M. le président. L'amendement n° 1018, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ils donnent une cohérence d'ensemble au travail de cette équipe dans le respect des compétences de chacun.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement est défendu.
M. le président. L'amendement n° 1002, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement est défendu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 1000, qui vise à supprimer l’alinéa 10, sur l’amendement n° 1001, qui tend à supprimer l’alinéa 11, ainsi que sur l’amendement n° 1018.
L’amendement n° 1002 a pour objet de supprimer la mention selon laquelle les services de santé au travail comprennent un service social du travail ou le coordonnent avec les services extérieurs.
En l’occurrence, la majorité des présents lors de la réunion de la commission a émis un avis favorable sur cet amendement. Toutefois, à titre personnel, je trouverais cette suppression particulièrement regrettable, parce qu’elle affaiblirait la protection des travailleurs.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement, qui est favorable à l’amendement n° 1214, partage l’avis défavorable de la commission sur les amendements nos 1000, 1001 et 1018 et émet un avis défavorable sur l’amendement n° 1002.
M. le président. En conséquence, les amendements nos 1001 et 1002 n’ont plus d'objet.
La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote sur l'amendement n° 1018.
M. Bernard Vera. La médecine au travail a une vocation préventive, celle d’éviter que la santé du salarié ne s’altère en raison de son activité professionnelle. À ce titre, la médecine au travail participe pleinement à la définition des politiques de santé publique qu’un État riche comme le nôtre devrait être en mesure de mettre en place.
Les équipes pluridisciplinaires peuvent, malgré tout, parce qu’elles font appel à des compétences et à des approches différentes, être une véritable chance pour les salariés, à la double condition que les moyens financiers et humains permettent réellement la constitution de telles équipes et que le médecin du travail demeure l’élément central de ces dernières.
En effet, comme vous le savez, la médecine du travail est complexe et requiert une formation spécialisée de qualité, en particulier pour la prévention des risques professionnels. Le niveau d’expertise est une garantie d’indépendance face aux pressions contradictoires en milieu de travail et demeure le seul moyen de garantir la qualité du travail produit par les équipes pluridisciplinaires.
Si nous nous satisfaisons de la précision selon laquelle la charge d’animer l’équipe revient au médecin du travail, nous considérons qu’il faut aller encore plus loin en confiant à ce dernier des missions de coordination et de structuration des équipes.
Tel est le sens de l’amendement n° 1018, qui vise à faire en sorte que le médecin du travail donne une cohérence d’ensemble au travail de l’équipe pluridisciplinaire dans le respect des compétences de chacun.
M. le président. L'amendement n° 414, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnels non médecins des services de santé au travail ne peuvent recevoir d'instructions de la part des employeurs dans l'exercice de leurs missions.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Cet amendement vise à assurer aux personnels non médecins des services de santé au travail les nécessaires garanties d’indépendance dans l’exercice de leurs missions.
En effet, le projet de loi réorganise totalement les services de santé en y intégrant pleinement la démarche pluridisciplinaire.
Ce point serait plutôt positif si le nombre de médecins du travail était préservé. Malheureusement, nous le savons, l’acte de décès de cette profession a été prononcé par non-renouvellement de ses membres.
La pluridisciplinarité prend donc une importance accrue puisque les intervenants en prévention des risques professionnels, les IPRP, et les infirmiers vont être appelés à exercer des responsabilités renforcées, notamment en visitant les entreprises, que ce soit pour y réaliser des interventions sous la responsabilité du médecin ou pour examiner les installations et les conditions de travail.
Leur liberté de mouvement et de parole doit par conséquent être garantie. Ils ne doivent pas risquer de se voir interdire sans motif valable l’accès à tel ou tel lieu. Ils ne doivent pas non plus subir de pression pour rencontrer tel salarié plutôt que tel autre.
Cette précision est d’autant plus importante que les salariés désignés pour la prévention par l’employeur risquent également d’être désignés par lui de préférence à d’autres pour rencontrer les IPRP.
Il est donc fondamental que les personnels non médecins soient protégés de toute pression, instruction ou indiscrétion de la part des employeurs.
Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission a jugé cette précision intéressante. Elle a donc émis un avis de sagesse.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement, car il existe tout de même des limites.
