M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 792, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. L’alinéa 6 de l’article 14 que nous vous proposons de supprimer repousse à 62 ans l’âge de départ à la retraite sans minoration pour les agents nés à compter du 1er janvier 1961.
Il s’agit des emplois de fonctionnaires classés en catégorie active, qui, je souhaite le rappeler, sont ceux qui présentent « un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles ».
Monsieur le ministre, augmenter dans la loi l’âge de départ à la retraite, c’est rayer d’un trait de plume cette particularité. C’est ne pas tenir compte de la diminution probable de l’espérance de vie entraînée par ces risques particuliers ou ces fatigues exceptionnelles. Cela montre, s’il en était encore besoin, que votre insistance sur le critère de l’espérance de vie n’est qu’un prétexte.
Mme Marie-Thérèse Hermange. On nous a dit tout à l’heure que c’était une donnée statistique !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Les femmes seront ici aussi particulièrement touchées, puisque, nous le savons, nombre d’entre elles, dans la fonction publique comme ailleurs, touchent des salaires faibles et leurs carrières sont souvent amputées par des périodes prises, par exemple, pour élever leurs enfants. Beaucoup d’entre elles seront obligées de travailler durant ces deux années supplémentaires pour ne pas percevoir une pension davantage minorée.
Au nom d’une prétendue équité, vous allez finalement pénaliser les fonctionnaires plusieurs fois : en allongeant la durée de cotisation, en augmentant le montant des cotisations et en diminuant le montant de leur retraite.
Je voudrais dire quelques mots de l’augmentation des cotisations, qui, je le souligne, atteindra 34,93 % en dix ans.
D’une part, elle se traduira inéluctablement par une nouvelle baisse du pouvoir d’achat des fonctionnaires. Une telle mesure n’est pas propice à favoriser la relance du pays, qui est pourtant nécessaire pour lutter contre le chômage et, donc, pour faire rentrer des cotisations.
D’autre part, cette augmentation des cotisations remet en cause votre affirmation selon laquelle les fonctionnaires paieraient moins que les salariés du privé, ce qui est totalement faux ! (M. le secrétaire d’État fait un signe de dénégation.) Le taux de cotisation des agents de la fonction publique est de 7,85 % ; celui des salariés du privé de 6,65 % pour la cotisation vieillesse plafonnée, auquel il faut ajouter 0,1 % pour celle qui est déplafonnée, soit 6,75 %. (M. le ministre s’exclame.) Quand vous évoquez un taux de 10,55 %, vous omettez de dire que ce pourcentage intègre la cotisation pour la retraite complémentaire des salariés du privé, dont ne bénéficie pas le secteur public. (M. Jean-Jacques Jégou s’exclame.)
Quel que soit le bout par lequel on le prend, l’article 14 constitue, dans toutes ses déclinaisons, une régression que nous refusons. D’où notre amendement de suppression.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le secrétaire d'État, une question me taraude depuis ce matin lorsque l’on parle d’espérance de vie, donnée statistique, comme le disait à l’instant, Mme Hermange, donc irréfutable.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Je n’ai jamais dit cela ! J’ai simplement précisé que l’on nous avait dit que c’était une donnée statistique !
Mme Raymonde Le Texier. Dont acte !
À plusieurs reprises ce matin, lorsque nous demandions, en raison de la pénibilité de leur métier, le maintien de l’âge de départ à la retraite pour les infirmières, vous nous avez élégamment renvoyé dans nos buts, au motif que leur espérance de vie est équivalente, voire légèrement supérieure, à celle d’une femme lambda.
Dès lors, pourquoi, la semaine dernière, lorsque nous avons évoqué à de très nombreuses reprises l’espérance de vie des ouvriers, qui est inférieure de 7 ans à celle des cadres, n’avez-vous rien voulu entendre et nous avez-vous également renvoyés dans nos buts en refusant de prendre en compte nos amendements visant à maintenir à 60 ans l’âge légal de départ à la retraite et à 65 ans l’âge permettant de bénéficier d’une pension de retraite à taux plein sans décote ? J’aimerais bien avoir une réponse…
M. le président. L'amendement n° 793, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. L’alinéa 7 de l’article 14 repousse à 64 ans l’âge de départ à la retraite sans minoration pour les agents appartenant aux catégories actives de la fonction publique nés à compter du 1er janvier 1959.
