M. Jean-Louis Carrère. C’est la réalité !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aujourd’hui, les organisations syndicales, soutenues par la grande majorité de nos concitoyens, continuent, avec détermination et toujours dans l’union, à vous demander de véritables négociations avec, pour objectif, une réforme des retraites juste et efficace. Négocier, c’est prendre en considération les propositions qui émanent des partenaires sociaux.
Monsieur le ministre, l’interruption brutale du débat à l’Assemblée nationale et l’engagement de la procédure accélérée, conjugués à votre fébrilité ne sont pas de bonnes réponses ! On vous croirait engagé dans une partie de poker menteur. Vous parlez de possibles améliorations du texte, sans préciser lesquelles. Auriez-vous peur que leur faiblesse n’accroisse encore le mécontentement ? Ou croyez-vous, au contraire, décourager la future mobilisation du 12 octobre en les annonçant la veille ?
Je crains que vous n’ayez mal compris les organisations syndicales, les salariés et la grande majorité du peuple. Votre réforme n’est pas la bonne. Il faut retirer ce projet, ouvrir une véritable négociation qui prenne en compte des propositions alternatives faites principalement par les représentants des salariés. Voilà pourquoi nous vous demandons, monsieur le ministre, et à travers vous au Président de la République, de consulter le peuple lui-même. Un ministre ne peut ignorer que, même si le référendum prévu par la révision constitutionnelle de 2008 n’est pas encore applicable, car vous ne voulez pas le faire appliquer…
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … le Président de la République, avec l’actuel article 11 de la Constitution – je n’en rappellerai pas les termes, car je suis persuadée que vous les connaissez – peut consulter le peuple sur un sujet qui touche aux questions économiques et sociales concernant l’ensemble du pays.
M. Jean-Louis Carrère. D’autant que c’est dans l’esprit de la réforme !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut demander au peuple s’il veut de votre réforme. S’il répond par la négative, vous serez dans l’obligation, vous et votre Gouvernement, d’ouvrir une véritable négociation avec les partenaires sociaux sur un projet alternatif.
C’est la raison pour laquelle, après nos collègues socialistes, j’invite le Sénat à voter la motion référendaire qui nous est soumise. (Mmes et MM. les sénateurs du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste se lèvent et applaudissent longuement.)
Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas About. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. Nicolas About. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne souscrivons pas à la plupart des motifs invoqués pour soutenir la présente motion référendaire, et encore moins à ses conclusions.
On nous explique que la réforme des retraites serait engagée sans mandat du peuple, sous prétexte que le Président de la République se serait engagé à maintenir l’âge d’ouverture des droits de départ à la retraite à 60 ans. Quel drôle d’argument ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Éliane Assassi et M. Guy Fischer. La potion est amère !
M. Nicolas About. Chers collègues de l’opposition, en démocratie parlementaire, la première règle est de s’écouter. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP. –Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Hier, vous avez joué au foulard ; aujourd'hui, vous jouez au loup. Il vous reste la marelle et les billes ! Arrêtez donc ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel mépris !
M. Nicolas About. En démocratie parlementaire, il n’y a pas de mandat impératif. Le mandat donné par le peuple est celui qu’il a voulu donner à l’actuelle majorité, laquelle, contrairement à d’autres, prend aujourd’hui ses responsabilités en s’efforçant de sauver la retraite par répartition.
Mme Catherine Troendle. Eh oui !
M. Nicolas About. Le peuple français est aujourd’hui en position de trancher par le biais de sa représentation nationale !
Mme Catherine Troendle. Très bien !
M. Nicolas About. Quant à l’opinion publique, elle n’est pas si hostile à la réforme que vous voulez bien le dire. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Demandez- le lui !
M. Nicolas About. Chacun a bien conscience qu’il est devenu nécessaire d’agir. Le déplacement de la borne d’âge d’ouverture des droits, la principale mesure du texte, n’a rien de choquant. Elle est en phase avec les mesures adoptées par nos partenaires européens et avec l’accroissement de l’espérance de vie. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Louis Carrère. Décrispez-vous, monsieur About !
