M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cet article est important. Le dispositif qu’il prévoit, comme l’a dit Annie David, est expérimental jusqu’au 31 décembre 2013. Il s’inspire des bonnes pratiques déjà à l’œuvre dans certains groupes comme Rhodia. J’ai d’ailleurs reçu le directeur des ressources humaines de cette entreprise afin de recueillir certaines informations concernant l’accord signé le 30 juin 2010 entre la direction et quatre organisations syndicales sur la pénibilité des salariés postés.
L’objectif est donc bien d’encourager les partenaires sociaux à négocier des accords collectifs permettant, d’une part, d’aménager les fins de carrière des travailleurs exposés à des facteurs de pénibilité et, d’autre part, de mettre en œuvre des mesures de compensation sous la forme d’attribution de primes ou de journées de congé supplémentaires.
La commission ne peut que soutenir cette démarche. Elle est donc défavorable aux amendements nos 445 et 1069 visant à supprimer cet article.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement est très attaché à cet article. L’accord de branche n’est pas exclusif, il vient s’ajouter aux dispositifs relatifs à la pénibilité. Les possibilités de partir à la retraite plus tôt sont élargies. En amont, il sera éventuellement possible de bénéficier d’un dispositif de prise en compte de la pénibilité au sein des entreprises. Les fins de carrière des salariés qui ont été exposés à des facteurs de pénibilité, hors cessation totale d’activité, pourront être aménagées. S’il y avait cessation totale d’activité, on recréerait d’une certaine façon les préretraites, que l’on a eu tendance à supprimer.
L’accord collectif de branche est donc tout à fait complémentaire du départ à la retraite à 60 ans au titre de la pénibilité en cas d’incapacité de 10 %. De surcroît, il s’agit d’une expérimentation. Nous pourrons ainsi étudier, jusqu’au 31 décembre 2013, combien de branches passent un tel accord et dans quelles conditions.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 445 et 1069.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1070, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement prévoit la suppression de l’alinéa 1 de l’article 27 ter A.
En effet, les auteurs de cet amendement estiment que cet article apporte une mauvaise et dangereuse réponse à la question de la prise en compte de la pénibilité et que cet alinéa 1 porte en lui-même l’étrangeté de votre démarche.
Aux termes de cet alinéa, des accords pourraient être mis en place à titre expérimental, et ce jusqu’au 31 décembre 2013. Pourquoi avez-vous choisi cette date couperet ? Nous ne le savons pas !
Nous estimons que c’est une bien étrange rédaction pour un article de loi. Pourquoi « à titre expérimental » ? Est-ce une manière de nous dire qu’en matière de pénibilité nous explorons une terra incognita ? Vous sous-entendez par là que la pénibilité est une notion nouvelle et tout, dans votre texte, va dans ce sens.
Vous voulez mettre en place un nouveau comité scientifique pour qu’il nous dise une nouvelle fois ce que nous savons déjà. La pénibilité a des conséquences sur la santé ; elle a des effets différés sur celle-ci. Ce ne sont pas des supputations.
Alors, nous refusons cet article 27 ter A qui traite non plus des retraites mais de tout et de rien et qui s’apparente à un inventaire hétéroclite de mesures diverses. Il s’agit plutôt de conditions de travail à compenser ou à alléger. Nous considérons que c’est un autre débat ; ce n’est plus celui de la pénibilité.
Au final, cet article paraît bien confus. Préciser que des accords de branche pourront éventuellement prévoir des compensations, c’est, à notre sens, ne rien prévoir ! C’est juste une pétition de principe.
Ce dispositif serait générateur de nouvelles et nombreuses inégalités entre les salariés. En effet, selon les branches professionnelles, selon l’état de leurs finances et le rapport de forces qui y existe, ces accords seront ou non mis en place. Pour un ministre qui se targue de créer un droit nouveau et unifié dans la loi, renvoyer ainsi à nouveau aux accords de branche procède d’une étrange logique.
C'est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de cet alinéa.
M. le président. L'amendement n° 1071, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement s’inscrit dans la même lignée que le précédent, vous l’avez bien compris. (Exclamations sur les travées de l’UMP.) Je sais que les débats sont longs. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.) Vous devriez demander l’inscription dans le texte d’une clause de pénibilité pour les sénateurs de la majorité !
