M. Jean-Patrick Courtois. Alors pourquoi prenez-vous la parole ?
Mme Mireille Schurch. Comment pouvez-vous vouloir raboter les droits de ces personnes, qui ont été et sont encore victimes de l’un des plus gros scandales de santé publique qu’ait connus notre pays ? Vous n’avez donc aucun scrupule, aucune humanité !
M. Guy Fischer. Ils sont inhumains !
Mme Mireille Schurch. L’amiante a longtemps été présentée comme une matière extraordinaire. On la retrouvait partout, on l’utilisait tant et notre industrie avait tellement misé sur elle qu’il fallut une accumulation de drames et d’études scientifiques pour que, enfin, le caractère mortifère de cette substance soit reconnu.
La résistance du patronat sur cette question a été acharnée. Il en a fallu des combats pour que la vie des travailleurs soit enfin reconnue comme plus importante que les intérêts financiers en jeu !
Cette attitude n’est pas sans rappeler celle du lobby des fabricants de cigarettes, des promoteurs des hormones de croissance, des constructeurs d’antennes-relais de téléphonie mobile ou des industries recourant aux nanoparticules, dont nous parlerons également : on nie, on refuse l’évidence, et quand elle est prouvée, on la minimise.
En 1997, l’utilisation de l’amiante a été – enfin – définitivement interdite en France. En 1999, un régime spécifique d’indemnisation et de cessation anticipée d’activité a été créé pour les victimes. Néanmoins, comme nous le voyons aujourd’hui, avec ce gouvernement, rien n’est jamais acquis. Monsieur le ministre, nous vous attendons sur cette question ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 454 rectifié est présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 491 rectifié est présenté par M. Milon.
L'amendement n° 522 rectifié est présenté par M. Dériot.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
L'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« 2° Avoir atteint l'âge de soixante ans diminué du tiers de la durée du travail effectué dans les établissements visés au 1°, sans que cet âge puisse être inférieur à cinquante ans. »
2° Le septième alinéa est ainsi rédigé :
« 2° Avoir atteint l'âge de soixante ans diminué du tiers de la durée du travail effectué dans les ports visés au 1°, sans que cet âge puisse être inférieur à cinquante ans. »
3° Le treizième alinéa est ainsi rédigé :
« L'allocation cesse d'être versée lorsque le bénéficiaire remplit les conditions de durée d'assurance requises pour bénéficier d'une pension de vieillesse au taux plein, à condition qu'il soit âgé d'au moins soixante ans. Les conditions de durée d'assurance sont réputées remplies au plus tard à l'âge de soixante-cinq ans. »
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l'amendement n° 454 rectifié.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement vise à maintenir les conditions actuelles d’âge de cessation d’activité et de perception d’une retraite à taux plein pour les anciens travailleurs de l’amiante.
Je le rappelle, l’indemnisation des victimes de l’amiante repose sur deux dispositifs principaux : le Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante, le FCAATA, institué par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, et le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante, le FIVA, créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.
Le FCAATA verse aux salariés ayant été exposés à l’amiante une allocation de cessation anticipée d’activité et s’assimile donc à un régime de préretraite. Sa mise en place constitue une première réponse à la reconnaissance des dommages causés par l’amiante sur la santé. En effet, il vise à compenser la perte d’espérance de vie à laquelle sont confrontées, statistiquement, les personnes contaminées par l’amiante.
À Condé-sur-Noireau, ville du Calvados particulièrement exposée aux poussières d’amiante, l’espérance de vie moyenne n’est plus aujourd’hui que de 58 ans, mes chers collègues, à tel point que l’on surnomme désormais cette petite région la « vallée de la mort ».
M. Roland Courteau. C’est terrible !
M. Jean-Pierre Godefroy. Je pourrais, dans le même département, citer aussi l’exemple de la société Tréfimétaux, à Dives-sur-Mer. En Seine-Saint-Denis, l’ANDEVA, l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante, qui compte 500 adhérents, a, depuis sa création, suivi les dossiers de 260 personnes décédées à cause de cette substance, dans un tiers des cas avant 60 ans. D’autres victimes sont mortes juste après leur départ à la retraite. On estime que 40 % des allocataires du FCAATA décèdent dans les deux ans suivant leur départ à la retraite à l’âge de 60 ans, c’est-à-dire avant 62 ans !
En fait, on sait aujourd’hui que l’âge moyen de décès des victimes de maladies professionnelles liées à l’amiante est de 64 ans et que, une fois que la maladie est déclarée, il est trop tard pour agir, particulièrement dans le cas du mésothéliome.
