Article 31
I. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 2242-5, il est inséré un article L. 2242-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 2242-5-1. – Les entreprises d’au moins cinquante salariés sont soumises à une pénalité à la charge de l’employeur lorsqu’elles ne sont pas couvertes par un accord relatif à l’égalité professionnelle mentionné à l’article L. 2242-5 ou, à défaut d’accord, par les objectifs et les mesures constituant le plan d’action défini dans les rapports prévus aux articles L. 2323-47 et L. 2323-57. Les modalités de suivi de la réalisation des objectifs et des mesures de l’accord et du plan d’action sont fixées par décret.
« Le montant de la pénalité prévue au premier alinéa est fixé au maximum à 1 % des rémunérations et gains au sens du premier alinéa de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale versés aux travailleurs salariés ou assimilés au cours des périodes au titre desquelles l’entreprise n’est pas couverte par l’accord ou le plan d’action mentionné au même premier alinéa. Le montant est fixé par l’autorité administrative, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État, en fonction des efforts constatés dans l’entreprise en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ainsi que des motifs de sa défaillance quant au respect des obligations fixées au premier alinéa.
« Le produit de cette pénalité est affecté au fonds mentionné à l’article L. 135-1 du code de la sécurité sociale. » ;
1° bis (nouveau) Après le 10° de l’article L. 135-3 du code de la sécurité sociale, il est inséré un 11° ainsi rédigé :
« 11° Les sommes versées par les employeurs au titre de l’article L. 2242-5-1 du code du travail. » ;
2° Après le premier alinéa de l’article L. 2323-47, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Le rapport établit un plan d’action en recensant les objectifs et les mesures prises au cours de l’année écoulée en vue d’assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, les objectifs de progression prévus pour l’année à venir et la définition qualitative et quantitative des actions permettant de les atteindre ainsi que l’évaluation de leur coût.
« Une synthèse de ce plan d’action, comprenant au minimum des indicateurs et objectifs de progression définis par décret, est portée à la connaissance des salariés par l’employeur, par voie d’affichage sur les lieux de travail et, éventuellement, par tout autre moyen adapté aux conditions d’exercice de l’activité de l’entreprise. Elle est également tenue à la disposition de toute personne qui la demande et publiée sur le site internet de l’entreprise lorsqu’il en existe un. » ;
3° (Supprimé)
4° L’avant-dernier alinéa de l’article L. 2323-57 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Il établit un plan d’action en recensant les objectifs et les mesures prises au cours de l’année écoulée en vue d’assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, les objectifs de progression prévus pour l’année à venir et la définition qualitative et quantitative des actions permettant de les atteindre ainsi que l’évaluation de leur coût.
« Une synthèse de ce plan d’action, comprenant au minimum des indicateurs et objectifs de progression définis par décret, est portée à la connaissance des salariés par l’employeur, par voie d’affichage sur les lieux de travail et, éventuellement, par tout autre moyen adapté aux conditions d’exercice de l’activité de l’entreprise. Elle est également tenue à la disposition de toute personne qui la demande et publiée sur le site internet de l’entreprise lorsqu’il en existe un. » ;
4° bis (nouveau) L’article L. 2323-59 du code du travail est abrogé ;
5° (Supprimé)
I bis. – À la fin de l’article L. 2241-9 et à la fin du premier alinéa de l’article L. 2242-7, les mots : « avant le 31 décembre 2010 » sont supprimés.
II. – Le I entre en vigueur à compter du 1er janvier 2012. Pour les entreprises couvertes par un accord ou, à défaut, par un plan d’action tel que défini à l’article L. 2242-5-1 du code du travail, à la date de publication de la présente loi, le I entre en vigueur à l’échéance de l’accord ou, à défaut d’accord, à l’échéance du plan d’action.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, sur l'article.
M. Jean Desessard. L’article 31 propose d’infliger une pénalité financière pouvant atteindre 1 % de la masse salariale aux entreprises de plus de 50 salariés qui n’ont signé aucun accord sur l’égalité professionnelle ou qui n’ont mis sur pied aucun plan d’action contre les écarts salariaux.
