Mme Isabelle Pasquet. Comme cela a été rappelé tout au long des débats, la retraite dans notre pays n’est pas le fruit de choix technocratiques, déconnectés de la réalité et du vécu des travailleurs ; elle est le produit de notre histoire politique et sociale. La question de l’âge du départ à la retraite ne peut être traitée seulement comme une question technique ou un enjeu financier. C’est de la vie d’hommes et de femmes qu’il s’agit ! La retraite à 60 ans est un trésor qu’il nous faut à tout prix protéger.
Travailler dans une cafétéria, un « self » ou toute autre entreprise de restauration rapide ou collective, c’est avoir un travail pénible, inintéressant et mal payé ; un travail qui rime avec précarité, flexibilité et productivité maximale. C’est une exposition permanente à un environnement agressif – chaleur, bruit –, un métier où l’on peut être tour à tour caissier ou caissière, plongeur ou plongeuse, et femme ou homme de ménage.
Dans ce type de métier, les changements de poste et d’horaires imposés à la dernière minute sont des stratégies habituelles de gestion du personnel et des moyens de pression. De telles conditions de travail sont génératrices de stress.
À nos yeux, il est inacceptable que, afin d’apaiser les marchés et les agences de notation, vous appliquiez cette disposition à ces salariés, lesquels ne pourront partir à la retraite qu’à 62 ans au mieux.
M. Guy Fischer. Très bien !
M. le président. L'amendement n° 678, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de la coiffure et des professions connexes du 10 juillet 2006.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Là encore, nous proposons que l’on travaille moins pour pouvoir profiter de la retraite en bonne santé.
La coiffure est le deuxième secteur de l’artisanat en nombre d’entreprises : environ 60 000 entreprises sont réparties sur l’ensemble du territoire et représentent 117 000 salariés.
La part des femmes dans le secteur est assez importante, puisque celles-ci représentent 83 % des employés. Cette pénalisation des femmes, redisons-le, est inadmissible !
La réalité du métier de coiffeur n’est pas toujours « glamour ». De nombreuses maladies professionnelles sont évoquées : allergies aux produits utilisés, problèmes respiratoires, troubles musculo-squelettiques, notamment aux poignets, aux coudes et aux jambes. L’environnement bruyant, dû notamment aux sèche-cheveux, est également source de fatigue et de stress. À cela s’ajoutent des temps de pause ou de repas qui sont souvent réduits pour faire face au flux de la clientèle.
De plus, le niveau de salaire proposé dans ce secteur est souvent incompatible avec le coût élevé des loyers en centre-ville, ce qui explique d’ailleurs l’éloignement géographique des salariés de leur lieu de travail.
Tout cela justifie largement l’adoption de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 681, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de la couture parisienne du 10 juillet 1961.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Les personnels de la couture parisienne ont une longue tradition de luttes syndicales qui donne aux accords de branche de la profession une tonalité assez particulière.
Il faut en effet voir dans les textes régissant cette profession le produit des grandes luttes de l’été 1936, de mai 68 et de conflits plus récents qui ont donné aux salariés de la profession une place toute particulière.
Ainsi, pour mentionner quelques-unes des spécificités de la branche, les ouvrières touchent, tous les ans, une prime de collection et une prime de collection printemps-été qui viennent accroître le montant des rémunérations annuelles minimales – supérieures au SMIC – fixées par la convention collective.
Dans le même ordre d’idée, le droit à la retraite à taux plein, dès lors que le nombre requis d’annuités est atteint, est reconnu aux ouvrières de la branche dès l’âge de 60 ans et sous réserve d’une ancienneté minimale dans la dernière entreprise qui les emploie. Leur présence dans l’entreprise leur permet en effet de se voir attribuer une prime au départ à la retraite, laquelle est loin d’être un « parachute doré », mais n’en est pas moins substantielle.
Derrière les collections des grands couturiers et des grands noms du prêt-à-porter œuvrent donc des salariés, surtout des salariées, dont la compétence professionnelle est réelle et l’expérience, bien souvent, importante. Ces derniers subiront de plein fouet la dénonciation de leur convention collective si le patronat de la branche y procède, comme le permettra l’article 5 du projet de loi s’il est adopté dans les termes qui nous sont proposés.
