M. le président. Monsieur Courteau, maintenez-vous l'amendement n° 15 ?
M. Roland Courteau. M. le rapporteur nous ayant totalement convaincus, nous retirons notre amendement.
M. Jean-Etienne Antoinette. Je retire également l’amendement n° 31, monsieur le président !
M. le président. Les amendements nos 15 et 31 sont retirés.
L'amendement n° 48, présenté par Mmes Terrade, Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat, Schurch et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 17, dernière phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
En cas d'éléments nouveaux, le juge aux affaires familiales peut, à tout moment et après avoir invité chacune des deux parties à s'exprimer, imposer à la personne assignée une ou plusieurs obligations nouvelles, supprimer ou modifier tout ou partie de ces obligations ou accorder une dispense temporaire d'observer certaines d'entre elles.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement a pour objet d’encadrer les pouvoirs accordés au juge aux affaires familiales – il ne s’agit pas de contraindre celui-ci en quoi que ce soit, je m’empresse de le préciser – pour modifier les dispositions de l’ordonnance de protection de manière à garantir aux personnes en danger une certaine sécurité juridique.
Le texte modifié par la commission des lois du Sénat organise nettement la procédure de protection en deux temps. La première phase de la procédure, rapide, doit permettre la délivrance d’une ordonnance de protection en urgence à partir des premiers éléments réunis par le juge. La seconde phase doit, quant à elle, permettre à tout moment au juge de revenir sur son ordonnance, à la demande des parties, du ministère public ou encore après avoir fait procéder à des mesures d’instruction.
Or une telle procédure en deux temps fragilise la situation de la femme victime de violences : laisser au juge la latitude de revenir à tout moment sur sa décision est préjudiciable à la victime, qui ne peut que redouter que les obligations initialement imposées à l’auteur des violences ne soient remises en question ou levées.
C’est la raison pour laquelle nous proposons de substituer à cette procédure en deux temps un mécanisme qui offre à la victime une certaine sécurité juridique en encadrant les hypothèses dans lesquelles le juge pourrait modifier sa décision. Ainsi, dans ce mécanisme alternatif, le juge ne pourrait modifier son ordonnance qu’en cas d’éléments nouveaux.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Cet amendement vise à encadrer les pouvoirs dévolus au juge aux affaires familiales afin qu’il ne puisse modifier l’ordonnance de protection qu’au vu d’éléments nouveaux et uniquement s’agissant des obligations imposées à l’auteur des violences.
Cet amendement tend ainsi à remettre en cause la procédure en deux temps proposée par la commission, qui autorise le juge aux affaires familiales à adapter de sa propre initiative l’ordonnance de protection qu’il a délivrée en fonction des conclusions de mesures d’instruction qu’il a ordonnées, et je pense là tout particulièrement à l’enquête sociale.
En outre, cet amendement vise à supprimer la possibilité pour les parties de saisir le juge pour obtenir la modification de l’ordonnance de protection, ce qui est préjudiciable aux droits de l’une et l’autre des parties.
Par ailleurs, en ne visant que les obligations imposées à l’auteur des violences, le dispositif proposé – curieusement, mais nécessairement – interdirait au juge d’ajouter une mesure complémentaire de protection de la victime. Je prendrai un exemple tout simple : si, dans l’ordonnance, le juge n’a pas permis à la victime de cacher son domicile, il ne pourra pas non plus le lui permettre dans un second temps.
Autrement dit, le dispositif que vous proposez, chère collègue, risquerait d’empêcher le juge d’améliorer le sort de la victime. C'est la raison pour laquelle je vous prie de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Borvo Cohen-Seat, l'amendement n° 48 est-il maintenu ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J’ai bien écouté M. le rapporteur, mais je considère tout de même que la procédure en deux temps fragilise la victime.
