirigeants d’un certain nombre d’entreprises de notre pays créerait un vaste mouvement d’exode, d’expatriation.
M. Jean-Pierre Fourcade. Mais bien sûr !
Mme Catherine Tasca. Ce n’est pas sérieux !
M. Jean-Pierre Fourcade. Cela s’est déjà produit !
Mme Catherine Tasca. La France continue d’exister, même sans ceux qui sont partis !
M. Jean-Pierre Fourcade. Mais l’industrie est partie aussi !
Mme Catherine Tasca. Souvenez-vous de la crise absolument catastrophique que notre pays a connue voilà deux ans. L’ensemble de notre système bancaire était ébranlé. C’est l’État, c’est-à-dire la collectivité française, qui, dans notre intérêt à tous, l’a tiré d’affaire. N’ayons pas la mémoire courte ! Si les dirigeants des entreprises osent utiliser cette menace du départ hors de nos frontières, ils s’excluent absolument de la communauté nationale. (Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.)
La majorité en appelle très volontiers à notre sens des responsabilités, mais aussi à celui des grévistes et des manifestants, qui joueraient contre l’intérêt du pays. Elle utilise même cet argument au-delà de la raison, car nous n’avons pas prôné la suppression de tous les privilèges que j’ai évoqués ! Il convient seulement, selon nous, de les ramener à de justes proportions, de les rendre acceptables par l’opinion et supportables pour les entreprises. Surtout, il importe de ne pas nourrir davantage encore le sentiment d’injustice qui grandit dans notre pays.
En conclusion, je me permets de vous suggérer de renoncer à cet argument des risques de délocalisations, car il est peu crédible sur le plan économique. Si vous refusez de toucher aux stock-options, aux parachutes dorés et aux retraites chapeaux, vous devrez demain rendre des comptes à tous ceux à qui vous expliquez qu’ils doivent accepter de travailler plus longtemps pour mériter des retraites amoindries, tandis que notre pays manque d’emplois ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous continuez dans la provocation ! (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Vous soutenez l’octroi de privilèges exorbitants, au motif que leurs bénéficiaires quitteraient le territoire si l’on tentait de les réduire. Jusqu’où êtes-vous prêts à prôner la mise aux normes de la France pour lui permettre d’affronter la concurrence internationale ?
Il existe des pays dans lesquels les salariés ne touchent qu’un dollar ou un euro par jour, ce qui leur permet à peine de survivre. Il existe des pays qui n’offrent aucun système de protection sociale. Sans doute s’agit-il là pour vous de modèles à imiter ? Mais ne pensez-vous pas que, ce faisant, nous allons à une catastrophe nationale et internationale ?
Au fond, on voit bien qui vous écoutez : non pas les millions de nos concitoyens qui refusent votre réforme de retraite et s’opposent à l’existence de privilèges exorbitants, mais le patronat, en l’occurrence le MEDEF, qui s’est largement exprimé, dès 2007, sur la réforme des retraites.
En revanche, vous écoutez attentivement le patronat et, en l’occurrence, le MEDEF, qui s’est largement exprimé, dès 2007, sur la réforme des retraites.
Évidemment, vous ne vous êtes pas targués d’appliquer le programme du MEDEF ! Vous avez habillé votre réforme, prétendant, en préambule, vouloir sauver la retraite par répartition, ce qui est faux. Vous le dites vous-même, en 2018, vous serez dans l’incapacité de payer les retraites.
Vous mettez donc en œuvre, de façon très précise, la réforme voulue par MEDEF. Dans Besoin d’air, petit livre que je connais désormais presque par cœur, on peut lire que la retraite par répartition est une « erreur historique » dont la France a le triste secret. Selon ses auteurs, un tel système ne peut perdurer, aussi bien pour ce qui concerne l’âge de la retraite que la durée de cotisation ou, finalement, le montant des pensions. Il convient donc de le réformer – cela, vous le dites officiellement – et d’évoluer vers un régime par capitalisation.
Même si vous ne l’écrivez pas, vous ne vous en cachez pas pour autant, c’est bien cette réforme que vous voulez mettre en œuvre, la réforme du MEDEF.