Pourquoi prévoir une obligation d’objectif et non une obligation de résultat ? Quelle hypocrisie ! C’est l’absence de résultat qui doit être sanctionnée si l’on vise vraiment à l’efficacité.
Depuis près de trente ans, on en est toujours au même point : plus d’une dizaine de lois et décrets existent pour atteindre l’égalité salariale, mais on n’enregistre plus aucun progrès à cet égard. Les diagnostics sont obligatoires depuis 1983, de même que des plans d’action dans les entreprises. Et le projet va prévoir une sanction, non pas pour absence de résultat ou de plan d’action, mais simplement pour absence de diagnostic ! La question des inégalités de retraite entre les hommes et les femmes reste donc entière et non traitée.
Monsieur le ministre, on vous entend répéter en boucle que la vraie question n’est pas « celle de la durée de cotisation ou de l’âge de départ, mais celle de la différence de salaires ». Or les inégalités de salaires ne sont qu’une des causes des inégalités de pension, les autres causes principales étant liées à l’emploi à temps partiel et aux carrières plus courtes des femmes… Sans oublier le fait que les inégalités dans la retraite ne se manifestent pas simplement par des pensions plus faibles pour les femmes, mais aussi par un âge de départ plus tardif, puisque de nombreuses femmes sont obligées d’attendre leur retraite jusqu’à 65 ans, et plus désormais, pour ne pas subir la décote !
Alors, arrêtons d’aborder cette question avec des œillères et acceptons nos responsabilités : il faut sanctionner les entreprises qui continuent à traiter différemment les salariés et les salariées.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, sur l’article.
M. Claude Domeizel. C’est un fait établi, il existe des écarts significatifs entre les femmes et les hommes en matière de retraite. Le Conseil d’orientation des retraites a calculé en 2004 que les femmes retraitées de 60 ans et plus percevaient en moyenne une retraite égale à 62 % de celle que perçoivent les hommes, et ce en comptant les droits propres comme les droits dérivés, tels que les pensions de réversion et retraite complémentaire, qui représentent 15 % du montant des pensions de retraite.
Ces fortes disparités résultent pour beaucoup des inégalités professionnelles et des discriminations que les femmes subissent en amont, tout au long de leur carrière.
Une étude publiée en juillet 2010 par la revue de l’Observatoire français des conjonctures économiques montre notamment que les femmes qui n’ont jamais interrompu leur activité professionnelle sont pénalisées et gagnent en moyenne 17 % de moins que les hommes à travail égal. Pourtant, elles sont en moyenne un peu plus diplômées que les hommes.
Une part de cet écart vient du fait, déjà mentionné, que les femmes travaillent plus souvent à temps partiel, qu’elles évoluent dans des métiers moins rémunérateurs et qu’elles font moins d’heures supplémentaires ; mais l’essentiel, soit 70 % de cette différence, n’est pas explicable par des éléments objectifs et reste « inexpliqué ».
Depuis 1983, les entreprises de plus de 50 salariés doivent produire un rapport sur la situation comparée de leurs employés hommes et femmes en matière de rémunération, conditions de travail, avancement et formation. S’y sont ajoutées, en 2001, une obligation de négociation sur l’égalité professionnelle et, en 2006, une obligation de négocier avant le 31 décembre 2010 pour réduire les écarts salariaux, obligations qui s’appliquent aux branches et aux entreprises. Une pénalité était prévue pour le cas où les résultats à mi-parcours ne seraient pas concluants.
Or, à quelques mois de l’échéance, force est de constater que le bilan est plus que décevant : 35 accords sur l’égalité salariale ont été signés en 2009, 6 % des accords de branche abordent le thème de l’égalité en moyenne depuis 2007, et 69 branches, soit 43 % du total, n’avaient pas entamé de négociations sur ce sujet en 2008. Comme vous le voyez, ce bilan n’est passablement éloigné des ambitions énoncées.