Avec cet article, on est dans la confusion et le flou. On nous renvoie à un accord, mais il n’est indiqué nulle part que la pénibilité pourrait donner droit à l’acquisition de trimestres pour permettre un départ anticipé.
Alors, monsieur le ministre, vous nous dites que l’on a supprimé les retraites anticipées, mais il faudrait aller plus loin et ajouter que vous allez fabriquer des chômeurs. Les choses seraient plus claires ! Avec votre façon de traiter de la pénibilité, c’est soit l’invalidité, soit le chômage !
M. le président. L'amendement n° 1072, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Il est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission est défavorable à l’amendement n° 1070 prévoyant la suppression de l’alinéa 1. Elle est également défavorable à l’amendement n° 1071 tendant à supprimer l’alinéa 2, comme à l'amendement n° 1072, visant à supprimer l’alinéa 3.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 1073, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Il est défendu.
M. le président. L'amendement n° 618 rectifié, présenté par M. P. Dominati, Mme Descamps, MM. Lecerf et Beaumont, Mme Hermange et M. Darniche, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L'organisation de ce temps partiel ne peut prendre la forme d'une cessation anticipée d'activité.
La parole est à M. Philippe Dominati.
M. Philippe Dominati. Cet article additionnel, introduit à l’Assemblée nationale, propose à titre expérimental, comme cela a été souligné, que des accords de branche puissent mettre en place les dispositifs d’aménagement de fin de carrière, notamment en ayant recours au temps partiel.
Cet amendement envisage d’encadrer cette possibilité. En effet, la commission précise dans son rapport qu’il n’est pas souhaitable que cette compensation se traduise par une possibilité de cessation anticipée d’activité, laquelle risquerait de créer un nouveau mécanisme de préretraite, dont les effets désastreux sur le taux d’emploi des seniors sont bien connus.
D’un point de vue strictement normatif, un tel dispositif relève toutefois davantage de la négociation entre les partenaires sociaux que de la loi. C’est pour cela qu’avec un certain nombre de collègues, dont Marie-Thérèse Hermange, nous proposons, par cet amendement, de répondre au souhait de la commission.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’amendement n° 1073 tendant à supprimer l’alinéa 4 de l’article, la commission émet un avis défavorable.
S'agissant de l’amendement n° 618 rectifié, la commission considère que cette précision n’est pas nécessaire et émet un avis également défavorable.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oh ! Pas de chance !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 1073 puisqu’il vise la suppression d’un alinéa.
En ce qui concerne l’amendement n° 618 rectifié, le Gouvernement est plutôt favorable, malgré l’avis de la commission. En effet, il s’agit d’organiser la fin de carrière. Si l’on travaille à temps partiel, ce ne peut pas être pour cumuler le temps de travail et cesser son activité de façon anticipée. Si ce temps partiel constitue véritablement un aménagement de fin de carrière, alors il doit être respecté. C’est le sens des propos de M. Dominati et c’est exactement ce que le Gouvernement souhaite. Les dispositifs d’aménagement de fin de carrière ne peuvent conduire à la cessation anticipée de l’activité, auquel cas il s’agirait d’une forme de préretraite.
M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote sur l'amendement n° 618 rectifié.
Mme Christiane Demontès. Ah, ah ! Que de suspense…
M. Gérard Longuet. C’est insoutenable !
Mme Christiane Demontès. L’amendement de M. Dominati est le reflet d’un conflit interne au patronat, qui fait suite aux accords Rhodia et Arkema. D'ailleurs, l’article 27 ter A a été surnommé « article Rhodia ». II faut lire certains articles de ces accords pour saisir les motifs d’inquiétude du MEDEF. En effet, ces accords ont prévu des départs anticipés, qui sont en fait des préretraites pour certains salariés.
L'article 3 de l’accord Rhodia crée un dispositif de cessation anticipée d’activité visant à la prise en compte du travail en horaire continu ou semi-continu, dans l’attente des mesures législatives qui devraient entrer en vigueur le 1er janvier 2011. Ce dispositif fondé sur le volontariat permet au personnel posté ou ancien posté, d’arrêter son activité professionnelle avec une anticipation maximale de deux ans par rapport à l’obtention de son droit à la retraite sécurité sociale à taux plein, tout en percevant dans l’attente un revenu de cessation d’activité de fin de carrière.
