M. Guy Fischer. Comme l’indique M. Leclerc dans son rapport, cet article 25 duodecies a été ajouté par l’Assemblée nationale. L’affaire s’est faite, on ne le répétera jamais assez, dans la précipitation, …
Mme Catherine Procaccia. Pas au Sénat !
M. Guy Fischer. … ce qui ne permettait pas un débat approfondi, du moins à l’Assemblée nationale, chère collègue. En effet, le Gouvernement a déposé ces amendements en séance et les députés ont été, en quelque sorte, mis devant le fait accompli.
Mme Odette Terrade. C’est la tactique !
M. Guy Fischer. L’alinéa 4 de cet article 25 duodecies précise qu’un décret détermine « les règles relatives à l’organisation, au choix et au financement du service de santé au travail, ainsi qu’aux modalités de surveillance de l’état de sécurité des travailleurs » applicables à certaines catégories de travailleurs, déterminées par cet article.
Tout au long de la discussion de cet article, nous dénoncerons l’effet d’annonce qu’il comporte. L’alinéa 4 conforte cette critique, car il renvoie à un décret, qu’il reste donc à élaborer et à publier, pour la mise en œuvre de l’organisation et, surtout, le financement de la médecine du travail pour ces nouvelles catégories de salariés.
Monsieur le secrétaire d’État, nous ne sommes pas dupes, ni sur la forme ni sur le fond : sur la forme, car moins de la moitié des décrets d’application sont pris après le vote d’une loi ; sur le fond, car la question cruciale du financement n’est pas réglée. Qui finance ? La sécurité sociale ou le patronat ?
M. Guy Fischer. Obligera-t-on le patronat, et avec quels moyens de contrainte, à créer des postes de médecin du travail ou transférera-t-on cette responsabilité à la médecine de ville, par exemple ? Nous connaissons la réponse, nous avons eu une longue discussion à ce sujet.
Le renvoi au décret d’application souligne donc le flou de ces dispositions et l’absence d’engagement législatif sur ce point. D’où la pertinence de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc. Défavorable !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Georges Tron, secrétaire d’État. L’avis du Gouvernement est également défavorable, mais je m’en voudrais que M. le président Fischer ait le sentiment que, parce que nous avons émis des avis défavorables sans argumenter, nous n’avons pas d’arguments.
D’ailleurs, si le mot « défavorable » revient de manière répétitive dans notre bouche, il ne me semble pas que les arguments que j’entends en défense des amendements révèlent une originalité ou une inventivité particulières ! Vous me permettrez donc de vous objecter que nous respectons en quelque sorte le parallélisme des formes. (Sourires.)
Cela dit, monsieur le président Fischer, je vais vous donner deux ou trois informations générales valables pour toute cette série d’amendements.
S’agissant tout d’abord de la précipitation avec laquelle auraient été adoptées ces dispositions, je vous rappelle que les rapports rendus sur ces sujets datent d’avant 2008 et que les négociations se sont étendues sur 2008 et 2009 : vingt-quatre réunions de concertation ont été organisées pour la seule année 2009 et deux réunions du Conseil d’orientation sur les conditions de travail, le COCT, en 2009 et 2010. Si vous voyez de la précipitation dans cette procédure, j’y perds mon latin !
S’agissant ensuite des argumentaires eux-mêmes, disons les choses clairement : ce n’est pas parce que tout le monde passe sous la même toise que l’on peut considérer que la santé ou la sécurité au travail sont bien ou mieux protégées. Par exemple, l’accord du 26 septembre 2002 sur l’intérim a été signé par quatre organisations syndicales sur cinq : il prévoit des modalités de suivi adaptées pour les intérimaires, en leur permettant d’être suivis par le service médical de l’entreprise donneur d’ordre. Vous dénoncez des dérogations, mais on peut considérer qu’il s’agit d’aménagements ou d’ajustements à des situations particulières, et ils ne méritent pas un tel procès.
Au demeurant, soyons concrets – si nous ne le faisions pas, nous resterions dans un procès d’intention – : les amendements du Gouvernement permettent une adaptation des modes de suivi de la santé au travail en faveur de certaines catégories de salariés dont nous souhaitons précisément améliorer le suivi.