Nous adhérons donc parfaitement à l’objectif de cet article 31, qui vise à renforcer l’efficacité des dispositifs d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans l’entreprise, en prévoyant notamment d’infliger une pénalité financière aux entreprises de plus de 50 salariés qui ne jouent pas le jeu et qui n’ont signé aucun accord sur l’égalité professionnelle ou qui n’ont mis sur pied aucun plan d’action contre les écarts salariaux.
Le texte initial proposait de limiter la procédure aux entreprises de 300 salariés au moins ; il a été modifié en commission à l’unanimité pour fixer le seuil à 50 salariés, avec l’accord, lui aussi unanime, de la délégation aux droits des femmes.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, sur l’article.
M. Jean-Marc Todeschini. Cet article vise à instituer une pénalité financière pouvant atteindre 1 % de la masse salariale pour les entreprises de plus de 50 salariés qui n’ont signé aucun accord sur l’égalité professionnelle ou qui n’ont mis sur pied aucun plan d’action de lutte contre les écarts salariaux.
Par l’adjonction d’une obligation d’accord visant à faire appliquer l’égalité professionnelle, sous peine de sanction financière, ce dispositif semble bien aller dans le bon sens. Toutefois, le risque est grand de voir cet article se résumer à une simple déclaration d’intention, sans aucun effet réel sur l’égalité entre les femmes et les hommes au sein des entreprises.
En effet, et contrairement à ce que le Gouvernement feint de croire, le montant de la pénalité ne sera pas automatiquement de 1 % de la masse salariale. En cas d’absence d’accord ou de plan d’action, il reviendra à l’autorité administrative de fixer le montant de la pénalité, sans aucune garantie que le seuil de 1 % soit atteint puisqu’il est précisé que cette fixation devra s’effectuer « en fonction des efforts constatés dans l’entreprise ainsi que des motifs de sa défaillance ».
Il serait donc nécessaire de compléter ce dispositif par la création d’une grille d’appréciation de ces efforts afin de préserver l’égalité professionnelle entre les entreprises et de faire en sorte que ce texte ne tombe pas très rapidement en désuétude faute de référence.
Enfin, il serait également utile de réfléchir à la pertinence du choix consistant à limiter l’application de cette disposition aux seules entreprises de plus de 50 salariés. Même s’il s’agit déjà d’une avancée par rapport au projet initial du Gouvernement, qui plaçait le seuil à 300 salariés, l’exclusion des plus petites entreprises de ce dispositif pose néanmoins question, notamment si l’on considère l’égalité salariale comme un principe universel !
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, sur l'article.
Mme Odette Terrade. La question de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes complète, si l’on peut dire, les enjeux des rapports de classes existant dans le monde du travail.
Que ce projet de loi permette d’en discuter est positif, mais il aurait mieux valu qu’une véritable loi sur l’égalité professionnelle soit débattue au Parlement et que cette question ne disparaisse pas au détour d’une discussion dont les articles phares sont ailleurs.
Une fois encore, c’est en quelque sorte dans l’ombre que nous allons aborder cette question importante. Le Gouvernement a décidément des difficultés avec l’égalité entre les hommes et les femmes !
Nous le savons, la discrimination de genre qui se mène dans le monde du travail complète les rapports de classes et les amplifie. On peut presque dire que le sort fait aux femmes salariées, dans l’ensemble, participe des inégalités et de l’exploitation.
Le travail féminin est pourtant une composante essentielle des sociétés humaines, et, sans remonter au Moyen-âge, époque à laquelle les femmes partageaient avec les hommes les travaux agricoles, nous avons connu au XXe siècle une poussée continue de l’emploi féminin.
Dès la fin des années soixante, le taux d’activité féminin s’est établi au-dessus de 50 %, et il n’a cessé de progresser depuis lors, jusqu’à atteindre aujourd’hui 80 % pour les femmes âgées de 15 à 59 ans.
Pour autant, la situation du travail féminin a connu des évolutions plus que contrastées.
Le développement de l’emploi féminin a notamment touché largement la fonction publique, où, dans certains corps de métier, les femmes disposent même d’un quasi-monopole ou se révèlent très majoritaires au sein des effectifs.
