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Souhaits de bienvenue à un sénateur de la République islamique d'Afghanistan
Mme la présidente. Mes chers collègues, j’ai le plaisir de saluer la présence dans notre tribune d’honneur de M. Zalmaï Zabuly, sénateur de la République islamique d’Afghanistan, qui effectue, toute cette semaine, une visite de travail auprès de notre assemblée, en compagnie de deux fonctionnaires du Sénat afghan. (Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)
Qu’il me soit permis de rappeler que c’est grâce au soutien des administrateurs de l’Assemblée nationale et du Sénat français qu’ont pu être formés, sous l’égide du Programme des Nations unies pour le développement, au cours de l’été 2005, les cent premiers fonctionnaires des deux assemblées composant le Parlement afghan. Depuis cette date, c’est plus d’une cinquantaine de parlementaires et de fonctionnaires de ces assemblées qui auront pu être informés ou formés grâce à la coopération de notre Sénat, à Paris ou à Kaboul.
En regard de la présence militaire française en Afghanistan, il importe de rappeler cette coopération pacifique, au service de la démocratie.
J’adresse, en notre nom à tous, la bienvenue à notre collègue Zalmaï Zabuly auquel je souhaite un séjour fructueux et agréable dans notre pays ! (Applaudissements.)
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Motion référendaire sur le projet de loi portant réforme des retraites
Suite de la discussion et rejet d'une motion référendaire
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, hier, une motion référendaire, signée par les membres du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyens et des sénateurs du parti de gauche, a été déposée en séance par les présidents de ces deux groupes.
Cette motion met en œuvre, pour la première fois devant notre commission, la nouvelle procédure adoptée à l’article 46 de la révision constitutionnelle de juillet 2008, qui a réformé l’article 11 de la Constitution en permettant d’organiser un référendum d’initiative parlementaire bénéficiant d’un soutien populaire.
Sur la forme, tout d’abord, je vous indique que, malheureusement, la loi organique nécessaire à la mise en œuvre de cette nouvelle procédure de référendum n’a pas été adoptée. Elle n’est même pas encore déposée à l’état de projet. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. François Patriat. La faute à qui ?
M. Jean-Louis Carrère. C’est scandaleux !
M. Dominique Leclerc. Ce simple fait suffit, en toute logique, à conduire la commission à émettre un avis défavorable sur cette motion. Cela dit, je ne veux pas donner l’impression de me réfugier derrière cet argument technique et facile. Je suis d’accord avec les signataires pour dire que la question des retraites est, très légitimement au cœur des préoccupations de tous nos concitoyens.
Mme Nicole Bricq. Quand même !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Pour autant, les quatre arguments développés par les auteurs de la motion ne me paraissent pas convaincants.
Tout d’abord, premier argument, vous opposez au Président de la République le fait que la réforme ait été engagée sans mandat du peuple.
M. Jean-Jacques Mirassou. C’est vrai !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Outre que la Constitution déclare que « tout mandat impératif est nul », c’est l’inaction du Gouvernement qui pourrait être jugée gravement fautive face à la situation dégradée des comptes sociaux.
M. René-Pierre Signé. Vous êtes au pouvoir depuis combien de temps ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Ensuite, c’est votre deuxième argument, vous affirmez l’absence de concertation avec les partenaires sociaux ainsi que le manque de respect du Parlement qu’aurait illustré le débat à l’Assemblée nationale. Je ne puis vous suivre sur l’un ou l’autre de ces terrains : la concertation suppose que les deux parties s’y montrent consentantes,...
M. François Patriat. Demandez l’avis des syndicats !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. … et l’Assemblée nationale a adopté ce texte dans les règles ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Louis Carrère. C’est moins sûr !
M. Guy Fischer. Sans débat !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Votre troisième argument, selon lequel la pénibilité de certains métiers n’est pas prise en compte… (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Louis Carrère. Le texte reconnaît l’invalidité, pas la pénibilité !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. … me paraît, dois-je le répéter, quelque peu caricatural, si j’en juge par le temps que nous avons passé sur cette question en commission.