Comme l’ensemble de l’article 14, cet alinéa 7 participe de la remise en cause progressive des droits attachés au service actif. Ces droits sont pourtant reconnus depuis plusieurs décennies, au regard, précisément, des difficultés inhérentes aux missions concernées.
C’est une nouvelle régression sociale que vont subir les fonctionnaires, comme le reste des salariés. À vous entendre, les fonctionnaires seraient responsables de la situation de leur régime de retraite : ils ne travailleraient pas assez longtemps et ne cotiseraient pas assez.
Vous omettez bien évidemment de dire que, avec la RGPP, la fonction publique perd chaque année de très nombreux cotisants aux régimes de retraite. Et vous refusez d’en tenir compte dans vos calculs, alors que cela pèse, et pèsera à terme encore plus lourdement, sur les financements. La situation est telle que les effectifs de Pôle emploi connaissent une décrue, alors que le nombre de chômeurs croît !
Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, dans la mesure où vous voulez allonger de deux ans la durée de travail des fonctionnaires, comptez-vous continuer de réduire les remplacements des départs en retraite au nom du dogme de la réduction des dépenses publiques ? Allez-vous augmenter encore le nombre de jeunes susceptibles de travailler dans la fonction publique mais qui y trouveront porte close ? Je vous rappelle que 23 % des jeunes actifs sont au chômage.
Mais votre obsession, c’est de réduire la réponse publique aux besoins des populations pour y substituer une réponse privée. La réforme des collectivités locales, avec laquelle vous êtes aujourd’hui dans l’impasse, a d’ailleurs pour vocation de satisfaire cet objectif.
Tout converge donc pour montrer que cette réforme ne réglera les problèmes de financement des retraites ni à l’horizon 2018 ni à un autre. Tel n’est d’ailleurs pas son objet et nos concitoyens, notamment les salariés, l’ont bien compris. Vous avez, sur ce point, perdu la bataille des idées et de l’opinion. L’immense majorité des salariés, la population et la grande majorité des jeunes rejettent votre réforme : tous refusent de travailler deux ans de plus. (Mme Odette Terrade et M. Guy Fischer applaudissent.)
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, pour explication de vote sur l'article.
Mme Claire-Lise Campion. L’article 14 entend relever de deux années des limites d’âges des fonctionnaires appartenant aux catégories actives de la fonction publique. Cet article ne comporte que des reculs sur les droits des salariés, sans la moindre proposition positive tenant compte de l’évolution de la société. Nous jugeons ce relèvement d’âge injuste et impropre à constituer une réponse aux défis que présente la pérennisation de nos régimes de retraite.
Les limites d’âge fixées ici correspondent à des activités ou des tâches qui ont été jugées comme pénibles. Alors même que le Gouvernement prétend mettre en place un dispositif sur la pénibilité dans le secteur privé, au demeurant très insuffisant, il remet en cause celui qui existe dans la fonction publique.
Nous l’avons dit à de nombreuses reprises, la vie au travail est difficile, en particulier pour certains métiers. La souffrance au travail se développe. De nouvelles pathologies apparaissent.
Aussi, en cohérence avec l’ensemble des propos que nous avons tenus depuis le début de l’examen de ce projet de loi, nous nous opposons à la présente disposition.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explications de vote.
M. Guy Fischer. Tous les arguments que nous avons développés au travers de nos amendements montrent que l’article 14 remet en cause des droits acquis importants et ne tient pas compte des réalités.
Avec cet article 14, qui relève de deux années les limites d’âge des catégories actives de la fonction publique – elles touchent vingt-deux groupes d’emploi –, le Gouvernement reste cohérent au regard des dispositions emblématiques de son texte – je pense aux articles 4, 5 et 6.
Dans le rapport de la commission, un tableau très clair identifie les personnes concernées par l’article 14, que nous voulons plus que jamais voir supprimé : c'est la raison pour laquelle nous avons demandé un scrutin public. (M. François Autain applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je ferai une brève explication de vote pour, bien sûr, soutenir cet article et répondre à plusieurs collègues.
Je répondrai d’abord à notre excellent collègue Jean-Pierre Sueur, qui tournait en dérision l’effort d’optimisation des moyens des fonctionnaires de police et de gendarmerie.