Tous vos amis, tous vos proches, tous ceux qui se trouvaient au Fouquet’s ce fameux soir attendent que vous donniez la possibilité aux assurances diverses qui envahissent de leurs messages la télévision et la presse, …
Mme Catherine Tasca. Ils attendent leur récompense !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. …de mettre en œuvre la retraite par capitalisation, les salariés n’ayant guère d’autre choix.
Il faut que cela soit dit clairement : vous écoutez uniquement les représentants du patronat.
Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Kerdraon, sur l'article.
M. Ronan Kerdraon. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis le début de ce débat, tous les sénateurs qui siègent à gauche de cet hémicycle se sont interrogés sur les raisons pour lesquelles le Président de la République, malgré ses promesses, avait engagé cette réforme des retraites.
M. Jean-Claude Gaudin. Il y a la crise !
M. Ronan Kerdraon. Il a d’abord affirmé qu’une réforme était nécessaire. Nous le disons également. Il a ensuite déclaré que, bien qu’il n’ait reçu aucun mandat sur ce dossier, il lui fallait mener cette réforme. Tout cela, nous pourrions le comprendre.
Toutefois, les propos qu’ont tenus tout à l’heure Martial Bourquin et, hier soir, Jean Desessard me font penser qu’il existe d’autres motivations.
Les choses remontent sans doute à 2006 ou 2007, quand un certain Guillaume Sarkozy (Protestations sur les travées de l’UMP.) a été nommé président du groupe Médéric, devenu entretemps le groupe Malakoff-Médéric.
M. Roland Courteau. Une vérité qui dérange !
M. Ronan Kerdraon. Cette belle histoire n’aurait aucun intérêt si le groupe Malakoff-Médéric n’était pas aujourd’hui l’un des acteurs majeurs de la retraite complémentaire privée et s’il n’avait pas trouvé comme partenaire, cela a été rappelé tout à l’heure par mes collègues, la Caisse des dépôts et consignations et sa filiale, la Caisse nationale de prévoyance, qui sont tout de même les bras armés de l’État.
Cette belle histoire n’aurait aucun intérêt s’il ne s’agissait en fin de compte de faire main basse sur une affaire juteuse, celle de l’épargne individuelle. Mais comment procéder ? Tout simplement, en déstabilisant le système de retraite par répartition, pour faire le jeu du système par capitalisation à la mode anglo-saxonne.
Comme l’a dit Martial Bourquin tout à l’heure, il s’agit de capter, d’ici à 2020, un marché de 40 milliards à 110 milliards d’euros qui constitue un véritable « gâteau financier ». À cet égard, je me contenterai de citer un rapport confidentiel, paru sur un site que vous avez hier vilipendé, à savoir Mediapart : « À l’horizon 2020, selon le rapport du Comité d’orientation des retraites, le COR, une baisse du taux de remplacement de l’ordre de 8 % est attendue pour une carrière complète. Cette baisse est toutefois variable selon le niveau du salaire et le profil de carrière et dépend fortement des hypothèses prises dans les travaux du COR. »
Les hommes de Malakoff-Médéric-ont dû penser que les régimes de retraite par répartition vont à ce point être étranglés par les évolutions démographiques et l’absence de nouvelles recettes que cela fera forcément les affaires d’autres opérateurs.
Tout cela se passe, se pense et se réalise sans le moindre scrupule, mais avec un seul objectif : le profit à tout prix ! Quelle belle équipe, pour reprendre le titre d’un film, que celle que forment Nicolas et Guillaume Sarkozy ! L’un asphyxie le régime par répartition, tandis que l’autre jette les bases du système par capitalisation.
C’est pourquoi, comme mes collègues, je vous demande, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, d’entendre la rue, puisque vous avez évincé les parlementaires et les organisations syndicales, et que je ne voterai pas cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, sur l'article.
M. David Assouline. À l’image de beaucoup d’autres, cet article est un cheval de Troie contre un principe pourtant affirmé comme intangible dès l’article 1er, à savoir la retraite par répartition. Il vise en effet à introduire progressivement un régime par capitalisation.
Depuis le début de notre discussion, cette « réforme » fait l’objet d’un véritable quiproquo.
Dans notre pays, le mot « réforme » a une histoire. À chaque fois, il s’est agi de placer l’être humain au centre, pour tenter d’améliorer son sort, ses conditions de vie, sa liberté et ses droits. Telle est l’histoire de la réforme.