Mme Christiane Demontès. C’est votre discours qui est une caricature !
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Vous savez bien que la France sera le premier pays à reconnaître officiellement la pénibilité ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Enfin, votre quatrième et dernier argument, par lequel vous soutenez que des projets alternatifs sont concevables, me convient parfaitement. Je plaide moi-même, et depuis longtemps, pour que l’on réfléchisse à l’opportunité d’une réforme systémique. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Vous aurez compris, mes chers collègues, que la commission est défavorable à la motion référendaire. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. François Patriat. Il n’est pas bien brillant !
M. Guy Fischer. Il assure le service minimum !
M. René-Pierre Signé. C’était court et pas convaincant !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
M. Éric Woerth, ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique. Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, voulez-vous, oui ou non, sauvegarder notre système de retraite ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Oui ! (Mmes et MM. les sénateurs du groupe CRC-SPG scandent : « Oui ! » en martelant leurs pupitres.)
M. Éric Woerth, ministre. Votre réponse me touche au cœur ! En effet, c’est la seule question qui vaille, la seule question qui mérite d’être posée aux Français… (« La retraite à soixante ans ! » sur les travées du groupe CRC-SPG.)
À cette question la réponse est évidemment : oui ! Les partenaires sociaux, les partis politiques que j’ai consultés, …
M. Jean-Pierre Caffet. Lesquels ?
M. Éric Woerth, ministre. … et chacun de nous en sommes d’accord : nous voulons une réforme des retraites parce que nous voulons sauvegarder le système de retraite par répartition ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Pour conduire cette réforme, il faut demander un effort à tous les Français… (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Pas à tous !
M. Guy Fischer. On demande toujours aux mêmes !
M. Jean-Louis Carrère. Mais pas à la famille Bettencourt !
M. Éric Woerth, ministre. Or, il n’est jamais populaire de demander des efforts. Il faut du courage pour le faire, monsieur le président du groupe socialiste ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qui a le vrai courage ?
M. Jean-François Le Grand. Eh oui !
M. Éric Woerth, ministre. … et nous n’en manquons pas !
Avec le Président de la République, notre majorité en témoigne une nouvelle fois, comme elle a su le faire déjà en 1993, en 2003 et en 2007-2008… (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Louis Carrère. C’est de la pantomime !
M. Éric Woerth, ministre. La motion déposée par le parti socialiste est un moyen d’éviter le débat sur le fond. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Louis Carrère. Et en plus, il est sourd !
M. Éric Woerth, ministre. Comme vous n’êtes pas à l’aise sur le fond, comme vous n’avez pas de projet, vous vous interrogez sur la forme. En déposant cette motion, vous ne faites pas autre chose. Vous réclamez la mise en œuvre de la procédure de référendum, mais encore aurait-il fallu que vous votiez la révision constitutionnelle, mesdames, messieurs les sénateurs, ce qui n’a pas été le cas. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est faux !
M. Éric Woerth, ministre. Demander l’application d’une procédure contenue dans une réforme que vous n’avez pas voulue relève de la même logique que celle que vous développez dans le débat sur la réforme des retraites ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. –Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. René-Pierre Signé. Des arguments !
M. Éric Woerth, ministre. Aujourd’hui, alors que l’Assemblée nationale a voté cette réforme après de longs débats, de jour et de nuit, alors que le débat parlementaire se poursuit au Sénat, comme il est normal dans une démocratie telle que la nôtre, vous nous dites que la représentation nationale n’est pas qualifiée pour débattre des retraites…
M. Jean-Pierre Bel. Nous n’avons pas dit cela !
M. Éric Woerth, ministre. … et vous brandissez votre demande de référendum ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Je considère quant à moi que la représentation nationale est qualifiée pour discuter des retraites !
Monsieur le président du groupe socialiste, puis-je vous demander de respecter le règlement de l’Assemblé nationale, sur lequel vous avez fait des commentaires qui ne me semblent pas opportuns ?