Permettez-moi de citer quelques exemples : pourquoi s’offusquer de permettre aux salariés des sous-traitants d’être suivis dans certaines conditions particulières par le service médical du donneur d’ordre, comme je viens de l’évoquer au sujet de l’accord de 2002 ? Pourquoi ne pas permettre, dans certains cas, aux salariés itinérants d’être suivis en un lieu géographiquement proche de leur lieu d’activité professionnelle ? Pourquoi ne pas valider des réponses intéressantes en termes de suivi des saisonniers et des intérimaires qui ont été mises en place par des accords ?
Pour conclure, vous dénoncez des dérogations, en donnant le sentiment que nous serions pleins d’arrière-pensées. Or nous répondons simplement au souci d’introduire des ajustements, compte tenu de situations professionnelles particulières, afin de permettre un meilleur suivi et un meilleur développement de la médecine au travail.
C’est la raison pour laquelle, monsieur le président, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement ainsi que sur tous ceux de cette série.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Je souhaite soutenir cet amendement et relever la pertinence des arguments de nos collègues du groupe CRC quant à la méthode.
Je rappellerai tout d’abord que la pratique consistant, pour le Gouvernement ou sa majorité à l’Assemblée nationale, à déposer des amendements en séance, fait que le Sénat n’est pas saisi au fond de modifications législatives qui ne vont jamais dans le bon sens. C’est par cette méthode qu’ont été adoptées la suppression des droits d’auteur des journalistes, pour peu que le même patron de presse reprenne l’article dans un autre titre lui appartenant ; la suppression de l’Agence française de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail, l’AFSSET, ou plutôt sa fusion avec l’AFSSA, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, nettement plus complaisante ; aujourd’hui, la remise à plat de la médecine du travail.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez fait allusion à de nombreux rapports. Mais il faut, une fois de plus, rappeler ici que le Sénat a discuté en janvier 2008 une proposition de loi de Michelle Demessine. La majorité sénatoriale est largement intervenue par la voix de Mme Desmarescaux et le point de vue du Gouvernement était défendu par Mme Létard. Tout le monde était arrivé à des positions convergentes sur l’indépendance, le financement et la protection de la médecine du travail, positions que nous ne retrouvons absolument pas dans votre texte.
Ensuite, sur le fond, vous nous dites que soumettre tous les salariés au même régime n’est pas forcément une garantie de sécurité et que votre texte ne mérite pas un tel procès, nous citant quelques exemples d’ajustement qui peuvent paraître pertinents. Mais justement, s’ils sont pertinents, pourquoi ne pas l’écrire noir sur blanc dans la loi…
Mme Marie-Christine Blandin. … afin que nous puissions les évaluer et relever, avec notre connaissance du terrain, ce qui ne va pas ?
Je soutiendrai donc cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Il est certain que nous ne pourrons jamais nous rapprocher de la position du Gouvernement sur ces questions.
Dans le cas présent, nous avons insisté, parce qu’il s’agit de la situation faite aux plus précaires, c’est-à-dire les travailleurs temporaires, les stagiaires, les saisonniers, les ouvriers prêtés par leur entreprise à une autre, ou détachés temporairement.
Nous considérons que vous consacrez, en fait, une intolérable inégalité de traitement entre les salariés.
Je ne veux pas revenir sur les fondements de la loi de 1946 créant la médecine du travail qui, à notre sens, conserve dans ses principes une valeur que je n’oserais qualifier de « révolutionnaire » (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP), parce que je sais que je susciterai toujours les rires, même si je le pense profondément. Nous voyons bien que le rapport de force avec un MEDEF et une CGPME ultracombatifs devient de plus en plus dur et qu’il est de plus en plus difficile de leur faire prendre en compte la réalité des besoins des salariés.
Je rappellerai que le collectif « Sauvons la médecine du travail » n’hésite pas à dénoncer une pénurie organisée. On ne forme que 50 médecins du travail par an. Ils sont 6 000 aujourd’hui et ne seront plus que 1 000 dans cinq ou six ans, car cette population est vieillissante et non renouvelée. On peut en cela faire le parallèle avec la médecine scolaire, complètement sacrifiée.
Mme Annie David. Eh oui !
M. Guy Fischer. Ce collectif, que nous avons reçu, nous a donné des exemples de pratiques qui démontrent qu’une réforme pas encore adoptée a commencé à être mise en application : ici ou là, des visites périodiques sont confiées à des infirmières, dont ce n’est pas le travail ; des budgets sont gelés en attendant la réforme, car certains espèrent que les visites périodiques disparaîtront bientôt et qu’ils pourront confier cette mission à des prestataires extérieurs privés !