On sait que la durée de vie des personnes atteintes d’un mésothéliome est d’environ dix-huit mois après le déclenchement de la maladie. Ce laps de temps s’écoule dans des conditions épouvantables, et il faut garder à l’esprit l’angoisse dans laquelle vivent les salariés dont un ancien collègue de travail a été frappé par le mésothéliome.
Nous considérons que ceux qui vont mourir plus tôt doivent partir à la retraite plus tôt. Monsieur le ministre, mes chers collègues, l’application du report de l’âge de la retraite, même progressive, au bénéficiaire d’une allocation de cessation anticipée d’activité au titre de l’exposition à l’amiante serait injuste et coûteuse. La mort n’attendra pas deux ans de plus pour frapper. Elle n’a que faire de nos modifications législatives !
M. Roland Courteau. Bien dit !
M. Jean-Pierre Godefroy. Cette réforme est injuste, car elle créera une situation inéquitable entre, d'une part, les personnes dont la pénibilité du travail aura été reconnue en application des dispositions du présent projet de loi et qui pourront continuer à partir à la retraite à 60 ans, et, d'autre part, celles qui auront été exposées à l’amiante, dont le départ à la retraite pourra intervenir entre 60 et 62 ans.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, le FCAATA n’est pas un privilège. Il permet la réparation par la société d’un dommage subi par les salariés qui ont été exposés à l’amiante.
Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je n’ai pas utilisé tout mon temps de parole tout à l'heure, madame la présidente.
Je reviendrai sur ce point en expliquant mon vote, mais nous ne pouvons pas conditionner le maintien des conditions actuelles d’âge de cessation d’activité pour les bénéficiaires de l’ACAATA à une durée minimale de travail dans une entreprise listée, comme le prévoit l’amendement n° 1244 du Gouvernement. Dans le rapport que MM. Vanlerenberghe, Dériot et moi-même avons publié, il est clairement établi que, s'agissant du mésothéliome, qui se déclare généralement après une latence supérieure à vingt ans, le risque n’est pas proportionnel à la durée d’exposition à l’amiante.
En conséquence, l’amendement que nous présentons vise à maintenir le droit de ces personnes à partir en préretraite, sachant que, dans ce cas, ils bénéficient non pas du taux plein, mais seulement d’une pension au taux de 65 %. Lorsque l’on accepte une amputation de 35 % de ses ressources, c’est que l’on sait très bien que l’on court un risque à court terme !
L’amiante étant interdite depuis 1997 (Marques d’impatience sur les travées du groupe UMP),…
M. Jean-Patrick Courtois. Respectez votre temps de parole !
M. Roland Courteau. Laissez-le parler ! C’est grave !
M. Jean-Pierre Godefroy. … le nombre de victimes diminuera progressivement. Je crois que tous ceux qui ont été exposés à l’amiante méritent de se voir reconnu par la société le droit de finir décemment une vie abrégée. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Christiane Demontès. Les victimes de l’amiante méritent notre écoute !
Mme la présidente. L’amendement n° 491 rectifié n’est pas soutenu.
La parole est à M. Gérard Dériot, pour présenter l'amendement n° 522 rectifié.
M. Gérard Dériot. Cet amendement, comme le précédent, vise les victimes de l’amiante dont la situation a été reconnue et qui ont droit à une allocation du Fonds de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante. Pour l’entrée dans le dispositif et la sortie avec une pension de retraite à taux plein, il tend à maintenir les bornes d’âge actuelles, de 60 ans et de 65 ans respectivement.
Je ne reviendrai pas sur la situation des travailleurs de l’amiante. La mission d’information dont Jean-Pierre Godefroy et moi-même étions rapporteurs et que présidait Jean-Marie Vanlerenberghe a montré les négligences, les erreurs et les dénis qui ont abouti à ce drame.
La mise en place du FCAATA, qui est en pratique un dispositif spécifique de préretraite, est destinée à compenser la perte d’espérance de vie des personnes exposées. Dès lors, il ne me paraît pas justifié que l’on allonge de deux ans la durée de travail de ces dernières.
Je rappellerai que notre réforme du système des retraites est précisément fondée sur la prise en compte de l’espérance de vie. Or, si celle-ci a très largement augmenté pour l’ensemble des Français, tel n’est pas le cas pour les travailleurs de l’amiante : bien au contraire, elle est malheureusement réduite pour eux. Par ailleurs, leur entrée dans la maladie, elle, n’est pas décalée de deux ans !
M. Roland Courteau. Eh oui !
M. Gérard Dériot. Certes, heureusement, certaines des victimes ne développeront que des pathologies bénignes. Toutefois, il suffit d’une fibre d’amiante pour provoquer un mésothéliome. Il faut y insister : il a été découvert qu’il suffit d’une seule fibre d’amiante pour causer un cancer !
