M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Avant de répondre à l’ensemble des orateurs, je tiens à remercier ces derniers de la discussion qui vient d’avoir lieu et qui montre à quel point le texte a suscité l’intérêt ; les avis ont parfois été divergents, mais c’est tout l’intérêt de la démocratie et des débats, notamment au sein de la Haute Assemblée.
Je félicite de nouveau les membres de la commission de l’économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, en particulier le président Jean-Paul Emorine et le rapporteur Gérard Cornu, pour l’excellence de leur travail. À chacun des moments forts, les conclusions du Gouvernement convergeaient avec celles du rapporteur, les quelques différences d’appréciation qui subsistaient étant assez minimes.
Monsieur Collin, s’agissant de votre appréciation de la réforme des réseaux consulaires, je vous ai trouvé un peu sévère.
M. Yvon Collin. C’est rare !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. C’est rare, en effet !
À l’instar de Mme Terrade, vous avez estimé que ce projet de loi était peu consensuel. Je rappellerai pourtant, une nouvelle fois, combien ce texte a été d’abord le fruit d’un travail au sein du réseau lui-même, et que le ministre a tenu le plus grand compte des propositions qui ont été faites par ce dernier, en dépit des vives discussions qui ont pu avoir lieu en son sein. Je fais référence ici au réseau des chambres de commerce et d’industrie plus qu’a celui des chambres de métiers et de l’artisanat ; le débat sur ces dernières faisait déjà l’objet d’un consensus sur les axes de la réforme, et a donc été peu nourri.
Monsieur Collin, madame Terrade, le travail accompli a vraiment été considérable, à la fois avant la rédaction du projet de loi et après le dépôt de ce texte au Parlement. Il me semble que nous sommes maintenant parvenus à un équilibre, comme l’a très justement souligné Mme Procaccia.
Nous sommes arrivés à un équilibre sur les prérogatives exercées par les échelons territorial et régional, sur le recrutement des agents de droit public par les chambres de région et sur la délégation permanente qui permettra aux chambres territoriales de recruter. Un équilibre a également été trouvé quant aux ressources fiscales, qui seront attribuées aux chambres de région puis réparties entre les chambres territoriales avec des garanties pour ces dernières.
Madame Goulet, comme vous l’avez remarqué à juste titre, il est prévu que les chambres de métiers et de l’artisanat départementales puissent soit fusionner au sein d’une chambre de métiers et de l’artisanat de région pour en devenir des sections, soit conserver leur statut d’établissement public et être simplement rattachées à une chambre régionale. Vous vous êtes interrogée avec raison sur le fait qu’une telle option n’a pas été prévue pour les chambres de commerce et d’industrie.
Avant l’adoption de ce texte, il y avait une différence forte dans la structuration des réseaux consulaires. Celle-ci était quasiment achevée pour les chambres de métiers et d’artisanat : pour cent départements, on comptait cent trois chambres de métiers. Il n’en allait pas de même pour le réseau des chambres de commerce et d’industrie, lesquelles étaient encore plus de cent cinquante avant la réforme. C’est cette profonde différence qui explique que cette option ait été proposée par le réseau des chambres de métiers et d’artisanat et que je l’ai intégrée dans le projet de loi.
Par ailleurs, ainsi que je m’y étais engagé, le Gouvernement a choisi de respecter le plus possible le choix de réforme porté par les réseaux. Les chambres de commerce et d’industrie de Paris et de Versailles-Val-d’Oise-Yvelines ont, pour leur part, privilégié une fusion au sein d’une chambre de commerce et d’industrie Paris-Île-de-France. Par conséquent, le projet de loi prévoit des dispositions spécifiques pour cette région.
Madame Goulet, vous vous êtes ensuite interrogée sur les économies qui seront réalisées grâce aux mutualisations entre les chambres de métiers et de l’artisanat.
Je tiens à vous indiquer que ces économies sont réelles. Comme vous l’avez-vous-même souligné, elles se traduiront par une baisse non seulement de la taxe pour frais de chambres de métiers et de l’artisanat entre 2011 et 2013, mais également du niveau de droit additionnel, qui ne pourra plus être porté qu’à 90 % du droit fixe si une convention d’objectifs et de moyens est conclue entre la chambre de métiers et de l’artisanat et l’État. Auparavant, une chambre était susceptible de bénéficier d’un droit additionnel pouvant être porté jusqu’à 95 % du droit fixe. Nous le voyons, il y a donc là une diminution qui devrait satisfaire tous les partisans de la baisse des dépenses fiscales de notre pays.