C’est évidemment le cas pour les professeurs des écoles, singulièrement dans les écoles maternelles, comme pour le personnel aide soignant hospitalier ou encore les agents des crèches.
Toutefois, les femmes ont aussi largement investi les autres secteurs de la fonction publique et les plus grandes administrations de l’État. Elles forment aujourd’hui très majoritairement les effectifs de la fonction publique, les trois branches de celle-ci confondues.
Si l’égalité salariale est un principe intangible de la fonction publique – à tel grade et indice, quel que soit son genre, le fonctionnaire bénéficie du même traitement –, il est en revanche établi que nous sommes encore loin d’une absolue parité dès lors que l’on examine la question des cadres dirigeants, qui sont plus souvent des hommes que des femmes.
Dans le secteur privé, la situation est beaucoup plus contrastée encore.
Outre que les femmes sont souvent les victimes désignées des organisations horaires atypiques – temps partiel imposé, amplitude pour le moins élastique des activités, notamment dans le secteur du nettoyage, de la grande distribution ou encore des services à la personne –, elles sont aussi, à tous les niveaux hiérarchiques, la cible d’inégalités de rémunération totalement inacceptables du point de vue de la simple justice sociale.
Ces inégalités de rémunération se doublent, bien souvent, d’obstacles mis à la promotion des femmes dans des qualifications et classifications nouvelles, d’entraves posées à leur accès à la formation continue, et j’en passe.
Les accords collectifs de branche ou d’entreprise sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes sont de création relativement récente, et leur extension est pour le moment assez limitée.
Au demeurant, même si les auteurs du présent texte entendent aller plus loin dans ce domaine, ils se contentent de viser les entreprises de plus de 50 salariés où les problématiques de l’égalité professionnelle sont d’ores et déjà au cœur de l’action des organisations syndicales. Même si cette prise en compte est souvent inégale, voilà un certain temps déjà que le mouvement ouvrier et syndical a intégré dans sa démarche revendicative l’égalité entre les hommes et les femmes.
Pour notre part, nous refusons de voir cette égalité se traduire en exploitation renforcée et en généralisation, aux hommes comme aux femmes, des horaires atypiques, de la flexibilité et des contraintes horaires nouvelles pesant sur la vie de famille des uns comme des autres.
Notre sentiment est que, en créant un effet de seuil, les auteurs du présent texte s’arrêtent en chemin, de peur d’aller plus loin dans la pénalisation des comportements discriminatoires.
Combien de femmes surexploitées voient leur travail ou leur identité méprisés dans les entreprises de moins de 50 salariés ? Elles sont en tout cas bien plus nombreuses que celles qui pourront s’appuyer sur des accords dont le contenu, relativement variable d’une entreprise à l’autre, demeure fondé plus sur des intentions et des perspectives que sur des décisions claires.
Les chefs d’entreprise pourront ainsi battre leur coulpe d’avoir si longtemps méprisé le rôle des femmes. Ils pourront annoncer quelques-uns des efforts qu’ils vont accomplir pour remédier aux désordres constatés et se féliciter ensuite, année après année, de se trouver sur la bonne voie, sans que de réels progrès soient constatés.
Au contraire, il aurait fallu repenser de manière globale l'ensemble de l'organisation du travail et la place que ce dernier occupe dans la vie quotidienne. Nous regrettons que cette voie n’ait pas été explorée.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dans les discours du Gouvernement et de la majorité, les annonces concernant les femmes n’ont pas manqué, c’est le moins que l’on puisse dire.
Il est vrai que le constat de la pénalisation aggravée de la retraite des femmes par votre réforme apparaissait tout à fait clairement, monsieur le ministre, y compris d'ailleurs dans votre propre camp puisque, dès la discussion à l’Assemblée nationale du projet de loi, plusieurs députés, hommes et femmes, n’ont pas manqué de soulever ce problème. De plus, les délégations aux droits des femmes des deux assemblées se sont également inquiétées, comme on l’a déjà souligné.
