Mme Isabelle Pasquet. Le journalisme est un métier de passion, et les exemples ne manquent pas de journalistes, souvent éditorialistes, qui continuent à exercer bien au-delà de l’âge légal de la retraite. Cependant, il s’agit de l’arbre qui cache la forêt.
En effet, les journalistes rémunérés à la pige sont de plus en plus nombreux. Selon les statistiques de la Commission de la carte d’identité des journalistes professionnels, en 2009, les pigistes représentaient près de la moitié des demandeurs de carte.
Cette évolution touche en priorité les jeunes qui entrent dans le métier. Souvent payés au feuillet publié à leurs débuts, ils multiplient les CDD, parfois à outrance, et attendent de plus en plus longtemps avant de trouver un emploi stable et durable.
Quant aux plus âgés, exclus dès 55 ans des rédactions, il ne leur reste souvent que des « petits boulots » pour tenir jusqu’à la retraite, ce qui grève d’autant leurs cotisations et, par voie de conséquence, leurs futures pensions.
Cette précarisation affecte aussi les rémunérations, puisque certaines grilles comportent encore des salaires d’embauche inférieurs au SMIC, notamment dans la presse locale.
Ce métier qui fait rêver, que les jeunes acceptent parfois d’exercer dans des conditions qui flirtent avec l’illégalité, s’est profondément transformé. L’arrivée d’internet a bouleversé les méthodes de travail et les rédactions exigent maintenant de leurs journalistes qu’ils sachent tout faire en même temps : écrire, prendre du son, photographier, filmer, monter un sujet, mettre en page un article ou retraiter un papier pour le web ou le téléphone mobile : ces tâches étaient auparavant réparties entre deux ou trois personnes différentes.
Cette pénibilité accrue engendre du stress ; les conditions de travail se dégradent.
Même s’il est vrai que la question de la retraite des salariés de ce secteur, comme celle du statut et des droits afférents à la profession, est souvent négligée par les journalistes eux-mêmes, elle se pose pourtant avec acuité. En effet, l’allongement de la durée de cotisation privera la grande majorité de ces professionnels d’une retraite décente.
M. le président. L'amendement n° 707, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des laboratoires cinématographiques et sous-titrage du 17 mars 1999.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Chers collègues de la majorité, je m’efforcerai d’être concise, car je crains fort que, sinon, nous n’ayons à déplorer quelques malaises dans vos rangs… (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)
Par cet amendement, nous entendons prévoir que les dispositions de l’article 6 du présent projet de loi ne s’appliquent pas aux assurés dont l’activité professionnelle relève de la convention collective des laboratoires cinématographiques et sous-titrage du 17 mars 1999.
Ces personnels sont assez mal lotis au regard de leurs conditions de travail particulières, qui expliquent qu’ils n’atteignent pas toujours en bonne santé l’âge de la retraite sans décote.
En effet, ils manipulent de nombreux produits toxiques dont les effets sur la santé sont avérés. Leur espérance de vie en bonne santé est donc amputée de plusieurs années par rapport à d’autres catégories de salariés.
Monsieur le ministre, votre projet de repousser de deux années l’âge auquel les salariés pourront partir à la retraite sans subir de décote constituera pour eux, comme pour beaucoup d’autres, un très mauvais coup.
Pour décider de ce recul de l’âge de la retraite à taux plein, vous n’avez tenu aucun compte des réalités de chaque profession, agissant en comptable qui veut à tout prix réaliser des économies.
Partir à la retraite à 60 ans avec une retraite à taux plein doit demeurer un droit. C’est un progrès social, qui correspond à un choix de société qu’il serait possible, si vous le vouliez, de financer.
M. le président. L'amendement n° 708, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de la manutention portuaire du 31 décembre 1993.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. Par cet amendement, nous entendons prévoir que les dispositions de l’article 6 du présent projet de loi ne s’appliquent pas aux assurés dont l’activité professionnelle relève de la convention collective de la manutention portuaire du 31 décembre 1993.
