M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L’article 10 du projet de loi codifie, à droit constant, pour beaucoup de ses dispositions, le droit en vigueur relatif aux fichiers d’antécédents judiciaires. Ces outils ont démontré leur efficacité. Leur suppression, proposée par les auteurs de cet amendement, entraverait sérieusement la lutte contre la délinquance.
C’est pourquoi la commission ne peut qu’émettre un avis très défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. L’article 10 du projet de loi codifie les dispositions existantes sur les fichiers d’antécédents judiciaires, les traitements d’analyse sérielle et le fichier des personnes recherchées, tout en les adaptant aux nécessités opérationnelles et, surtout, en renforçant les garanties apportées aux personnes.
Il institue un magistrat spécialement chargé de contrôler le fonctionnement des fichiers d’antécédents judiciaires et des traitements d’analyse sérielle. Ce magistrat bénéficiera d’un accès direct au fichier et détiendra des pouvoirs d’effacement et de rectification identiques à ceux du procureur de la République.
Par conséquent, il serait paradoxal, en supprimant l’article 10, de renoncer à ces garanties nouvelles proposées par le Gouvernement.
J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 9 rectifié bis, présenté par MM. Buffet, Lecerf, Lefèvre, Béteille et Cointat, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 6
Remplacer les mots :
d’informations nominatives
par les mots :
de données à caractère personnel
II. - En conséquence, alinéas 13 (seconde phrase), 15 (première phrase), 17 et 18
Procéder au même remplacement.
La parole est à M. Jean-René Lecerf.
M. Jean-René Lecerf. L'article 10 crée dans le code de procédure pénale un chapitre consacré aux fichiers de police judiciaire. Reprenant la rédaction des dispositions actuelles, les mesures proposées autorisent l'enregistrement dans ces traitements d'« informations nominatives ».
Or depuis la loi du 6 août 2004, cette notion d'« information nominative » a été remplacée par celle de « donnée à caractère personnel ». Loin de se réduire à un changement de vocabulaire, cette évolution a modifié le fondement du droit des fichiers.
La notion de « données à caractère personnel » n'a pas le même sens que celle à laquelle elle s’est substituée : il s'agit de « toute information relative à une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d'identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres ».
Elle repose donc sur deux éléments cumulatifs : d’une part, un élément d'identification, c'est-à-dire l'identité de la personne ou tout élément la rendant identifiable, d’autre part, une information, quelle qu'en soit la nature, relative à cette personne.
Il en résulte qu'aucune information n'est qualifiable de « donnée à caractère personnel » en soi. À l'inverse, toute information peut être une donnée à caractère personnel.
L'amendement proposé met donc le droit spécial des fichiers de police judiciaire en cohérence avec le droit général des fichiers, tel qu'il résulte de la loi de 1978 modifiée en 2004.
M. le président. L'amendement n° 120, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 13, seconde phrase
Rédiger comme suit cette phrase :
Dans cette hypothèse, ces dernières sont expressément informées par l'autorité responsable du traitement du contenu des informations nominatives les concernant et de leur droit de s'opposer à ce que ces informations soient conservées dans le fichier dès lors que l'auteur des faits a été définitivement condamné, à peine de nullité de la procédure.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, pour faciliter votre tâche, mon intervention sur le présent amendement vaudra également pour les amendements nos 121, 122, 123, 124 et 125.
S’inscrivant dans notre démarche tendant à clarifier l’utilisation des fichiers, ces amendements visent à garantir que les dispositifs de fichage dont il est fait mention ne portent pas atteinte à la vie privée de nos concitoyens et à s’assurer qu’ils ne deviennent pas, s’ils ne le sont pas déjà, des instruments de surveillance de la population.
Ainsi, nous souhaitons ajouter l’obligation d’informer les personnes dont les données sont enregistrées dans les fichiers de leur possibilité de s’opposer à la conservation dans ces fichiers des informations nominatives les concernant, dès lors que l’auteur des faits a été définitivement condamné.
Si cette possibilité est garantie par la rédaction actuelle du texte, il demeure impératif que l’information des personnes concernées devienne une obligation légale à peine de nullité de la procédure.
Il relève également du bon sens de prévoir que, quelle que soit la nature de la décision ayant mis hors de cause la personne visée, les données personnelles la concernant soient toutes effacées des fichiers.