M. Alain Anziani. Respectez la volonté du peuple !
M. Jean-Louis Carrère. Vous vous appelez Éric Accoyer ?
M. François Patriat. Pas de leçons !
M. Éric Woerth, ministre. Si l’on suivait votre logique, il faudrait recourir au référendum chaque fois que l’on veut réformer les retraites. Pourtant, lorsque vous étiez aux responsabilités, vous n’avez pas organisé de référendum pour revenir sur la réforme des retraites de 1993, alors que vous n’aviez de cesse de réclamer son abrogation !
Vous prétendez avoir fait une réforme des retraites quand vous avez créé le Fonds de réserve pour les retraites, mais vous l’avez fait sans organiser un référendum ! Sans doute ne s’agissait-il pas d’une réforme : c’est la seule explication que je puisse trouver !
Et puis, monsieur Bel, avez-vous oublié que le Fonds de réserve pour les retraites à peine créé, Mme Aubry l’a immédiatement ponctionné pour financer les 35 heures (M. Jean-Pierre Bel fait un signe de dénégation.), notamment le Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le fameux FOREC ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP.) Elle est la première à l’avoir fait ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Alain Anziani. C’est faux !
M. Guy Fischer. C’est un mensonge !
M. Éric Woerth, ministre. Vous nous reprochez aujourd’hui d’utiliser ce fonds pour financer les retraites ; Mme Aubry l’a utilisé, à peine créé, pour financer les 35 heures : cherchez l’erreur ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Avec cette réforme, nous entendons répondre à l’urgence des déficits de nos régimes de retraites en rétablissant leur équilibre, construire des solutions dans la durée pour que les générations futures puissent à leur tour bénéficier de notre système par répartition, qui est un système solidaire…
M. René-Pierre Signé. Ponctionnez les paradis fiscaux !
M. Éric Woerth, ministre. C’est pour cela que nous allons débattre, article par article, amendement par amendement, et nous prendrons le temps qu’il faut ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
M. Jean-Louis Carrère. Comptez sur nous !
M. François Patriat. Vous êtes un ministre en sursis ! Dans trois semaines, vous aurez du temps libre !
M. Éric Woerth, ministre. Nous examinerons tous les sujets clés de cette réforme des retraites : l’âge bien sûr, parce c’est le socle d’un système par répartition,…
M. Jean-Louis Carrère. Mais vous, vous voulez un système par capitalisation !
M. Éric Woerth, ministre. … mais aussi la santé au travail, la pénibilité, les carrières longues, les inégalités de retraite entre les hommes et les femmes, les différences entre le secteur public et le secteur privé, les travailleurs handicapés, les seniors... De multiples questions se posent. Elles feront l’objet de débats approfondis, et le Gouvernement ne les laissera pas sans réponse.
Si vous deviez consulter nos concitoyens par référendum, quelle question leur poseriez-vous ? Leur demanderiez-vous : « Consentez-vous à payer plus d’impôts et de cotisations pour équilibrer notre système de retraites ? » (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n’est pas la question que nous posons !
M. Éric Woerth, ministre. Ou bien : « Consentez-vous à payer plus de quarante milliards d’euros d’impôts et de taxes supplémentaires ? » comme le propose le parti socialiste.
M. François Patriat. Posez-leur cette question !
M. René-Pierre Signé. Osez le faire !
M. Éric Woerth, ministre. Il s’agirait d’un véritable bombardement fiscal qui ruinerait notre compétitivité, pénaliserait l’emploi et diminuerait le pouvoir d’achat des Français. La réponse à ces questions est toute trouvée, ce serait : « non » !
M. Jean-Louis Carrère. C’est une caricature !
M. Éric Woerth, ministre. Les Français ne voudront pas de votre proposition de réforme des retraites ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Puisque Mme Aubry appelle à une baisse des retraites, vous pourriez formuler votre question autrement : « Acceptez-vous une baisse de votre pension de 10 % pour financer les retraites ? » Là encore, la réponse serait évidemment : « non » ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Pourtant, si l’on ne touche pas à l’âge de départ à la retraite, pour rétablir l’équilibre, il faudra baisser les pensions, de 10 % aujourd’hui et de 15 % en 2025. Telle est la réalité et personne ne souhaite, évidemment, en arriver là, surtout pas le Gouvernement et sa majorité !
