M. Éric Woerth, ministre. … elle est formidable, surtout ne changeons rien !
Excusez-moi, mais vous défendez là des intérêts corporatistes.
M. Guy Fischer. Non !
M. Éric Woerth, ministre. Ce que j’ai lu parfois dans la presse m’a vraiment choqué. J’ai lu que nous voulions tuer la médecine du travail. Comment voulez-vous que l’on ait un débat si vous prenez des positions de cette nature ? Les personnes qui ont écrit cela représentent, je le répète, des intérêts corporatistes !
M. Guy Fischer. Vous défendez les intérêts patronaux !
M. Éric Woerth, ministre. Quand des personnes, qu’elles soient de droite ou de gauche, se sont posé des questions, elles ont répondu de façon un peu plus fine.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes méprisant et caricatural !
M. Éric Woerth, ministre. Trouvez-vous que la médecine du travail soit réellement en bonne santé aujourd’hui ? Non, nombre de travailleurs ne passent jamais une visite médicale, ce n’est pas normal.
Par ailleurs, il y a un vrai problème de démographie médicale et de statut de la médecine du travail.
Enfin, en réalité, on n’a pas bien défini le rôle de la médecine du travail. L’intérêt des travailleurs, ce n’est pas uniquement de passer une visite médicale tous les deux ou trois ans. L’important, c’est que soit prise en compte la réalité des dangers pour la santé auxquels la personne est exposée tous les jours. Cela nécessite que le médecin, qui exerce dans un service de santé au travail, anime une équipe composée de personnes capables d’étudier les substances auxquelles elle est exposée, la nature du travail demandé, des ergonomes, des psychothérapeutes, qui vont pouvoir considérer éventuellement dans quelles conditions de stress elle travaille. Tout cela est nécessaire, j’imagine que tout le monde est d’accord.... Ces équipes permettront d’améliorer les conditions de travail.
Ensuite, votre grande idée est d’affirmer que nous supprimons l’indépendance du médecin du travail. Où avez-vous vu cela ? (Mme Nicole Bricq s’exclame.)
Vous le répétez en boucle ! Donnez-moi un seul élément dans le texte qui puisse justifier vos dires ! C’est juste un leitmotiv que vous répétez en sautant comme un cabri : « Vous avez tué l’indépendance du médecin du travail ! »
Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Nous ne touchons pas à l’indépendance du médecin du travail ! (Mme Nicole Bricq s’esclaffe. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Madame Bricq, vous riez, mais c’est ce que vous avez dit dans votre intervention, et j’aimerais que vous nous donniez des éléments précis.
Mme Nicole Bricq. Cela va venir !
M. Éric Woerth, ministre. Il ne s’agit pas d’un discours politique, nous parlons de médecine du travail, c’est un sujet sérieux. Donc parlez-en sérieusement !
Lorsque nous parlerons de médecine du travail, je vous citerai l’ensemble des textes qui garantissent l’indépendance du médecin du travail, sa façon d’exercer, son expertise. Évidemment, rien de tout cela n’est touché, bien au contraire ! Si jamais vous trouvez un seul élément qui permette de douter de l’indépendance médicale du médecin du travail, nous le corrigerons.
Le Gouvernement n’a nullement l’intention de remettre en cause une quelconque indépendance du médecin du travail, qui doit être évidemment totalement indépendant dans l’exercice de son métier.
Pourquoi ce chapitre sur la médecine du travail dans ce projet de loi sur les retraites ? Parce que, à partir du moment où l’on évoque la pénibilité, il faut des outils de traçabilité. D’où les deux documents : la fiche individuelle d’exposition aux risques et le dossier médical. Nous simplifions les choses : il y avait trois ou quatre documents auparavant, il n’y en a plus que deux. Les médecins du travail nous l’ont demandé.
Par ailleurs, nous voulons faire en sorte que chacun puisse être à la hauteur de cette prévention nécessaire. Prévention, réparation : nous avons un dispositif complet.