Par ailleurs, comme nous l’avons fait observer précédemment, le contrôle de l’accès et de l’utilisation des fichiers de police devrait être assuré par l’autorité judiciaire qui, aux termes de l’article 66 de la Constitution, est la « gardienne de la liberté individuelle ». Or le parquet n’est pas une « autorité judiciaire » du fait de sa dépendance à l’égard de l’exécutif, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
Dès lors, nous estimons également nécessaire que les personnes en cause disposent d’un recours, qui doit être traité par des magistrats indépendants, afin d’obtenir une décision sur leurs demandes d’effacement ou de rectification des données nominatives les concernant dans l’hypothèse où le procureur rejetterait ou ne statuerait pas sur ces demandes dans le délai qui lui est imparti par le texte et conformément au droit au recours dont chaque citoyen doit disposer.
Tel est l’objet de ces amendements.
M. le président. L'amendement n° 205, présenté par MM. Anziani, Peyronnet, Bel et C. Gautier, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, MM. Sueur, Yung, Michel, Frimat et Repentin, Mmes Blondin et Bonnefoy, MM. Mahéas, Collombat, Sutour, Tuheiava, Collomb, Courteau, Guillaume, Berthou et Daunis, Mmes Ghali, M. André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 13, seconde phrase
Remplacer les mots :
Ces dernières peuvent toutefois
par les mots :
Ces dernières sont systématiquement informées et peuvent
La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.
M. Jean-Claude Peyronnet. L’article 10 du projet de loi accorde aux victimes d’infractions à la loi pénale la faculté de s’opposer à ce que les informations nominatives les concernant soient conservées dans le fichier dès lors que l’auteur des faits a été définitivement condamné. Il soulève donc la question sensible et importante de l’information des personnes figurant dans les fichiers d’antécédents alors qu’elles n’ont plus à y être mentionnées.
La rédaction retenue vise à ne pas alourdir la procédure. Mais elle revient à accorder un droit théorique si les victimes inscrites dans ce traitement de données ignorent qu’elles y figurent.
Les enquêteurs doivent pouvoir mener leurs enquêtes en toute confidentialité. Mais dans le cas présent, il s’agit des victimes, et les dossiers sont jugés.
D’aucuns ont rétorqué qu’une telle obligation d’information créerait une charge qui deviendrait très rapidement insurmontable pour les services gestionnaires. Toutefois, l’annexe au projet de loi précise : « La qualité de ce lien tissé avec la population sera d’autant plus grande que les victimes seront prises en charge avec toute la considération qui leur est due. »
Si le Gouvernement prévoit l’extension du dispositif de pré-plainte pour « contribuer à améliorer l’accueil des victimes en facilitant les démarches des usagers », l’argument de la surcharge de travail n’est pas très opportun.
Enfin, nous avons été convaincus par l’avis de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, du 15 avril 2010, préconisant que « les textes prévoient un traitement séparé des personnes mises en cause, des témoins et des victimes, ainsi que l’effacement automatique des données concernant ces derniers à l’issue des opérations judiciaires. »
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L’amendement n° 9 rectifié bis a pour objet d’harmoniser le droit des fichiers de police judiciaire avec le droit général des fichiers en remplaçant la terminologie « informations nominatives » par celle, plus précise et rigoureuse, comme l’a expliqué Jean-René Lecerf, de « données à caractère personnel ». La commission émet un avis favorable.
L’amendement n° 120 prévoit que les victimes sont expressément informées des données les concernant dans les fichiers à peine de nullité de la procédure. Cette disposition paraît excessive. En l’état du droit, que la LOPPSI ne modifie en rien, les victimes ont évidemment un droit d’accès à ces données et peuvent s’opposer à leur conservation dès lors que l’auteur des faits a été définitivement condamné.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement, ainsi que sur l’amendement n° 205.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 9 rectifié bis pour les raisons fort bien exposées tant par M. Lecerf que par M. le rapporteur.
Il est défavorable aux amendements nos 120 et 205.
L’alinéa 13 de l’article 10 ne fait que reprendre le droit actuel. Il dispose que les fichiers d’antécédents judiciaires peuvent contenir des informations sur les victimes et que celles-ci peuvent « toutefois s’opposer à ce que les informations nominatives les concernant soient conservées dans le fichier dès lors que l’auteur des faits a été définitivement condamné ».
Les fichiers d’antécédents, comme tous les fichiers de police, sont déjà soumis au droit d’accès et de rectification. Il est donc tout à fait inopportun d’imposer à l’administration une nouvelle charge aussi lourde qu’inutile. Nous avons déjà les garanties suffisantes, comme je viens de le rappeler. Nous n’y renonçons pas.