Votre référendum ne servirait à rien ; il ne résoudrait rien, il ne permettrait d’avancer sur rien ! Surtout ne rien décider : telle est votre ligne de conduite !
Sur un sujet aussi vaste que les retraites, le choix du référendum est une impasse.
M. Jean-Louis Carrère. L’impasse, c’est vous !
M. Éric Woerth, ministre. Nous devons écouter les Français, mais nous devons aussi savoir prendre nos responsabilités. Les Français n’attendent pas l’inaction. Ils attendent, même si c’est difficile, que l’on réponde à leurs préoccupations. Ils attendent que nous garantissions nos régimes de retraite par répartition, et nous le faisons ! Ils attendent que nous prenions en compte la situation de ceux qui ont eu des carrières longues ou pénibles, et nous le faisons ! Ils attendent que nous agissions sur les vraies causes des écarts de pensions entre les hommes et les femmes, et nous le faisons. Le débat au Sénat sera sans doute l’occasion d’enrichir encore notre texte sur ce point ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.)
Enfin, les Français attendent que nous prenions en compte la situation des retraités les plus modestes : nous l’avons fait et nous continuons de le faire, notamment pour les agriculteurs.
M. Guy Fischer. Çà, vous ne risquez pas d’oublier les agriculteurs !
M. Éric Woerth, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement ne se réfugie pas dans l’incantation ni dans l’idéologie, il assume ses responsabilités et affronte la réalité !
Vous prétendez, monsieur Bel, que le Président de la République n’aurait pas de mandat pour agir en matière de retraite : c’est probablement parce que vous n’avez jamais agi dans ce domaine ; vous parlez d’expérience ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle caricature !
M. Éric Woerth, ministre. Permettez-moi de vous livrer un scoop : nous avons connu la pire crise économique que le monde ait eu à affronter ? Je vous demande de bien vouloir considérer et de garder présent à l’esprit que cette crise a changé la donne pour longtemps en matière de retraites. Nous vous le rappellerons, notamment lorsque nous évoquerons les mesures de financement.
Nous aurions pu ne rien faire, comme vous le souhaitez, ne rien changer, attendre que les déficits de nos régimes de retraite se creusent toujours plus. Mais la première qualité d’un homme d’État, c’est de s’adapter et de ne pas oublier la réalité, comme le fait le Président de la République française !
M. Christian Cambon. Très bien !
M. Éric Woerth, ministre. Quand ils ont élu le Président de la République, les Français lui ont donné mandat de choisir l’action et la responsabilité et non pas de se réfugier dans l’immobilisme.
M. Jean-Louis Carrère. Caricature !
M. Éric Woerth, ministre. Ce n’est pas parce que le parti socialiste a un problème avec les retraites qu’il nous faut, nous, renoncer à assumer nos responsabilités devant les Français. C’est pourquoi nous avons déposé ce projet de loi ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’Union centriste. – Huées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacky Le Menn.
M. Jacky Le Menn. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, une réforme des retraites ne peut se faire sans l’accord très large de nos concitoyens. Or, c’est loin d’être le cas : le Gouvernement reste sourd à leur voix dont l’écho lui parvient, tant par les manifestations monstres des 7 et 23 septembre et du 2 octobre derniers, que par les sondages successifs réalisés à la demande des médias, par l’interpellation de l’opposition parlementaire à l’Assemblée nationale et, ici même, au Sénat, lors de la réunion de la commission des affaires des sociales et, depuis hier, dans l’hémicycle.
Enfin, et ce n’est pas le moindre des paradoxes – quoi qu’en pense M. le rapporteur de la commission des affaires sociales –, je vous rappelle que le Président de la République a lui-même déclaré, dans un passé pas si lointain – en 2007 – qu’il n’avait pas été mandaté, donc élu, pour modifier l’âge légal d’ouverture des droits à la retraite des Français. Le président de notre groupe, Jean-Pierre Bel, l’a rappelé fort à propos voici quelques instants !