Ainsi, pour les salariés concernés, l'entreprise permet, sous conditions, le maintien de la retraite à 60 ans. Il faut tout de même souligner que, pour bénéficier de ces deux ans d’écart sur le futur âge légal, il faut avoir trente ans d’ancienneté dans un travail posté. Il est donc difficile de parler d’un cadeau fait aux salariés.
Toutefois, c'est encore trop pour certains représentants patronaux ! La question qui fâche est bien évidemment : qui paie ? Il faut dire qu’à l'article 3.2.3 de cet accord figurent le montant et les modalités de versement du revenu de cessation anticipée d'activité.
On peut ainsi lire en toutes lettres : « Pendant cette période de cessation d’activité, qui peut varier de six mois à deux ans, Rhodia verse mensuellement au salarié bénéficiaire un revenu de cessation d'activité égal à 75 % de la rémunération brute de référence. Le salarié bénéficie aussi du maintien de la couverture prévoyance. »
Même si cet accord est de durée transitoire, il n’est pas impossible que les salariés de Rhodia en demandent la prolongation. C’est d'ailleurs ce que l’article 27 ter A leur accorde. On mesure donc aisément la frayeur des représentants du patronat à la perspective d'une généralisation de ce dispositif.
Fort heureusement, l’amendement du député Pierre Méhaignerie permet que le fonds de soutien aux employeurs en matière de pénibilité, abondé notamment par l’État et la branche accidents du travail - maladies professionnelles contribue à l’effort financier des employeurs.
L’amendement de notre collègue Dominati, dans ces conditions, est surtout un amendement de précaution, afin d’éviter une extension intempestive des dispositions de l’accord Rhodia, que l’État et la sécurité sociale ne parviendraient plus à financer, ce qui renverrait le financement aux entreprises.
Le groupe socialiste votera donc bien évidemment contre cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 1074, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Claude Danglot.
M. Jean-Claude Danglot. Le dispositif mis en place par l’alinéa 5 est complètement inefficace, à l'image de l’ensemble du projet de loi.
En effet, il dispose que les entreprises – y compris les entreprises publiques – employant au moins quarante salariés sont soumises à une pénalité qui est – à la bonne heure ! – à la charge de l'employeur, dès lors qu’elles ne sont pas couvertes par un accord ou un plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité.
Une telle disposition reflète en premier lieu l’idée du Gouvernement selon laquelle tout se monnaye, même la pénibilité.
Nous avons déjà eu l’occasion de le constater lors de l’examen du projet de loi sur le dialogue social dans la fonction publique : lui aussi monnayait le départ à la retraite des infirmières, au moyen d’une revalorisation salariale fictive et fondée sur des hypothèses aussi hasardeuses que celles sur lesquelles s’appuient les fameux scénarios du COR.
En outre, monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer ce que cet accord a de plus que les conventions collectives ?
Chaque métier a des contraintes propres. Même dans les pays dotés d’un cadre législatif important quant au travail, ce cadre ne saurait prétendre couvrir tous les cas particuliers ! De tout temps, les conventions collectives ont permis d’ajuster l’application des lois selon le contexte.
Néanmoins, vous sous-entendez aujourd'hui que l’argent pourrait convaincre le patronat de prendre en compte la pénibilité : cela n'est pas sérieux !
Il n'y a qu'à constater, par exemple, les résultats de la loi SRU. Aujourd'hui, quatre communes sur dix seulement s’y conforment, et l’on sait que de nombreuses villes, notamment celles administrées par des représentants de l’UMP et situées dans les Hauts-de-Seine (Exclamations sur les travées de l’UMP.),…
M. Roland Courteau. Il a raison !
M. Jean-Claude Danglot.… préfèrent payer des amendes plutôt que d’appliquer une obligation légale.
On peut s’inquiéter du dysfonctionnement de cette loi. Le système de sanctions prévues prévoit l’acquittement d’une taxe – doublée en cas de « constat de carence » – par les communes qui ne remplissent pas l’objectif. Mais ce système est mal appliqué, et on le sait !