La médecine du travail ne pouvait pas être absente de ce texte, elle devait au contraire être renforcée dans la mesure où nous renforçons la prise en compte de la pénibilité dans le cadre de la retraite. Telles sont les intentions du Gouvernement, voilà ce que contiennent les articles qui vont suivre.
Je rentrerai, si vous le souhaitez, dans le détail de la médecine du travail et de la pénibilité. Il s’agit d’un droit nouveau qui évoluera comme tous les droits, en fonction de l’expérience, mais au moins reconnaissez que le Gouvernement a bien pris en compte la notion de pénibilité dans la retraite. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 358 rectifié est présenté par MM. Collin, Alfonsi, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.
L'amendement n° 981 est présenté par Mme David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour présenter l’amendement n° 358 rectifié.
M. Nicolas Alfonsi. Mes chers collègues, tout semble avoir été dit avant l’examen des amendements, je m’en tiendrai donc à une grande brièveté, qui sera sans doute appréciée dans l’ensemble de cet hémicycle.
M. Bruno Sido. Cela commence très bien !
M. Nicolas Alfonsi. Je voudrais souligner, monsieur le ministre, mais vous y avez déjà partiellement répondu, que l’article 25 instaure un dispositif qui ne tient pas assez compte de l’ampleur de la situation – c’est un euphémisme compte tenu du caractère extrêmement important de cette question – des salariés en matière de pénibilité.
La mise en place d’un système de traçabilité individuelle des expositions à certains facteurs de risques professionnels pris en charge par les médecins du travail ne nous paraît pas totalement pertinente en l’état actuel des choses.
J’observe en effet que ces derniers ont fait part de leur vive opposition au fait de devenir l’autorité en charge du contrôle des conditions d’accès à la retraite anticipée. Je dois dire que j’ai été assez sensible aux arguments avancés à l’instant par M. le ministre.
Par ailleurs, le texte ne définit pas suffisamment les objectifs et les moyens de contrôle assignés aux médecins du travail afin d’évaluer la détérioration de la santé des travailleurs liée à leurs conditions de travail. Si l’on transfère une telle charge aux médecins du travail, encore faut-il que la loi encadre très précisément leurs missions.
Pour ces raisons, si nous ne sommes pas hostiles au suivi individuel des travailleurs et si nous défendons la prise en compte de la pénibilité du travail, nous considérons que le texte proposé ne va pas assez loin, et surtout qu’il ne peut en aucun cas, à lui seul, constituer une politique de prévention de cette pénibilité. Nous demandons, en conséquence, la suppression de l’article 25. (M. Jean-Pierre Plancade applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, pour présenter l'amendement n° 981.
Mme Odette Terrade. Par cet amendement de suppression, nous ne remettons en cause ni l’utilité du dossier médical ni la nécessité de généraliser la traçabilité des risques auxquels les salariés sont exposés tout au long de leur carrière professionnelle, mais nous estimons que ces dispositions, essentielles à la mise en place d’une politique de prévention des risques professionnels et de la pénibilité, n’ont pas leur place dans un projet de loi traitant de la réforme des retraites. En effet, ces dispositions relèvent d’une réflexion plus globale sur la santé au travail.
Incomplet, imprécis, l’article 25 du projet de loi a été voulu par le Gouvernement uniquement parce que le dossier médical en santé au travail et le document d’information sur l’exposition du travailleur aux risques professionnels sont des supports nécessaires au dispositif maintenant à 60 ans l’âge de départ à la retraite pour les salariés victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Ce document leur permet ainsi de justifier de leur taux d’incapacité.
Les médecins du travail nous ont dit souffrir de leur manque d’indépendance vis-à-vis des employeurs ; ils sont empêchés de mener à bien leur mission en raison de l’espacement des visites, faute de pouvoir se rendre dans l’entreprise et de disposer de moyens juridiques contraignants à l’égard de l’employeur, pour faire véritablement cesser les mises en danger de certains salariés. Ils se sont montrés plus que sceptiques concernant cet article, craignant que ces outils, tels qu’envisagés, pour ne pas dire instrumentalisés par le Gouvernement, ne renforcent la mainmise des employeurs sur la médecine du travail, au lieu d’être au service de la santé des salariés.