Certes, le secteur est quelque peu chahuté ces derniers temps et certaines des grandes maisons de confection parisienne et de haute couture sont aujourd’hui soumises à de réelles difficultés. Cependant, ce ne sont sans doute pas les quelques avantages sociaux de la profession qui sont à l’origine des difficultés rencontrées. C’est là une raison suffisante pour ne pas les remettre en question, pour ne pas donner au patronat l’occasion de dénoncer certaines dispositions des accords collectifs afin de se « refaire une santé » sur le dos des salariés.
M. le président. L'amendement n° 683, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective des employés et ouvriers de la distribution cinématographique du 1er mars 1973.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, comme vous le voyez, depuis quelques instants, à travers ces différents amendements, nous balayons le monde du travail dans son ensemble, en essayant d’être aussi précis que possible, pour montrer les conséquences concrètes de la réforme sur les conditions de retraite des employés des différents secteurs. Personne ne pourra nous le reprocher !
M. Roland Courteau. Certainement pas !
M. Guy Fischer. Le présent amendement vise la branche professionnelle relevant de la convention collective des employés et ouvriers de la distribution cinématographique du 1er mars 1973, que nous souhaitons exclure du champ d’application de l’article 5.
Le secteur de la distribution cinématographique, qui est dominé par de grands groupes, notamment celui des frères Seydoux, est caractérisé par une grande instabilité due aux aléas intrinsèques à cette activité. En effet, l’activité et les résultats des acteurs économiques de la distribution cinématographique varient fortement selon l’évolution générale des salles de cinéma sur le territoire, mais aussi en fonction d’un facteur encore moins prévisible : le succès plus ou moins grand des films distribués.
Ces aléas pèsent fortement sur les ouvriers et les employés qui travaillent dans ce secteur : de plus en plus de salariés se retrouvent sous contrat précaire, ce qui explique – avec les abus de la part des employeurs – la forte proportion d’intermittents du spectacle.
Le travail de nuit et le dépassement de la durée quotidienne légale de travail sont ainsi le lot quotidien de ces salariés, qui connaissent alternativement des périodes de chômage et des périodes d’activité.
Les travailleurs précaires et les intermittents du spectacle ont beaucoup de difficulté à cotiser pour leur retraite et le montant de leur pension est souvent très faible.
En plus de connaître l’incertitude permanente relative à l’activité professionnelle et des conditions de travail difficiles, les employés et ouvriers de la distribution cinématographique sont particulièrement défavorisés en ce qui concerne la retraite.
Il faut en effet rappeler que nombre de mesures relatives au droit à la retraite et au calcul du montant des pensions constituent déjà un obstacle pour eux. Je pense évidemment au calcul du montant de la pension assis sur les vingt-cinq meilleures années qui, au regard du nombre d’années de cotisations et des nombreuses années chômées, ne peut être que défavorable, mais également aux limites d’âge de départ à la retraite, qui les pénalisent de manière considérable.
Dès lors, est-il vraiment nécessaire de pénaliser davantage encore ces professions ? Nous ne le souhaitons pas ; c’est pourquoi nous vous proposons d’adopter cet amendement de bon sens.
M. le président. L'amendement n° 688, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de l'industrie de la ganterie de peau du 27 novembre 1962.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Je vais maintenant vous parler des professionnels de la ganterie. (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Pierre Fourcade. Le balayage sera bientôt complet !
Mme Catherine Procaccia. Ce n’est pas de l’obstruction, ça ?
Mme Annie David. En effet, en 2003, Nicole Fontaine, alors ministre déléguée à l’industrie, convoquait une table ronde sur les industries et les salariés de l’ensemble des secteurs des biens d’équipement de la personne. Ce fut l’occasion d’affirmer que ces secteurs d’activité faisaient face à des défis colossaux à des horizons de court terme.
Tout en soutenant les entreprises du secteur, le ministère reconnaissait que « les effets de la mondialisation, qui [impactaient] déjà lourdement le tissu économique et social de régions ou de bassins d’emplois importants, fortement et traditionnellement dépendants de ces secteurs industriels, en France et dans certains autres pays européens, [allaient] être renforcés par la suppression des quotas d’importation à compter du 1er janvier 2005 […] ».
En 2003, la conclusion et l’engagement de la ministre portaient donc, « au plan national, à la conception et à la mise en œuvre des mesures nécessaires pour accompagner, dans les meilleures conditions possibles, l’adaptation des entreprises et de leurs salariés aux nouvelles donnes de la mondialisation accélérée du secteur ».
Que s’est-il passé depuis ? M. Estrosi convoque des états généraux de l’industrie pour faire le bilan des effets destructeurs des politiques économiques libérales et M. Woerth attaque le régime de retraite des salariés.