Madame Goulet, je suis bien entendu totalement disponible pour venir vous rendre visite, ainsi qu’à l’ensemble des parlementaires de l’Orne.
Mme Nathalie Goulet. Ça se gâte ! Je pensais que c’était seulement pour moi ! (Sourires.)
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Madame Terrade, vous m’avez interrogé sur le caractère administratif des établissements publics que sont les chambres de commerce et d’industrie.
Mme Odette Terrade. Qui avait été gagné à l’Assemblée nationale en première lecture !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. À la suite de l’adoption d’un amendement présenté par votre collègue M. Paul ! Or cela avait suscité de nombreux débats, que nous n’allons pas refaire aujourd'hui.
Comme vous l’avez-vous-même indiqué, l’affirmation du caractère administratif des chambres de commerce et d’industrie aurait eu une lourde conséquence : c’est le statut de la fonction publique qui se serait appliqué en matière de représentativité syndicale !
Votre Haute Assemblée a estimé qu’il n’était pas nécessaire de préciser le caractère administratif des chambres de commerce et d’industrie, car cela aurait eu pour effet de nier la part industrielle et commerciale de certaines missions de ces organismes.
En outre, je tiens à rappeler que le statut général des fonctionnaires ne s’applique pas aux agents des chambres de commerce et d’industrie. En effet, le statut de ces derniers relève de la commission paritaire nationale, qui, comme vous le savez, a été instituée par la loi de 1952.
Je voudrais attirer votre attention sur ce qui se passerait si nous vous suivions. Compte tenu des modalités de représentation des agents qui résultent de la loi de 1952 et du fait que, aujourd'hui, 60 % des représentants en commission paritaire locale ne sont pas affiliés à une organisation syndicale, un alignement des règles relatives au dialogue social au sein des chambres de commerce et d’industrie sur celles qui s’appliquent à la fonction publique aurait pour conséquence d’empêcher les agents non affiliés à des syndicats de se présenter !
Mme Odette Terrade. Mais non ! Absolument pas !
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Ce serait incompréhensible pour les agents des chambres consulaires, qui font confiance à leurs représentants. C’est pourquoi nous n’avons pas souhaité retenir une telle option.
J’en viens à présent au titre II du projet de loi, et je centrerai mon propos sur le sujet qui a été le plus évoqué par les différents intervenants, celui des MIN.
Tout d’abord, je me réjouis que M. le rapporteur Gérard Cornu ait annoncé son intention de se rallier au texte résultant des travaux de l’Assemblée nationale. Je tenais à l’en remercier, car ce texte me semble aujourd’hui un bon point d’équilibre.
Je salue également Mme Procaccia et M. Lagauche. Vous le voyez, je m’adresse aussi bien à la droite qu’à la gauche ! (Sourires.)
Mme Catherine Procaccia. C’est toujours le Val-de-Marne ! (Nouveaux sourires.)
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Tous les deux se sont livrés à un plaidoyer très enthousiaste en faveur des marchés d’intérêt national.
D’ailleurs, je vous indique que nombre de pays s’inspirent aujourd'hui de cette formule. Ainsi, le marché d’intérêt national de Rungis exporte actuellement son savoir-faire en Chine. Vous avez eu raison d’en souligner les mérites.
Madame Procaccia, je tenais à vous remercier d’avoir rappelé qu’une concertation avait été menée par le Gouvernement, en l’occurrence par moi-même, afin d’essayer de trouver un équilibre entre, d’une part, la nécessité de transposer la directive Services, ce qui rendait le statu quo impossible, et, d’autre part, l’obligation de prendre en compte les périmètres de référence qui sont définis. Il était, me semble-t-il, important de le rappeler.
Madame Khiari, je vous ai connue plus optimiste lors de l’examen d’un certain nombre d’autres textes législatifs. Aujourd'hui, je vous trouve un peu pessimiste. J’espère que l’avenir vous démentira.
Madame Terrade, il ne faut pas plaider pour le statu quo. Celui-ci n’arrange rien, en particulier lorsque nous sommes dans l’obligation d’évoluer, que ce soit pour nous mettre en conformité avec les directives européennes ou pour nous adapter à tel ou tel aspect de la globalisation.