Vous imaginez, monsieur le rapporteur, que le juge prendra dans un premier temps de petites mesures de protection, avant d’en prendre forcément de plus importantes dans un second temps. Or l’inverse est également possible, compte tenu des rapports qui peuvent s’établir entre le juge et l’auteur des violences.
La sécurité de la victime devrait être assise sur les obligations imposées à l’auteur des violences, afin d’épargner à celle-ci une certaine incertitude. Des éléments nouveaux peuvent intervenir des deux côtés, mais ils ne sauraient être défavorables à la victime.
Je maintiens mon amendement, monsieur le président.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. François Pillet, rapporteur. Permettez-moi d’apporter une précision susceptible de vous rassurer, chère collègue.
Le fait que la procédure soit en deux temps permettra au juge, même s’il a un léger doute sur le caractère sérieux des violences, de prendre une mesure de protection en sachant qu’il pourra éventuellement revenir sur sa décision après avoir effectué des vérifications.
Je crains, si l’on ne permet pas au juge d’examiner la réalité des faits au cours de la procédure, qu’il ne soit parfois tenté de renoncer à prendre le risque de décider une mesure de protection, par peur d’être instrumentalisé.
La procédure en deux temps renforce la protection de la victime parce qu’elle permet au juge de se protéger lui-même contre une erreur de diagnostic.
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.)
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Léonce Dupont
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes et de la proposition de loi relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants.
Dans la discussion des articles, nous continuons l’examen des amendements à l’article 1er.
L'amendement n° 2 rectifié ter, présenté par Mmes Payet, Férat et Morin-Desailly et MM. Détraigne, Merceron, Soulage, Amoudry et Deneux, est ainsi libellé :
I. - Après l'alinéa 17
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les mêmes conditions, cette dispense temporaire peut être délivrée à la personne majeure menacée de viol ou de toute autre agression sexuelle au sens des articles 222-23 et 222-27 du code pénal. Les personnes victimes de ces deux dernières infractions et menacées de subir des représailles après un dépôt de plainte peuvent aussi se voir délivrer une ordonnance de protection, si aucune mesure de contrôle judiciaire n'a été prise en amont. Les personnes victimes de la traite des êtres humains au sens des articles 225-4-1 à 225-4-6 du code pénal ou du proxénétisme au sens des articles 225-5 à 225-10 du même code peuvent aussi se voir délivrer une ordonnance de protection.
II. - Alinéa 19, après la troisième phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Cette inscription est levée à la demande de la personne concernée.
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Cet amendement vise à élargir l’ordonnance de protection aux personnes sans lien conjugal, qui peuvent être, elles aussi, menacées de viol, d’autres agressions sexuelles ou de représailles à la suite d'une plainte déposée contre des agresseurs n’ayant pas fait l'objet de mesures de contrôle judiciaire.
La durée de l'ordonnance de protection est fixée à quatre mois. Elle peut être prolongée si une requête en divorce ou en séparation de corps a été déposée. Mais d'autres procédures civiles ayant trait aux violences faites aux femmes peuvent être engagées durant ce délai de quatre mois et, in fine, l’outrepasser.
Seules les femmes majeures victimes de violences conjugales ou menacées de mariage forcé peuvent bénéficier de l'ordonnance de protection. Or les femmes victimes de la traite des êtres humains ou de proxénétisme sont, elles aussi, souvent en grand danger.
Par ailleurs, si le juge ordonne, à la demande d'une personne menacée de mariage forcé, l'interdiction temporaire de sortie de territoire et si cette interdiction est inscrite au fichier des personnes recherchées par le procureur de la République, cette inscription doit pouvoir être levée à la demande de la personne concernée.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Cet amendement a deux objets.
D’une part, il vise à prévoir que la personne intéressée peut demander la levée de l’interdiction temporaire de sortie du territoire dont elle bénéficie.
À mon sens, une telle précision est inutile. En effet, ayant sollicité une telle interdiction du juge civil, la personne concernée est tout aussi compétente pour en demander la suppression, le juge ayant seulement à vérifier si elle agit de son plein gré et si elle est en état de liberté intellectuelle.