Bien entendu, vous vous êtes fait fort de montrer que vous faisiez de très grandes concessions concernant les femmes. On l’a vu pour les femmes ayant élevé des enfants : vos annonces se soldent par une mesure pour les seules femmes ayant élevé trois enfants au moins et nées entre 1951 et 1955, c'est-à-dire au grand maximum, d’après vos propres estimations, 130 000 femmes ! Ce dispositif est tout à fait significatif du peu de cas que vous faites de l’ensemble des femmes ; surtout, il est très pénalisant pour celles qui, nées en 1956, auront élevé trois enfants et n’auront pas suffisamment de trimestres pour jouir d’une retraite à 65 ans.
L’article 30 du projet de loi comporte une mesure permettant de prendre enfin en compte les indemnités journalières de maternité, conformément à une revendication ancienne. Cette disposition est bien entendu absolument nécessaire, mais elle ne sera applicable qu’aux indemnités journalières versées dans le cadre de congés de maternité débutant à compter du 1er janvier 2012.
Mme Annie David. Eh oui !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ainsi, on diffère la mise en œuvre de cette mesure au motif que, bien entendu, on ne peut pas le faire tout de suite… Ce délai serait justifié par le besoin d’améliorer les échanges d’informations entre la CNAV, la Caisse nationale d’assurance vieillesse, et la CNAM, la Caisse nationale d’assurance maladie, qui assure le versement des indemnités journalières. Je ne mets pas en cause cette affirmation, mais je constate que, une fois encore, on s’empresse de différer un droit que l’on vient d’accorder, alors que, quand il s'agit de supprimer un avantage ou un acquis social, on le fait immédiatement !
Pour illustrer mon propos, monsieur le ministre, je vous ferai observer que, au détour de l’article 31, il est prévu de supprimer une mesure contraignante qui devait entrer en vigueur au 31 décembre 2010.
En effet, la loi n° 2006-340 du 23 mars 2006 relative à l’égalité salariale entre les femmes et les hommes – j’évoque ce point, monsieur le ministre, car vous avez très vite obliqué des retraites à l’égalité salariale, en affirmant que là était le problème essentiel – a prévu que les négociations de branche relatives aux salaires et aux classifications professionnelles, ainsi que celles que mènent annuellement les entreprises sur les salaires effectifs, visent également à définir et à programmer les mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes avant le 31 décembre 2010.
Nous découvrons dans le rapport de la commission que la création de la future pénalité financière devrait être plus efficace que l’actuelle échéance du 31 décembre 2010. Ainsi, on reporte ce dispositif !
On veut donc supprimer une règle qui allait entrer en vigueur demain au prétexte qu’une nouvelle obligation restant à créer serait plus efficace, mais à partir du 1er janvier 2012, donc plus tard. Cela ressemble à une course en avant pour finalement ne rien faire, car nous en sommes à la sixième loi, me semble-t-il, sur l’égalité salariale.
Lâcher la proie pour l’ombre est, encore une fois, adresser un très mauvais message aux femmes, malgré toutes les annonces que vous avez pu faire sur le sujet, monsieur le ministre.
Ensuite, à l’article 31, vous prévoyez que les entreprises pourront être sanctionnées si elles ne mettent pas en place un dispositif d’égalité professionnelle entre hommes et femmes. Voilà la mesure phare !
Il s’agirait de verser au Fonds de solidarité vieillesse un montant égal au maximum – j’insiste sur ce terme – à 1 % des rémunérations et des gains pour les entreprises contrevenantes. Laissez-moi vous dire que les employeurs ont de beaux jours devant eux dans l’inégalité salariale, puisqu’ils préféreront verser ces pénalités plutôt que de s’engager dans la voie de l’égalité salariale.
C'est pourquoi, mes chers collègues, nous vous proposons de porter à 10 % de la masse salariale cette pénalité, qui ne pourrait plus être modulée – et encore, uniquement à la baisse – par l’inspection du travail. Nous suggérons aussi qu’elle s’applique aux entreprises de plus de 11 salariés.