Les salariés qui ne peuvent pas bénéficier d’une pension complète à l’âge légal du départ à la retraite sont ceux qui n’ont pu valider un nombre suffisant de trimestres ; la plupart du temps, c’est parce qu’ils travaillent dans un secteur difficile, où les contrats sont irréguliers, où la précarité est devenue la règle, où les CDI appartiennent à l’histoire ancienne et où le temps partiel est très souvent imposé.
Tous ces salariés auront donc du mal à obtenir une retraite à taux plein et votre réforme, monsieur le ministre, va vraiment aggraver leur situation.
La situation est encore pire quand il s’agit de métiers qui sont et ont toujours été pénibles, comme ceux de la manutention portuaire.
Le seul mot « manutention » suffit à indiquer que, dans ces métiers, on porte des charges et on travaille à l’extérieur. Le corps y est soumis à rude épreuve. Monsieur le ministre, pensez-vous que, à 67 ans, on soit encore vraiment en mesure d’exercer ce type de travail ?
M. Roland Courteau. Certainement pas !
Mme Isabelle Pasquet. Pensez-vous qu’il soit envisageable d’appliquer à ces personnes le relèvement de l’âge ouvrant droit à la retraite à taux plein et celui de l’âge légal de départ à la retraite ? À ces deux questions, nous répondons par la négative.
M. le président. L'amendement n° 709, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de la meunerie du 16 juin 1996.
La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Cet amendement vise à exclure du champ d’application de l’article 6 les assurés dont l’activité professionnelle relève de la convention collective des meuniers.
En raison de la pénibilité de leur métier, nous estimons indispensable de ne pas appliquer à ces salariés le report de 65 ans à 67 ans de l’âge de départ à la retraite sans décote.
Les meuniers sont en effet confrontés à des problèmes de santé qui, s’ils demeurent parfois inconnus, n’en sont pas moins extrêmement pénalisants. Ils sont par exemple victimes d’un asthme professionnel déclenché par l’inhalation quotidienne de protéines d’origine végétale.
M. Roland Courteau. C’est vrai !
M. Jean-François Voguet. Cet asthme professionnel touche particulièrement les boulangers, les pâtissiers et les meuniers, dont la mission est de transformer le blé en farine.
Des réactions allergiques peuvent apparaître, ainsi que des symptômes respiratoires asthmatiques, parfois longtemps après le début de l’exposition et les premières gênes ressenties. Cet asthme est reconnu comme une maladie professionnelle, car les problèmes respiratoires se manifestent principalement sur le lieu de travail et l’état respiratoire se détériore particulièrement durant les périodes de travail, alors qu’il s’améliore nettement, au contraire, pendant les congés longs.
Le seul moyen d’améliorer la situation respiratoire est ainsi d’éviter l’exposition à l’agent responsable de l’asthme, en l’occurrence la farine, ce qui signifie, pour des meuniers, la cessation de leur activité professionnelle.
Nous souhaitons que cette profession en voie de raréfaction ne soit pas soumise à des conditions d’accès à la retraite trop strictes, eu égard aux difficultés rencontrées dans son exercice.
Outre cette maladie, qui justifie largement un départ à la retraite à 65 ans, le métier de meunier est en lui-même éprouvant. Les moulins d’aujourd’hui sont quelquefois automatiques, mais souvent seulement semi-automatiques, et parfois même exclusivement manuels. Il faut, dans un premier temps, trier le blé, puis le brosser et l’humidifier avant de le broyer et, enfin, de le tamiser pour le transformer en farine.
Toutes ces étapes d’un métier encore manuel exigent, la plupart du temps, la station debout, ce qui engendre une grande fatigue physique. S’il s’y ajoute un nombre important d’heures de travail quotidien, ce métier peut être très pénible. Le stress et la fatigue physique et psychologique sont autant d’éléments qui affectent les meuniers et nécessitent le maintien de la retraite à taux plein à 65 ans. La retraite de ces travailleurs dont la carrière professionnelle commence très tôt doit être préservée. Cet amendement me semble juste.