À mon sens, le texte qui a été adopté par l’Assemblée nationale constitue un équilibre juste et permet de renforcer la concurrence tout en conservant les périmètres de référence actuels.
Les débats ont été nombreux, à l’Assemblée nationale comme au Sénat. À mon avis, la clause de revoyure qui est prévue au 31 décembre 2012 pour dresser un bilan est vraiment nécessaire. Nous pourrons apprécier s’il est ou non opportun de maintenir les périmètres de référence. (Mme Nathalie Goulet opine.)
Toute pratique doit être soumise à l’épreuve des faits et jugée en fonction de ses conséquences. À cet égard, madame Khiari – nous avons souvent été d'accord sur d’autres sujets, et je regrette qu’il n’en aille pas de même aujourd'hui –, il ne me semble pas raisonnable de fermer le débat ! À quel titre nous priverions-nous d’un bilan ? Il ne faut pas en rejeter le principe ou en anticiper les conclusions en réclamant d’ores et déjà la suppression des périmètres après le mois de décembre 2012. Cette question devra être abordée au regard du bilan qui aura été dressé.
Tels sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les éléments de réponse que je souhaitais apporter à l’ensemble de vos interpellations. (Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Jean Boyer applaudit également.)
M. le président. Nous passons à la discussion du texte de la commission.
Je rappelle que, aux termes de la nouvelle rédaction de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets et propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.
Article 11
(Non modifié)
Le chapitre Ier du titre VI du livre VII du code de commerce est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa de l'article L. 761-1 est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Les marchés d'intérêt national sont des services publics de gestion de marchés offrant à des grossistes et à des producteurs des services de gestion collective adaptés aux caractéristiques de certains produits agricoles et alimentaires.
« Ils répondent à des objectifs d'aménagement du territoire, d'amélioration de la qualité environnementale et de sécurité alimentaire.
« L'accès à ces marchés est réservé aux producteurs et aux commerçants. » ;
2° L'article L. 761-4 est ainsi modifié :
a) À la fin du premier alinéa, les mots : « en Conseil d'État » sont supprimés ;
b) Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés ;
c) Au début de l'avant-dernier alinéa, les mots : « Le décret mentionné au premier alinéa » sont remplacés par les mots : « Ce décret » ;
3° L'article L. 761-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 761-5. – Dans le périmètre mentionné à l’article L. 761-4, les projets d’implantation ou d’extension de locaux ou d’ensembles de locaux destinés à recevoir, aux fins de vente autre que de détail, des produits dont la liste est définie par arrêté des ministres de tutelle, sur une surface de vente consacrée à ces produits de plus de 1 000 mètres carrés, sont soumis à l’autorisation de l’autorité administrative dans les conditions définies à l’article L. 761-7.
« L'autorisation prévue au premier alinéa est de droit lorsque le marché ne dispose pas des surfaces nécessaires pour permettre l'implantation ou l'extension envisagée.
« Le régime d'autorisation prévu par le présent article ne s'applique pas aux locaux des producteurs et groupements de producteurs pour les produits qui proviennent d'exploitations sises à l'intérieur du périmètre de référence.
« Au plus tard le 31 décembre 2012, un bilan de l’organisation des marchés d’intérêt national, portant en particulier sur la mise en œuvre et l’efficacité des périmètres de référence au regard des objectifs poursuivis, est présenté au Parlement par l’autorité administrative compétente afin de déterminer s’il y a lieu, ou non, de maintenir ce dispositif ou de le faire évoluer à compter du 1er janvier 2013. L’élaboration de ce bilan associe notamment les établissements publics et les organisations interprofessionnelles concernés.
« Les conditions d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État. » ;
4° L'article L. 761-6 est ainsi rédigé :
« Art. L. 761-6. – Lorsque le périmètre de référence d'un marché d'intérêt national englobe un port, le régime d'autorisation prévu au premier alinéa de l'article L. 761-5 ne s'applique pas aux installations incluses dans l'enceinte du port et accueillant des activités portuaires lorsque ces installations sont uniquement destinées à des produits importés dans ce port ou exportés à partir de lui par voie maritime. » ;
5° L'article L. 761-7 est ainsi rédigé :
« Art. L. 761-7. – L'autorité administrative compétente statue sur les demandes d'autorisation qui lui sont présentées en vertu de l'article L. 761-5 en prenant en considération les effets du projet en matière d'aménagement du territoire et de développement durable. » ;
6° À la première phrase de l'article L. 761-8, les mots : « aux interdictions des articles L. 761-5 et L. 761-6 » sont remplacés par les mots : « aux dispositions des articles L. 761-5 et L. 761-7 ».