Je peux comprendre que l’on veuille garantir l’indépendance des médecins. Mais si l’on vous suivait, à ce moment-là pourquoi ne pas penser à garantir aussi l’indépendance des ingénieurs ? Eux aussi ont un employeur. Derrière le mot « indépendance »…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah, voilà !
M. David Assouline. Ce n’est pas un ange non plus !
M. Éric Woerth, ministre. Heureusement, le monde n’est pas aussi binaire que vous l’affirmez ! Contrairement à ce que vous pensez, il y a des employeurs qui agissent aussi en fonction de l’intérêt de leur entreprise et de leurs salariés.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, vous allez un peu vite.
L’évolution de la médecine du travail et la volonté d’arriver à des équipes pluridisciplinaires amèneront les infirmières et les infirmiers, notamment, à avoir une responsabilité. Il faut leur garantir une indépendance, au même titre qu’aux médecins, faute de quoi nous risquons de nous trouver face à un problème.
Dans une équipe pluridisciplinaire, le médecin est protégé, naturellement. Nous aurons l’occasion de discuter ultérieurement de l’indépendance de ce dernier. Mais l’infirmière ou l’ergonome ne seront pas protégés. Cela créera véritablement une dichotomie. Je ne vois pas comment le système fonctionnera. Selon moi, il serait bon que les personnels paramédicaux soient également protégés dans l’entreprise.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Nous sommes très attachés à ce point et Annie David avait également envisagé de déposer un amendement.
L’amendement qui vient d’être présenté soulève la question essentielle du statut des infirmiers et des intervenants en prévention des risques professionnels.
En effet, à côté de la situation des médecins du travail, sur laquelle nous ne parviendrons pas à nous mettre d’accord, le vrai problème, de l’aveu même des médecins du travail en exercice que nous avons reçus, sera celui des infirmiers et des IPRP.
Les médecins du travail, quelles que soient leur situation et leur attitude individuelle, même s’ils sont tenus par un contrat de travail et rétribués comme tels par un chef d’entreprise, savent qu’ils ont un statut qui leur est propre.
M. Gérard Longuet. Merci de le reconnaître !
M. Guy Fischer. Un médecin est soumis à un code de déontologie. Son travail au quotidien peut être complexe. La situation des infirmiers et des IPRP est toute différente, car ces professionnels ne bénéficient pas du même statut que les médecins. Alors qu’ils travaillent chaque jour avec les médecins du travail dans les services de santé au travail, ils subissent de manière beaucoup plus frontale la pression de leur hiérarchie.
Au fil des discussions que nous avons eues avec des médecins du travail en exercice, il est apparu nécessaire de faire en sorte que ces professionnels puissent, eux aussi, exercer leur activité et leurs compétences sans craindre de perdre leur travail.
L’idée qui est ressortie de nos entretiens est celle d’intégrer les infirmiers et les IPRP dans une espèce de département du travail, et de leur faire profiter également d’une protection contre les licenciements qui, parfois, viennent sanctionner une trop grande indépendance.
Nous voulions déposer un amendement sur ce sujet, mais la procédure accélérée et les conditions dans lesquelles nous travaillons ne nous en ont pas laissé le temps.
M. David Assouline. On va trop vite !
M. Guy Fischer. C’est pourquoi nous apportons notre soutien à l’amendement de notre collègue Jean-Pierre Godefroy.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.
Mme Raymonde Le Texier. Je ne veux pas relancer la polémique qui a été déclenchée il y a un moment. On nous avait alors répondu que nous n’y connaissions pas grand-chose.
J’ai eu l’occasion de travailler une dizaine d’années dans le service médico-social d’une entreprise importante et connue. Vous ne pouvez pas savoir, monsieur le ministre, à quel point on y subit des pressions pour révéler des informations sur les salariés.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr !
Mme Raymonde Le Texier. Mon employeur n’était pas un monstre. C’était un homme normal et plutôt intelligent. Mais ses questions allaient parfois au-delà de la simple curiosité, et il fallait alors résister de toutes nos forces pour ne pas divulguer des éléments sur la vie personnelle ou la santé de tel ou tel salarié.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Effectivement ! C’est la réalité !