Vous nous dites, monsieur le ministre, qu’il faut mettre en œuvre une réforme des retraites. Bien sûr ! Vous avez d’ailleurs été obligé, pour justifier la nécessité de votre action, de reconnaître que le système actuel devait être amélioré, notamment pour ce qui concerne, d’une part, l’égalité entre les hommes et les femmes et, d’autre part, la pénibilité.
Vous avez prétendu qu’il fallait pérenniser le système pour que les jeunes générations lui conservent leur confiance et ne se tournent pas vers des systèmes de retraite par capitalisation. Pour ce faire, il fallait trouver des ressources. C’est ainsi que vous avez justifié une réforme, en faisant mine d’améliorer le système des retraites et de placer l’être humain en son centre. Or c’est exactement l’inverse qui se produit !
J’évoquerai d’abord le problème de pénibilité. Aujourd’hui, parmi les travailleurs qui effectuent des travaux pénibles, 1 700 000 sont exposés aux produits toxiques ; 3,7 millions environ subissent le travail de nuit. Mais votre réforme ne prend en considération que 30 000 personnes ! Au lieu d’améliorer le sort de ceux qui sont confrontés à la pénibilité, votre réforme se traduit par une régression : ils partaient à la retraite à 60 ans, ils partiront à 62 ans, au mieux ! Ne parlez donc pas de réforme, mais plutôt d’un retour en arrière, y compris pour ceux que vous avez voulu mettre au centre de vos préoccupations !
Je rappellerai ensuite la situation des femmes. Certes, vous avez essayé d’améliorer la situation des mères de trois enfants. Mais cela ne concerne que quelques milliers de personnes ! Pour toutes les autres, les millions de femmes qui sont déjà en situation d’inégalité, la régression est incontestable : 67 ans au lieu de 65 ans, et 62 ans au lieu de 60 ans !
Pour ce qui concerne l’équilibre financier, vous avez prétendu vouloir pérenniser notre système de retraite, pour que les jeunes générations aient confiance. Or, comme en témoignent les récentes enquêtes d’opinions, 80 % des Français ne croient pas que cette réforme permettra d’assurer la pérennité du régime par répartition.
Ainsi, vous avez réussi à préparer nos concitoyens à l’idée qu’ils devront, s’ils en ont les moyens, se tourner vers des systèmes complémentaires. Par conséquent, vous mettez immédiatement en danger le système de retraite par répartition, non seulement parce que votre réforme est injuste, mais aussi parce qu’elle n’assure pas la pérennité du financement des retraites, 45 milliards d’euros restant à trouver à l’horizon 2025.
Vous avez tout faux ! Cessez donc de nous faire des leçons sur la réforme. Oui, il faut une réforme ! Ce que vous mettez en place, c’est une régression ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.
M. Roland Courteau. Mes collègues viennent de vous le dire, les Français ne veulent pas d’une réforme injuste, ils vous le font savoir régulièrement et massivement.
Vous préférez toutefois vous barricader dans une sorte de bunker, sourds aux attentes du plus grand nombre. Jamais, cela a été dit par mes collègues, nous n’avions connu pareil comportement de la part d’un gouvernement, face à un pays qui traverse une crise particulièrement grave.
Ici, nous parlons des retraites chapeaux, dont on ne pourrait prétendument se passer en raison des délocalisations. Monsieur Fourcade, ne peut-on parler en la matière de chantage, nombre de Français vivant avec des pensions de misère ou des ressources inférieures au seuil de pauvreté ?
Sur un plan plus général, de telles réformes – ô combien majeures ! – nécessitent un consensus national, lequel suppose que de véritables négociations aient été menées. La Suède et d’autres pays ont su préparer de telles réformes et obtenir ce consensus ; pour cela, ils ont travaillé en amont, prenant le temps nécessaire pour rapprocher les parties. Ils y sont parvenus et ont mis en œuvre les réformes ainsi définies, avec l’appui total du peuple, et non contre le peuple, comme c’est le cas actuellement.
Bien sûr, une réforme des retraites est nécessaire. Mais nous ne voulons pas de celle que vous proposez, ni de la façon dont vous la proposez. Car vous faites porter l’effort sur celles et ceux dont la seule fortune repose sur leur force de travail.