Nous continuons de considérer que le recensement des postes pénibles en vue d’améliorer les conditions de travail et de mettre en place une surveillance post-professionnelle renforcée devrait se faire dans un cadre général, et non pas être individualisé à outrance, comme le permet le projet de loi.
Ainsi, la pénibilité du parcours professionnel doit faire l’objet d’un accord national interprofessionnel, dont les discussions ont malheureusement été bloquées du fait du MEDEF. Il est irresponsable de la part du Gouvernement de traiter, au détour d’un texte sur les retraites, ce sujet grave pour la santé des salariés, un sujet qui mériterait qu’on lui consacre un texte à part entière.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 25.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. Si vous le permettez, je formulerai quelques remarques avant d’émettre l’avis de la commission sur les deux amendements identiques.
M. le ministre l’a souligné, la commission a réalisé un travail important sur cet article, qui concerne un sujet délicat. Pour le rendre beaucoup plus cohérent, nous avons réorganisé l’ordre des dispositions du projet de loi relatives à la pénibilité afin de distinguer clairement celles qui relèvent de la prévention de celles qui ont trait à la compensation.
Le titre IV se compose désormais de trois chapitres : le premier est consacré à la prévention de la pénibilité, le deuxième à la compensation de la pénibilité et le troisième aux dispositions communes.
Seuls Jean-Pierre Godefroy et Marie-Thérèse Hermange ont traité de cet article, la plupart de nos collègues, notamment de l’opposition, ayant abordé la question de la médecine du travail, visée par l’article 25 quater.
À propos de la médecine du travail, je tiens à dire que le débat à l’extérieur est plus apaisé qu’il ne l’était il y a encore quelque temps. Nous avons reçu des représentants des domaines de la médecine et de la santé notamment, des professionnels bien sûr, mais aussi toutes les associations concernées.
Mme Odette Terrade. Vous ne les avez pas convaincus !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Mardi 5 octobre, alors même que le débat sur les retraites s’engageait ici, nous avons reçu une délégation de médecins qui nous ont confié être satisfaits du travail réalisé.
Mme Odette Terrade. Tout va bien alors ?...
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Certes, tout n’est pas parfait, mais la commission a largement amélioré les principales dispositions du texte ; j’ai même la prétention de dire qu’elle a fait avancer les choses.
M. Charles Revet. La commission a bien travaillé !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. J’ai reçu non pas quelques mails de satisfaction, mais des dizaines de mails émanant de professionnels, essentiellement de médecins bien sûr. Je n’en ai jamais reçu autant !
Mes chers collègues, permettez-moi d’en lire un, qui me semble intéressant :
« C’est au nom du conseil d’administration de la société de médecine de santé au travail que notre société savante, reconnue parmi les acteurs de la santé au travail, œuvre activement dans des actions de formation, d’échange autour des questions relatives à la santé du travail. Représentative du secteur, elle regroupe des médecins, mais aussi des directeurs, […] des infirmiers, des psychologues […]. Je veux vous dire que le texte de la commission des affaires sociales propose de manière tout à fait pertinente une gestion paritaire des services de santé au travail. Il réaffirme la place prépondérante du médecin du travail et aussi la garantie par le directeur ou le président des services de santé au travail de l’indépendance de tous les acteurs de santé au travail. »
Mme Marie-Thérèse Hermange. Bravo !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Nous avons pu faire bouger les choses parce que les membres de la commission possèdent des compétences diverses. Comme certains de nos collègues l’ont souligné, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Annie David et bien d’autres encore ont travaillé sur cette question en amont. Grâce à leurs contributions et à l’écoute que nous avons eue, le texte va aujourd’hui dans le bon sens. D’ailleurs, j’ai entendu peu de réactions contraires à l’extérieur de cette enceinte.
Permettez-moi maintenant d’en revenir à l’article 25, qui permet, comme cela a été dit, une meilleure traçabilité de l’exposition du travailleur aux risques professionnels.
Cette traçabilité est un préalable indispensable, incontournable à une politique de prévention et de réparation de la pénibilité.