M. Jean-Pierre Sueur. Je ne le tourne pas en dérision !
M. Gérard Longuet. Vous avez, cher collègue, géré une grande ville et les collectivités locales lorsque vous avez exercé des responsabilités ministérielles. Comment pouvez-vous imaginer qu’un corps de fonctionnaires de l’État qui comprend près de 250 000 agents ne puisse pas, sur une période de trois ans, dégager un gain de productivité de 9 000 personnels, ce qui représente un effort de productivité de l’ordre de 1 % par an ? (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
La fonction publique doit être en mesure de se remettre en cause pour dégager une productivité de guère plus de 1 % par an. Nous qui gérons des services importants, nous savons bien que, au fur et à mesure des années, les mauvaises procédures, l’absence d’utilisation de moyens modernes et la duplication d’efforts aboutissent parfois à des sureffectifs. C’est de l’optimisation des moyens, qui est parfaitement à la portée d’un gestionnaire normal d’une très grande administration.
Monsieur Fischer, vous avez évoqué la situation des contrôleurs aériens, en oubliant de préciser que l’un de leurs syndicats avait émis la demande, d’ailleurs repoussée, me semble-t-il, par l’autorité administrative, de pouvoir augmenter leur âge limite d’activité, au motif que les conditions techniques et l’état physique contrôlé permettaient à ceux d’entre eux qui en auraient exprimé le souhait de prolonger leur activité.
Pour revenir sur un sujet que nous avons évoqué hier soir, je voudrais rappeler que les conducteurs de locomotives des exploitants privés du réseau français sont, pour la plupart, des retraités de la SNCF. (M. Yves Pozzo di Borgo opine.)
Voilà les quelques évidences que je souhaitais rappeler. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et sur plusieurs travées de l’Union centriste.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 14.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés pour l’adoption de cet article.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 37 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 336 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 183 |
Contre | 153 |
Le Sénat a adopté.
Article 15
(Non modifié)
L’article L. 5421-4 du code du travail est ainsi modifié :
1° Au 1°, les mots : « âgés de plus de soixante ans » sont remplacés par les mots : « ayant atteint l’âge prévu à l’article L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale » ;
2° À la fin du 2°, les mots : « de soixante-cinq ans » sont remplacés par les mots : « prévu à l’article L. 161-17-2 du même code augmenté de cinq ans ».
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, sur l'article.
Mme Raymonde Le Texier. Transférer des charges pour faire croire que l’on maîtrise les coûts est une technique de gestion inefficace et dangereuse. Or vous en avez fait une méthode de gouvernement inopérante et destructrice.
L’article 15 illustre votre démarche en la matière. En relevant les âges limites de versement des indemnités aux travailleurs privés d’emploi, dans les mêmes conditions que les bornes d’âge en matière de retraite, le Gouvernement organise concrètement la transformation des jeunes retraités en vieux chômeurs.
À l’assurance chômage de prendre le relais de ce qui relevait de la retraite ! Les nouveaux chômeurs y perdront ce que les employeurs y gagneront. Chacun sait en effet que les indemnités liées au chômage sont plus réduites, moins pérennes et, surtout, moins coûteuses pour les entreprises.
Avec seulement 17 % des 60-64 ans dans l’emploi, on mesure à quel point le relèvement de ces bornes d’âge pèsera sur les comptes de l’UNEDIC : plus de 1 milliard d’euros sur la période 2015-2017. Voilà le résultat de l’impact de votre réforme sur les comptes de l’UNEDIC !
L’impact sur les hommes et les femmes qui seront concernés n’est pas seulement quantitatif. Bien sûr, les conséquences de cet article seront mauvaises pour leurs finances, mais elles seront encore pires pour leur moral.
Alors que rien n’est fait pour favoriser le maintien dans l’emploi des seniors, alors qu’aucune réflexion n’a été amorcée pour mettre en place une autre politique des âges, au sein de l’entreprise comme dans notre société, vous choisissez de livrer aux affres de la fin de droits ceux qui n’aspiraient qu’à vivre enfin de leur retraite.
Loin de mobiliser tous les outils possibles pour remettre la question de l’emploi au cœur de la problématique de la gestion du vieillissement, vous faites l’aumône d’une aide à l’embauche des plus de 55 ans et d’un discours sur le tutorat, dépourvu de toute mesure concrète. J’en veux pour preuve cette palinodie que constitue l’obligation affichée pour les entreprises de plus de cinquante salariés de conclure un accord ou de mettre en place un plan d’action pour leurs salariés seniors. Soumise à aucune sanction, n’ayant fait l’objet d’aucun débat, ne donnant lieu à aucune mesure concrète, cette disposition est le cache-misère de la désertion de ce gouvernement du front de l’emploi des seniors.