D’après l’INSERM, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, entre 1997 et 2050, nous devons nous attendre à une mortalité par mésothéliome comprise entre 44 480 et 57 020 décès. Une fois la maladie déclarée, l’espérance de vie est de douze à dix-huit mois. Par ailleurs, on estime entre 1 800 et 4 000 le nombre des cancers broncho-pulmonaires attribuables chaque année à l’exposition à l’amiante.
Bien sûr, cette maladie a été prise en compte et un système de préretraite a donc été mis en place au bénéfice de ces personnes. Les mesures prises commencent à porter leurs fruits, de même que les dispositions visant à protéger de l’amiante les travailleurs, puisque le nombre de nouveaux allocataires du FCAATA est en voie de diminution et que, surtout, le nombre des sorties du dispositif augmente. Nous pouvons nous féliciter de cette évolution : elle signifie que le FCAATA joue pleinement son rôle et que son extinction se produira dans les années qui viennent.
Alors qu’un taux d’incapacité de 10 % permettra de partir à la retraite à 60 ans, je ne pense pas qu’il soit équitable d’imposer à ces patients de continuer leur activité après cet âge. J’ajoute que le financement du FCAATA est assuré par la branche accidents du travail-maladies professionnelles et ne pèse pas sur le budget des caisses de retraite. Les personnes concernées ne relèveront du système des retraites qu’à partir de l’âge de 60 ans pour les unes, de 65 ans pour les autres.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite donc le maintien du régime actuel, car les malades de l’amiante ont déjà subi un très lourd préjudice. (Applaudissements sur la plupart des travées.)
Mme la présidente. L'amendement n° 1244, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le I de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« 2° Avoir atteint, sans que cet âge puisse être inférieur à cinquante ans :
« a) en cas de durée de travail dans un des établissements visés au 1° supérieure à un seuil fixé par décret, l'âge de soixante ans, diminué du tiers de cette durée ;
« b) dans les autres cas, un âge déterminé par décret, qui pourra varier en fonction de la durée du travail effectuée dans les établissements visés au 1°. » ;
2° Le septième alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« 2° Avoir atteint, sans que cet âge puisse être inférieur à cinquante ans :
« a) en cas de durée de travail dans un des ports visés au 1° supérieure à un seuil fixé par décret, l'âge de soixante ans, diminué du tiers de cette durée ;
« b) dans les autres cas, un âge déterminé par décret, qui pourra varier en fonction de la durée du travail effectuée dans les ports visés au 1°. »
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Retirez cet amendement, monsieur le ministre !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Mesdames, messieurs les sénateurs, ce sujet est suffisamment douloureux et difficile pour que nous ne déclenchions pas une polémique et ne fassions pas des déclarations à l’emporte-pièce, comme j’en ai pourtant entendu un certain nombre. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
En la matière, la France a pris des dispositions que n’ont pas adoptées d’autres pays. Face au drame de l’amiante, nous avons tous, heureusement, la même position. La création du FCAATA et du FIVA a constitué une réponse.
Chacun connaît l’extrême gravité des pathologies causées par l’exposition à l’amiante. Il n’est donc pas question de polémiquer sur cette question. En tout cas, le Gouvernement ne s’engagera pas dans cette voie.
Nous souhaitons évidemment que les victimes de l’amiante ou les personnes exposées à l’amiante dans les entreprises répertoriées sur les listes du FCAATA puissent continuer à bénéficier de ces dispositifs. Aujourd’hui, environ 30 000 personnes sont allocataires du FCAATA. Ce nombre évolue du fait de l’arrivée de 5 000 ou 6 000 nouveaux allocataires chaque année. Parmi les personnes qui sortent du dispositif, 96 % partent à la retraite.
Lorsque j’ai déposé un amendement au nom du Gouvernement, mon objectif était de préciser clairement les conditions dans lesquelles, dans le contexte de changement de l’âge de départ à la retraite, les travailleurs ayant été exposés à l’amiante pouvaient avoir accès à ce dispositif de cessation d’activité anticipée.
Nous avons pris en compte la demande des sénateurs, notamment celle de M. Dériot : l’âge à partir duquel est déduit le tiers de la durée de présence dans une entreprise appartenant à la liste de celles qui sont liées à l’amiante doit rester 60 ans, et non pas passer à 62 ans.
Il y a eu une période intermédiaire au cours de laquelle a émergé l’idée qu’il fallait lisser les choses. Voilà quel était le sens de l’amendement présenté en commission par M. le rapporteur. Cet amendement avait alors fait l’objet d’une discussion avec les associations de victimes de l’amiante, qui semblaient plutôt d’accord.