M. le président. L'amendement n° 310 rectifié, présenté par MM. Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet et Detcheverry, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Après les mots :
commission rogatoire
insérer les mots :
qui ont conduit à une décision de condamnation définitive de la personne qui a fait l'objet de ces mesures,
La parole est à M. Jacques Mézard.
M. Jacques Mézard. L’article 10 aboutit à insérer un chapitre II après l’article 230-5 du code de procédure pénale. Ce chapitre compte quatorze articles, de l’article 230-6 à l’article 230-19.
Or on nous annonce l’arrivée d’une nouvelle réforme du code de procédure pénale. On aurait peut-être pu, selon un argument que j’ai souvent entendu du côté du Gouvernement concernant des amendements de l’opposition, attendre l’arrivée de ce code de procédure pénale.
En l’occurrence, on nous propose tout un chapitre nouveau intitulé « Des fichiers de police judiciaire ».
L’amendement n° 310 rectifié vise l’alinéa 7 de l’article 10.
L’article 230-6 précise :
« […] les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale peuvent mettre en œuvre des traitements automatisés d’informations nominatives recueillies :
« 1° Au cours des enquêtes préliminaires ou de flagrance ou des investigations exécutées sur commission rogatoire et concernant tout crime ou délit ainsi que les contraventions de la cinquième classe sanctionnant :
« a) Un trouble à la sécurité ou à la tranquillité publiques ;
« b) Une atteinte aux personnes, aux biens ou à l’autorité de l’État ; »
À lui seul, le a de cet article permet de viser pratiquement toutes les infractions.
Par cet amendement, nous souhaitons ajouter, après les mots « commission rogatoire », les mots « qui ont conduit à une décision de condamnation définitive de la personne qui a fait l’objet de ces mesures ».
Il existe tout de même des principes fondamentaux, notamment celui de la présomption d’innocence. Inclure des informations dans des fichiers de cette nature et conserver des mentions sur des faits qui n’ont pas donné lieu à une condamnation définitive est tout à fait inacceptable au regard des principes. Les fichiers d’antécédents recensent des informations non seulement sur des coupables, mais aussi sur des personnes n’ayant jamais fait l’objet de la moindre poursuite.
Il faut sortir de ce système, qui est particulièrement pernicieux et manifestement contraire à tous les principes fondamentaux du droit. Il y a là un risque considérable qu’il faut stopper.
Ne laisser dans ces fichiers que des renseignements sur des condamnations définitives est la moindre des choses.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Les auteurs de l’amendement entendent limiter les informations collectées dans les fichiers de police judiciaire, lorsqu’elles sont recueillies à la suite d’investigations, à celles qui concernent des personnes définitivement condamnées.
Cette restriction limiterait beaucoup l’intérêt des fichiers d’antécédents judiciaires, qui ont précisément pour objet de permettre l’identification d’auteurs d’infraction.
Aussi, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Puisque nous rappelons des principes simples, il convient aussi de rappeler l’intérêt de ces fichiers, qui sont des outils précieux et indispensables d’aide à l’enquête.
Le travail des enquêteurs est difficile et utile. Il est important qu’ils puissent procéder, même quand il n’y a pas eu de condamnation, à des investigations avec les informations nécessaires, notamment sur les faits constatés, les personnes mises en cause et les victimes d’infractions pénales.
Il ne s’agit pas de s’intéresser seulement à des personnes condamnées, il s’agit aussi d’offrir aux enquêteurs des informations sur les personnes mises en cause, afin de leur donner des pistes d’investigation. Je ne comprends pas que vous ne le compreniez pas, monsieur Mézard. C’est extrêmement important.
Limiter le contenu de ces fichiers aux seules personnes qui ont fait l’objet d’une condamnation définitive, comme vous le proposez dans votre amendement, reviendrait à transformer les fichiers d’antécédents en un nouveau casier judiciaire, ce qui, je le signale au passage, nous mettrait en contradiction avec l’article 777-3 du code de procédure pénale.
C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.
M. Jacques Mézard. Je ne suis absolument pas convaincu par les arguments que je viens d’entendre, puisque l’alinéa 7 vise les enquêtes préliminaires ou de flagrance et les investigations exécutées sur commission rogatoire.