Tout à l’heure, sur les deux amendements défendus par nos collègues Jean-Pierre Godefroy et Gérard Dériot, plusieurs sénateurs se sont réjouis de ce qu’ils ont appelé une sorte de « réconciliation ». Il a même été avancé, par la voix, me semble-t-il, de notre collègue François Fortassin, que le débat sur les victimes de l’amiante rehaussait le niveau du travail du Sénat. Cette parenthèse nous prouve surtout que, lorsque le Gouvernement et la commission font preuve d’écoute et d’esprit de dialogue, on peut arriver à avancer en matière de justice.
Comme l’a dit notre collègue Jean-Jacques Mirassou, l’intelligence collective permet d’aboutir. Puisse donc cet épisode vous inciter à réfléchir et à faire œuvre utile, en écoutant davantage l’opposition et la majorité du peuple, qui s’exprime dans la rue. Cela devrait vous conduire, chers collègues de la majorité, ainsi que le Président Sarkozy à renoncer à la discussion du projet de loi et à ouvrir enfin de véritables négociations. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché, sur l’article.
M. Alain Fouché. Je souhaite simplement évoquer rapidement les retraites chapeaux et les stock-options. De nombreux sénateurs le reconnaissent, on peut constater, dans ce domaine, des excès, un certain nombre de personnes étant effectivement privilégiées.
Pour ma part, je souhaite que la majorité et l’opposition trouvent un accord dans ce domaine, dans la perspective de taxer davantage les personnes concernées. Les uns et les autres, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, nous avons déposé une série d’amendements, que nous examinerons plus tard, concernant le financement des régimes de retraite. Ils visent tous à prévoir une taxation plus importante.
Sur ce sujet, il est indispensable que le Gouvernement se rallie aux propositions défendues par l’ensemble de notre assemblée. L’opinion souhaite en effet que les retraites chapeaux et les stock-options soient davantage taxées. (M. François Fortassin applaudit.)
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L'amendement n° 51 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.
L'amendement n° 282 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.
L'amendement n° 387 rectifié est présenté par MM. Collin et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 475 est présenté par Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Godefroy et Daudigny, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, pour présenter l’amendement n° 51.
Mme Marie-Agnès Labarre. Alors que chacun s’accorde à dire que notre protection sociale – retraite par répartition comprise – a joué un rôle important d’amortisseur de crise, vous proposez, à travers l’ensemble de ce titre V ter, de généraliser les mécanismes de retraite par capitalisation, c’est-à-dire l’inverse de notre système de protection sociale.
Vous justifiez les retraites chapeaux de quelques-uns par la création de retraites par capitalisation pour tous. C’est de la fumisterie, voire de l’indécence, pour les salariés, qui sont de futurs retraités !
Les effets de la crise de 2008 n’ont pas encore fini de se faire sentir, la crise n’est pas encore elle-même terminée, comme en témoigne le chômage de masse, que, déjà, vous proposez de tourner le dos à notre système de protection sociale.
Pourtant, la crise financière pose clairement le problème de l’utilisation des fonds de pension pour le financement les retraites.
Avec les milliards d’euros dilapidés en quelques mois, qui manqueront aux retraités, et donc à l’économie mondiale, nous sommes en droit de nous demander comment il serait possible de garantir à la fois des niveaux d’emploi et de pension élevés, tout en soutenant les niveaux de rentabilité demandés par ces fonds.
En réalité, cet équilibre n’est pas possible puisque ces fonds de pension cannibalisent l’emploi sans être capables de garantir le niveau des retraites. C’est d’ailleurs toute la difficulté des mécanismes de retraite à cotisations définies que vous entendez généraliser, y compris en proposant un basculement systémique.
On prend souvent en exemple les fonds de pension américains, exemple criant. Je voudrais, pour ma part, citer le cas des fonds de pension chiliens, détenus par les banques et les assurances du pays, que vous n’hésitiez pas, voilà quelques années encore, à prendre en exemple.
Mis en place sous la dictature politique, sociale et économique d’Augusto Pinochet, ils étaient censés jouer leur rôle à la fin de l’année 2007. Or, aujourd’hui, deux ans après cette date limite, on sait que 50 % des Chiliens potentiellement concernés ne le seront plus. Et pour cause : depuis l’instauration de ces mécanismes, les Chiliens ont connu la dégradation continue de leur économie, du niveau de l’emploi et de leurs rémunérations.