Enfin, nous proposerons qu’elle concerne les entreprises qui, au 1er janvier 2012, n’auront pas mis en place un accord relatif à l’égalité salariale.
Concrètement, nous estimons que ces mesures sont très insuffisantes et qu’elles ne permettront pas de contrebalancer efficacement les inégalités existantes en défaveur des femmes.
Ces inégalités qui, rappelons-le, existent à la fois pour les embauches, les types de contrats, les carrières et les rémunérations offertes aux femmes,…
M. le président. Veuillez conclure, madame Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … ne diminuent pas comme elles devraient le faire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l'article.
Mme Annie David. Cet article 31 est important pour l’égalité salariale entre les hommes et les femmes, me semble-t-il. Je sais qu’il est bientôt trois heures du matin, mais il ne tient qu’à vous, monsieur le président, de lever la séance et de renvoyer nos travaux à une heure plus correcte.
M. Gérard Longuet. Mais nous vous écoutons, madame !
Mme Annie David. En effet, à trois heures, quand on a commencé à dix heures du matin, on éprouve peut-être un peu de fatigue.
M. le président. Présentez vos positions sur l’article, madame David. Je gère l’horaire.
M. Claude Domeizel. Laissez-la s’exprimer !
Mme Annie David. Bien entendu, l’accélération se fait, comme par hasard, au moment où l’on aborde l’égalité salariale entre les hommes et les femmes. (Marques d’approbation sur les travées du CRC-SPG et du groupe socialiste. – Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Longuet. Bien sûr, c’est fait exprès !
Mme Annie David. Je trouve cette coïncidence quelque peu étrange.
Plus nombreuses que les hommes à connaître le chômage, les petits boulots, les bas salaires et les temps partiels forcés, les femmes bénéficient d’un droit à la retraite infiniment plus faible et plus fragile que les hommes. Ce sont elles qui s’arrêtent le plus souvent de travailler pour élever leurs enfants. C’est leur vie professionnelle qui est marquée par une série d’inégalités en termes d’emploi, de salaires et donc de pensions. En outre, les réformes menées depuis 1993 sont loin de compenser les écarts, en particulier à cause du calcul des retraites sur les vingt-cinq meilleures années de salaire, contre dix auparavant.
Les inégalités qui existent déjà dans la vie active vont donc se répercuter au moment de la retraite et se traduire par des taux de pension inférieurs. Les inégalités salariales n’ont pas reculé malgré toutes les lois sur l’égalité professionnelle – mes collègues viennent d’évoquer ce point.
Comme le soulignait Claude Domeizel, à travail et diplôme équivalents, voire supérieurs, les femmes perçoivent un salaire inférieur de 27 % à celui des hommes. Elles représentent 85 % des salariés à temps partiel et 80 % des salariés payés en dessous du SMIC.
Les conséquences sont lourdes à l’arrivée à la retraite : les pensions des femmes sont 40 % inférieures à celles des hommes. Parmi les retraités pauvres, huit sur dix sont des femmes. Je pense tout de même que cela mériterait un peu de temps de débat !
De plus, parmi les retraités actuels du régime général, 39 % des femmes ont validé une carrière complète, contre 85 % des hommes. Quelque 30 % des femmes partent à la retraite à 65 ans pour ne pas subir de décote, contre 5 % des hommes.
Je citerai d’autres chiffres significatifs : 40 %, c’est l’écart entre les retraites des femmes et celles des hommes ; 30 %, c’est la part des femmes salariées qui partent à la retraite à 65 ans ; huit sur dix, c’est la proportion des femmes parmi les retraités pauvres ; 27 %, c’est l’écart de salaires entre les femmes et les hommes ; 677 euros, c’est le montant du minimum vieillesse perçu par de nombreuses femmes.
Monsieur le ministre, que proposez-vous pour répondre à tous ces chiffres ?
Tout d'abord, vous présentez un article au sein d’un projet de loi sur les retraites, alors que des lois sur l’égalité professionnelle existent déjà et qu’il faudrait plutôt vous attacher à les faire davantage respecter que faire adopter de nouvelles dispositions.