M. Nicolas About. Chers collègues de l’opposition, si vous ne voulez pas nuire à votre espérance de vie, ne vous énervez pas ! (Rires sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme Éliane Assassi. Ça vole bas !
M. Nicolas About. Je vous entends crier depuis le début de l’après-midi, alors que moi, je n’ai pas encore pris la parole !
M. Gérard Longuet. C’est leur seule façon de s’exprimer !
M. Nicolas About. Vous réclamez le pouvoir pour le peuple, et vous empêchez ses représentants de s’exprimer ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Les auteurs de la motion critiquent aussi le mode de financement de la réforme. Ils dénoncent le fait qu’elle ferait porter la quasi-totalité du financement par les assurés eux-mêmes : « 85% des efforts sont exigés des salariés, et seulement 15% des revenus du capital. »
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Jean-Louis Carrère. Exactement !
M. Nicolas About. C’est la logique même de notre système de retraite par répartition ! (Marques appuyées de désapprobation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) Il existe une toute petite part de financement par l’impôt, liée aux mesures de solidarité, mais, par nature, la retraite est assurantielle ! Elle est liée au travail. Si vous n’êtes plus favorables à la répartition, mes chers collègues, il faut le dire ! (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
M. Jean-Louis Carrère. C’est tout de même formidable !
M. Nicolas About. Mais je ne crois pas que tel soit le cas ! (Marques de désapprobation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Louis Carrère. Vous êtes très spécieux !
M. Nicolas About. Vous, vous êtes spécial !
Quant aux projets alternatifs, vous avez raison, il en existe, et d’ailleurs, nous en portons un. Si, à court terme, des mesures paramétriques d’urgence telles que celles qui nous sont proposées s’imposent, nous considérons en revanche que nous ne ferons pas à moyen terme l’économie d’une réforme structurelle consistant à remplacer l’annuité par le point ou les comptes notionnels. Il nous faut, dès maintenant, ouvrir l’horizon d’une telle réforme.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour mieux noyer le poisson !
M. Guy Fischer. Et écraser les retraites !
M. Nicolas About. Enfin, selon les auteurs de la motion, le projet gouvernemental serait insuffisamment débattu et concerté. Cela soulève la seule véritable question qui devrait se poser ici : comment débattre au mieux d’une réforme des retraites ?
Pour les auteurs de la motion, la procédure référendaire serait l’outil idéal. Or, le référendum est un mode de consultation très spécifique dont les limites sont bien connues : on répond à celui qui pose la question, et rarement à la question.
En l’occurrence, nous avons affaire à une réforme hautement technique. Mais, admettons que nous votions cette motion et que les retraites soient réformées par référendum. Comment rédigerez-vous la question ?
M. David Assouline. Ce sera moins difficile que pour la Constitution européenne !
M. Nicolas About. « Êtes-vous favorables à un relèvement de l’âge d’ouverture des droits à 62 ans ? » Ce serait un peu réducteur. Ou bien : « Êtes-vous favorables à ce que les retraites soient réformées ? » Au contraire, ce serait un peu large. La question est bien compliquée à formuler. À l’évidence, un débat référendaire ne permettrait pas d’explorer comme il se doit les arcanes techniques d’une telle réforme.
En réalité, ce n’est ni par référendum ni dans la rue qu’il convient de réformer les retraites, mais ici même, au Parlement.
M. David Assouline. C’est par la négociation sociale !
M. Nicolas About. C’est d’ailleurs ce qui justifie votre propre existence. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) L’enceinte la plus adaptée au débat républicain, c’est le Parlement.
Pour des parlementaires, demander un référendum sur une telle question pourrait même s’apparenter à une démission. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. –Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.) S’il ne nous appartient pas de nous prononcer sur le sujet des retraites, alors nous ne servons plus à rien ! A contrario, les membres de mon groupe attendent que le projet soit examiné par notre Haute assemblée dans un esprit de dialogue et de partenariat constructifs. Il est en effet encore largement perfectible. Si l’on veut éviter de pénaliser les familles, il faut travailler encore sur les mesures relatives à la solidarité et mieux prendre en compte la pénibilité. Il faut également dégager l’horizon pour une réforme structurelle.