Mme Annie David. Mais non…
M. Éric Woerth, ministre. M. Dériot, à l’instar de M. Godefroy, avait alors indiqué qu’il souhaitait non pas un tel « lissage », mais le maintien de l’âge de 60 ans ; le Gouvernement a donné son accord.
Prenant connaissance de l’amendement de M. Dériot, nous avons voulu préciser un certain nombre de points pour faciliter le fonctionnement du dispositif. Nous voulions notamment souligner que, aux termes de cet amendement, les personnes bénéficiant du FCAATA et ayant, à l’âge de 60 ans, suffisamment cotisé pour bénéficier d’une retraite à taux plein se trouveraient dans une zone de non-droit et devraient attendre l’âge de 62 ans pour partir à la retraite. Nous avons voulu remédier à cela.
Ainsi, entre 60 et 62 ans, les personnes bénéficiant de leurs droits à la retraite cesseraient d’être allocataires du FCAATA et se retrouveraient sans rien, à la suite du report de l’âge légal de la retraite.
M. Guy Fischer. C’est clair.
M. Éric Woerth, ministre. C’est à cette situation que nous avons souhaité apporter une réponse. Notre démarche résultait d’une volonté de donner des garanties à ces personnes et d’éviter qu’il y ait des perdants. (Exclamations sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Je vous dis les choses telles qu’elles sont, il ne s’agit pas de sujets de polémique.
En outre, nous avons voulu éviter que des personnes qui auraient travaillé pendant très peu de temps – que ce soit une semaine ou trois mois – dans une entreprise figurant sur les listes du FCAATA conservent le droit de partir à la retraite à 60 ans, alors que la probabilité qu’elles développent une quelconque maladie est très faible. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Cela aurait été injuste pour les autres salariés. Il convient donc de s’interroger sur la fixation d’une durée minimale – même très brève – d’activité dans une entreprise répertoriée, pour définir l’âge d’accès à la préretraite de ces personnes.
La commission ne nous ayant pas suivis sur ces deux points, nous nous en tiendrons donc, en dépit de ses imperfections, à l’amendement du sénateur Dériot. Je ne veux pas de polémique sur le sujet de l’amiante, et je suis donc prêt à accepter cet amendement. Cela fera des perdants, mais c’est votre choix.
Je suis par conséquent disposé à retirer l’amendement du Gouvernement. Si vous souhaitez en rester à l’amendement de M. Dériot, nous nous y rallions. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. Les amendements nos 454 rectifié et 522 rectifié ont été présentés par nos collègues Jean-Pierre Godefroy et Gérard Dériot, qui ont animé une mission d’information de la commission sur le drame de l’amiante. Le rapport de cette dernière était intitulé : « Le drame de l’amiante en France : comprendre, mieux réparer, en tirer des leçons pour l’avenir ».
Ces deux amendements identiques prévoient que la réforme des retraites ne s’appliquera pas aux victimes de l’amiante et visent à maintenir le dispositif actuel en leur faveur.
Il est bien entendu impensable d’envisager de faire des économies aux dépens des victimes de l’amiante, qui relèvent, je le répète, d’un dispositif spécifique et bien encadré. Celui-ci a vocation à s’éteindre progressivement, à un horizon relativement proche.
De même que nous avons souhaité maintenir à 55 ans l’âge de départ à la retraite des handicapés, nous souhaitons maintenant que les victimes de l’amiante continuent à bénéficier des mesures actuelles.
La commission des affaires sociales, à l’unanimité, a émis un avis favorable sur ces deux amendements.
MM. Marc Daunis et Bernard Piras. Merci, monsieur le rapporteur !
Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Pour lever la difficulté soulevée par M. le ministre,…
Mme Annie David. Il n’y en a pas.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. … peut-être pourrions-nous rectifier les amendements de MM. Dériot et Godefroy, en ajoutant, au dernier alinéa, la phrase suivante : « Par dérogation aux dispositions de l’article L. 351-1 du code de la sécurité sociale, ils bénéficient immédiatement d’une pension de retraite. »
M. Jean-Pierre Godefroy. Que dit cet article du code ?
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, je demande une suspension de séance de quelques minutes, afin que nous puissions communiquer à nos collègues le texte des amendements ainsi rectifiés.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures trente.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Mes chers collègues, au dernier alinéa des amendements identiques nos 454 rectifié et 522 rectifié, après les mots : «, à condition qu’il soit âgé d’au moins soixante ans. », la commission des affaires sociales propose d’ajouter la phrase suivante : « Par dérogation aux dispositions de l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale, il bénéficie immédiatement d'une pension de retraite. »
Monsieur Godefroy, acceptez-vous de rectifier l'amendement n° 454 rectifié dans le sens suggéré par la commission ?