Les employeurs demandent de plus en plus aux médecins de traiter des sujets non gênants pour eux, comme la lutte contre l’alcoolisme, ou de mener des campagnes sur le port du casque ! Cette altération de la médecine du travail est consternante, au moment où l’on assiste à la montée en flèche des risques psychosociaux et des maladies professionnelles.
Aujourd’hui, disent encore ces praticiens, fiers de leur métier, le médecin du travail ne se contente pas de déclarer un salarié « apte » ou « inapte », car il peut prononcer la déclaration d’aptitude sous réserve d’une adaptation ou d’un aménagement du poste de travail, ce que les employeurs n’apprécient guère. Ces praticiens craignent de ne plus pouvoir obliger l’employeur à adapter, demain, le poste à l’état de santé du salarié.
J’en conclus, mes chers collègues, qu’il ne faut à aucun prix donner le pouvoir aux employeurs en la matière. Demander à un employeur de s’occuper de la médecine du travail équivaudrait à demander aux fabricants de tabac d’organiser les campagnes anti-tabac,…
Mme Marie-Christine Blandin. Nous n’en sommes pas loin !
M. Guy Fischer. … nous n’en sommes pas loin, en effet (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste), ou encore, à « donner au renard les clés du poulailler » (Protestations sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste),…
M. René Garrec. Il n’y a pas de clé !
M. Nicolas About. Ou à confier le capital au parti communiste !
M. Guy Fischer. … comme l’ont dénoncé la FNATH, l’association des accidentés de la vie, et l’ANDEVA, l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante.
Il faut absolument que le contre-pouvoir soit maintenu et il faut, surtout, que le médecin du travail puisse continuer à s’entretenir seul avec le salarié. Pour ce faire, il ne faut pas, à mon sens, renforcer les visites sur place ou sur poste, car la présence de l’employeur et des autres salariés contrevient au secret médical. En outre, ces visites pourraient contribuer à faire du médecin du travail un simple gestionnaire du risque... ce à quoi vise précisément cette réforme !
Avec Annie David, François Autain, Marie-Agnès Labarre et Odette Terrade, nous avons entretenu un dialogue fructueux avec ces praticiens pour préparer l’examen de ce projet de loi. Vous voyez que nous avons poussé très loin ce dialogue afin de pouvoir vous en restituer les éléments à l’occasion de la défense de cet amendement et d’une explication de vote.
M. le président. L'amendement n° 1039, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Nous avons bien entendu, monsieur le secrétaire d’État, vos propos sur le parallélisme des formes et sur le fait que nous ne nous renouvelons pas forcément dans nos explications. Mais, tout de même, cet article 25 duodecies concerne plusieurs millions de salariés et leur santé au travail. Nous donnons peut-être l’impression de répéter certaines choses,…
M. Nicolas About. C’est vrai !
Mme Annie David. … mais nous intervenons, à chaque fois, sur des catégories différentes de salariés.
En l’occurrence, je veux évoquer ici les salariés intérimaires, qui – c’est l’un des principes de base de notre droit du travail – ont les mêmes droits que les autres travailleurs. Ce principe, évidemment, ne vous convient pas et vous voulez mettre en place des mesures dérogatoires, non pas pour améliorer leur situation, mais bien pour la dégrader.
En effet, pendant les missions temporaires, l’entreprise utilisatrice est responsable des conditions d’exécution du travail. Le salarié temporaire est rattaché, quant à lui, au régime général de la sécurité sociale. Les cotisations patronales sont à la charge de l’entreprise de travail temporaire.
S’agissant de l’examen d’embauche, c’est le médecin de l’entreprise de travail temporaire qui en a la charge et, si le poste de travail nécessite un examen médical spécial, l’avis du médecin de l’entreprise utilisatrice est requis selon la nature du poste, exposition au plomb, au bruit ou à des produits dangereux. Le médecin de l’entreprise utilisatrice émet alors les avis d’aptitude ou d’inaptitude au poste.
Les examens annuels ou de reprise sont effectués par le médecin de l’entreprise utilisatrice tant que le salarié occupe le poste. Dans le cas contraire, le suivi médical est effectué par la médecine du travail de l’entreprise de travail temporaire.
C’est la règle aujourd’hui, et c’est une règle qui fonctionne !
Mais qu’en sera-t-il, demain, avec cet article 25 duodecies, qui tendrait à faire des salariés intérimaires des salariés à part ?