Pendant ce temps, les entreprises françaises procèdent à de nouvelles délocalisations et fermetures d’usines, et les industries de l’habillement, en général, et de la ganterie, en particulier, ont vu leurs activités mises en péril par la concurrence des pays tiers, dans lesquels les salariés sont exploités au profit de l’intérêt financier des groupes du secteur.
Le premier constat que je voudrais faire est que le chômage frappe très lourdement le secteur de la ganterie. Avant de demander aux salariés de travailler plus longtemps, il faudrait s’assurer qu’ils puissent exercer la profession pour laquelle ils ont été formés et ne pas les obliger à exercer des métiers pour lesquels ils n’ont aucun savoir-faire, sous peine de faire perdre à leur travail son sens même.
Le deuxième constat est que l’emploi dans l’industrie de la ganterie de peau est particulièrement pénible et que les salariés sont souvent exposés à des produits toxiques nécessaires au traitement du cuir, notamment lors de la phase de tannage. Mais les phases antérieures de dépilage ou d’écharnage ne sont pas anodines non plus pour la santé des travailleurs en raison des tensions musculaires dues à la position et à la répétition des mouvements.
Aujourd’hui, au lieu d’encourager les vocations dans ce secteur d’activité et de privilégier la transmission de savoir-faire très anciens, le Gouvernement décide de fragiliser encore davantage les salariés du secteur en les obligeant à travailler plus longtemps pour pouvoir enfin se reposer sans pour autant renoncer à vivre.
Tel est le sens, mes chers collègues, de cet amendement que nous vous demandons d’adopter.
M. le président. L'amendement n° 689, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de l'industrie de la salaison, charcuterie en gros et conserves de viandes du 29 mars 1972.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. S’il est un secteur d’activité où les conditions sociales sont loin d’être des plus favorables, c’est bien ce secteur de la salaison, de la charcuterie en gros et de la conserve de viandes. Il faut en parler, pour bien comprendre la réalité des choses.
C’est un secteur d’activité qui a souvent recours au travail posté, au travail de nuit. Dans cette profession, le personnel est souvent peu formé et voit sa qualification professionnelle très peu reconnue. Les 3x8 font largement partie du paysage de ces entreprises.
La raison principale qui conduit les salariés de la branche à connaître des horaires de travail aussi atypiques est sans aucun doute le fait qu’il faut fournir à flux tendu les professionnels du commerce, c’est-à-dire, pour résumer, les groupes de la grande distribution qui ont besoin d’achalander leurs étals en « temps réel ».
L’autre contrainte du métier, nonobstant cette pratique généralisée des horaires décalés, est évidemment liée aux conditions générales de travail de la profession.
Même si toutes les garanties sanitaires sont aujourd’hui données aux futurs consommateurs, il n’en est pas moins vrai que ces tâches sont répétitives et pénibles.
Ce sont des travaux difficiles, ingrats, accomplis dans des conditions horaires qui sont loin d’être satisfaisantes ou, à tout le moins, ordinaires. Il nous semble parfaitement légitime d’exclure ces professionnels des mesures de recul de l’âge légal de départ à la retraite. Ce serait la moindre des choses !
Je rappelle à cet égard que ce secteur a souvent demandé la mise en place de dispositifs de cessation d’activité anticipée, à l’époque où cela existait encore.
C’est pourquoi nous vous invitons à adopter cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 690, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de l'industrie des cuirs et peaux du 6 octobre 1956.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Nous passons à un autre domaine, qui est d’actualité puisque les collections de haute couture sont présentées en ce moment. Vous le savez, les accessoires, notamment la ganterie, sont toujours utiles… C’est un milieu que vous connaissez bien, monsieur le ministre !
Mme Isabelle Debré. Nous sommes là pour travailler !
M. Guy Fischer. Il faut bien sourire de temps en temps !
Mme Annie David. On peut travailler en souriant !
M. Guy Fischer. Nous sommes loin des temps historiques où, pour pouvoir fabriquer des chaussures après avoir attendri les cuirs, les cordonniers les laissaient macérer dans l’urine. (Mme Isabelle Debré s’exclame.) Cela leur donnait la texture requise pour accepter la découpe, le piquage et le surpiquage.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela vous permet, mes chers collègues, de connaître des choses nouvelles !
M. Guy Fischer. Il n’en demeure pas moins que, dans notre pays, l’industrie des cuirs et peaux est une industrie très spécifique dont les conditions de travail peuvent largement suffire à justifier la mesure d’exclusion que nous vous proposons.