M. le président. L'amendement n° 710, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des ouvriers du bâtiment de la région parisienne du 28 juin 1993.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Par cet amendement, nous entendons prévoir que les dispositions de l’article 6 du présent projet de loi ne s’appliquent pas aux assurés relevant de la convention collective des ouvriers du bâtiment de la région parisienne du 28 juin 1993.
Chacun le sait, travailler dans le bâtiment est, depuis toujours, pénible, même si vous nous avez expliqué, monsieur le ministre, que le maçon d’aujourd’hui n’est pas celui de 1981. Est-il un travail plus usant physiquement que celui qui s’effectue dehors, par tous les temps, pour construire ou réparer des bâtiments ?
Ce métier est particulièrement traumatisant pour le corps. Les travailleurs et travailleuses qui l’exercent en gardent les traces et stigmates. Is sont marqués dans leur chair et sont fréquemment victimes de blessures ou d’accidents.
Pour ces salariés qui travaillent avec leur corps, chaque année de travail pèse particulièrement lourd. Avec le temps, il leur devient de plus en plus difficile de se lever et d’enfiler leur bleu de travail.
À ces conditions de travail excessivement pénibles s’ajoute une forte précarité. Les CDI, de plus en plus rares, sont remplacés le plus souvent par des contrats de chantier. Et encore est-il bien beau que le travail s’accompagne d’un contrat dans ce milieu, en particulier pour les travailleurs sans papiers, dont sont friandes les grandes entreprises françaises, que le prochain projet de loi sur l’immigration s’apprête à exonérer de toute responsabilité en cas de travail illégal…
Un travail pénible, une grande précarité et des salaires souvent très bas : tous les ingrédients pour une petite retraite prise à l’âge de suppression de la décote sont réunis. Par conséquent, pour ces travailleurs, voir ainsi repoussé de deux années l’âge auquel ils pourront obtenir une retraite à taux plein représente une évolution d’une violence inouïe. Comment osez-vous leur dire qu’ils doivent faire un petit effort de solidarité et, comme tout le monde, travailler deux années de plus, alors que, à 45 ans, leur corps est déjà fatigué, voire usé ?
Monsieur le ministre, nous sommes définitivement contre l’extension aux ouvriers du bâtiment de ce relèvement de l’âge de la retraite à taux plein à 67 ans. Une telle décision n’est tout simplement pas acceptable, car cela signifiera souvent, pour eux, pas de retraite du tout : la faucheuse sera passée avant l’échéance… Monsieur le ministre, ce sont de bien sombres économies que vous feriez là.
M. le président. L'amendement n° 711, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment non visées par le décret du 1er mars 1962 (c'est-à-dire occupant plus de 10 salariés) du 8 octobre 1990.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. La reconnaissance de la pénibilité ne doit pas être banalisée. Nous voulons passer à une autre culture du travail, dans laquelle santé et emploi seront indissociables.
Il faut briser les lois du capitalisme, qui conduisent à laisser un employeur abîmer la santé des salariés pour, parfois, seulement quelques euros de gain. Pendant que le patronat se gave, les ouvriers triment, sans que leurs salaires augmentent et qu’ils bénéficient des profits engendrés par leur force de travail. (Murmures sur les travées de l’UMP.)
M. David Assouline. Oui, ils se gavent !
Mme Isabelle Pasquet. Les ouvriers du BTP rencontrent des contraintes plus importantes que ceux des autres secteurs : intempéries, bruit, port de charges lourdes, gestes répétitifs, postures pénibles, travail debout. Plusieurs contraintes s’exercent souvent sur leur dos et les articulations de leurs membres supérieurs : 31 % d’entre eux en subissent au moins trois, contre 12 % des autres ouvriers. Lombalgies, sciatiques, hernies discales et tendinites souvent invalidantes et provoquent de plus en plus souvent des inaptitudes médicales, bien avant l’ouverture des droits à la retraite.
Par ailleurs, la prévalence des maladies cardiaques est double de la moyenne parmi les ouvriers du bâtiment, qui présentent en outre trois fois plus de cancers du poumon que la population générale et dix fois plus de cancers des voies aériennes supérieures.