La démarche de traçabilité présente trois avantages : elle facilite, dès l’embauche, l’information des salariés sur les risques professionnels qu’ils sont susceptibles d’encourir – relisez, mes chers collègues, le rapport de la commission, car il est complet sur ce point ; elle permet un suivi professionnel et post-professionnel des travailleurs exposés et elle incite à l’amélioration des conditions de travail, ce qui est important, et à l’aménagement des postes en fin de carrière.
L’article 25 améliore cette traçabilité grâce à deux outils, le dossier médical en santé au travail, qui relève du médecin du travail, – nous avons préféré cette dénomination qui figure actuellement dans le code du travail à celle de « carnet de santé au travail » retenue par nos collègues de l'Assemblée nationale – et la fiche individuelle d’exposition aux risques professionnels, remplie par l’employeur, mais qui relève de la responsabilité – mes chers collègues, faites attention aux termes employés dans le texte ! – de l’employeur.
Il donne également une base législative aux trois critères de pénibilité retenus par les partenaires sociaux lors des négociations sur la pénibilité qui ont duré un certain temps : des contraintes physiques, un environnement agressif, certains rythmes de travail.
Vous comprendrez, mes chers collègues, que la commission soit défavorable aux deux amendements identiques de suppression de l’article 25, car ceux-ci sont évidemment contraires à l’esprit du texte.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Ce serait une erreur de repousser l’article 25 de ce projet de loi, qui présente, à mon avis, plusieurs avantages.
Tout d’abord, il légalise le dossier médical,…
Mme Marie-Thérèse Hermange. Exactement !
M. Jean-Pierre Fourcade. … alors que nous connaissons actuellement de réelles difficultés pour mettre en place le dossier médical personnel, comme l’a souligné tout à l'heure Mme Hermange.
Ensuite, l’article 25 permet de décloisonner les rapports entre le médecin du travail et le médecin choisi par l’intéressé, un décloisonnement qui est à la base de la réforme hospitalière que nous suivons aujourd'hui.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parlons-en de la réforme hospitalière !
M. Guy Fischer. C’est un démantèlement hospitalier !
M. Jean-Pierre Fourcade. Le lien entre le médecin du travail et le médecin traitant permettra d’organiser la prévention pour traiter les éventuels cas de pénibilité.
Enfin, cet article présente l’avantage considérable de prévoir un dossier personnel.
J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt les seize orateurs de l’opposition qui se sont exprimés sur cet article : ils raisonnent par catégorie, …
Mme Nicole Bricq. Eh oui !
M. Jean-Pierre Fourcade. … alors que nous raisonnons, nous, par individu.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est une très grande différence !
M. Jean-Pierre Caffet. En effet !
M. Jean-Pierre Fourcade. Mes chers collègues, c’est cela l’humanisme ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
L’humanisme ne consiste pas à parler de la catégorie des éboueurs, de celle des personnes qui travaillent avec des marteaux-piqueurs ou de toute autre catégorie. Nous pensons, pour notre part, qu’il y a, au niveau du travail, une mobilité dans les entreprises,…
M. Guy Fischer. Il y a des spécificités par branche !
M. Jean-Pierre Fourcade. … et il importe de s’occuper des personnes.
C’est pour cette raison que nous sommes favorables à l’article 25 et donc défavorables aux deux amendements identiques. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Si je vous ai bien compris, monsieur Fourcade, l’humanisme consiste à prendre en compte chaque individu.
Mme Marie-Thérèse Hermange. À accompagner chaque individu !
M. Jean-Pierre Caffet. Grand débat !
M. Jean-Pierre Sueur. Grand débat, en effet !
M. Jean-Pierre Caffet. Un grand débat présidentiel !
M. Jean-Pierre Sueur. L’humanisme consiste certes à prendre en compte chaque individu, mais aussi l’intérêt général, et donc la solidarité, car, nous le savons bien, un individu n’est pas une entité isolée.