Dans ces conditions, il apparaît indispensable de prendre la voie référendaire pour demander aux Français, qui sont les premiers concernés, de trancher les points clés du projet du Gouvernement : en premier lieu, le recul de l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans, mais aussi le déport de 65 à 67 ans de l’âge d’obtention d’une pension à taux plein.
Monsieur le ministre, une réforme des retraites est effectivement nécessaire, notamment pour des raisons de financement. Personne ne le réfute, nous ne cessons de le déclarer nous-mêmes, et il faut beaucoup de surdité sélective, ou de mauvaise foi, pour ne pas l’entendre ! En revanche, la réforme que vous nous soumettez est à la fois injuste, brutale, inefficace et inéquitable, comme le soulignent à juste titre toutes les grandes confédérations syndicales de notre pays et comme l’ont rappelé Christiane Demontès au cours de la discussion générale et Jean-Pierre Bel à l’instant même.
Les confédérations syndicales dénoncent par ailleurs une concertation en trompe-l’œil qui, en fait, n’a trompé personne. Nos concitoyens n’étant pas des naïfs. Ils ont bien compris que seul le MEDEF était écouté au plus haut sommet de l’État sur ce dossier des retraites, comme sur bien d’autres.
M. Roland Courteau. C’est bien vu !
M. René-Pierre Signé. Les amis d’abord !
M. Jacky Le Menn. Tout d’abord, rappelons que la question des retraites ne peut pas se limiter à ses dimensions comptables. Elle est par essence sociétale.
M. Jean-Jacques Mirassou. Très bien !
M. Jacky Le Menn. Elle nécessite de plus une véritable négociation avec les représentants du monde du travail, négociation qui, malgré vos dénégations, monsieur le ministre, n’a pas eu lieu. Elle requiert enfin un débat de fond, dans lequel les thèmes de l’emploi et du travail devraient être abordés afin que la retraite par répartition retrouve la confiance de toutes les générations.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Jacky Le Menn. Que proposez-vous en réponse à cet enjeu majeur pour nos concitoyens ?
M. René-Pierre Signé. Rien !
M. Jacky Le Menn. Premièrement, vous proposez un projet de loi injuste.
Les salariés qui ont commencé à travailler dès leur jeune âge devront cotiser plus longtemps que les autres, sans amélioration de leur pension. Or, 50 % des nouveaux retraités de la Caisse nationale d’assurance vieillesse ont d’ores et déjà cotisé, à 60 ans, au moins un trimestre au-delà d’une carrière complète, sans acquérir pour autant de droits nouveaux. Si le dispositif de départ anticipé pour carrière longue devait être maintenu, cela reviendrait à laisser de côté toutes celles et tous ceux qui ont commencé à travailler à 18 ans et qui devront cotiser 44 ans.
Les salariés qui sont sans emploi au moment où ils partent à la retraite, soit près de six Français sur dix, seront amenés à rester au chômage, en maladie ou en invalidité plus longtemps, avec des allocations bien souvent plus faibles que leurs droits à la retraite.
Les situations de travail pénible ne sont pas reconnues par le projet de loi, qui s’adresse uniquement aux salariés ayant déjà des troubles de santé à l’âge de 60 ans. La réforme est injuste pour les salariés exposés à la pénibilité, qui ont une espérance de vie réduite, en moyenne, de trois à quatre ans par rapport à l’ensemble des salariés. Enfin, en l’état actuel des propositions du Gouvernement, la traçabilité de la pénibilité ne s’appuie pas sur les caisses de retraite et ne permet aucune action de prévention ni de compensation. (M. Roland Courteau fait un signe d’assentiment.)
Les fonctionnaires subissent une réduction de leur pouvoir d’achat à travers un rattrapage du taux de cotisation salarial, celui-ci passant de 7,85 % à 10,55 %, sans compensation et en période de gel des salaires. Et la valeur du point devrait être gelée pendant trois ans.