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade, sur l'article.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous examinons en deuxième lecture le seul article restant en discussion. Comme cela a été souligné, il traite des marchés d’intérêt national.
Il faut bien dire que cet article a particulièrement évolué depuis le dépôt du projet de loi.
En effet, si le texte initial, qui était issu d’une concertation menée pendant dix mois avec les professionnels, apparaissait équilibré, la rédaction dont nous avons eu à débattre en première lecture l’était beaucoup moins, l’Assemblée nationale ayant adopté un amendement de Mme Vautrin tendant à la suppression pure et simple des périmètres de référence des MIN.
D’ailleurs, et cela a été également souligné, une telle situation a créé une grande émotion, tant parmi les professionnels des MIN que chez les élus des départements concernés. Au demeurant, je vous rappelle que tous ne sont pas du Val-de-Marne, monsieur le rapporteur. (Sourires.)
Grâce à l’adoption d’un amendement présenté par notre groupe au Sénat, ces périmètres de référence ont pu être maintenus pour les surfaces supérieures à 1 000 mètres carrés, dès lors soumises à l’octroi d’une autorisation.
Or, cette rédaction a été modifiée par l’Assemblée nationale. En effet, il est dorénavant prévu que le seuil de 1 000 mètres carrés concerne uniquement la surface consacrée à la vente des produits normalement commercialisés dans les MIN, dont la liste est établie par arrêté interministériel, et non la totalité des marchandises.
Par ailleurs, l’Assemblée nationale a prévu qu’un bilan de l’organisation des marchés d’intérêt national, portant en particulier sur la mise en œuvre et l’efficacité des périmètres de référence au regard des objectifs visés, serait réalisé à la fin de l’année 2012, afin de déterminer s’il y a lieu, ou non, de maintenir un tel dispositif.
À nos yeux, il s’agit d’un véritable recul par rapport aux avancées obtenues au Sénat, qui constituaient déjà pour nous – je l’ai indiqué – un repli. En effet, nous continuons de considérer que ces périmètres de référence correspondent à une mission d’intérêt général et que leur maintien est nécessaire.
De plus, le rapporteur, notre collègue Gérard Cornu, ne laisse aucun suspense sur l’issue de ce bilan. En effet, selon le compte rendu de la réunion de commission du 30 juin 2010, il a déclaré : « De toute façon, nous supprimerons les périmètres dans deux ans… » ! Nous jugeons de tels propos excessifs.
Dans ces conditions, la réalisation d’un bilan ne peut apparaître que comme un leurre pour repousser à plus tard une décision politique trop difficile à prendre aujourd’hui.
Toutefois, mes chers collègues, quand vous rendrez-vous enfin compte que la directive Services, que vous souhaitez voir transposée dans notre droit interne, comporte tous les ingrédients ayant conduit à la grave crise économique et sociale que nous traversons aujourd’hui ? Indépendamment de toute autre considération, la concurrence libre et non faussée est un non-sens pour garantir les droits essentiels. C’est une politique économique sans avenir social, sans progrès possible pour les citoyens ! Nous en avons la démonstration tous les jours. Il serait temps, selon nous, de se ressaisir.
En outre, et pour en revenir aux MIN, à l’heure actuelle, nous n’avons aucune idée de la méthodologie qui sera utilisée pour la confection de ce bilan, en dehors du fait qu’il sera sous la responsabilité de l’autorité administrative.
De notre point de vue, et les débats l’ont souligné, l’enjeu est trop important pour que de telles questions demeurent en suspens. Aussi, nous demandons des clarifications, mais également que les parlementaires y soient associés de bout en bout.
Cela pourrait notamment se faire par l’intermédiaire du groupe de travail consacré aux fruits et légumes ou d’une commission d’enquête. Cependant, la participation des parlementaires à cette tâche doit être un élément intangible.
Les périmètres de référence autour des MIN sont justifiés par des considérations d’intérêt général, et ce indépendamment de tous les dogmes posés par la directive Services.