Vous prétendez créer ici une pénalité financière de 1 % de la masse salariale, alors que les mesures qui viennent d’être exposées n’ont absolument pas réduit les écarts. Pourtant, il existe déjà une disposition dans le code du travail – l’article L. 2243-2 – qui prévoit une pénalité de 3 750 euros d’amende et un an d’emprisonnement en cas de non-accord dans la négociation collective.
Je me demande d'ailleurs ce que deviendra cet article une fois que la disposition que nous examinons à présent sera adoptée. La contredira-t-il ? Sera-t-il absorbé par elle ? S’ajoutera-t-il à elle ? Je me pose vraiment la question.
Par ailleurs, une fois encore, vous vous adressez seulement aux entreprises de plus de 50 salariés. D’un coup, une fois de plus, vous balayez les femmes embauchées dans les TPE et les PME. Nous en revenons là à notre discussion de tout à l'heure.
En outre, une fois encore, l’amende pourra varier en fonction des efforts accomplis par l’employeur, cette modulation s’effectuant bien entendu uniquement à la baisse, car le taux de 1 % ne peut être dépassé.
Cerise sur le gâteau : les lois précédentes imposaient à l’ensemble des entreprises de mettre en place un accord avant le 31 décembre 2010. Évidemment, monsieur le ministre, avec ce nouvel article, vous reportez le délai d’un an, vous accordez une année supplémentaire aux entreprises pour se pencher sur ce que vous avez vous-mêmes appelé, lors de votre audition, un des scandales de notre République.
Face à un tel scandale, il me semblait que des mesures plus importantes auraient pu être mises en œuvre. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 581, présenté par Mmes Morin-Desailly, Dini, Payet, Férat, N. Goulet et Gourault, MM. About, A. Giraud, Vanlerenberghe et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° À la troisième phrase du premier alinéa de l'article L. 2242-5 du code du travail, après les mots : « porte notamment » sont insérés les mots : « sur l'égalité salariale, ».
La parole est à M. Jean-Claude Merceron.
M. Jean-Claude Merceron. Cet amendement vise à préciser que l’accord relatif à l’égalité professionnelle mentionné à l’article L.2242-5 du code du travail porte en particulier sur l’égalité salariale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cette mesure étant déjà inscrite dans le code, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Monsieur Merceron, l'amendement n° 581 est-il maintenu ?
M. Jean-Claude Merceron. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 581 est retiré.
L'amendement n° 1085, présenté par Mmes Terrade, Schurch, David, Pasquet et Hoarau, MM. Fischer, Autain et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 2242-5-1. - Les entreprises d'au moins onze salariés sont soumises à une pénalité à la charge de l'employeur lorsqu'elles ne sont pas couvertes par un accord relatif à l'égalité professionnelle mentionné à l'article L. 2242-5. Les modalités de suivi de la réalisation des objectifs et des mesures de l'accord sont fixées par décret.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Le titre V bis A du projet de loi prévoit la mise en place de mesures relatives à l’égalité entre les hommes et les femmes. Cependant, ainsi que je le soulignais à l’instant, celles-ci sont largement insuffisantes.
Elles ne permettront absolument pas de contrebalancer efficacement les inégalités professionnelles dont sont victimes les femmes, sur le plan tant des embauches et des types de contrat que des carrières et des rémunérations proposées.
Je ne répéterai pas les propos de mon intervention précédente. Mes chers collègues, par cet amendement, nous vous proposons la suppression de l’article 31, car il me semble sincèrement que c’est ce que nous avons de mieux à faire. Dès lors, nous pourrons ensuite débattre de ce sujet dans le cadre d’une loi ad hoc, laquelle pourrait notamment inclure une mesure visant à instaurer une pénalité de 1 % de la masse salariale, qui représenterait sans doute plus que les 3 750 euros d’amende aujourd’hui prévus par la loi.
Parce que les dispositions présentées dans cet article sont véritablement inacceptables et insuffisantes, nous vous proposons de supprimer ce dernier.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.