M. le président. L'amendement n° 415, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les intervenants en prévention des risques professionnels sont, dans le cadre de leurs missions, habilités à proposer à l'employeur des mesures individuelles dans les conditions prévues à l'article L. 4624-1.
La parole est à M. Jacky Le Menn.
M. Jacky Le Menn. Cet amendement prévoit que les intervenants en prévention des risques professionnels, dans le cadre de leurs missions, puissent proposer aux employeurs toutes mesures individuelles qu’ils estimeraient utiles.
Cela, malheureusement, ne préjuge pas le résultat qu’ils obtiendront de la part de l’employeur, mais il est important que la loi leur donne explicitement cette possibilité afin que certains employeurs ne s’autorisent pas à exercer des mesures de rétorsion à leur encontre.
En fait, cet amendement pose en creux la question du fonctionnement de la pluridisciplinarité, sujet sur lequel nous sommes intervenus plusieurs fois ce soir.
De nombreux médecins du travail, nonobstant ce qu’affirme M. le rapporteur, craignent que le projet de loi que vous présentez, monsieur le ministre, n’aboutisse au morcellement de l’activité clinique et au remplacement des médecins du travail par des personnels non formés et ne bénéficiant pas des garanties statutaires des médecins.
Nous partageons cette crainte pour ce qui touche à l’activité clinique.
Cependant, la pluridisciplinarité doit aussi permettre de renforcer la prévention et la protection des salariés. L’intervention d’ergonomes, par exemple, doit conduire à une diminution des troubles musculo-squelettiques, et donc à la diminution des souffrances endurées et des coûts pour la protection sociale.
Pour que cela ne demeure pas à l’état de vœux pieux, il est nécessaire que les intervenants en prévention des risques professionnels puissent proposer des mesures concrètes, pratiques et individuelles, adaptées aux situations rencontrées.
Des modifications de matériel, des changements de postes de travail, doivent pouvoir être proposés sans créer de conflits avec certains employeurs irascibles et sans risque d’être « éjecté » de l’entreprise manu militari, comme cela s’est déjà produit. C’est, hélas ! loin d’être une hypothèse d’école.
Avec cet amendement, il s’agit donc d’avancer une proposition visant à la fois à protéger les intervenants en prévention des risques professionnels ainsi que les salariés et à permettre une meilleure maîtrise des coûts ayant trait à la protection sociale.
Tout cela ne doit pas laisser indifférents les employeurs, qui sont aussi des gestionnaires de la branche AT-MP, accidents du travail–maladies professionnelles. Les employeurs ont également tout intérêt à prendre conscience que les maladies professionnelles et les accidents du travail ont un coût beaucoup plus élevé pour les entreprises que la préservation de la santé et de la sécurité des salariés. Certains en sont conscients, ils sont même relativement nombreux, mais, hélas ! d’autres, encore plus nombreux, ne sont pas dans ce cas, ce qui justifie l’adoption de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Renforcer les compétences des intervenants en prévention des risques professionnels par la mise en œuvre d’une procédure écrite peut paraître une bonne solution.
La commission émet donc un avis de sagesse.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. Il ne s’agit pas des mêmes pouvoirs. Du pouvoir médical dépend un certain nombre de prérogatives que n’ont pas les autres intervenants. Il existe une différence. Vous voulez systématiquement augmenter les choses. Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 416, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 11
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les infirmiers et les intervenants en prévention des risques professionnels bénéficient des dispositions des articles L. 4623-4 à L. 4623-7 du code du travail.
La parole est à M. Yves Daudigny.
M. Yves Daudigny. Selon la rédaction proposée pour l’article L. 4622-9 du code du travail, le médecin du travail est chargé d’animer l’équipe pluridisciplinaire. Ce n’est pas seulement une adaptation, c’est aussi un changement fondamental de sa fonction.
Même si nous ne partageons absolument pas cette option, nous l’avons dit, nous devons nous efforcer d’en tirer les conséquences en protégeant les personnels non médicaux qui se trouveront de plus en plus exposés dans les services de santé au travail et dans les entreprises.
Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à faire cette proposition. Je relève dans le rapport de MM. Dellacherie, Frimat – c’est toujours le même cousin – et Leclercq que « l’indépendance technique des infirmières santé travail, qui, pour deux tiers d’entre elles, travaillent dans les entreprises et ne dépendent pas d’un service de santé au travail, serait en outre garantie par l’attribution du statut de salariées protégées ».