Ces retraites privées étant d’abord et avant tout alimentées par des cotisations volontaires, les Chiliens concernés ne pouvant plus les verser, leurs retraites sont inexistantes.
Cet exemple supplémentaire devrait vous inviter à réfléchir, notamment à la suspension de nos débats, afin de poursuivre le dialogue social. Dans l’immédiat, je vous invite à voter notre amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Muller, pour présenter l'amendement n° 282.
M. Jacques Muller. Avec cet article 32 quinquies, nous avons la très désagréable impression que vous cherchez à sauver les apparences. En effet, il dispose que les entreprises ouvrant une retraite chapeau à leurs dirigeants devront offrir un produit d’épargne retraite collectif à tous leurs salariés, sans forcément, d’ailleurs, informer ceux-ci.
Je ferai deux remarques : d’une part, cette disposition est intrinsèquement perverse puisqu’elle tente de légitimer les fameuses retraites chapeaux, qui scandalisent à juste titre tous nos concitoyens ; d’autre part, elle est un aveu d’échec parce qu’elle tend à reconnaître implicitement que la retraite de base sera insuffisante en raison du recul de l’âge de la retraite.
En effet, ce projet de loi ne prend en compte ni le développement du travail précaire et intermittent, ni les carrières discontinues des femmes, ni la précarisation des seniors, ni la faiblesse de leur taux d’emploi, lequel ne risque pas de s’améliorer dans la mesure où vous avez refusé de poser comme contrepartie aux aides que recevront les entreprises la création d’emplois en CDI.
Mécaniquement, le montant des retraites diminuera, en raison non seulement de la trop grande faiblesse des cotisations, mais encore parce que nombre de salariés, trop usés, les auront liquidées avant d’atteindre l’âge légal de départ à la retraite dès lors que celui-ci aura été reculé.
L’introduction de ce principe de compensation des retraites chapeaux est la preuve de l’échec d’une réforme dont le point cardinal est le recul de l’âge de la retraite. Elle repose sur une logique intrinsèquement perverse. C’est pourquoi nous vous demandons, mes chers collègues, de voter cet amendement de suppression. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l'amendement n° 387 rectifié.
Mme Françoise Laborde. Permettez-moi un propos liminaire sous forme de billet d’humeur, et non d’humour. Je suis généralement prête à rire, mais le sujet est trop sérieux.
Je trouve en effet que nous ne sommes plus respectés dans notre rôle de parlementaire. Je m’explique : j’étais présente cette nuit, jusqu’à trois heures vingt-cinq, comme beaucoup d’entre nous. Je reviens aujourd’hui à quatorze heures trente, et voilà que nous examinons l’article 27 sexies A. Comment voulez-vous que je défende rapidement l’amendement n° 387 rectifié, qui porte sur l’article 32 quinquies, puisqu’il fait référence aux amendements nos 385 rectifié et 386 rectifié, déjà défendus, qui portaient eux-mêmes respectivement sur les articles 32 bis et 32 quater. J’ai l’impression que nous jouons aux charades.
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, avez-vous relu récemment L’Art de la charade à tiroirs, de Luc Étienne, paru en 1962 ?
M. Josselin de Rohan. Il est épuisé, comme nous ! (Sourires.)
Mme Françoise Laborde. J’ai la prétention d’avoir suivi de près, pour mon groupe, le projet de loi, mais compte tenu de l’examen dans le désordre des articles, il est difficile de maintenir un haut niveau de cohérence dans nos débats.
Mon impertinence due à la fatigue et à la déception d’être ainsi malmenée ira jusqu’à vous demander si vous avez procédé au tirage du Loto pour déterminer l’ordre de passage des articles. Nos concitoyens ont cru que la loi était votée après l’adoption des articles 5 et 6. Dans mon département, certains d’entre eux se sont étonnés que je retourne à Paris pour la poursuite des débats, pensant que tout était terminé. Pourtant, nous sommes encore là,…
M. Josselin de Rohan. Grâce à qui ?
Mme Françoise Laborde. … et tout le monde y perd son latin.