Le travail des cuirs et peaux, ce que l’on appelle la mégisserie, c’est-à-dire la préparation des cuirots avant leur utilisation dans l’habillement, le textile ou l’industrie de la chaussure continue en effet de se faire avec des produits particulièrement sensibles pour la santé humaine. Notre pays a un savoir-faire historique en la matière.
Cela pose ouvertement la question de la prolongation de la durée de vie professionnelle dans un « métier comme un autre » certes, mais dont les facteurs de dangerosité et de pénibilité sont établis.
Ces facteurs sont tels que les partenaires sociaux de la branche ont convenu d’étudier la question du maintien en activité des salariés les plus âgés, mais dans des conditions qui soulèvent des interrogations.
En effet, un accord récent, portant avenant à la convention collective en date du 9 décembre 2009, établit notamment que 24 % des salariés de la branche ont aujourd’hui plus de 50 ans, dont 10 % ont plus de 55 ans.
La convention collective de la profession contient d’ailleurs, parmi ses dispositions en vigueur, un dispositif « carrières longues » – je suis toujours dans le sujet – qui autorise une cessation anticipée d’activité aux salariés ayant d’ores et déjà accumulé 160 trimestres de cotisations à tout régime de retraite.
Tels sont les éléments que je souhaitais vous communiquer. Mais j’aurais pu entrer dans le détail ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 691, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de l'industrie des glaces, sorbets et crèmes glacées du 3 mars 2006.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Mme Isabelle Pasquet. La convention collective de l’industrie des glaces et sorbets n’est pas le document le plus ancien produit par la négociation conventionnelle.
Ce n’est en effet qu’en mars 2006 qu’un nouveau texte a été établi. Ce texte de base, pour le moment relativement succinct, est un avenant relatif au régime de prévoyance de la branche et des dispositions concernant les salaires.
La démarche qui nous amène à préconiser l’exclusion des salariés de cette « industrie de la gourmandise » du champ d’application des mesures générales d’allongement de la durée de la vie active et de recul de l’âge de la retraite se fonde, essentiellement, sur la pénibilité des conditions de travail du secteur.
Cette pénibilité est d’ailleurs largement reconnue, ce qui montre à quel point le discours gouvernemental présente, en lui-même, un certain retard sur la vie elle-même.
Je vous ferai grâce de la lecture de l’article 9.1 de la convention collective, relatif à l’hygiène et à la sécurité.
Même si la description contenue dans cet article peut fort bien susciter quelques interrogations quant à ce que l’on peut parfois trouver dans la dernière recette d’esquimaux d’une célèbre marque de glaces, force est de constater que les partenaires sociaux du secteur sont parfaitement conscients des risques professionnels et des problèmes de santé publique pouvant découler de ces conditions de travail.
Si l’on ajoute à cela que le secteur, parce que la grande distribution est son principal client, travaille à flux tendu, c’est-à-dire avec un recours régulier aux horaires atypiques, au travail de nuit et de week-end, on mesure aisément le risque que peut représenter le fait de prolonger inconsidérément la vie professionnelle de ses salariés.
C’est donc tout à fait naturellement que nous vous proposons l’adoption de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 718, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective du personnel occupé dans les établissements d'entraînement de chevaux de courses au trot du 9 janvier 1979.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Cet amendement concerne la situation des salariés des entreprises d’entraînement des chevaux destinés à la course au trot.
Je suis certain, monsieur le ministre, que vous serez extrêmement attentif à cet amendement, même si l’hippodrome de Chantilly est principalement consacré aux courses de galop… (Sourires.) C’est d’ailleurs le train que vous essayez d’imprimer au déroulement de nos travaux ! (Protestations sur les travées de l’UMP.)
Comme tous les métiers en lien avec la nature, l’élevage des chevaux de trot bénéficie d’une image relativement sympathique et attire notamment des jeunes, souvent issus du monde rural, qui trouvent par ce biais un débouché à une scolarité parfois raccourcie.
Pour autant, l’image des courses de trot ne peut nous faire oublier que les conditions d’hygiène, de sécurité et de travail en général de ce secteur en établissent largement la pénibilité et la spécificité.
En résumé, entraîner et soigner des chevaux de trot, c’est à la fois difficile et gratifiant, même si la fiche de paie ne suit pas nécessairement, notamment pour les apprentis lads.
Il nous semble qu’on ne peut décemment souhaiter que les salariés de ce secteur soient amenés, du fait de l’adoption du texte dont nous débattons, à prolonger encore la durée de leur vie professionnelle, par le recul de l’âge de la retraite.