Ainsi, ces périmètres ont été conçus à Paris pour contraindre les opérateurs à s’installer à Rungis lors du déménagement des Halles, et dans toute la France pour organiser un système de distribution qui avait pour objectifs de permettre la mise en marché des productions agricoles régionales, de maîtriser la formation des prix, de veiller à la moralité des transactions grâce à la police des marchés, de contrôler les flux de marchandises avec un suivi douanier et de veiller à la sécurité alimentaire des approvisionnements, grâce aux contrôles vétérinaires et phytosanitaires in situ.
Pour cette raison, nous sommes particulièrement attachés au maintien des périmètres de référence et nous n’accepterons pas leur suppression sur le fondement d’un bilan factice qui serait réalisé en 2012.
Pour se développer, les MIN ont besoin d’investissements importants, ce qui implique une visibilité à long terme.
C’est pourquoi nous attendons des engagements concrets sur les conditions de réalisation d’un tel bilan avant l’adoption du présent projet de loi.
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par Mme Khiari, MM. Bérit-Débat, Lagauche, Raoul, Marc et Daunis, Mme Bricq, M. Mirassou et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je me suis déjà exprimée lors de la discussion générale sur les limites de l’amendement des 1 000 mètres carrés.
Les difficultés d’application de cette disposition sont manifestes et attestent de la facilité déconcertante à la contourner.
Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous nous assurer qu’un décret d’application précisera les modalités d’évaluation des superficies ? En ces temps de révision générale des politiques publiques, ou RGPP, pouvez-vous nous assurer qu’un service de l’État sera chargé de ce contrôle ? Par ailleurs, les gestionnaires des MIN seront-ils informés de toute nouvelle installation au sein de leur périmètre ?
Une telle imprécision, conjuguée à l’adoption par l’Assemblée nationale de la clause de revoyure, renforce notre scepticisme.
Certes, côté face, cette clause garantit qu’un bilan d’application de la loi sera établi.
Monsieur le secrétaire d’État, vous avez répondu par anticipation. Je considère que ce travail d’évaluation de nos politiques publiques est tout à fait légitime et nécessaire.
Mme Bariza Khiari. Mais je constate que nous ne savons pas en tirer les conséquences. Voilà quelques mois, le bilan d’application de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, la LME, était, pour partie, négatif, malgré les précautions sémantiques contenues dans le rapport, qu’il s’agisse de l’urbanisme commercial ou des relations commerciales.
Pour l’heure, nous n’avons pas vu le début du commencement d’un ajustement. Selon vous, deux ans, c’est trop court. Ce qui est vrai pour l’urbanisme commercial l’est également pour le commerce de gros.
Cette clause de revoyure s’apparente plus à un gage donné à la grande distribution de commerce de gros qu’à une réelle volonté d’évaluation de la loi.
Côté pile, la clause de revoyure a des conséquences lourdes d’un point de vue économique. Cette incertitude à moyen terme incite les opérateurs des MIN à différer, voire à annuler des investissements lourds, qui sont pourtant parfois nécessaires pour le développement de leurs activités.
C'est la raison pour laquelle nous souhaitons la suppression de cette période transitoire. Notre opposition ne se limite pas à la seule question du bilan ; la solution retenue nous paraît biaisée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Gérard Cornu, rapporteur. Monsieur le président, si vous le permettez, je souhaite apporter une réponse relativement détaillée, car l’amendement présenté par Mme Khiari porte sur un sujet qui est effectivement important. J’aimerais donc revenir sur la genèse des décisions qui ont été prises par les députés.
Comme vous l’avez compris, les modifications adoptées à l’Assemblée nationale par rapport au texte issu des travaux du Sénat sont le fruit d’un compromis. Et une solution de compromis peut ne satisfaire personne.
D’un côté, il y a ceux, dont je fais partie, qui veulent favoriser la liberté d’entreprendre. Je suis toujours gêné lorsqu’on cherche à brider la liberté d’entreprendre. Que voulez-vous ? C’est ainsi ! Je suis pour que les gens puissent librement créer leur entreprise.
De l’autre côté, il y a ceux qui entendent entraver la liberté d’entreprendre et conserver des privilèges.
Mme Odette Terrade. Ce ne sont pas des privilèges !
M. Gérard Cornu, rapporteur. C’est tout ! Chacun a sa pensée politique.
Le texte adopté au Palais-Bourbon est un compromis entre les libéraux et ceux qui veulent s’arc-bouter sur des privilèges.
