Mme Dominique Voynet. Chose promise, chose due ! Il faut admettre d’emblée que, à l’heure où nous entamons l’examen en deuxième lecture de ce texte, au moment donc où nous nous rapprochons de l’aboutissement même du travail législatif, nous nageons effectivement en plein chaos !
Nous avons été nombreux dans cet hémicycle, et plus vivement encore au-delà de ces murs, à pointer, lors de la première lecture, le fait que votre texte, monsieur le ministre, comportait bien plus d’inconvénients que d’avantages. À cet égard, l’examen du projet de loi par les députés n’a rien amélioré.
Au lieu d’alléger le millefeuille institutionnel territorial, il est vrai déjà particulièrement bourratif, ce texte vient au contraire l’épaissir. Il institue des métropoles et des pôles métropolitains, des départements à compétences variables, selon qu’ils accueillent ou non une métropole, des départements dont on amorce d’ailleurs sans le dire le déclin, mais que l’on maintient tout de même en vie au prix d’un affaiblissement des régions, alors même que celles-ci sont appelées à devenir le véritable moteur du dynamisme territorial.
Avec un tel fatras, c’est l’indigestion qui guette les citoyens !
L’ambition initialement affichée de réformer l’organisation territoriale de la France aboutit dès lors à un projet extrêmement décevant. Je n’en retiendrai que l’achèvement de la carte de l’intercommunalité, alors que 93 % des villes françaises étaient déjà engagées dans une coopération intercommunale au 1er janvier 2009, et l’élection des délégués communautaires au suffrage universel direct, tant attendu. Ce sont de bien maigres satisfactions !
Pis, il semble que les visées électoralistes qui ont animé le Gouvernement lors de l’ébauche du futur conseiller territorial, avec ce fameux scrutin à 80 % uninominal à un seul tour, vous mettent aujourd’hui, monsieur le ministre, en situation délicate. Alors que les constitutionnalistes promettaient à cette tentative de hold-up électoral la censure des Sages de la rue Montpensier, le Gouvernement s’est finalement résigné, sous la bronca, à revenir à un mode d’élection plus républicain, avec deux tours de scrutin.
Sauf qu’en introduisant, par un amendement à l’Assemblée nationale, plusieurs volets de votre réforme qui devaient, disait-on jusqu’ici, faire l’objet de textes ultérieurs, comme l’a fort bien montré Jacqueline Gourault, vous avez piétiné l’accord politique passé ici même avec certains de nos collègues, au terme d’un numéro de funambule mémorable qui devait théoriquement vous garantir l’adoption de ce projet.
Vous avez donc essayé d’imposer à la hussarde et de façon, une fois de plus, intéressée ce nouveau schéma électoral : un scrutin uninominal majoritaire à deux tours avec un seuil de qualification plus élevé pour le second tour, afin d’en finir avec des triangulaires décidément bien trop aléatoires et bien trop douloureuses, aussi, en supprimant dans le même temps la dose de proportionnelle promise ici, au Sénat.
Attentif que vous étiez à ne pas trébucher, avez-vous seulement noté que vous avez ignoré, au passage, la règle constitutionnelle qui fait normalement du Sénat la première chambre consultée en matière d’organisation territoriale ?
Le résultat de cette opération, c’est que la navette parlementaire a tout bonnement explosé en plein vol ! Et, à cette heure, c’est bien de néant qu’il s’agit concernant l’élection et les fonctions de ce futur, probable, conseiller territorial.
Nous nous en sommes déjà expliqués dans cet hémicycle il y a quelques semaines, votre projet de loi, monsieur le ministre, ne se contente pas de participer au mouvement, plus largement observé, de concentration des prérogatives entre les mains de l’exécutif et d’affaiblissement de tout ce qui s’apparente de près ou de loin à un contre-pouvoir, ou de porter atteinte à l’obligation, pourtant constitutionnalisée, de la parité en politique.
Comment s’accommoder d’un mode de scrutin qui s’aligne de fait sur celui, discriminant, des conseils généraux et non sur celui des conseils régionaux, qui est bien plus intéressant et bien plus équitable ?
Monsieur le ministre, chacun l’aura deviné, ce projet de loi a été au moins autant guidé par votre soif de reprendre la main sur les exécutifs locaux que par votre souci de servir l’intérêt général. En ce moment critique où il est demandé par ailleurs à nos concitoyens de se serrer la ceinture, cette ardeur à déployer des artifices pour servir avant tout des intérêts partisans ne vous honore pas. Changer les règles du jeu pour parvenir à ce que l’on ne peut obtenir par les urnes n’est pas à la hauteur des enjeux pourtant cruciaux auxquels font face les collectivités.