Il revient au Parlement de débattre de toutes ces questions et c’est pourquoi, mes chers collègues, le groupe de l’Union centriste ne votera pas la motion référendaire. (Applaudissements sur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Longuet. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Jean-Louis Carrère. Il arrive ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Gérard Longuet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais assurer le service minimum, car cette motion est absolument contraire à notre engagement de parlementaires élus au suffrage universel direct ou par les grands électeurs. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Facile à dire !
M. Gérard Longuet. C’est bien parce que nous sommes convaincus de l’utilité du Parlement que nous ne pouvons accepter cette motion.
Je me tourne vers nos collègues socialistes et communistes pour leur dire qu’ils ont été malavisés en déposant cette motion référendaire. Je n’évoquerai pas en cet instant Le coup d’État permanent ou les mânes de François Mitterrand, …
M. Jean-Louis Carrère. Nous avons de très bons souvenirs avec lui !
M. Gérard Longuet. … qui a condamné à bien des reprises le recours au référendum. Je rappellerai simplement que, en décembre 1981, lorsque M. Pierre Mauroy, alors Premier ministre, a présenté son projet de loi d’orientation autorisant le Gouvernement à prendre, par ordonnances, diverses mesures d’ordre social, notamment celle qui fixait à 60 ans l’âge légal de départ à la retraite, il n’a organisé aucun débat, pas même au Parlement. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Louis Carrère. C’était l’une des 110 propositions !
M. David Assouline. C’était le mandat du Président de la République !
M. Jean-Louis Carrère. Il n’a fait le contraire de ce qu’il avait dit, lui !
M. Gérard Longuet. Or, cette disposition était contraire à nos convictions. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Louis Carrère. Pantalonnade !
M. Gérard Longuet. Je me tourne vers l’autre côté de l’hémicycle. Les quatre raisons avancées par nos collègues socialistes et communistes pour défendre l’idée d’un recours au référendum sont autant de justifications de la nécessité absolue du travail parlementaire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) Au reste, nous ne sommes pas les seuls à partager cette conviction, puisque les trois grands responsables syndicaux que sont Bernard Thibault, François Chérèque et Jean-Claude Mailly ont également réclamé un débat parlementaire.
Pour ces raisons, sans abuser de votre temps, je vous demande, mes chers collègues, de repousser la motion référendaire. (Vifs applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Louis Carrère. Quelle considération pour le Parlement !
M. David Assouline. C’est un peu court !
M. Jean-Louis Carrère. Maintenant, il peut partir …
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. … et rentrer à la maison !
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Domeizel.
M. Claude Domeizel. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais m’efforcer d’apaiser ce débat agité, mais je ne sais pas si je vais y parvenir.
M. Éric Doligé. C’est vous qui êtes agités !
M. Claude Domeizel. Non, c’est M. Longuet qui s’est énervé, ce qui doit d’ailleurs le gêner !
Monsieur le ministre, vous avez déclaré que Mme Martine Aubry avait ponctionné le Fonds de réserve pour les retraites pour financer les 35 heures. Vous comprendrez que cela appelle une réaction de ma part.
M. Claude Domeizel. Monsieur le ministre, vous avez menti ! (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste.)
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. C’est une habitude !
M. Jean-Louis Carrère. Ce n’est pas grave, il ira à confesse !
M. Claude Domeizel. D’ici à la fin de la discussion de ce projet de loi, j’espère vous en apporter la preuve en consultant les comptes du Fonds de solidarité vieillesse où était consigné, j’insiste sur ce terme, le Fonds de réserve pour les retraites.
M. Claude Domeizel. Depuis sa création, le FFR a surtout été alimenté durant la période où Lionel Jospin était Premier ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Caffet. C’est la vérité !
M. Claude Domeizel. Depuis, on n’y verse que le strict minimum. Il en résulte que, aujourd’hui, le Fonds s’élève à seulement 38 milliards d’euros, alors que l’on escomptait 150 milliards d’euros en 2020.
M. Jean-Pierre Caffet. Il a été pillé !
M. Claude Domeizel. Cette situation vous conduit à un raisonnement surprenant. Vous considérez que dans la mesure où l’on n’atteindra pas les 150 milliards d’euros prévus en 2020, contrairement aux engagements qui avaient été pris, on peut utiliser ce fonds dès maintenant. Ce raisonnement est pour le moins spécieux.