En l’espèce, nous considérons que les critères objectifs définissant la pénibilité sont indispensables parce qu’ils se traduiraient par la création de droits par rapport à des situations parfaitement définies. Certains travaux sont difficiles pour des raisons physiques, psychologiques ; certains ne peuvent pas être exercés durant une trop longue période et d’autres ne peuvent être exercés au-delà d’un certain âge. Toutes ces données peuvent être évaluées, définies et donc inscrites dans la loi.
Votre démarche serait humaniste, parce que vous prenez en compte chaque individu, et il ne serait donc pas nécessaire de fixer des règles pour établir la pénibilité. Nous pensons, au contraire, que cela va se retourner contre chaque individu. Vous le savez bien, c’est la loi qui protège les individus !
Nous ne partageons pas du tout votre avis, mais nous débattons de manière sereine. Or ce qui nous choque, c’est que chacun doive aller voir son médecin pour détecter une invalidité.
Avec des critères objectifs de pénibilité, on considère qu’une personne ayant exercé la profession de couvreur, par exemple, pendant un certain nombre d’années, a le droit de ne pas travailler jusqu’à soixante-deux ans.
Monsieur le ministre, vous nous avez accusés de ne pas avoir pris en compte la pénibilité lorsque nous avons abaissé à 60 ans l’âge légal de la retraite. Mais, à l’époque, tous ceux qui exerçaient des professions pénibles travaillaient jusqu’à soixante-cinq ans !
M. Jean-Pierre Sueur. Mon collègue Pierre Mauroy en parlerait beaucoup mieux que n’importe lequel d’entre nous ; je vous assure que le jour où ces personnes ont appris qu’elles travailleraient cinq ans de moins,…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elles ont sauté de joie !
M. Jean-Pierre Sueur. … elles ont fêté cela ! Et Pierre Mauroy a eu raison de dire que c’était sans doute l’une des plus grandes lois de la Ve République. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Nous demandons la suppression de cet article, qui ignore, comme le reste du texte d’ailleurs, la réalité du travail, la pénibilité des tâches et les inégalités en matière de santé.
Je tiens à répondre à M. le ministre, qui nous a mis tout à l’heure au défi de prouver que l’indépendance du médecin du travail était remise en cause dans ce texte.
À cet égard, je citerai trois éléments très précis, qui montrent que cette indépendance est menacée.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut être précis !
M. François Autain. Tout d’abord, la légitimité du médecin du travail et son autorité sont fortement remises en cause dans la mesure où celui-ci est placé sous l’autorité d’un chef de service de santé au travail, lequel est lui-même placé sous l’autorité de l’employeur.
Je sais que la commission des affaires sociales du Sénat a apporté à ce texte certaines améliorations.
Il n’empêche que le médecin du travail sera placé, in fine, sous l’autorité de l’employeur.
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bravo !
M. François Autain. Ensuite, ses missions ne seront plus définies, comme par le passé, par la loi, mais par l’employeur, ce qui est entièrement nouveau. (Voilà ! sur les travées du groupe CRC-SPG.)
Enfin, la clause d’autonomie disparaîtra des contrats de médecine du travail. Si vous pensez qu’il n’y a pas là matière à s’inquiéter et que l’indépendance de la médecine du travail n’est pas menacée, je vous prie de m’apporter des éléments susceptibles de me rassurer.
Pour finir, je crains que ce texte ne mette un terme définitif au rôle spécifique et irremplaçable que le médecin du travail joue dans l’entreprise : étude et description des postes de travail, identification des risques et des personnes exposées, reconstitution des parcours professionnels, lecture des fiches de sécurité, dépistage des pathologies professionnelles. Sur tous ces plans, le médecin du travail sera privé de moyens d’action. Ce texte modifiera profondément la nature des tâches confiées au médecin du travail, qui sera par ailleurs sous l’emprise directe de l’employeur.
C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Je souhaiterais revenir sur les propos tenus par M. Fourcade. M. Fourcade oppose la droite, favorable à l’individualisation, à la gauche, qui défend une démarche catégorielle : « Vous marchez tous ensemble », avez-vous dit, monsieur Fourcade. À quel sujet, monsieur Fourcade ? Au sujet de la médecine du travail.