Souvent confrontées à de lourds handicaps budgétaires, aggravés par l’incertitude que laisse planer votre réforme hasardeuse de la fiscalité locale – nous avons eu la confirmation, lors du débat qui s’est tenu hier dans cet hémicycle, qu’elle ne serait pas entièrement déployée avant la prochaine élection présidentielle –, les collectivités doivent pourtant assumer une part sans cesse plus importante du service rendu aux citoyens. À l’heure où la crise s’approfondit, elles constituent d’ailleurs les premiers amortisseurs de la précarité et les relais incontournables de la solidarité.
Vous annonciez un nouveau souffle pour la démocratie locale. C’est d’une grande bouffée d’oxygène qu’avaient besoin nos territoires, notamment pour assumer leurs engagements sociaux. Peine perdue ! Aux besoins pourtant vitaux de nos territoires, le Gouvernement répond, cette fois encore, par l’esquive et la tactique, comme il l’a fait tout récemment encore pour le Grand Paris.
Monsieur le ministre, ces territoires que certains de vos collègues jugent si arides qu’il serait vain de les arroser gagneraient en réalité à ne pas être considérés uniquement sous l’angle sécuritaire ; je pense ici au département dont je suis l’élue, la Seine-Saint-Denis, arpenté qu’il est, la nuit, comme un champ de bataille quadrillé par un commando, alors même que ses habitants souffrent avant tout du manque cruel de services publics, de la pauvreté des politiques de droit commun et des multiples inégalités territoriales.
Le salut ne viendra pas de votre réforme territoriale, annoncée à grands coups de clairon. Manquant l’occasion d’éclairer véritablement l’architecture institutionnelle locale et de doter les collectivités des leviers nécessaires à leur développement, cette réforme est restée embourbée dans les considérations claniques qui, hélas ! motivent trop souvent le Gouvernement depuis son avènement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du groupe CRC-SPG.)
M. le président. La parole est à Mlle Sophie Joissains. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mlle Sophie Joissains. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la décentralisation, comme la démocratie, est un bien commun. Il n’empêche…
Trop d’échelons et de structures, trop de superposition des compétences et toujours plus de croisements financiers tuent toute visibilité politique et favorisent saupoudrage et clientélisme.
Bref, quand tout le monde est compétent pour tout, soit personne ne s’occupe de rien, soit on gaspille par une logique de concurrence et de guichet.
La réforme était nécessaire ; la crise l’a rendue urgente. Le rythme du quinquennat a malheureusement, à mon sens, altéré la consultation des élus locaux.
La réforme s’organise autour de deux piliers : départements-région, communes-communauté.
Pour ce qui est du premier pilier, on constatait que, selon les territoires, urbains ou ruraux, soit le département jouait le rôle essentiel, au préjudice de la région, soit l’inverse. La réunion de leurs compétences en un seul élu a permis de conserver et de concentrer leurs avantages. Cela constitue, je le crois, une avancée notable, mais nous ne devons pas en tirer de conclusion hâtive ou pernicieuse. Si la réduction du nombre d’élus peut être une conséquence, elle ne doit en aucun cas être un objectif.
Le second pilier est fort complexe. La commune, entité territoriale la plus ancienne de France, est aussi la seule véritablement lisible par le citoyen. Cela appartient aux particularités de l’histoire. En 1884, sur le territoire français, les anciennes paroisses, construites et rassemblées de façon naturelle au fil du temps, sont devenues des entités administratives, des communes.
Ainsi, la pertinence des communes, à l’époque de leur création, était déjà inscrite, et parfois depuis des siècles, dans le découpage des territoires, dans les esprits, dans les mentalités, dans les racines de chaque citoyen, de chaque famille, bref, dans le patrimoine identitaire de chacun.
Aucun autre échelon territorial ne peut se prévaloir d’une telle proximité, d’une telle légitimité auprès du citoyen. Vous êtes nombreux, mes chers collègues, à ceindre l’écharpe de maire, d’adjoint, de conseiller municipal, et nous savons tous combien les décisions politiques prises quelquefois à d’autres échelons que le nôtre nous incombent pourtant dans l’esprit des Français. Il est a fortiori essentiel que chaque conseil municipal soit le garant des compétences qui lui ont été dévolues par la loi.