M. Jacky Le Menn. Infantile !
M. Claude Domeizel. Pourquoi prendre une telle décision alors que la loi Fillon, du nom de notre Premier ministre, avait aplani tous les problèmes jusqu’en 2020 ? Aujourd’hui, vous admettez que tel n’est pas le cas et vous anticipez l’utilisation du Fonds de réserve pour les retraites. Mais la bosse démographique de 2020 ne va pas disparaître pour autant.
Mme Raymonde Le Texier et M. Jacky Le Menn. Bien sûr !
M. Claude Domeizel. Comment allez-vous gérer cette situation catastrophique ? Ou plutôt, « comment allons-nous faire ? », car, j’espère bien que vous ne serez plus là en 2020 ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Claude Bérit-Débat. Et même avant !
M. Claude Domeizel. En utilisant dès maintenant le Fonds de réserve pour les retraites, vous brûlez les meubles pour vous chauffer ! (Voilà ! sur les travées du groupe socialiste.)
En fait, monsieur le ministre, la précipitation qui a présidé à l’élaboration de ce projet de loi place les assurés sociaux dans l’impossibilité de choisir en toute connaissance de cause. Prenons l’exemple du minimum garanti. Certaines personnes, qui ont décidé de partir en pensant disposer de conditions acceptables, vont, contre toute attente, voir leur pension baisser de 300 euros par mois, ce qui est considérable !
Et que dire de la suppression du dispositif de départ anticipé pour les mères de trois enfants ayant quinze années d’activité. Je ne reviens pas sur les raisons qui vous amènent à prendre cette décision. Mais avouez qu’il était déraisonnable d’annoncer, au mois de mai ou au mois de juin, que cette disposition prendrait effet dès le 13 juillet, alors que le projet de loi n’est même pas voté. Imaginez l’affolement que vous avez créé chez les fonctionnaires. J’en veux pour preuve le nombre de demandes de renseignements que les directions des ressources humaines des hôpitaux et des caisses de retraite, particulièrement la CNRACL, ont eu à traiter. Les assurés sociaux se sont précipités. Des départs importants pourraient désorganiser certains services. C’est surtout vrai dans les hôpitaux, puisque les infirmières risquent de partir en masse afin de bénéficier d’une pension à jouissance immédiate.
Monsieur le ministre, vous me répondrez sans doute que l’article 1er A dispose que « la nation réaffirme solennellement le choix de la retraite par répartition au cœur du pacte social qui unit les générations ». Certes, mais tout le reste du texte réalise exactement le contraire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Je ne dis pas que le système par répartition va disparaître, mais je constate que vous êtes en train de l’affaiblir.
M. Jean-Louis Carrère. Voilà !
M. Claude Domeizel. Dès lors, ceux qui le pourront se tourneront vers le système assurantiel.
M. Marc Daunis. Exactement !
M. Claude Domeizel. Il suffit pour s’en convaincre de regarder la publicité de la Fédération française des sociétés d’assurance qui fleurit depuis quelque temps. À qui ce message s’adresse-t-il ?
M. Claude Bérit-Débat. Aux amis !
M. Claude Domeizel. À ceux qui en auront les moyens.
En rabotant le système par répartition, vous nous faites passer d’un système universel, qui fonctionnait à la satisfaction de tous, à un système sélectif.
Mme Raymonde Le Texier. Absolument !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. C’est faux !
M. Claude Domeizel. C’est inadmissible ! Pour toutes ces raisons, nous voterons contre le projet de loi. Comme je l’ai indiqué hier, mais je tiens à le répéter en cet instant : les grandes conquêtes sociales ont été réalisées pas la gauche, et toutes les régressions par la droite ! (Applaudissements prolongés sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – Vives protestations sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Claude Jeannerot.
M. Claude Jeannerot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi portant réforme des retraites constitue une question de société majeure, puisqu’il touche au pacte républicain. Ce constat et le débat qui vient de se dérouler renforcent ma conviction que seul le peuple souverain doit trancher.