Parce qu’il est impensable de reculer l’âge de la retraite pour cette catégorie du salariat, nous demandons qu’elle soit exclue du champ d’application du dispositif de l’article 6.
M. le président. L'amendement n° 713, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des ouvriers, employés, dessinateurs, techniciens et agents de maîtrise de la production des papiers, cartons et celluloses du 20 janvier 1988.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Cet amendement vise à exclure du champ d’application de la future loi les salariés relevant de la convention collective des ouvriers, employés, dessinateurs, techniciens et agents de maîtrise de la production des papiers, cartons et celluloses du 20 janvier 1988.
En effet, l’allongement de la durée de cotisation serait, pour ces salariés, une sanction d’autant plus brutale que le secteur papetier traverse une grave crise depuis plusieurs années.
Tout récemment encore, le 17 septembre 2010, les employés de la papeterie de Saint-Michel et ceux des papeteries de Veuze, à Magnac, apprenaient les uns la fermeture de leur entreprise, les autres sa liquidation judiciaire. Un nombre important de salariés perdront leur emploi et iront grossir les rangs des demandeurs d’emploi. Ces rangs, le Gouvernement ne cherche pas à les réduire sérieusement, comme l’atteste la diminution annoncée des budgets consacrés à la politique de l’emploi.
Dans ce contexte, le rallongement de la durée de cotisation est synonyme d’une baisse programmée des pensions, que l’on ne peut accepter.
M. le président. L'amendement n° 714, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective du personnel au sol des entreprises de transport aérien du 22 mai 1959.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Au travers de cet amendement, les sénateurs du groupe CRC-SPG souhaitent souligner que, en raison de la pénibilité de leur travail, les salariés relevant de la convention collective du personnel au sol des entreprises de transport aérien doivent être exclus du champ d’application des dispositions de l’article 6.
Parce qu’ils sont soumis à des conditions de travail difficiles, il importe de prendre en compte, dans leur cas, le critère de l’espérance de vie en bonne santé, et non la seule notion d’espérance de vie. Exerçant leur profession dans un environnement agressif dont les effets sur la santé sont différés, ces salariés concernés par des rythmes de travail pénibles, souvent décalés, n’ont pas la possibilité de vivre ensuite, comme d’autres, une retraite en pleine santé.
Reculer l’âge de départ à la retraite les priverait de cinq années au moins de vie en bonne santé. En ce qui concerne le personnel au sol des entreprises de transport aérien, le seul critère de l’espérance de vie ne permet pas d’appréhender la totalité des phénomènes, alors que la difficulté de leurs conditions de travail est reconnue.
Exonérer ces salariés des dispositions du présent article permettrait de garantir le principe fondamental du droit à la retraite, à savoir le droit à l’épanouissement pour chacun après une vie de travail.
M. le président. L'amendement n° 715, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective du personnel de l'industrie, de la manutention et du nettoyage sur les aéroports ouverts à la circulation publique du 1er octobre 1985.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Je me suis replongé dans Marx. (Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.)
Permettez-moi de vous lire un passage de ses Manuscrits, publiés en 1844, où il est bien sûr question du travail.
M. René Garrec. On en redemande !
M. Guy Fischer. « Oui, le travail lui-même devient un objet dont il – l’ouvrier – ne peut s’emparer qu’en faisant le plus grand effort et avec les interruptions les plus irrégulières. L’appropriation de l’objet se révèle à tel point être une aliénation que, plus l’ouvrier produit d’objets, moins il peut posséder et plus il tombe sous la domination de son propre produit, le capital. » (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
Voici une seconde citation, un peu plus provocatrice : « Plus l’homme projette de choses en Dieu, moins il en garde en lui-même. L’ouvrier place sa vie dans l’objet. Mais alors celle-ci ne lui appartient plus, elle appartient à l’objet. »
Déjà, à cette époque, Karl Marx avait compris que le mépris à l’égard de l’ouvrier se perpétuerait, fût-ce sous des formes totalement nouvelles. Sur le fond, son analyse conserve toute sa pertinence aujourd’hui. Existe-t-il toujours un mépris à l’égard des professions pénibles ? On peut parfois le penser, lorsqu’on voit les réticences que suscite chez certains la reconnaissance de la pénibilité.