Le plan local d’urbanisme, le droit du sol et du sous-sol, en bref tout ce qui a vocation à devenir construction sur le territoire de la commune, doit rester l’apanage du maire. Cela constitue la marque directe, immédiate, de sa responsabilité face à ses électeurs et à ses concitoyens. La loi ne saurait, sous quelque forme juridique que ce soit, mettre ce droit en péril.
Lui ôter ce droit revient à transformer le maire en simple officier d’état civil et, par là même, à déstabiliser, voire à altérer dangereusement l’interaction et le lien que l’habitant entretient avec son espace de vie et, il faut le dire, sa confiance dans l’institution politique.
Ainsi, le besoin de rationaliser le territoire, de le rendre compétitif, lisible et plus juste aurait dû trouver son expression avant tout autour de la commune. Notre devoir est de considérer celle-ci comme ce qu’elle est, à savoir le fondement républicain de nos territoires.
En conséquence, les communes doivent disposer tant du pouvoir de décision que du droit de veto sur toutes les dispositions concernant leur territoire, quel que soit l’EPCI dont elles sont membres.
De même, il paraît inconcevable que, à la faveur d’une fusion de communes ou d’EPCI, un maire voie le droit qu’il exerce sur le sol de sa commune transféré de facto à un EPCI dont le régime juridique le prévoit. Je pense aux communautés urbaines et aux métropoles. C’est pourquoi le pôle métropolitain me paraît le meilleur des systèmes.
Le temps a manqué à la concertation des maires et la réforme a péché par manque d’appréhension des réalités communales et intercommunales.
La réussite de l’intercommunalité est souvent liée à la représentation des communes et au statut de vice-président de leurs maires.
Les élus municipaux s’unissent au sein de l’intercommunalité pour mettre en commun leurs compétences, leurs connaissances, leurs moyens afin de rendre non seulement un meilleur service à la population, mais aussi de travailler au dynamisme pertinent et naturel de leurs territoires. Pour ce faire, les élus de toutes tendances doivent – cela est plus facile ici qu’ailleurs – travailler ensemble afin de permettre aux spécificités, aux diversités, voire aux nuances et aux harmonies territoriales de continuer à enrichir et à irriguer la France.
Dans cette optique, il est utile que communes et intercommunalités gardent toute liberté pour décider ensemble du nombre de membres élus ou de vice-présidents appelés à siéger au sein du conseil de communauté. A minima, un poste de vice-président doit pouvoir être une option pour chaque commune, dans le cadre, bien entendu, du strict respect de l’enveloppe financière consentie par la loi.
L’amendement que je présenterai respecte l’impératif de maîtrise de la dépense publique, tout en s’appuyant sur les caractéristiques de consensus et de négociation propres aux intercommunalités.
Les clauses de revoyure, dont l’immense majorité d’entre nous auraient voulu par nécessité de cohérence, de lisibilité et de sécurité qu’elles puissent être discutées avant la rentrée prochaine, joueront un rôle crucial.
Les systèmes de péréquation devront permettre de réparer les injustices les plus profondes de nos territoires. Or nous savons déjà que certaines de nos communes ne pourront s’aligner sur les exigences de minima légaux en matière de financements croisés.
Les clauses de revoyure, si l’on veut continuer à être un pays où les territoires puissent se porter assistance, devraient aussi être conçues de façon à ne pas pénaliser les territoires qui s’étaient adaptés à la taxe professionnelle et étaient, par leur compétitivité, devenus moteurs pour la France.
Des progrès un peu trop timides sur le statut de l’élu – mais je sais qu’un texte ultérieur sera déposé sur le sujet – figurent aujourd’hui dans la réforme. Nous avons sur ce point beaucoup de retard sur nombre de nos voisins européens. Il est impératif, pour la démocratie et pour la République, de parfaire, voire de construire ce statut de manière à conserver un juste équilibre entre le pouvoir de l’élu et celui de l’administration, faire en sorte que la diversité citoyenne puisse être représentée dans son ensemble et que l’égalité de tous face au mandat électif soit accrue.
C’est sans démagogie qu’il nous faudra y réfléchir. Il est en effet aujourd’hui difficile pour les professions libérales, les commerçants, les salariés du privé ou les chefs de petites et moyennes entreprises de pouvoir accéder à un poste d’élu en l’absence des garanties conférées soit par l’appartenance à la fonction publique, soit au pouvoir de l’argent.