Dommage, car d’autres ont su se battre sur ce front-là et ont obtenu des résultats. Dans les pays nordiques, par exemple, l’effort a notamment porté sur le relèvement du taux d’emploi des quinquagénaires. La question de la valorisation de ce patrimoine humain les a conduits à mettre en place une politique globale axée sur le maintien de l’employabilité de leurs salariés. Ils ont ainsi pu faire changer le regard que les entrepreneurs portaient sur les seniors.
Anticipant la pénurie de main-d’œuvre que le départ des baby-boomers du marché de l’emploi devrait susciter, ils ont su, d’un côté, attirer et fidéliser les jeunes générations et, de l’autre, retenir les seniors. C’est ainsi que la Suède et la Finlande ont réussi à créer un consensus autour de l’importance d’améliorer le bien-être au travail et de proposer des perspectives de développement professionnel aux différents âges de la vie.
Notre gouvernement, lui, a été incapable de s’emparer de cette question.
Cet article parachève donc le véritable objectif du Gouvernement : afficher une réduction des déficits de la branche vieillesse en maintenant les plus faibles dans la précarité et en transférant à l’assurance chômage ce qui relève du droit à la retraite.
Une gestion aussi calamiteuse ne saurait avoir le soutien du groupe socialiste. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, sur l'article.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Comme vous le savez, cet article prévoit le relèvement progressif des âges limites de versement des indemnités destinées aux travailleurs privés d’emploi. En d’autres termes, il se contente de créer des chômeurs plus âgés que ceux que nous connaissons jusqu’à présent.
En effet, comme l’énonce le rapport, cet article vise uniquement à « mettre en cohérence les dispositifs relatifs à l’indemnisation des travailleurs involontairement privés d’emploi avec les mesures de relèvement des âges de retraite ». L’adverbe « involontairement » est ici assez savoureux !
C’est bien là où se situe le problème. Cet article n’a pour objectif que d’être une simple mesure de coordination afin de donner de la cohérence à des mesures qui, lorsqu’elles sont prises toutes ensemble, constituent un texte particulièrement injuste et idéologique.
Cet article, et plus généralement votre texte, n’apporte aucune solution pour réduire le chômage, notamment celui des seniors. Rien ou presque rien. La seule mesure que vous avancez n’aura malheureusement aucun effet durable sur le taux d’emploi des seniors. En effet, cette mesure, qui est contenue à l’article 32 et qui est constituée d’une énième exonération des charges patronales pour l’embauche de seniors, a déjà démontré son inefficacité. Elle n’aura qu’un effet d’aubaine pour les entreprises et creusera un peu plus les déficits des comptes sociaux.
Vous n’explorez donc aucune piste nouvelle pour tenter de résoudre le chômage, qui ne cesse de progresser.
Au final, avec votre texte, vous faites une double erreur : aucune action concrète pour favoriser l’emploi ; aucune action concrète et équitable pour un vrai droit à la retraite. En bref, vous voulez maintenir des gens dans un emploi qu’ils n’ont pas. Cette situation paradoxale, nous la dénonçons.
Prévoir que les chômeurs pourront maintenant percevoir des indemnités de chômage jusqu’à 67 ans ne résout rien. Vous créez simplement une nouvelle catégorie de chômeurs, plus âgés.
Il s’agit donc d’un transfert de charges, qui pose d’ailleurs de gros problèmes aux partenaires sociaux, car ceux-ci ne savent pas encore comment cette mesure sera financée.
La réponse à cette question, vous la renvoyez à plus tard. Aujourd’hui, l’important pour vous, monsieur le ministre, c’est de faire adopter ce texte, et peu importe les problèmes qu’il posera. Pourtant, le problème est soulevé : comment financera-t-on l’indemnisation des chômeurs âgés ?
Le troisième âge va désormais entrer en force dans les agences de Pôle emploi. Il va ainsi pouvoir faire connaissance avec les moins de 28 ans, chômeurs eux aussi ! C’est magnifique de votre part de rapprocher les générations afin qu’elles cherchent ensemble un emploi…
Nous sommes donc ici dans une situation quelque peu étrange : de 16 ans à 67 ans, tous au chômage, tous précaires et tous à Pôle emploi !