M. Michel Teston. Oh !
Mme Bariza Khiari. Le terme « privilèges » est excessif !
M. Gérard Cornu, rapporteur. Dès lors, il est logique que le compromis puisse ne satisfaire personne.
Ce qui me gêne dans cet amendement, c’est qu’il vise à supprimer le bilan de l’organisation des MIN.
Loin de moi l’idée de sacrifier Rungis : la société d’économie mixte du marché de Rungis, la SEMMARIS, fait un travail remarquable, exporte son savoir-faire dans le monde entier, et ce sans périmètre de protection, d’ailleurs, puisqu’il n’y a qu’en France qu’un tel périmètre existe. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.) C’est la vérité !
La SEMMARIS est une excellente entreprise, au savoir-faire extraordinaire. C’est pourquoi la suppression du privilège et du périmètre de protection ne me posait pas de difficulté. Mais proposer de supprimer le dispositif d’évaluation,… les bras m’en tombent !
Les socialistes sont d’habitude les premiers à demander des dispositifs d’évaluation. Pourquoi vouloir supprimer cette évaluation-là, qui doit être remise au plus tard le 31 décembre 2012 ? Franchement, madame Khiari, je ne vous comprends pas, d’autant moins qu’en commission vous vous êtes vous-même interrogée sur l’existence du seuil des 1 000 mètres carrés, faisant valoir qu’un établissement pourrait sournoisement augmenter sa surface grâce à un projet d’extension de 990 mètres carrés non soumis, lui, à autorisation. Le cas s’est déjà présenté dans la grande distribution.
Nous ferons le bilan au 31 décembre 2012. S’il y a eu des tricheurs de part et d’autre ou si l’installation s’est révélée impossible au-delà de 1 000 mètres carrés, nous verrons bien !
Ce dispositif d’évaluation est le fruit d’un compromis. Je préfère que nous en restions au texte de l’Assemblée nationale. C’est pourquoi je suis défavorable à l’amendement n° 1.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Madame Khiari, M. le rapporteur a parfaitement démontré le caractère insolite de votre demande de suppression. Je n’y insisterai pas.
En revanche, je reviendrai plus longuement sur votre argument qui tend à accréditer l’idée que l’excellent rapport de votre collègue Élisabeth Lamure sur l’application de la loi de modernisation de l’économie n’aurait finalement servi à rien. Je m’inscris en faux, et je vous donnerai trois exemples pour vous prouver que les conclusions de Mme Lamure reçoivent un début d’effet.
Tout d’abord, en ce qui concerne le raccourcissement des délais de paiement, problème réglé par le titre Ier de la loi de modernisation de l’économie, des inconvénients sont apparus, certains secteurs aux cycles de production anormalement longs éprouvant des difficultés à se conformer à la loi. J’ai soutenu une charte de bonne conduite qui a été signée par la Fédération française du bâtiment et les promoteurs immobiliers afin de parvenir à un accord sur le raccourcissement des délais de paiement dans ce secteur bien spécifique.
Ensuite, le rapport de Mme Lamure faisait état d’une insatisfaction en matière d’urbanisme commercial. Vous le savez, l’Assemblée nationale a adopté une proposition de loi présentée par le président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, Patrick Ollier, et sera discutée prochainement par la Haute Assemblée. Ce texte a pour ambition de faire évoluer le dispositif en matière d’urbanisme commercial, conformément à l’engagement qui avait été pris par le Gouvernement.
Enfin, le titre II de la loi de modernisation de l’économie institue, et c’est heureux, la négociabilité dans les relations entre producteurs et distributeurs. Cependant, cette négociabilité avait une contrepartie, à savoir la possibilité de sanctionner les clauses abusives des contrats. Nous en avons tiré toutes les conséquences puisque, vous ne l’ignorez pas, l’ensemble des enseignes de la grande distribution française ont été assignées. Nous connaîtrons les résultats de cette action dans les semaines et les mois à venir.
Vous le voyez, nous avons tenu le plus grand compte des conclusions du rapport de Mme Lamure. Il serait bon que vous ne vous priviez pas, en supprimant la possibilité d’un bilan à l’horizon de 2012 sur les MIN, des éléments d’adaptation que vous souhaitez par ailleurs introduire.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.