M. Jean-Pierre Godefroy. Tout à fait, madame la présidente. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. Monsieur Dériot, acceptez-vous également une telle rectification de l’amendement n° 522 rectifié ?
M. Gérard Dériot. Oui, madame la présidente. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
Mme la présidente. Il s’agit donc des amendements identiques nos 454 rectifié bis et 522 rectifié bis, ainsi libellés :
Rédiger ainsi cet article :
L'article 41 de la loi n°98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« 2° Avoir atteint l'âge de soixante ans diminué du tiers de la durée du travail effectué dans les établissements visés au 1°, sans que cet âge puisse être inférieur à cinquante ans. »
2° Le septième alinéa est ainsi rédigé :
« 2° Avoir atteint l'âge de soixante ans diminué du tiers de la durée du travail effectué dans les ports visés au 1°, sans que cet âge puisse être inférieur à cinquante ans. »
3° Le treizième alinéa est ainsi rédigé :
« L'allocation cesse d'être versée lorsque le bénéficiaire remplit les conditions de durée d'assurance requises pour bénéficier d'une pension de vieillesse au taux plein, à condition qu'il soit âgé d'au moins soixante ans. Par dérogation aux dispositions de l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale, il bénéficie immédiatement d'une pension de retraite. Les conditions de durée d'assurance sont réputées remplies au plus tard à l'âge de soixante-cinq ans. »
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Je suis dans le même état d’esprit que tout à l’heure : il n’y a pas lieu de polémiquer sur un sujet aussi douloureux.
Cela étant, cette rectification ne résout pas toutes les questions que j’ai soulevées ; elle ne règle que la plus facile d’entre elles. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est déjà pas mal !
M. Éric Woerth, ministre. Quand on parle de justice, il faut examiner les choses de façon exhaustive. Le dispositif présenté peut créer certaines injustices à l’égard d’autres catégories de salariés. Sur un sujet aussi sensible que celui-là, il faut mesurer les conséquences des décisions que l’on prend. Je le répète, tout n’est pas réglé.
Cela étant dit, le Gouvernement accepte ces amendements et retire l'amendement n° 1244.
Mme la présidente. L'amendement n° 1244 est retiré.
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 454 rectifié bis et 522 rectifié bis.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le ministre, vous avez bien fait de retirer votre amendement, qui, pour le moins, était maladroit.
En effet, au détour d’une phrase, il revenait, en dépit des apparences, sur des mesures de justice destinées aux travailleurs de l’amiante. Il remettait notamment en cause une disposition essentielle, la création du FCAATA, et le financement de celui-ci. Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, le FCAATA est un système clos, voué à s’éteindre naturellement, mais qui concerne encore plus de 30 000 personnes, dont 90 % au moins partent à la retraite à 60 ans.
À mon sens, en défendant cet amendement, vous commettiez trois erreurs.
Premièrement, s’agissant de l’amiante, la notion de durée d’exposition n’est pas pertinente. L’inhalation d’une seule fibre peut provoquer un mésothéliome, qui est un cancer foudroyant : le décès du malade survient dans un délai d’un an à dix-huit mois.
Deuxièmement, le drame de l’amiante est la conséquence d’une vaste manipulation des entreprises concernées, dont l’État s’est, peut-être involontairement d’ailleurs – je ne jugerai pas –, rendu complice, au moins de 1976 à 1996. Quel que soit le coût, j’estime donc que l’État doit réparer.
Troisièmement, il n’y a pas d’effet d’« aubaine », comme je l’ai entendu dire tout à l’heure. Employer un tel mot me semble insupportable en la circonstance. Il faut tout simplement rendre justice aux victimes potentielles d’une exposition aux conséquences funestes, souvent mortelles.
Pour toutes ces raisons, le groupe de l’Union centriste votera ces amendements. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas About, pour explication de vote.
M. Nicolas About. Bien entendu, je fais miens les propos de mon collègue Jean-Marie Vanlerenberghe.
Je comprends les préoccupations du Gouvernement, mais je lui suggère, pour l’avenir, de ne plus faire référence, dans un tel amendement, à un décret sans que le contenu de celui-ci ne soit explicité. En effet, cela donne le sentiment que l’on renvoie à d’autres le soin de trancher une question dont l’importance humaine et politique est telle que seul le Parlement a la légitimité démocratique pour la traiter. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’Union centriste, de l’UMP et du groupe socialiste.)