Pour notre part, nous souhaitons que les professions qui relèvent de la convention collective du personnel de l’industrie, de la manutention et du nettoyage sur les aéroports ouverts à la circulation publique du 1er octobre 1985 soient exonérées de l’application des mesures de l’article 6.
M. Nicolas About. « C’est dans la pratique qu’il faut que l’homme prouve la vérité », disait aussi Marx !
M. le président. L'amendement n° 716, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective du personnel des agences de voyage et de tourisme du 12 mars 1993.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Les personnels des agences de voyage et de tourisme ont vu leurs métiers évoluer du fait du développement de l’informatique. (Mme Catherine Procaccia manifeste son impatience.) Cela va vous intéresser, madame Procaccia, vous verrez !
Cette profession, pour les emplois les moins qualifiés, revêt, on l’ignore souvent, un aspect très mécanique. Avec l’informatisation des tâches, on pourrait croire, à tort, que cet aspect a été gommé. Il n’en est rien ; au contraire, cette dimension mécanique a été amplifiée, car désormais les employés doivent travailler au rythme de la machine.
Bien souvent, le travail des agents de voyage et de tourisme est comparé à un travail d’horlogerie, du fait de l’attention constante que réclament leurs différentes tâches. Cet effort d’attention engendre des tensions. En effet, le conseiller en voyages ou le conseiller en billetterie est en rapport permanent avec le client, ce qui le met sous pression, et doit faire le bon choix au bon moment, et au bon tarif. Il lui revient de trouver et de sélectionner la bonne information pour le client.
Toutes ces tâches doivent être accomplies dans de brefs délais, cette exigence de célérité s’étant accrue avec le développement des plateformes sur internet. Aujourd’hui, le client peut en effet trouver lui-même l’information, et il exige donc de l’agent une réponse plus rapide et plus fiable.
De plus, cette tension permanente s’amplifie du fait que les responsabilités, les tâches et donc les salaires sont directement liés au chiffre d’affaires engendré. Ce climat de travail a pour conséquence que la profession compte très peu de travailleurs âgés. À 60 ans, ils ont soit quitté la profession, soit ouvert leur propre agence, ce qui est de plus en plus rare compte tenu de la tendance à la concentration dans le secteur.
En effet, si l’on examine le panorama de branche du secteur des métiers du voyage et du tourisme publié en 2009 par l’organisation nationale des professionnels du voyage, le SNAV, qui rassemble plus 70 % des agences, on constate qu’un tiers des salariés ont moins de 30 ans et que plus des trois quarts d’entre eux sont des femmes. Aussi le recul des bornes d’âge que vous persistez à prôner aura-t-il, sur cette catégorie de salariés également, les effets néfastes que nous dénonçons depuis le début de cette discussion, avec un nivellement par le bas des droits et des pensions.
M. le président. L'amendement n° 719, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective du personnel ouvrier de l'industrie de fabrication des ciments du 2 février 1976.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Les personnes employées par les établissements d’entraînement de chevaux de course de trot font un travail physique éprouvant, qui nécessite une complète abnégation afin de former physiquement et mentalement les chevaux aux compétitions qu’ils devront affronter.
L’entraînement quotidien des chevaux de course représentait à lui seul près de 4 000 emplois en 2009, ce nombre s’étant accru de 18 % en dix ans. Il s’agit donc d’un secteur économique important.
Ces passionnés, qui comptent parmi eux un nombre croissant de femmes, consacrent déjà une part démesurée de leur temps à leur métier, avec les difficultés que cela suppose pour le concilier avec une vie familiale : les week-ends sont souvent mobilisés, les journées commencent à l’aube et se terminent généralement tard le soir, les métiers s’exercent par tous les temps.