M. Guy Fischer. C’est inadmissible !
M. Jacky Le Menn. Les conditions d’accès au minimum garanti seront plus restrictives, ce qui amputera les droits des fonctionnaires les plus modestes, notamment les femmes.
Les salariés aux carrières incomplètes voient l’âge du départ sans pénalités – les fameuses décotes – reculer de 65 ans à 67 ans entre 2016 et 2021.
M. Guy Fischer. Ils paieront !
M. Jacky Le Menn. Les femmes seront particulièrement concernées et dramatiquement pénalisées, ce qui est inadmissible : près de 30 % d’entre elles partent actuellement à la retraite à 65 ans.
Les bas salaires seront défavorisés, dans le secteur public comme dans le secteur privé. Un complément de pension au titre du minimum contributif est versé à 42 % des nouveaux retraités du secteur privé et à 75 % de ceux qui partent à la retraite à 65 ans. Avec cette réforme, les bas salaires auront donc plus de difficultés à accéder aux mesures qui compensent partiellement la faiblesse de leurs droits à la retraite.
Le projet de loi prévoit la prise en compte des indemnités journalières perçues au titre d’un congé de maternité dans le calcul des pensions des mères de famille. Outre le fait que ces périodes ne sont pas considérées comme un temps de cotisation, ce qui a une incidence sur les départs anticipés pour carrière longue, cette mesure est très insuffisante au regard des écarts de pension entre les femmes et les hommes.
Ceux qui ont cotisé à plusieurs régimes de retraite sont aujourd’hui pénalisés. Le projet de loi évoque à peine la situation de ces polypensionnés, alors qu’ils représentent près de 40 % des nouveaux retraités…
M. Roland Courteau. En effet !
M. Jacky Le Menn. Deuxièmement, monsieur le ministre, vous proposez un projet de loi brutal. Cela a été répété à de nombreuses reprises lors de la discussion générale qui s’est tenue toute la journée d’hier et la nuit dernière.
Le texte combine deux paramètres dans des délais très brefs : d’une part, un recul des bornes d’âge de quatre mois par année civile entre 2011 et 2016 et, d’autre part, une augmentation d’un trimestre, dès 2013, de la durée des cotisations pour une retraite à taux plein, portée à 41,25 années.
Dans les fonctions publiques, une révision à la baisse du montant des pensions affectera tous les départs anticipés des mères de trois enfants qui déposeront leur dossier à compter du 1er janvier 2011. Alors même que l’emploi des séniors est une priorité, cette décision incitera les femmes fonctionnaires concernées à partir à la retraite le plus rapidement possible.
Troisièmement, monsieur le ministre, vous proposez un projet de loi inefficace.
Celui-ci ne vise que le court terme. J’ai déjà eu, hélas ! l’occasion de le déplorer à cette tribune, voilà quelques semaines, lorsque nous avons examiné le projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale. L’équilibre financier à l’horizon de 2018 n’est assuré que par le transfert vers l’assurance chômage et vers l’assurance maladie de charges qui ne sont pas comptabilisées.
Votre réforme des retraites aura ainsi un effet direct sur les comptes de l’assurance chômage à partir de 2015, effet dont le pic culminera entre 440 millions d’euros et 530 millions d’euros en 2018, selon les estimations de l’Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce, l’UNEDIC. (M. Roland Courteau fait un signe d’assentiment.)
Rien n’est prévu pour équilibrer le système de retraite au-delà de 2018, bien que vous vous en défendiez par des assertions nullement convaincantes, et les déficits continueront à se creuser, alors même que le recul des bornes d’âge aura produit tout son effet et que le Fonds de réserve pour les retraites aura été liquidé.
Enfin, le texte ne répond pas à la situation de l’emploi, qui conditionne pourtant en grande partie l’avenir des retraites. La création d’une aide à l’embauche des séniors ignore des questions aussi fondamentales que les conditions de travail et les aménagements de fin de carrière.
Quatrièmement, monsieur le ministre, vous proposez un projet de loi inéquitable.
Comme cela a déjà été souligné, ce sont essentiellement les travailleurs salariés qui doivent prendre en charge les conséquences de la crise.