Le rapport précise que cette garantie statutaire devrait d’abord profiter à « celles qui bénéficient d’une délégation expresse du médecin du travail pour réaliser des actes médicaux ».
Il n’est pas possible d’exprimer avec plus de clarté deux notions.
Premièrement, il faut entendre désormais par pluridisciplinarité la pratique d’actes médicaux par délégation. Par conséquent, si le médecin conserve une responsabilité, l’infirmier ou l’infirmière risque fort de voir aussi la sienne mise en cause pour des actes médicaux réalisés seuls en pratique, dans l’entreprise ou dans le service de santé au travail. Une formation qualifiante doit donc être mise en place d’urgence.
Deuxièmement, la nouvelle pratique de ce qui n’est plus la médecine du travail issue de la loi du 11 octobre 1946 appelle une protection spécifique des personnels non médicaux qui vont exercer sur délégation.
Deux types de problèmes se poseront à ces personnels : d’une part, la mise en cause de la responsabilité professionnelle pour les conséquences éventuellement dommageables des actes pratiqués, surtout s’ils le sont sans la formation nécessaire ; d’autre part, la mise en cause par la direction du service de santé au travail, que ce soit en interne ou sur réclamation d’un employeur.
En toute hypothèse, comment ne pas penser aux contentieux possibles ? Les personnels non médecins vont se trouver exposés, sans bénéficier de la même protection que les médecins, alors qu’il leur sera demandé d’accomplir une partie des tâches qui étaient exclusivement dévolues à ceux-ci auparavant.
C’est toute l’ambiguïté, pour ne pas dire plus, de cette nouvelle pluridisciplinarité, car le projet de loi est très flou sur ce point. Ne s’agit-il pas simplement d’organiser la gestion de la pénurie ? Ne s’agit-il pas de limiter, sinon de neutraliser, les interventions des médecins « indépendants » – j’ai bien lu l’alinéa 26, monsieur le ministre ! –, pour ne pas dire indociles, pour les remplacer par des personnels moins formés ou formés à des disciplines différentes et, surtout, non protégés par leur statut.
M. André Trillard. N’importe quoi !
M. Yves Daudigny. D’où cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La majorité des présents lors de la réunion de la commission des affaires sociales a donné un avis favorable. On peut cependant s’interroger sur les conséquences pratiques de cet amendement. À titre personnel, j’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Éric Woerth, ministre. L’avis du Gouvernement est défavorable.
L’attribution du statut de salarié protégé est exceptionnelle et doit évidemment le rester. En ce qui concerne le médecin, ce statut protégé est lié aux prérogatives qu’il exerce à l’égard du salarié et aux conséquences que peuvent avoir ces prérogatives sur le contrat de travail, par exemple lorsqu’un avis d’inaptitude est rendu. Il convient donc de réserver ce statut protégé au médecin.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Tout d’abord, je note que la majorité de la commission des affaires sociales a rendu un avis favorable.
Ensuite, permettez-moi de vous faire part de mes interrogations car, dans son rapport sur l’avenir de la médecine du travail, le Conseil économique, social et environnemental précise, concernant les infirmiers du travail : « Notre assemblée considère que la voie de la délégation de compétences, déjà expérimentée dans certains services de santé au travail sur la base de protocoles précis établis par le médecin du travail et sous son entière responsabilité, constitue une des solutions mobilisables, sous réserve d’un cadre réglementaire clair et accepté par toutes les parties. »
Ne pourrait-on pas imaginer, monsieur le ministre, que les infirmiers du travail, lorsqu’ils agissent sur délégation de compétences du médecin, bénéficient, dans ce cadre, de la même couverture que le médecin ? Il me semble qu’une telle solution mériterait que l’on y réfléchisse, car elle me paraîtrait normale. Sinon, le médecin va accorder une délégation de compétences, faire réaliser des actes, mais le personnel infirmier n’aura pas la même garantie d’indépendance que le médecin. Il faudrait au moins préciser la portée de la délégation de compétences, pour protéger ces infirmiers qui seront appelés à intervenir toujours plus, puisqu’il n’y a pas suffisamment de médecins du travail.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. La délégation de compétences protège déjà juridiquement l’infirmier. Il n’est donc pas nécessaire de le protéger par l’octroi d’un statut spécial. Je pense que la situation est parfaitement claire. (M. Jean-Pierre Godefroy est dubitatif.)