De deux choses l’une : ou bien ces enquêtes et ces commissions rogatoires ont amené des éléments qui aboutissent à la condamnation, ou bien tel n’est pas le cas. Il serait terrible, s’il n’y a pas eu de suite judiciaire ou de condamnation, de conserver des informations manifestement erronées, injustifiées ou, du moins, qui n’ont pas lieu d’être utilisées dans ce type de fichiers.
D’ailleurs, cette mesure concerne même les contraventions de cinquième classe ! On a étendu ces enquêtes non seulement aux crimes et aux délits mais également à cette catégorie de contraventions !
Moi, je ne comprends pas, monsieur le secrétaire d’État, qu’un homme aussi épris de liberté que vous puisse maintenir ce type d’argumentation.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 310 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. L'amendement n° 118, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Cet article nous confirme encore une fois que la sacro-sainte politique du chiffre, initiée par Nicolas Sarkozy et sans cesse amplifiée par le Gouvernement, aura raison des libertés individuelles de nos concitoyens.
L’alinéa 11 dispose que les informations recueillies peuvent être exploitées « à des fins de recherches statistiques ». Cette disposition, sans nul doute en corrélation avec la notion de performance omniprésente dans ce texte, soumet ainsi votre obsession sécuritaire aux impératifs économiques et budgétaires. La législation de protection des données personnelles, qui s’est intensément développée en raison de l’essor des nouvelles technologies, repose, en principe, sur au moins deux piliers.
Le premier est le principe de protection des données à l’aide d’instruments juridiques adaptés à l’encadrement de l’utilisation des données recueillies.
Mais la protection des données doit aussi s’articuler autour du principe de finalité, qui est l’une des bases de la loi du 6 février 1978, de la Convention du Conseil de l’Europe et qui est également, bien sûr, au cœur de l’activité de contrôle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL.
Selon ce principe, un traitement d’informations nominatives est créé pour atteindre un objectif bien défini.
Nous vous rappelons avec ironie que ce chapitre s’intitule « De la mise au clair des données chiffrées nécessaires à la manifestation de la vérité ». Prenez-en acte et comprenez que nous demandions le retrait de cette disposition dont la formulation, on ne peut plus floue, permettra des dérives liberticides.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement supprime la disposition prévoyant que les traitements ont pour objet l’exploitation des informations recueillies à des fins de recherches statistiques. Une meilleure connaissance statistique apparaît pourtant un moyen de mieux lutter contre la délinquance. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Avis défavorable, pour les mêmes raisons.
D’ailleurs, l’Observatoire national de la délinquance, l’OND, est un organisme dont l’indépendance et la compétence sont reconnues et garanties par le conseil d’orientation auprès de tous les départements ministériels et les organismes publics ou privés qui ont à connaître directement ou indirectement de faits ou de situation d’atteinte aux personnes et aux biens. Il n’y a pas lieu d’être inquiet sur ce point.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 119, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Remplacer les mots :
, sans limitation d'âge,
par les mots :
âgées de plus de 13 ans
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Mme Marie-Agnès Labarre. Le Président de la République promettait, il y a peu, de faire face au défi structurel de l’emploi des jeunes à coup d’annonces grandiloquentes et, comme à l’accoutumée, chiffrées.
Répertorier les jeunes et, pire encore, les cataloguer comme délinquants, dès la maternelle, dans des fichiers qui, on le sait, sont très peu fiables – je rappelle que seuls 17 % des fiches comportent des données exactes –, voilà une belle promesse d’embauche !
Le Gouvernement ne cesse de nous asséner des contrevérités scandaleuses sur la délinquance des mineurs, qui n’a pas plus augmenté que celle des majeurs ces dernières années. Le climat de tension délibérément instauré dans notre société a augmenté le niveau de violence général.
C’est d’ailleurs ce qui a justifié que Rachida Dati, ancienne garde des sceaux, ait voulu abaisser la majorité pénale à douze ans. Mais peut-être chauffez-vous déjà à blanc l’opinion publique pour la révision de l’ordonnance de 1945…
Toujours est-il que, en plus de refuser fermement l’amplification des procédures de fichage actuellement en vigueur, nous nous opposons à cette disposition qui ne fait que stigmatiser les mineurs en danger et nous souhaitons que l’on s’en tienne à l’âge de la majorité pénale.
M. le président. L'amendement n° 311 rectifié, présenté par M. Collin, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet, Detcheverry et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Remplacer les mots :
sans limitation d'âge
par les mots :
âgées au moins de treize ans
La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier.