Les échanges que nous aurons dans cet hémicycle feront de ce texte, je l’espère, une belle réforme.
Je salue le travail accompli au sein de la commission des lois par son président, Jean-Jacques Hyest, et son rapporteur, Jean-Patrick Courtois, et la tâche était difficile.
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Merci !
Mlle Sophie Joissains. Je souhaite évidemment que notre Haute Assemblée, représentante des collectivités locales, protège comme il se doit l’institution qui est l’un des fondements de la démocratie et de la République, à savoir la commune. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. François Rebsamen.
M. François Rebsamen. Le temps passe ! Nous abordons l’examen en deuxième lecture du projet de loi de réforme des collectivités, mais la flamme s’est éteinte, le souffle a disparu et la recentralisation est imminente. Malgré tout, vous êtes là pour faire le travail, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État,…
J’ai donc envie de vous poser une question : quelle est votre vision de l’administration, de l’organisation territoriale de la République ? Vous semblez ne plus en avoir, ou ne plus en avoir qu’une idée confuse.
Finis les couples, finies les grandes ambitions ! La mission que vous poursuivez consiste aujourd’hui à faire voter ce texte, à tout prix, et donc dans des conditions parfois rocambolesques – nous en avons des preuves régulièrement –, et pour cela tous les moyens sont bons.
Aux uns, à l’occasion d’une première lecture, on promet qu’ils seront entendus et, à l’Assemblée nationale, on fait le contraire. Aux autres, on parle de clauses de revoyure, dévoyant à jamais ce mot, puisque l’on ne reverra jamais rien !
Le Président de la République, le 20 octobre dernier, avait fait une déclaration que je trouve excellente : « Il y a trente ans, beaucoup d’élus de l’opposition de l’époque ont regretté de ne pas avoir voté les lois historiques de 1982 sur la décentralisation ».
M. Didier Guillaume. Eh oui !
M. François Rebsamen. Je puis vous dire que ce projet de recentralisation qui ne dit pas son nom, ce projet qui détricote, qui complexifie et qui met à mal notre histoire institutionnelle, de nombreux élus ne regretteront pas de ne pas l’avoir voté !
Venons-en au texte lui-même.
Les objectifs affichés étaient la clarification, la simplification et l’économie, comme si la moitié des élus que vous supprimez étaient responsables des dépenses. C’est tout de même un peu gros…
Aujourd’hui, ces objectifs sont dévoyés, perdus de vue, et le constat est amer.
En lieu et place de la clarification, c’est bien plutôt le règne de la confusion, et d’abord de la confusion financière : suppression de la taxe professionnelle, disparition de la clause de revoyure, engagements non tenus. Avant même d’avoir clarifié les compétences des collectivités, vous avez asséché les finances locales en supprimant, par exemple, l’autonomie fiscale des régions. De ce côté-là, le problème est réglé, puisque leur marge de manœuvre sera de l’ordre de 10 %. Et on sait qu’une telle disposition aura un effet en cascade : les départements et les communes suivront !
C’est aussi le règne de la confusion électorale : comme cela a été fort bien dit par Jean-Pierre Sueur, tous les modes de scrutin ont été envisagés, à l’exception de la proportionnelle intégrale.
Mme Nathalie Goulet. Il n’est pas trop tard !
M. François Rebsamen. Peut-être la proposerez-vous demain. D’ailleurs, pourquoi pas, car ce mode de scrutin permet, lui, de respecter la parité dans les régions,...
Mme Éliane Assassi. Exactement !
M. François Rebsamen. … contrairement à celui que vous prônez. Les élues et les électrices apprécieront !
À la confusion financière et électorale s’ajoute la confusion sur les compétences. Si l’article 35 avait clarifié les compétences en accordant une clause de compétence générale à la commune et en attribuant aux départements et aux régions des compétences propres, nous aurions compris. Las, et je m’en excuse auprès de nos collègues qui, eux, ne l’avaient pas compris, on a découvert que tout le dispositif culturel, tout le sport associatif français seraient mis à mal, car tout est cofinancé en ces matières.
Les élus étant intelligents, ils ont su ajouter des alinéas aux alinéas et des articles aux articles afin de clarifier les compétences. Désormais, les collectivités pourront cofinancer dans les domaines du sport, de la culture et du tourisme – je ne sais pas qui a proposé cette disposition-là –…
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. C’était prévu dès le début !
M. François Rebsamen. … mais, attention, cela vaut uniquement pour les communes de moins de 3 500 habitants !
M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Non !