L’examen désordonné des articles additionnels fera travailler nos neurones. Cette nouvelle gymnastique intellectuelle va-t-elle détrôner les mots croisés et le sudoku ?
Je suis généralement assez modérée, mais cette fois, plutôt que de faire un rappel au règlement classique, j’ai voulu exprimer mon amertume, ma tristesse, de voir un projet de loi aussi important pour l’avenir de tous les Français traité en dépit du bon sens chronologique.
L’amendement n° 387 rectifié vise à lutter contre le développement de la retraite par capitalisation. Je vous ferai grâce de mon argumentaire puisque les collègues qui m’ont précédée ont très bien défendu des amendements identiques à celui-ci. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l'amendement n° 475.
Mme Gisèle Printz. Cet article est un magnifique exemple de jésuitisme. Il vise en effet à ce que les régimes de retraite supplémentaire à prestations définies, réservés à certaines catégories de salariés dans les entreprises, ne puissent être mis en place en l’absence de PERCO ou de contrats d’épargne retraite.
En fait, il s’agit des retraites chapeaux, qui ont fait quelque bruit lorsque les montants hallucinants provisionnés au bilan des banques notamment, pour les vieux jours de leurs dirigeants, ont été connus.
Compte tenu de la responsabilité écrasante des organismes financiers dans la crise financière et du coût pour l’ensemble des contribuables, le succès de ces opérations auprès de l’opinion a été assuré.
Comment éteindre l’incendie sans toucher aux avantages indus, aux privilèges des cadres dirigeants ?
La première opération a été médiatique. On a pu entendre la profonde indignation de Mme Parisot, qui a appelé ses confrères à une sorte de charte d’éthique.
Puis, comme cela ne semblait pas émouvoir les foules, il a été décidé que le système des retraites chapeaux ne pourrait être mis en place sans que soit parallèlement mis en place un dispositif d’épargne retraite. Tous les régimes possibles sont prévus : PERCO, article 39, 82 et 83 du code général des impôts et PERP, le plan d’épargne retraite populaire.
En réalité, c’est faire d’une pierre deux coups : donner une image presque sociale à cette décision, alors que cela permet surtout d’installer des régimes de retraite par capitalisation là où ils n’existent pas encore.
Au demeurant, les entreprises qui distribuent des retraites chapeaux à leurs cadres dirigeants sont déjà dotées de tels dispositifs.
Je conclurai par deux remarques.
D’une part, les retraites chapeaux sont des régimes à prestations, et non à cotisations définies. À l’inverse, les salariés qui sont obligés d’adhérer à des contrats collectifs, tels ceux de l’article 83, sont dans de régimes à cotisations définies et à prestations aléatoires.
D’autre part, le dispositif de retraites chapeaux – article 39 – permet une déduction des cotisations de l’impôt sur les sociétés de l’entreprise. Et point n’est besoin de souligner à quel point ces cotisations sont imposantes !
Le Gouvernement, qui a communiqué sur la nécessité de limiter les abus en la matière, dispose là d’un levier intéressant et qui aurait un impact budgétaire certes modeste, mais utile et politiquement significatif.
Pourquoi donc ne pas supprimer cette déduction ?
Nous sommes donc en présence d’une disposition qui ne modifie en rien la situation existante.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces quatre amendements identiques ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. Comme l’a bien expliqué notre collègue Jean-Pierre Fourcade, la disposition prévue à cet article est essentielle, car elle est un moyen complémentaire à la taxation pour lutter contre les abus auxquels nous avons assisté en matière de retraites chapeaux
La commission émet un avis défavorable sur ces quatre amendements.
Je voudrais dire à Mme Laborde que je n’ai pas bien compris le sens de son intervention. Dès le début de son examen, voilà deux semaines, nous sommes tous convenus que les mesures d’âge étaient les éléments essentiels de ce projet de loi. C’est la raison pour laquelle nous avons appelé en priorité les articles 5 et 6 et réservé l’examen de l’article 27 sexies A, qui traite d’un sujet délicat, à savoir l’amiante.
D’une manière générale, il avait été décidé de réserver l’examen des amendements tendant à insérer un article additionnel.
Aussi, ma chère collègue, il me semblait que la manière dont nous avions organisé nos travaux était claire pour tout le monde, et, pour ma part, je n’y vois aucune malice.