À ce propos, comment ne pas évoquer le marasme créé par votre fusion entre l’ANPE et les l’ASSEDIC. Les appels répétés du personnel de Pôle emploi commencent à devenir très sonores. Puisque tout est possible avec M. Sarkozy, la promesse est ici tenue…
M. François Autain. Eh oui !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre, sur l'article.
Mme Marie-Agnès Labarre. Cet article prévoit le relèvement progressif des âges limites de versement des indemnités destinées aux travailleurs privés d’emploi. En d’autres termes, il se contente de créer des chômeurs plus âgés que ceux que nous connaissons jusqu’à présent.
En effet, comme l’énonce le rapport, cet article vise uniquement à « mettre en cohérence les dispositifs relatifs à l’indemnisation des travailleurs involontairement privés d’emploi avec les mesures de relèvement des âges de retraite ».
C’est bien là où se situe le problème. Cet article n’a pour objectif que d’être une simple mesure de coordination afin de donner de la cohérence à des mesures, qui, lorsqu’elles sont prises toutes ensemble, constituent un texte injuste et idéologique.
Cet article, et plus généralement votre texte, n’apporte aucune solution pour réduire le chômage, notamment celui des seniors.
Au final, vous faites une double erreur : au lieu de tout faire pour que nos concitoyens puissent, d’une part, occuper un emploi au cours de leur vie active et, d’autre part, avoir à l’issue de cette période un vrai droit à la retraite, vous mélangez tout.
Vous devriez plutôt agir pour que, du sortir de l’école au moment de la retraite, les Français trouvent et conservent un emploi bien payé et de qualité, puis, arrivés à 60 ans, qu’ils jouissent d’un droit à la retraite bien mérité. Au lieu de cela, vous n’agissez pas pour réduire le chômage, tout en décidant de prolonger la durée de cette vie active en reculant l’âge de la retraite.
Prévoir que les chômeurs pourront maintenant percevoir des indemnités de chômage jusqu’à 67 ans ne résout rien. Vous créez simplement une nouvelle catégorie de chômeurs, plus âgés. Il s’agit donc d’un transfert de charges, qui pose d’ailleurs de gros problèmes aux partenaires sociaux, car ceux-ci ne savent pas encore comment cette mesure sera financée. Il est vrai que ce n’est pas votre souci, monsieur le ministre, puisque vous avez renvoyé les réponses à toutes ces questions à plus tard.
Si nous voulions être un peu ironiques, nous pourrions vous conseiller d’accompagner cette mesure de dispositions beaucoup plus prosaïques concernant l’aménagement des agences de Pôle emploi. Par exemple, équipez-les de davantage de sièges, car, passé un certain âge, attendre debout dans une file d’attente pendant des heures est fatiguant. Prévoyez également des rampes inclinées pour recevoir les chômeurs se déplaçant avec un déambulateur.
Alors que le chômage est un problème si grave dans notre pays, vous demandez à des personnes déjà âgées de se maintenir dans l’emploi et de se remettre, s’il le faut, à en chercher.
Finalement, le premier objectif de votre texte, comme l’a dit ma collègue Mathon-Poinat, est d’encourager le rapprochement entre les générations. À Pôle emploi aussi, les générations se donnent la main et cherchent ensemble du travail qui n’existe pas.
Les agents de Pôle emploi, dont nous saluons d’ailleurs le travail, vont devoir s’habituer à s’adresser à un public encore plus vaste. De 16 à 67 ans : tous au chômage et tous précaires ! Car à Pôle emploi se retrouvent tous les exclus du travail, tous les exclus de votre système, qui n’est construit que pour quelques-uns. Et quand ces mêmes personnes ont épuisé leurs droits chez Pôle emploi, savez-vous où on les retrouve ? À la Soupe populaire ou dans la rue, même à 67 ans !
Voilà pourquoi nous sommes contre cet article. Quant à l’ensemble de votre texte, il demeure dans le déni : il augmente les bornes d’âge et le nombre de trimestres nécessaires pour partir à la retraite, mais il fait tout cela sans se soucier de savoir si nos concitoyens ont du travail. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG. – M. Jean-Pierre Godefroy applaudit également.)