M. Roland Courteau. En effet !
M. Bernard Vera. C’est pourquoi nous vous proposons, avec cet amendement, d’exclure les emplois de la filière du trot de l’application des règles définies à l’article 5, dont on mesure de plus en plus, au fil de la discussion, qu’il s’agit bien d’un outil qui conduira à dégrader profondément la situation des retraités et des futurs retraités. (Mme Gisèle Printz applaudit.)
M. le président. L'amendement n° 720, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de la poissonnerie du 1er juillet 1960.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Permettez-moi d’évoquer ici, devant vous, une profession et un secteur, la poissonnerie (Exclamations.), où la pénibilité des conditions de travail est établie.
Je le dis avec sérieux, parce que, derrière les mesures rétrogrades que cette assemblée pourrait sans doute prendre, il y a des hommes et des femmes, et des vies qui vont être beaucoup plus difficiles.
Voici en effet un secteur où les horaires décalés sont le lot du quotidien. La marchandise doit être pêchée en haute mer par des chalutiers industriels ou par des flottilles plus légères, et ce très tôt, pour arriver de bonne heure sur les plateformes de vente en gros avant d’être répartie.
D’ailleurs, il faut signaler que ce secteur a beaucoup évolué avec la quasi-disparition des poissonneries itinérantes ou des poissonneries de détail et de quartier, et la prépondérance de plus en plus affirmée des grandes surfaces en matière de distribution.
M. Jean Desessard. C’est un vrai problème !
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ce sont en effet les grands groupes qui font aujourd’hui la loi dans ce secteur, contraignant les entreprises à s’adapter aux logiques de flux tendu qui participent de la constitution de la marge commerciale des groupes tels que Carrefour, Auchan, notamment.
Le chaînage du secteur commence par les entreprises de gros implantées sur les marchés d’intérêt national, et singulièrement celui de Rungis.
Ce que l’on appelle « la marée » est le premier des secteurs du marché international de Rungis, desservant l’ensemble de la région parisienne, à ouvrir le matin. Dès trois heures du matin, ce secteur commence à bourdonner du transport des marchandises, du passage des intermédiaires, de la conclusion des premières transactions.
Outre les horaires difficiles, il faut aussi évoquer la manipulation, dans le froid, du sel et de la glace, autant d’éléments qui établissent clairement la pénibilité des tâches.
Mes chers collègues, j’ai eu l’occasion de m’entretenir récemment avec un salarié de ce secteur, qui m’a dit : « J’ai à peine cinquante ans, et j’ai de plus en plus de mal à me lever dans la nuit pour aller sur le marché.
« Je ne me vois pas du tout devoir travailler jusqu’à 62 ou 65 ans, parce que j’ai manié tellement de poisson dans ma vie que j’ai souvent mal au dos, mal aux mains, et que la douleur ne disparaît à peu près qu’en fin de semaine. »
Voyez, chers camarades (Rires sur les travées de l’UMP), pardon, chers amis – je m’emballe, mais j’ai au moins réussi à vous dérider ! (Sourires.) –, la pénibilité des conditions de travail dans ce secteur.
Tel est donc le sens de cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 726, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Avant l'alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les dispositions du présent article ne s'appliquent pas aux assurés dont l'activité professionnelle relève de la convention collective de la sidérurgie du 20 novembre 2001.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Monsieur le ministre, votre acharnement contre le droit à la retraite à 60 ans et notre système de retraite est porteur de désespoir. Vous l’avez entendu dans les rues.
Pour nous, aujourd’hui, c’est un devoir d’évoquer ces femmes et ces hommes qui créent la richesse de notre pays, mais dont vous ne parlez jamais. C’est notre acte de résistance, et ce matin, nous avons décidé de soulever le cas de toutes ces conventions collectives qui regroupent celles et ceux qui sont les grands oubliés dans cette réforme.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Annie David. L’allongement de l’espérance de vie est une avancée sociale et non un handicap. Ce qui menace véritablement notre système de retraite, je vous l’ai dit et je le répète, ce sont les bas salaires, la précarité, un taux de chômage toujours plus élevé, ainsi que des exonérations fiscales et sociales de plus en plus importantes accordées aux entreprises.
Dans les secteurs de l’automobile, de la sidérurgie – ce dernier devrait être cher à M. Longuet –,…
M. Christian Cointat. Vous nous donnez un moral d’acier !