En l’occurrence, madame Payet, la pratique, la procédure et la technique répondent totalement à votre préoccupation, dont, au demeurant, je ne conteste pas la légitimité.
D’autre part, l’amendement tend à étendre le bénéfice de l’ordonnance de protection aux personnes menacées de viol ou d’agression sexuelle.
J’appelle votre attention sur le fait que l’ordonnance de protection n’a pas une portée universelle, elle n’a pas vocation à s’appliquer à tous les faits de violence : elle concerne les relations au sein d’un couple. C’est un dispositif civil qui permet d’organiser la séparation civile des membres du couple, afin de garantir la protection de l’un contre l’autre. Elle n’est donc pas adaptée dans les situations où la victime n’a aucun lien civil avec son agresseur potentiel. Dans le cas que vous avez évoqué, ma chère collègue, la femme concernée ne vit probablement pas avec son agresseur. Le juge n’a donc pas à lui attribuer un domicile que, par hypothèse, elle ne fréquente pas.
En revanche, de telles situations relèvent de la compétence du procureur de la République et du juge pénal, qui a infiniment plus de pouvoirs que le juge aux affaires familiales, même si nous envisageons dans ce texte de renforcer sensiblement les prérogatives de ce dernier.
En créant de la confusion, nous risquons d’amener les victimes à se fourvoyer dans des procédures qui ne sont pas adaptées.
Madame Payet, je peux vous rassurer quant à la situation que vous avez en tête. Ce type de cas est déjà traité par des procédures extrêmement efficaces. En revanche, il ne le serait pas par le dispositif que vous proposez d’instituer par votre amendement.
C'est la raison pour laquelle la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, pour des raisons d’opportunité et de force de notre texte, je serais contraint d’émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Payet, votre amendement est-il maintenu ?
Mme Anne-Marie Payet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 2 rectifié ter est retiré.
L'amendement n° 9 rectifié, présenté par Mme Laborde, MM. Collin, Barbier et Plancade, Mme Escoffier et MM. Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Après les mots :
mariage forcé
insérer les mots :
ou de mutilation sexuelle
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Mme Françoise Laborde. Le texte que nous examinons a pour objet de lutter contre l’ensemble des violences commises au sein des couples, notamment à l’égard des femmes.
Comme le souligne l’exposé des motifs, et les différents orateurs qui se sont succédé l’ont également rappelé, les violences coutumières comme le mariage forcé et les mutilations sexuelles sont également des formes de violences à l’égard des femmes totalement inacceptables dans notre pays. Elles doivent donc absolument être visées par le texte que nous examinons.
Dans sa rédaction actuelle, le texte prévoit que l’ordonnance de protection peut être rendue dans les cas de menaces de mariage contraint. Dans la proposition de loi initiale, les personnes menacées de mutilation sexuelle étaient également visées par une telle disposition. Hélas, cette référence a disparu lors de son examen à l’Assemblée nationale.
Notre amendement a donc pour objet de réintroduire dans le texte une référence aux violences de ce type en prévoyant que les personnes craignant des mutilations sexuelles auront également la possibilité de demander une ordonnance de protection.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Madame Laborde, à certains égards, je pourrais reprendre les observations que j’ai formulées tout à l’heure.
Dans les cas de mutilation, peut-être plus encore que dans les autres cas, il ne faut surtout pas amener la victime à se fourvoyer. En l’occurrence, comme il s’agit de mineurs, le juge compétent est le juge des enfants. Or celui-ci – ce point a d’ailleurs suscité nombre de débats au sein et en dehors de la commission – dispose de prérogatives extrêmement larges. Il a des pouvoirs répressifs, des pouvoirs éducatifs et des pouvoirs de protection ; c’est donc déjà un juge protecteur.