Il n’est pas possible d’entraîner un cheval de course digne de ce nom sans passer beaucoup de temps avec lui, sans lui apporter tous les soins nécessaires à sa santé et à la préservation de ses aptitudes physiques remarquables. Le lad et le garçon de cour doivent aussi nettoyer les boxes et entretenir le matériel, ce qui est très physique et impose de déplacer des charges lourdes.
Assurer cette préparation du cheval, notamment les soins, nécessite une bonne condition physique. Il s’agit donc de métiers qu’il n’est pas possible d’exercer à tous les âges et la question de la reconversion de ces salariés constitue d’ores et déjà une problématique centrale dans ce milieu et dans la filière équestre en général. Il semble dès lors tout à fait déraisonnable de demander à ces personnes de travailler plus longtemps à l’avenir.
Il s’agit en outre de métiers qui comportent des risques certains en termes d’accidents et de blessures, risques dont l’âge constitue à l’évidence un facteur d’amplification. De plus, les jockeys et lad-drivers – ces derniers étant chargés des soins et de l’entraînement des chevaux – doivent respecter des critères de poids très contraignants. Ils se soumettent bien souvent à des régimes drastiques, afin de ne pas prendre de poids et de se maintenir dans leur catégorie, ce qui entraîne bien sûr des carences en vitamines et en oligo-éléments et peut même provoquer des malaises pendant les courses, et donc des chutes, pouvant être spectaculaires et très graves.
Notre amendement vise donc à préserver l’intégrité physique et la santé de ces salariés des établissements d’entraînement de chevaux de course au trot, ainsi qu’à maintenir la qualité de la formation des chevaux à la course, et donc leurs performances sur les hippodromes de notre pays, que, je n’en doute pas, chers collègues de la majorité, vous avez plaisir à fréquenter, non seulement pour le spectacle et la compétition, mais sans doute aussi pour les jeux d’argent qui les accompagnent. (Sourires.)
M. Gérard Longuet. Jamais ! Je respecte trop l’argent pour le risquer ainsi ! (Nouveaux sourires.)
M. le président. Ma chère collègue, une petite confusion est intervenue : l’amendement n° 719 traitait de l’industrie de la fabrication du ciment… (Rires.)
Mme Odette Terrade. Excusez-moi !
M. Robert del Picchia. C’est le galop !
M. le président. L'amendement n° 721, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de la production audiovisuelle du 13 décembre 2006.
La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. La convention collective de la production audiovisuelle concerne tous les salariés travaillant à la création, au développement, au financement et à la mise en œuvre de programmes audiovisuels. Ces salariés sont soumis à un rythme de travail spécifique et extrêmement défavorable au regard du calcul de leur retraite, ce qui justifie d’exonérer cette catégorie professionnelle de l’allongement à 41,5 du nombre d’annuités de cotisation requis.
En effet, la nature même du travail audiovisuel affecte les retraites de ces salariés. Le travail est organisé en fonction de chaque programme ou émission, et il est donc caractérisé par une discontinuité des contrats et un recours fréquent aux contrats à durée déterminée. Nombre de salariés de l’audiovisuel sont ainsi des intermittents du spectacle, catégorie marquée par la précarité des conditions de travail, le caractère aléatoire des missions et autres contraintes spécifiques au monde du spectacle.
Maintenir pour eux la durée de cotisation à 40 années serait d’autant plus légitime qu’ils participent à la vitalité et au dynamisme de la culture française, dans sa production comme dans sa diffusion, et qu’ils contribuent à nourrir cette exception culturelle française que l’on nous envie de par le monde.
N’oublions pas ces salariés qui travaillent selon des rythmes, souvent exigeants, imposés par le spectacle, lesquels varient selon les jours, les semaines et les mois. Les périodes de chômage sont leur lot quotidien et ils ont donc, plus que les autres, du mal à atteindre leurs annuités.
C’est pourquoi nous vous demandons de les exclure du champ d’application de l’article 6, en raison de leur situation particulière au regard de l’emploi, caractérisée par une succession de périodes d’emploi et de chômage. Les employeurs abusent trop souvent des CDD et nous ne devons pas le faire payer aux salariés de ce secteur.