En prônant le recours au référendum, les élus peuvent en effet se mettre en porte-à-faux. Toutefois, et c’est le plus important, la démocratie est toujours renforcée lorsqu’elle sollicite le peuple. Tel est le sens de cette motion référendaire.
M. Gérard Longuet. Arrêtez, vous n’y croyez pas !
M. Claude Jeannerot. Mes chers collègues, pourquoi avez-vous peur du peuple ? (Exclamations sur les travées de l’UMP.)
M. Gérard Longuet. Le peuple nous a élus !
M. Jean-Louis Carrère. Vous tournez le dos au gaullisme !
M. Claude Jeannerot. Le recours au référendum trouve sa justification autour de quatre arguments.
Le premier tient aux conditions mêmes d’émergence du projet que nous examinons. Comme l’a rappelé mon collègue et ami Jean-Pierre Bel, le Président de la République s’était engagé, pendant sa campagne, à ne pas modifier l’âge légal de départ à la retraite. Après son élection, il confirmait cette volonté, faute, disait-il, d’avoir reçu un mandat du peuple pour le faire.
Aujourd’hui, vous soutenez que, « entre temps, les conditions ont changé ! Il y a eu la crise ». Soit ! Mais convenez au moins, cher Nicolas About, que seul le peuple peut délier le Président de la République de cette parole donnée.
Le deuxième argument est porté par le peuple lui-même. À trois reprises au cours des derniers jours, près de 3 millions de nos concitoyens ont clairement exprimé leur opposition à votre projet de loi. Certes, ils connaissent la situation de notre pays et ils savent qu’une vraie réforme est nécessaire. Ils comprennent que l’allongement de l’espérance de vie au cours des dernières années modifie les conditions de l’équilibre du système des retraites. Néanmoins, ils pressentent que l’effort sera supporté par les plus fragiles, par ceux qui, précisément, bénéficieront le moins de ces dispositions. Et ils ne manquent pas d’arguments à vous opposer, arguments que nous n’avons de cesse de développer depuis hier.
Bref, ce projet, nous l’avons dit à plusieurs reprises, est perçu comme injuste et inefficace. Ne sous-estimez pas cette opposition qui s’inscrit sur un fond d’inquiétude généralisée : inquiétude pour l’avenir de la jeunesse – un jeune sur quatre est sans emploi –, inquiétude aussi pour l’avenir de notre économie.
Nos concitoyens savent que la pérennité du système de retraite passe par une politique de l’emploi active et dynamique. Or ils constatent chaque jour l’augmentation inexorable du chômage. Pour cette seule raison, comment peuvent-ils croire que vous parviendrez, sans les appauvrir davantage, à restaurer l’équilibre financier des régimes de retraites ? C’est pourquoi toutes les générations sont présentes dans la rue, nous avons pu le constater hier encore devant le Sénat.
Des personnes retraitées, qui ne sont pourtant pas directement impliquées par votre projet de réforme, sont venues intercéder pour leurs enfants. Mes chers collègues, entendez la voix de ces hommes et de ces femmes !
Ils savent que cette réforme s’est engagée sans aucune concertation réelle avec leurs représentants. Certes, vous l’avez dit, il y a eu des rencontres formelles ; mais, depuis le début du processus, le Gouvernement ne cesse de leur répéter : « On discute avec vous, mais il n’y a qu’une seule voie possible, celle que nous avons définie… »
À cette carence manifeste de dialogue social s’ajoute, et c’est mon troisième argument, un véritable déni démocratique. Non seulement la volonté des citoyens est niée, mais l’expression de leurs représentants – que vous semblez vouloir défendre, chers collègues de la majorité, en contrant cette procédure référendaire – est également bafouée.
En témoignent les discussions marathon qui se sont déroulées à l’Assemblée nationale ! Comment comprendre le recours à la procédure accélérée, par ailleurs de plus en plus systématique, sur un tel sujet de société ? N’était-il pas impératif, sur cette question plus que sur toute autre, de laisser les débats se développer avec la sérénité et la durée nécessaires ? Au contraire, vous semblez vouloir en finir au plus vite sur ce sujet. Les conditions de ce débat, comprenez-le, ne sont pas à la hauteur de l’enjeu. C’est pourquoi il faut maintenant redonner la parole aux citoyens.