Pour éviter une succession de visites à chaque nouvelle mission, l’examen médical comporte la vérification d’une aptitude à plusieurs emplois dans la limite de trois. Cette vérification sera-t-elle maintenue ? J’en doute !
Il en va de même pour la visite d’embauche, qui est effectuée par le médecin du travail de l’entreprise de travail temporaire. L’entreprise utilisatrice sera-t-elle toujours en mesure d’informer l’entreprise de travail temporaire des particularités du poste à pouvoir ?
À ce jour, lors de la signature du contrat de mise à disposition, les informations sur le poste de travail doivent être communiquées à l’entreprise de travail temporaire, aux médecins du travail de l’entreprise de travail temporaire et de l’entreprise utilisatrice. Qu’en sera-t-il demain si cet article est adopté et fait des intérimaires des salariés à part ?
Il faut savoir que la médecine du travail n’a pas seulement la charge du contrôle individuel du salarié. Son action comporte également une dimension collective.
Les salariés affectés à des postes de travail présentant des risques particuliers pour leur santé ou leur sécurité bénéficient d’une formation renforcée à la sécurité, ainsi que d’un accueil adapté dans l’entreprise au sein de laquelle ils sont occupés. En effet, vous devriez le savoir, monsieur le secrétaire d’État, le risque principal pour eux est celui d’une accidentologie plus importante que la moyenne pour les postes d’ouvrier.
Voilà ce que je voulais ajouter à propos des conditions de travail des salariés intérimaires.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. L’avis de la commission est défavorable. En fait, quelque chose m’échappe… Comme M. le secrétaire d’État vient de nous le dire, les salariés temporaires sont maintenant couverts par un accord datant de 2002. L’alinéa 5 de l’article 25 duodecies permet en fait de préserver cet accord entre les différents partenaires sociaux. Il apparaît donc impensable de le supprimer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1040, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez fait référence aux accords de 2002, monsieur le rapporteur. Dans les faits, le principe est précisément de moins en moins respecté, tant le recours au travail précaire s’est développé. Ainsi, certaines catégories de salariés, tels que les stagiaires, les saisonniers, les intérimaires, ne restent pas assez longtemps en poste ou sont trop physiquement éloignés de leur employeur pour bénéficier de ce suivi.
Voilà la réalité !
La situation est inquiétante, puisqu’une proportion de plus en plus considérable de travailleurs ne peut bénéficier d’un suivi médical approprié, d’un suivi par la médecine du travail.
Il y a donc besoin d’une réforme, mais celle que vous proposez est, une fois encore, refusée par les organisations professionnelles. Or vous essayez de la faire entrer au chausse-pied dans la réforme des retraites. Cela ne convient absolument pas !
Vous multipliez les dérogations, ce qui conduira à une diminution du nombre des personnes soumises à la médecine du travail et les autres passeront alors par la médecine de ville. En outre, vous prétendez vouloir proposer un suivi par la médecine du travail à des personnes qui en étaient auparavant exclues, et ce à budget constant. Convenez qu’il y a un problème…
En fait, vous ne dites pas la vérité !
La vérité, c’est que vous voulez supprimer, à terme, la médecine du travail telle qu’elle existe aujourd’hui, c’est-à-dire une médecine du travail réellement indépendante des employeurs.
Si nous parlions de la réalité, on comprendrait peut-être pourquoi nous critiquons et continuerons de critiquer votre projet, que cela vous plaise ou non, projet sur lequel nous sommes en total désaccord.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La disposition sur laquelle porte cet amendement n° 1040 permet, enfin, de prévoir une médecine du travail pour les stagiaires de la formation professionnelle. Je n’ai jamais entendu dire, je n’ai jamais lu, qu’elle prévoirait un passage par la médecine de ville.
L’avis est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1041, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Trop souvent, la réponse apportée à de nombreux médecins du travail qui mettent en évidence des risques professionnels importants et les moyens de les prévenir est la même : trop cher, trop coûteux.
Les échafaudages ? Trop cher !
Les aspirations pour les poussières de bois ? Trop cher!
Diminuer les cadences et adapter les postes de travail des ouvriers ? Trop cher !
Laisser prendre des pauses ? Trop cher !
Réparer la machine qui sort des pièces non conformes ? Trop cher ! On préfère faire porter la responsabilité sur ceux qui contrôlent les pièces : ils font trop de « non-conformités » ou laissent passer trop de défauts… Ça, c’est moins cher !
Faire du désamiantage dans les normes ? Trop cher !