M. François Rebsamen. Celles de plus de 3 500 habitants, quant à elles, ne pourront pas faire appel au financement des départements et des régions.
Je ne sais pas quel technocrate est à l’origine de ce texte, mais, quand on connaît le mode de financement des collectivités locales – encore heureux que celui qui était prévu initialement ait été supprimé –, on se dit que celles-ci auront besoin d’un mode d’emploi pour subventionner tout projet.
M. Didier Guillaume. Cela ne peut pas marcher !
M. François Rebsamen. Résultat ? Cela portera atteinte à l’investissement public, qui est majoritairement porté par nos collectivités.
M. Didier Guillaume. Il n’y aura plus d’investissement !
M. Gérard Collomb. Évidemment !
M. François Rebsamen. À l’heure où notre pays est en mal de croissance, le plus simple serait de supprimer l’article 35 et de laisser les choses en l’état. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Pourtant, un consensus aurait pu se dégager, un partenariat aurait pu être tissé, dans l’intérêt des collectivités territoriales. Nous avons d’ailleurs esquissé quelques pistes en matière d’intercommunalité. C’est un sujet sur lequel, je crois, nous avons progressé et qui aurait pu faire l’objet d’un texte de loi.
Quand l’intérêt général est en jeu, les élus locaux répondent toujours présents ! On l’a encore vu lors du plan de relance.
Messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, vous êtes face à des parlementaires échaudés par les promesses non tenues.
Les enjeux sont graves. Ne pariez pas sur le développement soudain chez les élus locaux d’un syndrome de Stockholm qui leur ferait aimer la main qui frappe régulièrement et qui démantèle, petit à petit, notre système décentralisé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG – Mme Nathalie Goulet applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à entendre les différents orateurs, on comprend qu’aucune réforme n’est parfaite, ni définitive, d’ailleurs. Notre débat parlementaire servira donc à améliorer un texte qui est le fruit d’une longue réflexion et qui, sur le plan de la représentation territoriale ou de la cohérence dans la gestion de nos collectivités locales, comporte un certain nombre d’acquis importants.
Je voudrais appeler votre attention sur la Réunion, dont la situation par rapport aux trois autres départements d’outre-mer est particulière.
La Martinique et la Guyane ont choisi de consulter leurs populations. Celles-ci ont refusé d’évoluer vers une collectivité régie par l’article 74 de la Constitution, proposition notamment défendue alors par le président indépendantiste du conseil régional de la Martinique. Le Gouvernement présentera donc bientôt un projet de loi pour ces deux départements dans le cadre de l’article 73 de la Constitution.
La Guadeloupe s’est accordé un temps de réflexion. Nous verrons bien à l’issue quelle est l’évolution souhaitée par la région et le département.
Mais j’en viens à la Réunion.
L’histoire nous donne aujourd’hui raison d’avoir combattu avec ténacité, parfois avec témérité, toute aventure institutionnelle.
Nous sommes résolus à inscrire l’évolution institutionnelle de la Réunion dans le même cadre que celle de la métropole. Nous l’avons exprimé clairement, et une très large majorité de la population nous a suivis. Nous attendons que le Gouvernement prenne en compte notre position.
Nous ne sommes pas naïfs. Nous savons que les institutions ne créent pas le développement. Reste que, quand vous êtes à dans milliers de kilomètres de Paris, le fait d’avoir des institutions stables crée ce climat de confiance sans lequel il n’y aurait pas d’investissement et donc pas de développement économique. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi l’égalité institutionnelle et la stabilité de nos institutions dans le cadre national.
Je voudrais d’ailleurs à ce titre rendre hommage à la Haute Assemblée. C’est en effet ici, en 1982, sous la présidence d’Alain Poher, que de nombreux sénateurs, dont mon frère, Louis Virapoullé, ont saisi le Conseil constitutionnel pour dénoncer l’aventure autonomiste. Ce recours a connu le succès que vous savez, puisque le projet de loi a été intégralement censuré.
C’est ici, monsieur le président Poncelet, que vous avez soutenu notre combat contre ce projet aberrant de bidépartementalisation qui aurait ruiné les collectivités locales réunionnaises.
C’est ici, en 2003, que, grâce au soutien du Président de la République, j’ai fait inscrire dans la Constitution le souhait du département et de la région de la Réunion de bénéficier de l’égalité institutionnelle.