Au-delà de ces raisons – qui seraient en elles-mêmes suffisantes – un autre motif plus décisif encore appelle le recours au référendum : nous voulons pouvoir offrir à nos concitoyens un véritable choix.
Vous proposez un réaménagement comptable. Nous, nous pensons, avec nos concitoyens, qu’une véritable réforme est nécessaire, mais nous pensons aussi, avec eux, qu’il n’y a pas de fatalité à leur proposer des changements injustes et inefficaces.
Non, il n’y a pas qu’une seule solution : la vôtre ! Par le recours au référendum, nous voulons tout simplement créer les conditions du débat et permettre à nos concitoyens de choisir entre plusieurs voies : celle que nous proposons permet de préserver un système de retraite juste et pérenne. Nous ne sommes pas là, mes chers collègues, simplement pour nous opposer : nous avons la volonté de construire un système de retraite tout à la fois pérenne et juste pour tous. Au service de cette volonté, nous avons un projet. Alors, acceptez de regarder notre ambition et de confronter nos projets respectifs !
Dans le temps qu’il me reste, je ne prendrai que quelques exemples.
Pour assurer votre pseudo-réforme, vous proposez de faire peser 90 % des besoins de financement sur les salariés et les retraités ; les hauts revenus sont épargnés et vous ne sollicitez les revenus du capital et du patrimoine qu’à la marge. Non, monsieur About, cette réforme n’est pas gravée dans le marbre ! Nous vous proposons pour notre part de faire contribuer les revenus du capital à hauteur de 19 milliards d’euros en 2010 et de 25 milliards d’euros à partir de 2025.
M. Jean-Louis Carrère. Très bien !
M. Claude Jeannerot. Vous voulez aussi capter les ressources du Fonds de réserve pour les retraites. Mes collègues ont amplement traité cette question, je n’y reviens donc pas. Sachez que nous refusons cette politique à courte vue.
Pour faciliter l’emploi des seniors, vous vous contentez de renforcer le tutorat. Nous, nous voulons aller plus loin en accompagnant vraiment les salariés : un rendez-vous destiné à envisager l’évolution de la situation des salariés de plus de quarante-cinq ans devrait être mis en place.
Je n’évoquerai pas la pénibilité puisque j’ai presque épuisé mon temps de parole.
Oui, mes chers collègues, nos projets sont incompatibles ; ils ne sont construits ni sur les mêmes critères ni sur les mêmes valeurs : c’est pourquoi nous sollicitons aujourd’hui l’arbitrage de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à plusieurs reprises, dans cette enceinte, a été évoquée la promesse électorale du candidat Nicolas Sarkozy, qui déclarait, en janvier 2007, qu’il ne toucherait pas à l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans.
Devenu Président de la République, il avait même réaffirmé devant Mme Parisot, montrant que pour quelques semaines encore il tenait son engagement, qu’il n’y toucherait pas. Le respect du mandat, « cela compte pour moi », avait-il déclaré.
Cette déclaration pose deux questions. La première n’a pas encore été évoquée dans cet hémicycle. Bien entendu, il n’y a pas de mandat impératif. Un président de la République peut s’engager solennellement sur un sujet et, au vu d’une situation inédite, imprévue, être amené à prendre d’autres décisions. En France, on n’avait jamais parlé du trou des retraites. Le Président de la République, soudain contraint de trouver de l’argent, s’est alors dit que le report de l’âge légal de départ à la retraite pouvait être la solution.
On peut entendre de tels changements, même s’ils sont quelque peu surprenants. Mais alors, pourquoi avez-vous donné un tel ton au débat depuis plusieurs mois ? Si même M. Nicolas Sarkozy, soutenu par M. Woerth et par l’UMP, pensait qu’on ne pouvait pas toucher à l’âge légal de départ à la retraite, c’est que son maintien n’est pas une hérésie, une folie socialiste qui ferait couler la nation et la retraite par répartition, c’est que l’idée pouvait être mise sur la table et qu’il existe d’autres solutions.