Par conséquent, nous ne devons pas laisser les victimes de mutilations sexuelles s’égarer en s’adressant au juge aux affaires familiales. Il s’agit de mineurs. Nous devons les aider, notamment en recommandant aux associations d’orienter ces victimes vers le juge compétent. Mais, de grâce, n’envoyons pas les victimes de mutilations sexuelles devant le juge aux affaires familiales ! Ce serait pour elles une énorme perte de temps et cela pourrait même menacer leur sécurité et leur santé.
C’est pourquoi la commission sollicite le retrait de cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
À mon sens, la protection des victimes menacées de mutilation sexuelle relève de la compétence non pas du juge aux affaires familiales, mais bien du juge pénal.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9 rectifié.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP. (Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.)
Mme Odette Terrade. Monsieur le président de la commission des lois, si vous souhaitez absolument que le texte soit adopté ce soir,…
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce n’est pas moi qui le souhaite, madame !
Mme Odette Terrade. … vous devriez faire en sorte que les membres du groupe UMP soient suffisamment nombreux en séance !
Quant à moi, je souhaite qu’on prenne le temps qu’il faut pour examiner au fond les dispositions proposées !
M. le président. Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 233 :
Nombre de votants | 340 |
Nombre de suffrages exprimés | 340 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 171 |
Pour l’adoption | 157 |
Contre | 183 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 44, présenté par Mmes Terrade, Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat, Schurch et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 19
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
« Art. 515-14. - Une ordonnance de protection peut également être délivrée à la personne majeure menacée de viol ou de toute autre agression sexuelle au sens des articles 222-23 et 222-27 du code pénal par le juge, saisi par la personne menacée ou, avec son accord, par le ministère public, à l'issue de la procédure prévue par l'article 515-10 du présent code.
« Le juge est compétent pour prendre les mesures mentionnées aux 1°, 2°, 5° et 6° de l'article 515-11.
« Ces mesures sont prises pour une durée maximale de quatre mois. Elles peuvent être prolongées au-delà pendant toute la durée des procédures civiles et pénales en cours. »
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Mme Mireille Schurch. Cet amendement a pour but de permettre aux femmes menacées de viol et de toute autre agression sexuelle de bénéficier de l’ordonnance de protection. Il s’agit donc d’une extension du dispositif institué par l’article 1er.
En effet, les menaces de viol ou d’agression sexuelle peuvent provenir de personnes qui ne sont pas membres de la famille, mais auxquelles la femme menacée est confrontée de manière régulière parce qu’elles font partie de leur entourage social ou de leur voisinage.
Ces femmes sont donc placées dans une situation proche de celle des violences familiales, mais elles ne peuvent bénéficier de l’ordonnance de protection prévue par ce texte. Or, selon l’enquête « Cadre de vie et sécurité » menée au début de l’année 2007, les femmes sont autant exposées à la violence dans leur ménage qu’en dehors. Les violences sexuelles restent toutefois moins fréquentes à l’intérieur qu’à l’extérieur du ménage. S’agissant des agressions sexuelles commises à l’extérieur du ménage, 70 % des victimes disent en connaître l’auteur, et une fois sur deux, le viol a eu lieu dans le quartier de résidence de la victime. C’est pourquoi nous jugeons trop restrictif le dispositif tel qu’il est proposé.
Lorsqu’une femme est menacée de viol, elle ne souhaite pas nécessairement porter plainte. En outre, si des procédures sont engagées, elle peut se trouver pendant la durée de celles-ci en situation de danger dans l’hypothèse où la personne poursuivie demeure dans son entourage. Le bénéfice de certaines mesures de l’ordonnance pendant toute la durée des procédures, si elles sont engagées, peut contribuer à lever cette difficulté.