Dans ce contexte, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi de clarifier un point à l’origine des doutes exprimés à l’Assemblée nationale. J’ai appris que certains députés avaient soutenu, c’est leur droit, que la création d’une assemblée unique destinée à se substituer, dans les régions monodépartementales, aux conseils régionaux et généraux, imposait de consulter la population. Ils se fondaient sur le septième alinéa de l’article 73 de la constitution.
C’est faux !
Nous ne sommes pas en présence de la création d’une assemblée unique, à même de remplacer le conseil général et le conseil régional. Il ne s’agit pas plus d’un regroupement des deux assemblées, puisque l’une et l’autre demeurent séparément.
En revanche, nous sommes en présence de la création d’un conseiller territorial unique, qui siégera alternativement à la région et au département.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oui !
M. Jean-Paul Virapoullé. Dans ce cas, le septième alinéa de l’article 73 de la Constitution ne s’applique pas.
Donc, monsieur le président de la commission des lois, la réforme que votera le Parlement concernera le département et la région de la Réunion dans leur intégralité. En effet, toutes les conditions sont réunies. Pourriez-vous le préciser à l’intention de ceux qui, à l’Assemblée nationale, soutiennent le contraire ?
Encore une fois, à la lecture du septième alinéa de l’article 73, chacun peut constater que nous ne sommes pas dans le cas prévu par la Constitution et que la situation est tout à fait différente.
Par ailleurs, je tiens à le souligner, le texte est en pleine évolution. Hier, lors de son examen par la commission des lois, nous avons adopté plusieurs amendements dont l’un proposé par le rapporteur. Ce dernier vise le maintien du nombre initial de cantons pour les régions monodépartementales comme la Réunion et la Guadeloupe. Ainsi, à la Réunion, les 49 cantons sont préservés. Cela nous satisfait également. Si cet amendement est présenté par notre collègue, comme cela sera certainement le cas, nous souhaitons que le Gouvernement l’appuie.
Cela étant dit, monsieur le ministre de l’intérieur, vous qui avez aussi compétence sur les départements d’outre-mer, je souhaite vous signifier notre rejet de l’immobilisme : monsieur le ministre, nous sommes des partisans du mouvement. Lorsque vous êtes au milieu de l’océan Indien, à proximité de Madagascar, de l’Afrique, des Comores et du canal du Mozambique et de toute la misère qui y règne – la situation est comparable dans les Caraïbes – vous êtes obligé de rechercher l’innovation !
Avec Mme Penchard, vous avez donc la responsabilité de l’outre-mer. Je profite de votre présence pour évoquer deux chantiers qui, au-delà de la réforme institutionnelle, me semblent importants.
Premièrement, l’article 48 de la Constitution nous confère le droit de présenter chaque année, si nous le souhaitons, dans le cadre de notre groupe parlementaire, une proposition de loi. Je souhaite institutionnaliser cette pratique.
Voyez-vous, lorsque nous votons les lois ici, il est difficile de les adapter d’emblée aux réalités de l’outre-mer. Or, à l’occasion de leur application, remontent vers nous des constats d’inadaptation de ces lois, du fait du contexte géopolitique ultra-marin. Certains petits ajustements sont parfois nécessaires afin de débloquer les situations.
Pour cette raison, je souhaiterais que, sur le plan national, nous prenions l’habitude, en coordination avec vous, monsieur le ministre, de présenter une loi que je qualifierais de « recadrage » sur les points qui freinent le développement économique.
Je sollicite votre appui en tant que ministre de l’intérieur, également chargé de l’outre-mer. En effet, l’avenir de l’outre-mer passe par une nouvelle phase de développement et l’augmentation des exportations.
Deuxièmement, à la suite du comité interministériel de l’outre-mer, le Gouvernement a installé à Bruxelles un correspondant auprès de la représentation nationale. Nous aimerions travailler avec lui sur une directive-cadre déclinant les adaptations issues du traité de Lisbonne concernant les régions ultrapériphériques, les RUP.
En effet, monsieur le ministre, la situation dans laquelle nous nous trouvons est préoccupante. Nous appliquons aujourd’hui les accords de partenariats économiques qui mettent en péril notre économie. Si Bruxelles ne décide pas une fois pour toutes des adaptations avec lesquelles nous pouvons agir pour sauver des pans entiers de notre économie, lorsque nous nous réveillerons, nous serons morts !
Voilà les deux évolutions que j’appelle de mes vœux, outre cette réforme des collectivités locales que, bien évidemment, je voterai. (Applaudissements sur les travées de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. François Patriat.