M. François Autain. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, sur l'article.
Mme Catherine Tasca. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec cet article 15, le Gouvernement entend procéder progressivement au relèvement des âges limites de versement des indemnités destinées aux travailleurs privés d’emploi. C’est une conséquence directe du recul des bornes d’âge de la retraite.
Cette disposition n’est pas seulement technique, puisqu’elle entraînera un transfert de charges de la branche retraite sur les allocations chômage, notamment.
Comme nous le savons, la croissance reste faible. Si le Gouvernement table sur un taux de 2 % pour l’année prochaine, de nombreux experts estiment que le chiffre ne sera pas supérieur à 1,3 %. Or nous savons qu’en dessous de 2 % le potentiel de création d’emplois est faible, voire nul selon certains commentateurs qui considèrent que la reprise pourrait s’effectuer sans baisse notable du nombre de demandeurs d’emploi.
S’ajoute à cela le fait que le Gouvernement a engagé une politique d’austérité qui aura, elle aussi, des conséquences sur le volume des demandeurs d’emploi.
La croissance n’est pas tout.
Il est indispensable de soutenir l’activité économique. Or, le Gouvernement a fait un choix contraire en menant une politique d’austérité. Les dépenses de l’État seront gelées en valeur pendant trois ans, c’est-à-dire qu’elles ne suivront même pas l’inflation, dont le taux est prévu à 1,5 % en 2011, puis à 1,75 % en 2012 et 2013.
Votre logique est donc contre-productive. Votre politique de rigueur va fragiliser le nécessaire soutien dont nos concitoyens et notre économie ont besoin.
De ce fait, nos chances de renouer avec la reprise économique sont amoindries et la baisse du nombre de demandeurs d’emploi est compromise.
Or, c’est bien l’emploi et son développement qui sont au cœur de la problématique. Le Gouvernement ne semble pas avoir pris conscience de cet enjeu majeur. Cette disposition en est une nouvelle illustration.
Comme nous l’avons vu non seulement au cours de la discussion générale, mais également à l’occasion de l’examen des articles, seulement 39 % des personnes de 55 à 64 ans sont en situation d’emploi. Dans la tranche comprise entre 60 ans et 64 ans, seulement 17,1 % des personnes ont un emploi, soit quinze points de moins que la moyenne européenne.
À ce titre, selon une récente parution de Pôle emploi consacrée aux perspectives économiques, la hausse du chômage a été la plus marquée pour les demandeurs d’emploi de 50 ans ou plus, à hauteur de 7,5 %.
Dans ce contexte, le déplacement des bornes d’âge pèsera donc sur le nombre de seniors demandeurs d’emploi.
Certes, vous mettez en place un certain nombre de mesures telles que le tutorat, mais c’est bel et bien d’une mobilisation générale pour l’emploi des seniors dont nous avons besoin.
À défaut, ces mesures risquent fort de se solder par de nouveaux échecs, comme ce fut le cas avec votre tentative d’inciter les entreprises de plus de cinquante salariés à se doter d’accords sur l’emploi des seniors ou à définir un plan d’action sur le sujet. Nous savons tous que les effets ont été on ne peut plus minces.
L’autre dimension concerne les implications financières. Qu’en sera-t-il des conséquences sur les allocations chômage ? Ne s’agit-il pas d’un transfert de charges d’une branche à l’autre ? En tout cas, c’est ce que nous pensons.
En outre, comment évoluera le nombre de bénéficiaires du RSA et des minima sociaux ?
Pour ce qui est du RSA, le 30 septembre dernier, le Gouvernement a annoncé sa prévision de passer à 935 000 bénéficiaires en 2011, puis à 1,13 million en 2012 et, enfin, à 1,2 million en 2013.
Ces chiffres intègrent-ils les conséquences du recul des bornes d’âge ? Nous l’ignorons, puisque, aux dires du ministre de la jeunesse et des solidarités actives, cette montée en charge n’a été pensée qu’au regard d’une possible reprise économique. Monsieur le ministre, nous aimerions avoir votre propre réponse sur ce point.
Vous l’aurez compris, en cohérence avec l’ensemble de nos prises de position mais aussi au regard des effets importants et négatifs que ce relèvement des âges limites aura sur les allocations chômage ainsi que sur l’ensemble des minima sociaux, nous nous opposons à l’adoption de cette disposition et nous présenterons un amendement de suppression.