Mme Anne-Marie Escoffier. Avec une formulation à peu près identique à celle de l’amendement qui vient d’être présenté, l’amendement n° 311 rectifié tend à restreindre la possibilité offerte par l’alinéa 12 de cet article de conserver des informations personnelles à l’encontre des personnes de tout âge, par conséquent à l’encontre des mineurs de moins de treize ans.
Nous ne pouvons que nous opposer à cette mesure. En effet, conformément aux dispositions de l’article 2 de l’ordonnance du 2 février 1945, la responsabilité pénale ne peut être engagée qu’à l’encontre de personnes âgées d’au moins treize ans.
Quelle est l’utilité de cette mesure qui permettrait de conserver dans des fichiers judiciaires des informations personnelles sur des mineurs qui ne peuvent en aucun cas être poursuivis devant des juridictions pénales, même si celles sont spécialisées.
On s’interroge, par ailleurs, sur l’intérêt de marquer au fer rouge pour le reste de leur existence des mineurs dont l’absence totale de discernement explique souvent en grande partie le comportement.
Enfin, pour les raisons qui ont déjà été longuement et fort bien expliquées par mon collègue Jacques Mézard, à propos de l’amendement n° 310 rectifié, la conservation de données personnelles concernant des personnes dont la culpabilité n’a jamais été reconnue par une juridiction, avec toutes les conséquences néfastes déjà évoquées, va à l’encontre de la présomption d’innocence.
Je suis désolée de vous contrarier, monsieur le secrétaire d’État, mais nous souhaiterions que cette modification puisse intervenir.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Cet amendement vise à exclure des fichiers les mineurs de moins de treize ans.
Toutefois, il ne faut pas faire d’amalgame entre les informations collectées dans les fichiers et la responsabilité pénale. Les fichiers restent de simples outils d’investigation et ne s’assimilent en rien à un casier judiciaire.
M. Charles Gautier. N’importe quoi !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Madame Escoffier, en complément de l’argument que M. le rapporteur vient de développer, je voudrais vous rappeler – avec beaucoup de respect, mais il ne faut pas non plus nous faire sans cesse des procès d’intention sur ce sujet – que s'agissant des mineurs de treize ans dont vous avez évoqué la situation, l’alinéa 12 de l’article 10 ne fait que reprendre la législation actuelle. En effet, il dispose que les fichiers d’enregistrements judiciaires « peuvent contenir des informations sur les personnes sans limitation d’âge – ce point est important –, à l’encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants ».
Nous ne voulons pas stigmatiser une population ou créer une nouvelle catégorie juridique. Toutefois, nous ne voulons pas non plus revenir sur une possibilité qui, je le répète, existe déjà, et qui, comme l’a souligné M. le rapporteur, vise non pas à condamner ceux qui ne doivent pas l’être, mais à fournir des données qui sont nécessaires.
On ne peut ignorer, et du reste personne ne le conteste, qu’un mineur de moins de treize ans peut commettre des faits graves. Or, en pareil cas, il faut tout de même que l’enquête puisse être diligentée ! Il ne s'agit pas de stigmatiser, de montrer du doigt ou de faire obstacle à un traitement particulier des mineurs auquel je suis personnellement très attaché, comme vous tous d'ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs.
Vous le savez, car telle est la réalité de notre société, des infractions, y compris graves, sont commises par des mineurs de plus en plus jeunes. Il faut tout de même que nous puissions disposer d’un certain nombre d’informations sur ce phénomène ! Or l’inscription des auteurs d’infractions mineurs dans les fichiers d’antécédents est indispensable aux services enquêteurs.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. C’est du bon sens !
M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État. Je le répète, je pense que nous portons tous le même regard sur la situation particulière des mineurs. J'ajoute, pour être tout à fait précis sur ce point, que le cadre réglementaire des fichiers d’antécédents apporte déjà toutes les garanties nécessaires : pour répondre à l’un des arguments que vous avez évoqués, madame Escoffier, la durée de conservation des données relatives aux mineurs est inférieure à celle qui est prévue pour les majeurs.
Franchement, – je vous le dis avec un profond respect – je ne comprends pas le sens de cet amendement. En tout cas, le Gouvernement y est défavorable, pour les raisons que je me suis permis de développer un peu.
M. le président. L'amendement n° 121, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes visées à l'alinéa précédent sont expressément informées par l'autorité responsable du traitement que des informations nominatives les concernant ont fait l'objet d'un traitement automatisé, à peine de nullité de la procédure.
Cet amendement a déjà été défendu.
Quel est l’avis de la commission ?