M. Jacky Le Menn. Ça n’engage à rien !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1003, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Avec cet amendement, nous souhaitons réaffirmer l’importance du sujet de la médecine du travail, qui aurait mérité un traitement de haute tenue. Nous sommes très attachés à cette indépendance, dans la mesure où elle était l’émanation d’un vote unanime de la représentation nationale. Évidemment, nous sommes loin de 1946 !
Le Gouvernement veut organiser la perte de l’indépendance d’action du médecin du travail et nous avons engagé à ce sujet un très long débat qui se poursuit à l’occasion de l’examen de cet article.
Un texte législatif propre à la santé au travail et améliorant les dispositifs actuels – car nous convenons que des améliorations peuvent y être apportées – aurait été souhaitable et nous aurait permis de constater que, bien souvent, la médecine du travail est le parent pauvre, qu’elle manque cruellement de moyens humains et financiers, bien que l’on nous dise le contraire !
M. le président. L’amendement n° 417, présenté par M. Godefroy, Mme Demontès, MM. Bel, Teulade, Le Menn, Daudigny et Desessard, Mmes Le Texier, Jarraud-Vergnolle, Schillinger et Printz, MM. Cazeau, Jeannerot et Kerdraon, Mmes Ghali, Alquier, Campion et San Vicente-Baudrin, MM. Gillot, S. Larcher, Domeizel, Assouline et Bérit-Débat, Mmes M. André, Blondin, Bourzai et Khiari, MM. Bourquin, Botrel, Courteau, Daunis, Guérini, Guillaume, Haut, Mahéas, Mirassou, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Supprimer les mots :
et en fonction des réalités locales
La parole est à M. Claude Jeannerot.
M. Claude Jeannerot. Le nouvel article L. 4622-10 du code du travail créé par cet article 25 quater introduit dans les missions des services de santé au travail la notion de « réalités locales ». Cette rédaction nous inquiète, surtout parce qu’elle est accolée à l’introduction de contrats d’objectifs et de moyens.
Si nous sommes favorables à la définition d’objectifs, parce qu’elle peut porter un certain niveau d’ambition, nous sommes inquiets quant aux moyens : le simple fait d’en parler revient à constater qu’ils manquent et qu’ils vont manquer encore plus. Admettez avec moi que des objectifs sans moyens correspondants ne pourront être tenus. Ou alors, il faudra réviser les objectifs, et nous voyons bien où tout cela mènera.
C’est pourquoi, dans ce contexte, la notion de réalités locales est un élément de restriction supplémentaire. Comment peut-on définir juridiquement les réalités locales ? Les réalités s’imposent : en matière de médecine, de santé et de sécurité, elles peuvent, elles doivent même, justifier un surcroît d’activité et de moyens. Mais il est très inquiétant de définir a priori les missions de services de santé en fonction de réalités locales. En effet, les missions des services de santé au travail ne sauraient être précisées au gré des circonstances locales, par définition variables et évoluant dans le temps.
Les missions de la médecine du travail, telles que nous les concevons, ont un lien direct avec la santé publique. Tous les travailleurs, dans toutes les branches et dans toutes les régions, doivent être traités avec l’ensemble des moyens, non pas les moyens disponibles, mais les moyens nécessaires.
Il faut appliquer à la sécurité des travailleurs les mêmes principes que ceux qui sont déployés au service de la santé publique, sinon on risque de créer de graves inégalités territoriales. On risque aussi d’amener les travailleurs à s’interroger sur ces inégalités, sur la différence de traitement réservée, par exemple, à une épidémie de grippe et à leur souffrance quotidienne, avérée destructrice et assurément mortelle pour nombre d’entre eux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Sur les amendements nos 1003 et 417, la majorité des présents lors de la réunion de la commission des affaires sociales a donné un avis favorable. Cependant, j’émets, à titre personnel, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L’amendement n° 1004, présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.