La création de l’ordonnance de protection est le pilier de ce texte. Nous ne pouvons laisser ces femmes en marge de ce dispositif de protection. L’extension de ce dispositif permettrait d’envoyer un message fort et d’inverser le niveau de tolérance ou d’indifférence à la violence subie par ces femmes.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet, rapporteur. Là encore, il faut éviter une grave erreur d’aiguillage. Avec les cas auxquels vous faites allusion, ma chère collègue, on ne se situe pas dans la violence banale, on se situe dans le crime : une menace de viol, c’est un crime.
Si une personne est menacée d’un viol, le meilleur conseil qu’on puisse lui donner, c’est tout simplement d’aller au commissariat ou à la gendarmerie pour déposer plainte. En vérité, elle en a déjà généralement l’idée, mais elle peut hésiter à franchir le pas.
Si elle se décide effectivement à le faire, dans les deux heures qui suivent sa déclaration, l’auteur des menaces peut être mis en garde à vue. Pendant quarante-huit heures, « il va être au frais » – pardonnez-moi cette expression – et la personne menacée est protégée. Passé les quarante-huit heures, un juge d’instruction peut prendre toutes les mesures que le juge aux affaires familiales peut prendre dans le cadre de l’ordonnance de protection. Mais il peut également en prendre beaucoup plus !
L’intérêt de la victime est de ne surtout pas aller perdre son temps devant un juge aux affaires familiales, quels que soient les progrès que nous faisons faire à la rapidité de sa saisine. Dans le cas que vous évoquez, le conseil que doit suivre la victime est de recourir directement à la procédure pénale, à la plainte, et d’aller au commissariat ou à la gendarmerie.
Votre intention est fort louable, mais, de grâce, comprenez que vous rendriez un très mauvais service à la personne menacée d’une agression sexuelle si vous lui indiquiez qu’elle a intérêt à se rendre devant le juge aux affaires familiales. Ce n’est décidément pas le chemin qu’elle doit prendre.
Dans un souci d’efficacité d’une loi à laquelle nous voulons donner une portée forte, et bien que je sois, avec vous, totalement convaincu de la nécessité d’offrir la meilleure protection aux personnes victimes de telles menaces, je ne peux pas donner un avis favorable sur votre amendement. C’est pourquoi je vous suggère de le retirer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. le président. Madame Schurch, maintenez-vous votre amendement ?
Mme Mireille Schurch. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L’amendement n° 44 est retiré.
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Articles additionnels après l’article 1er
M. le président. L'amendement n° 32, présenté par MM. Antoinette, Patient, Gillot, S. Larcher, Lise, Tuheiava et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 14 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - La mise en disponibilité demandée par un fonctionnaire ou assimilé est accordée de droit lorsque ce dernier bénéficie d'une ordonnance de protection tel que prévue par les articles 515-9 et suivants du code civil. »
La parole est à M. Jean-Etienne Antoinette.
M. Jean-Etienne Antoinette. En l’état actuel du droit, une mise en disponibilité est accordée de droit à un fonctionnaire qui en fait la demande dans les cas suivants : pour donner des soins à son conjoint, son enfant ou un ascendant victime d’un accident, d’une maladie ou d’un handicap ; pour élever un enfant de moins de huit ans ; pour suivre géographiquement son conjoint ou son partenaire pacsé ; pour se déplacer en vue de l’adoption d’un enfant ; pour exercer un mandat d’élu local ; enfin, dans la fonction publique hospitalière, pour rechercher un emploi quand son poste a été supprimé.
Eu égard à la gravité de la situation pouvant conduire une personne à bénéficier d’une ordonnance de protection, cet amendement vise à ajouter à la liste des motifs de disponibilité de droit dans la fonction publique le fait d’être protégé par une telle ordonnance.
On le sait, la violence au sein du couple surgit dans tous les milieux sociaux. La sécurité de l’emploi, qui devrait en principe être un atout au regard des situations de précarité subies par nombre de victimes de violences, peut également se révéler être une contrainte si, dans sa situation de danger, une personne ne peut bénéficier de l’éloignement physique temporaire d’avec l’auteur des violences lorsque cela s’avère nécessaire.