Et voilà que, au mépris d’acquis sociaux obtenus au prix de nombreuses luttes, vous annoncez vouloir pénaliser les employeurs à hauteur de 1 % au maximum des rémunérations ou gains versés aux salariés au cours des périodes au titre desquelles l’entreprise n’a pas été couverte par un plan d'action et au prorata « des efforts » fournis par l'entreprise.
Il suffira donc que cette dernière propose un plan d’action à ses salariés, même dépourvu de tout effet juridique réel, pour que l’entreprise soit lavée de tout soupçon quant à son action contre la pénibilité.
Vous ne parlez pas des négociations syndicales qui ont de tout temps agi en faveur des salariés, et nous sommes désolés de constater que vous le faites à dessein.
Pourtant, vous prétendez constamment être en faveur d’une « rénovation » de la démocratie sociale, que vous construisez en fait hors de toute négociation avec les syndicats.
Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, nous vous demandons de voter l’amendement n° 1074.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable car, au travers de cet amendement, on récuse toutes les formes que peuvent prendre les allégements de charges de travail.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de quinze amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L'amendement n° 446, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéas 6 à 13
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Notre amendement propose la suppression des dispositions de monétisation de la pénibilité qui reviennent à faire financer par le salarié usé sa propre cessation anticipée d’activité, avec l’utilisation d’un compte épargne-temps transformé en dispositif d’épargne retraite.
Le système est désormais bien rôdé. Au fil des lois défendues pas MM. Fillon, Bertrand, et maintenant par vous-même, monsieur le ministre, le compte épargne-temps est devenu le réceptacle de tous les jours de congés que le salarié est empêché de récupérer, de toutes les primes qui ne lui sont pas versées.
Le compte épargne-temps, faut-il le rappeler, a été initié par Martine Aubry dans les lois de réduction du temps de travail, pour assurer la souplesse nécessaire dans la prise des jours de RTT. Initialement, ces jours de congés épargnés devaient être pris par le salarié dans un court délai, afin de le faire bénéficier d’un temps de repos dans le cadre de la réduction du temps de travail.
La perspective du compte épargne-temps était sociale et même sanitaire. La droite en a fait un instrument d’épargne retraite pour le plus grand profit des gestionnaires.
En résumé, le Gouvernement propose de verser aux salariés usés une prime et de monétariser des jours de congés auxquels ils ont droit contre la seule promesse d’un départ à la retraite dans le meilleur des cas à 60 ans.
Le projet de loi prévoit que la compensation de la charge de travail des salariés occupés à des travaux pénibles – périphrase pour ne pas écrire « pénibilité » – pourra être compensée par une prime. Peut-on compenser la charge de travail excessive, l’usure et la menace de maladies futures par une aumône ?
Peut-on mettre sur le même plan la santé des travailleurs et une prime qui viendra compenser non pas la pénibilité, mais le niveau de salaire trop bas de ceux qui sont contraints d’exercer les métiers les plus pénibles ?
Cet article met en place, dans ses alinéas 6 à 13, un système de non-compensation de la pénibilité. Il n’est en fait que le faux nez d’une nouvelle disposition en faveur de l’épargne retraite.
M. le président. L'amendement n° 1075, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Cet amendement est en cohérence avec les différents amendements que nous avons déposés sur l’article 27 ter A.
En effet, nous sommes complètement opposés à cet article dont l’objet est de fixer un système d’expérimentation qui, éventuellement, pourrait créer un dispositif d’allégement ou de compensation de la charge de travail des salariés dont le travail est pénible.
Non seulement cet article ne crée qu’un système expérimental et n’accorde pas de garantie pérenne aux travailleurs dont le métier est éprouvant et reconnu comme tel, mais, en outre, il ajoute un certain nombre de conditions à une reconnaissance potentielle, à savoir une exposition d’une durée qui sera définie par décret – elle est donc très incertaine – à un facteur de pénibilité dont on ne connaît pas l’ampleur, ou bien pendant une autre durée, toujours inconnue, à deux de ces facteurs, énumérés à l’article L. 4121-3-1 du code du travail.
Il ne suffit donc pas d’avoir effectué un travail pénible, encore faut-il l’avoir exercé suffisamment longtemps pour être brisé et cassé par celui-ci. Ensuite, quelques grâces seront peut-être accordées, et encore, il faut étudier ces « avancées », si on peut les appeler ainsi.