Évacuer les fumées de soudage ? Trop cher !
Prévoir de meilleurs délais pour les chantiers, afin de faire face aux aléas ? Trop cher !
Oui, monsieur le ministre, la prévention a un coût. Mais un mort sur un chantier a aussi un coût et les 150 000 morts de l’amiante ont aussi un coût. Et ce n’est ni en remplaçant les médecins du travail par des médecins de ville, qui n’ont pas les mêmes capacités pour analyser les risques liés au travail, ni en mettant les médecins du travail sous tutelle des employeurs, que l’on va changer quoi que ce soit !
L’indépendance des médecins du travail, souvent prônée pour défendre le métier, leur sert à pouvoir mettre le doigt là où la prévention sera la plus efficace : poussières de bois, travail en hauteur, risque chimique, etc. Les projets transversaux ont un intérêt, mais les médecins de ville n’ont pas les mêmes capacités ni les mêmes connaissances que des médecins du travail expérimentés.
À l’heure de la hausse du nombre des accidents, des maladies professionnelles et des suicides au travail – comme cela a été révélé à France Télécom –, à l’heure de la hausse des accidents cardiaques et vasculaires liés au stress et à la souffrance au travail, à l’heure où dérivent les méthodes de management et leurs exigences dévorantes de productivité, faut-il affaiblir ou renforcer la médecine du travail ?
Vous connaissez notre réponse et c’est pour cela que nous demandons la suppression de ces dérogations, qui n’apporteront qu’un nivellement par le bas de la prise en charge de la santé des travailleurs.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Il est défavorable, car les dispositions relatives aux travailleurs des associations intermédiaires, prévues au septième alinéa de l’article 25 duodecies, sont applicables par voie réglementaire.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 1042, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Cet alinéa vise les travailleurs exécutant leur contrat de travail dans une entreprise autre que celle de leur employeur.
On peut craindre pour ces salariés, comme pour les autres travailleurs concernés par les régimes dérogatoires prévus par cet article 25 duodecies, qu’ils ne soient soumis à une médecine du travail au rabais.
En gravant dans le marbre le principe du régime dérogatoire, le Gouvernement se refuse à imposer à l’ensemble des travailleurs une réelle égalité de traitement. C’est un choix politique, avec lequel nous ne sommes évidemment pas en accord.
Le rôle du médecin sera, par ailleurs, biaisé par l’exclusion de ces salariés du régime de droit commun de la médecine du travail, qui vaudra pourtant pour les autres salariés de leur entreprise d’origine.
Dans son rôle de prévention des risques d’atteinte à la santé des travailleurs, le médecin du travail doit pouvoir suivre tous les salariés d’une même entreprise pour être véritablement efficace dans ses démarches et dans ses propositions.
Les problèmes de ceux qui accomplissent leur contrat de travail dans une autre entreprise que celle qui les emploie ne seront pris en compte ni dans cette entreprise ni dans celle où ils travaillent réellement. Ils vont rester au milieu du gué !
Or, monsieur le ministre, plutôt que de faire face au problème, vous préférez créer des exceptions parce que l’on connaît une pénurie de médecins du travail, le nombre de professionnels de santé par salarié ne cessant de diminuer.
À l’heure des suicides au travail, à l’heure de la hausse du nombre d’accidents cardiaques et vasculaires liés au stress, à l’heure où dérivent les méthodes de management et leur exigence inhumaine de productivité, oui, est-il opportun d’affaiblir la médecine du travail ?
Nous vous répondons par la négative. En effet, nous revendiquons la même médecine du travail pour tous les travailleurs, quel que soit leur statut, et nous nous opposons à votre méthode qui abaisse une médecine du travail déjà insuffisante et incapable d’accomplir correctement sa mission.
La santé de ces salariés qui exercent dans une entreprise différente de celle qui les emploie n’est pas plus négociable que celle des autres travailleurs.
Tel est le sens de cet amendement. (Mme Odette Terrade applaudit.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Monsieur Autain, les travailleurs concernés par l’alinéa 8, comme ceux qui le sont par l’alinéa 7, bénéficient des dispositions spécifiques inscrites dans la partie réglementaire du code du travail.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1042.
M. François Autain. Monsieur le président, je demande la parole pour explication de vote. (Exclamations sur certaines travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Charles Revet. Soyez raisonnable, monsieur Autain !
M. René Garrec. On a tout compris !
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote sur l'amendement n° 1042.