Or, dans les univers de la fonction publique, il n’est pas rare que les membres d’un couple travaillent dans la même administration, la même collectivité, le même établissement scolaire ou hospitalier. C’est particulièrement vrai dans les départements d’outre-mer, alors même que l’insularité et l’exiguïté du territoire ont des conséquences spécifiques dans les situations qui nous occupent.
Cet amendement vise donc à faciliter, pour un fonctionnaire, une démarche de mobilité géographique ou professionnelle motivée par une recherche de sécurité dès lors qu’il bénéficie d’une ordonnance de protection. Ainsi, l’employeur ne pourrait ni lui opposer un refus pour nécessité de service ni lui imposer un préavis.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. François Pillet. Cet amendement vise à ajouter un nouveau cas de mise en disponibilité de droit d’un fonctionnaire : lorsqu’il bénéficie d’une ordonnance de protection. Pourquoi pas ? Mais la liste des disponibilités de droit pour motif familial est fixée par un décret du 16 septembre 1985. Ce point relevant du domaine réglementaire, je souhaite entendre l’avis du Gouvernement.
Je me permets cependant de faire remarquer que la mise en disponibilité de droit des fonctionnaires a pour conséquence la suspension du traitement. Dès lors, je ne suis pas certain que, dans les situations que nous visons, la mise en disponibilité soit une solution bien opportune.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Comme l’a indiqué le rapporteur, ce sujet ne relève pas de la compétence du législateur. En l’état actuel du droit, ce sont les décrets du 16 septembre 1985, pour la fonction publique de l’État, du 13 janvier 1986, pour la fonction publique territoriale, et du 13 octobre1988, pour la fonction publique hospitalière, qui définissent les cas dans lesquels l’agent est mis en disponibilité de plein droit à sa demande.
Sur le fond, ces textes prévoient déjà le bénéfice d’une disponibilité de droit pour des motifs familiaux. Il existe également une disponibilité pour convenance personnelle qui permet à l’agent, sans avoir à justifier d’une quelconque situation ou de conditions particulières, d’être placé hors de son administration ou service d’origine pour une durée maximum de trois ans renouvelable, dans la limite de dix ans.
Dans ces conditions, je considère que cet amendement est d’ores et déjà satisfait. Toutefois, monsieur le sénateur, je peux vous indiquer que l’attention des administrations et des employeurs des trois versants de la fonction publique sera appelée sur la gestion – avec la diligence, l’efficacité et la confidentialité qui s‘imposent – de la situation des agents bénéficiant d’une ordonnance de protection. Une circulaire précisera à cet égard les dispositions des décrets que j’ai cités et ce point sera en outre évoqué lors des séminaires des directeurs des ressources humaines de la direction générale de l’administration et de la fonction publique.
Au regard de ces explications, monsieur le sénateur, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, l’avis du Gouvernement ne pourrait être que défavorable.
M. le président. Monsieur Antoinette, l’amendement est-il maintenu ?
M. Jean-Etienne Antoinette. Je formulerai trois observations.
D’abord, je signale que, dans le texte adopté par l’Assemblée nationale, se trouvent des mesures qui relèvent du domaine réglementaire.
Ensuite, je fais remarquer qu’on accorde une mise en disponibilité à des fonctionnaires pour suivre géographiquement leur conjoint ou leur partenaire, ou pour se déplacer afin d’adopter un enfant. Ne peut-on pas l’autoriser également dans les cas de violences ? Au demeurant, ce n’est jamais qu’une possibilité qui est ainsi offerte au fonctionnaire concerné.
Enfin, monsieur le rapporteur, vous disiez tout à l’heure qu’il fallait donner une portée forte à cette loi. Nous avons l’occasion de le faire en y inscrivant cette disposition.
Par conséquent, monsieur le président, je maintiens cet amendement.