Uniquement dans ces cas, très restreints – on est très loin de la reconnaissance que l’on pourrait souhaiter –, on peut, par un accord de branche – pas systématiquement –, bénéficier éventuellement d’un passage à temps partiel ou d’une mission de tutorat.
Notre amendement vise à supprimer l’alinéa 6, qui prévoit, outre le dispositif d’allègement de la charge de travail, que, en compensation de la charge de travail, le salarié pourra recevoir une prime ou se voir attribuer des journées supplémentaires de repos.
Comme si la pénibilité pouvait s’acheter ! Elle ne se monnaye pas, monsieur le ministre, ou alors elle ne s’achète que pour ceux qui sont suffisamment miséreux pour considérer que leur vie et leur santé ne comptent plus face à la nécessité. Elle ne se vend donc que pour ceux qui n’ont pas d’autres choix, car qui, raisonnablement, sacrifierait sa vie pour un travail pénible ?
Nous vous demandons donc, mes chers collègues, d’adopter cet amendement de suppression de l’alinéa 6, en cohérence avec les positions que nous avons défendues précédemment. Nous n’approuvons pas le cas par cas et l’expérimentation, qui sont sources d’inégalité et d’injustice.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 619 rectifié est présenté par M. P. Dominati, Mme Descamps, MM. Lecerf et Beaumont, Mme Hermange et M. Darniche.
L'amendement n° 1076 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Philippe Dominati, pour présenter l’amendement n° 619 rectifié.
M. Philippe Dominati. L’article 27 ter A permet, lorsqu'un accord de branche le prévoit, que les entreprises puissent verser des primes à leurs salariés en vue de compenser la pénibilité.
Je suis inquiet, comme un certain nombre de mes collègues, des effets pervers que ce dispositif pourrait engendrer. Le versement de la prime dédouanerait les branches et les entreprises de tout effort de prévention et d'amélioration des conditions de travail visant à ne pas laisser durablement les salariés dans des situations de pénibilité. Quant aux salariés, ils seraient incités à ne pas changer de poste ou de conditions de travail pour ne pas perdre le bénéfice de la prime.
Le présent amendement vise donc à supprimer la possibilité de verser de telles primes.
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour présenter l'amendement n° 1076.
M. Jean-Claude Danglot. Votre approche de la pénibilité, monsieur le ministre, est à milles lieues de l’idée que nous nous en faisons. Les solutions que vous proposez sont très éloignées de celles des organisations syndicales.
La définition de la pénibilité, qui a fait l’objet d’un long débat entre les organisations syndicales et patronales, a permis de mettre en exergue trois types de pénibilité au travail. On sait aujourd’hui, grâce au travail réalisé par les organisations syndicales, quels sont les critères de pénibilité. Les divergences importantes résident en fait dans les réponses à y apporter.
Nous considérons que l’homme ne doit pas perdre ou dégrader sa vie à la gagner. Pour nous, il n’y a en fait que deux protections contre la pénibilité : l’amélioration urgente des conditions de travail des salariés et le droit, pour celles et ceux qui souffrent de leur travail, à un départ anticipé.
Votre proposition de monétisation de la souffrance des salariés n’est donc pas acceptable, monsieur le ministre. Comment pourrions-nous accepter une telle mesure ? Comment pouvez-vous la proposer ?
Ce départ anticipé n’est pas sans rappeler ce qui existe déjà avec le droit de retrait. Comme vous le savez, monsieur le ministre, mes chers collègues, le salarié qui estime que son état de santé est gravement menacé ou que l’employeur l’expose à un danger grave, imminent et inévitable, peut faire cesser la situation. Êtes-vous prêt à considérer que, dans de tels cas, le salarié, en lieu et place de son droit de retrait, pourrait négocier une prime ? Dans l’intérêt des salariés, j’espère, monsieur le ministre, que vous répondrez par la négative !
L’idée que nous nous faisons de la reconnaissance de la prise en charge de la pénibilité s’inscrit dans cette logique.
Les réponses apportées par l’employeur ne doivent avoir qu’une finalité : faire cesser les causes de la pénibilité. Proposer une prime, en lieu et place d’un départ anticipé, c’est considérer que tout est à acheter et à vendre, y compris l’espérance de vie en bonne santé des salariés !
M. le président. L'amendement n° 1077, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 1078, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-François Voguet.