Selon vous, le médecin du travail n’a qu’une vision individuelle des problèmes qui lui sont soumis. Il ne peut donc pas évaluer si telle méthode de production est susceptible de conduire à tel résultat ou de favoriser le développement de tel symptôme.
Mme Marie-Thérèse Hermange. L’un n’exclut pas l’autre !
M. Jean Desessard. Ah… Je constate que vous commencez à considérer qu’une démarche catégorielle est nécessaire et qu’il faut porter attention aux méthodes de production dans leur ensemble. J’aime mieux ça ! Mais ce n’était là le sens de l’intervention de M. Fourcade, me semble-t-il. Il semblait supposer que le médecin du travail devait répondre à un problème individuel par la prescription d’un médicament ou d’un petit moment de repos, sans s’intéresser aux conditions de travail.
Au contraire, le rôle du médecin du travail est, à mon sens, d’étudier les méthodes de production employées, d’évaluer l’impact de l’organisation du travail sur les salariés, de contrôler l’agencement des postes de travail. En effet, ces facteurs déterminent divers symptômes et pathologies et peuvent engendrer des complications à vie. Il est donc heureux que le médecin du travail adopte une démarche globale et s’intéresse aux méthodes de travail.
Je me suis dit que M. Fourcade avait tort pour ce qui est de la médecine du travail. Cependant, je me suis demandé si son raisonnement ne pouvait pas être valable en matière de médecine classique, celle du citoyen. Mais, là encore, une démarche individuelle est profondément néfaste. En effet, comment lier certains cancers à l’usage des pesticides, ou comprendre les pathologies soulevées par certains aliments ou médicaments, par un mode de vie ou de consommation ?
Nous savons aujourd’hui que de nombreuses pathologies, notamment des cancers, sont liées à nos modes de vie et nos méthodes de production. La démarche purement individuelle que vous défendez, monsieur Fourcade, ne permet pas de savoir comment nos méthodes de travail, de production et de consommation déterminent la santé de toute une population. Sur ce point, nous sommes en complet désaccord. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je serai très bref et m’en tiendrai à l’article 25. Vous constaterez que nous n’avons pas déposé d’amendement de suppression. J’aurai l’occasion de m’en expliquer tout à l’heure, lors de la présentation de notre amendement n °400. Pour l’heure, nous nous abstiendrons sur ces amendements de suppression. (Très bien ! sur les travées de l’UMP.)
Puisque je dispose de quelques minutes de temps de parole, je voudrais vous faire part d’une expérience personnelle. Je suis effrayé par l’opposition que vous créez, en matière de reconnaissance de maladie du travail, entre le tout collectif des entreprises et des branches, et le tout individuel. Cela m’effraie, car j’ai l’expérience des victimes de l’amiante.
Dans le cas des victimes de l’amiante, on se trouve devant un paradoxe et une difficulté. Fort heureusement, des entreprises et des branches ont été reconnues responsables. Cela a permis la prise en charge de l’ensemble des salariés de certaines entreprises, comme la Direction des constructions navales, que je connais bien. Cependant, on s’est aperçu que certaines victimes de l’amiante ne pouvaient pas faire valoir leurs droits de façon individuelle, alors même qu’elles y avaient été exposées. En effet, ne peuvent faire valoir leurs droits au FIVA ou au FCAATA que les salariés entrant dans le catalogue des entreprises répertoriées.
Une réflexion à ce sujet est donc nécessaire. Si nous souhaitons être justes, il faudra associer la réparation collective, liée à l’entreprise ou à la branche, à la réparation individuelle des victimes. Voilà ce dont je souhaitais témoigner. Nous y reviendrons tout à l’heure, puisque le débat que nous venons d’engager concerne tous les articles, jusqu’à l’article 26.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Éric Woerth, ministre. Sans vouloir allonger les débats, je tiens à dire que je ne suis en rien opposé aux propos de M. Godefroy. Certes, nous avons adopté une approche collective dans le domaine de l’amiante, en répertoriant les établissements concernés etc. C’était l’exemple même de la démarche collective.
M. Guy Fischer. À qui la devez-vous, je vous prie ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce ne sont pas les patrons qui en ont décidé ainsi !