Mme Renée Nicoux. Ce sont donc des dépenses supplémentaires pour la sécurité sociale !
Mme Renée Nicoux. Quelle est la légitimité d’une décision qui va engendrer des coûts supplémentaires pour la sécurité sociale tout en réduisant à néant un investissement de près de 3 millions d’euros ?
La loi HPST ne semble pas procéder à une organisation du système de santé mais, bel et bien, à une désorganisation et à une déstructuration de l’offre de soins.
Votre décision a été prise totalement à contre-pied de l’intérêt des malades, lesquels sont, une fois de plus, oubliés au profit d’une logique économique. Pour quels bénéfices ? Aucun ! Que ce soit la sécurité sociale, l’environnement, l’attractivité de nos territoires et le bien-être de nos citoyens, tous semblent perdants !
La disparition du service de radiothérapie va gravement fragiliser l’ensemble de la chaîne des soins apportés aux patients creusois. La prise en charge de l’ensemble des patients atteints d’une pathologie cancéreuse va fortement se dégrader.
Mme Renée Nicoux. Madame la ministre, alors que la loi HPST est censée avoir pour objectif, selon vos propres termes, de « renforcer la territorialisation » en luttant contre « la désertification médicale » et en « s’adaptant aux réalités du terrain », comment pouvez-vous expliquer votre décision ? Je vous pose la question, mais j’ai bien peur d’en connaître la réponse.
La loi HPST a fait un grand pas en avant vers une marchandisation de notre système de santé. Les hôpitaux sont désormais gérés comme des entreprises. Les patients, apparentés à des clients, ne semblent plus être au cœur d’une politique publique de santé. Cette évolution est désolante !
En tant qu’élue de la Creuse, je me devais de soulever ce problème précis aujourd’hui. Mais ce n’est malheureusement pas un cas isolé. Bon nombre de mes collègues, de tous bords politiques, pourraient vous donner des exemples similaires sur leurs territoires !
Cette loi HPST semble faire un pas de plus vers un délaissement de nos espaces ruraux, tout en mettant à mal notre système de soins, qui fait pourtant partie intégrante de notre histoire.
Nous assistons une fois de plus à la casse de nos services publics que vous opérez depuis 2007. Après les tribunaux, La Poste, les collectivités territoriales et les hôpitaux, que reste-t-il aux citoyens français qui n’habitent pas dans les grandes agglomérations ? Rien !
Madame la ministre, vous indiquiez, le 11 janvier dernier, dans un communiqué de presse que vous souhaitiez disposer d’« indicateurs de santé qui tiennent compte des inégalités sociales et territoriales » afin d’engager des actions « justes dans leurs effets ».
Je peux d’ores et déjà vous assurer que les inégalités sont profondes et véritablement choquantes dans de nombreuses régions. Et avec des décisions comme celle qui a été prise pour la Creuse, ce n’est certainement pas vers un système « juste » que nous nous dirigeons, bien au contraire ! Cette décision suscite de l’inquiétude et de l’insatisfaction, laisse un sentiment d’abandon et ne répond pas à l’objectif de lutte contre la désertification médicale et d’adaptation aux réalités du terrain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Gilles.
M. Bruno Gilles. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cela fait près d’une année qu’a été promulguée la loi HPST. Certains décrets ont été publiés, d’autres, à l’état de projets, sont à l’étude, mais la grande majorité des textes réglementaires ne sont encore ni publiés, ni même soumis à discussion. Rien d’étonnant à cela, puisque, faut-il le rappeler, ce texte de loi est un monument, qui comporte 135 articles.
M. Jean-Jacques Mirassou. Bel éloge funéraire !
M. Bruno Gilles. Pourtant, il semble judicieux, d’ores et déjà, d’analyser la façon dont est ressentie sur le terrain la réforme en cours.
Parmi les mesures d’application publiées, je me contenterai d’en aborder certaines, qui intéressent plus particulièrement l’hôpital et les médecins libéraux. En ce qui concerne la nouvelle gouvernance qui prend forme, je m’inspirerai dans ces quelques commentaires, à une exception près, de la réalité du terrain et des réflexions qui me sont parvenues.
Sur la forme, la publication en rafales des décrets et arrêtés fait craindre dès à présent aux différents acteurs que les dispositions réglementaires n’excluent, dans le cadre de cette nouvelle gouvernance, toute marge de liberté. Il est ainsi regretté que les décrets n’adoucissent pas les termes de la loi, en particulier en ce qui concerne la politique de recrutement des effectifs médicaux et les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, où il est malheureusement plus question de sanctions que de moyens disponibles.
Par exemple, l’incompatibilité prévue, pour un président d’université médecin, de siéger au conseil de surveillance d’un centre hospitalier universitaire, ou CHU, n’apparaît pas fondée. Tout président d’université y aurait droit, mais seul un médecin président d’université, comme c’est le cas à Marseille, en serait exclu, sous prétexte d’un lien de subordination avec l’hôpital universitaire. Il apparaît dès à présent qu’une telle disposition est injuste. Une modification du décret est donc attendue. Tel est l’espoir qui se manifeste sur le terrain.
Considérons maintenant la communauté hospitalière de territoire, la CHT.
À ce sujet, je tiens à préciser que l’assistance publique-hôpitaux de Marseille, l’AP-HM, est impliquée dans deux territoires de santé : l’un comprenant Martigues, l’autre Aubagne-La Ciotat. La topographie fait que ces deux zones ne coopèrent pas entre elles. Aussi la constitution d’une seule CHT n’est-elle pas envisageable. Il conviendrait d’autoriser la possibilité, pour un CHU, de créer deux ou trois CHT quand le besoin s’en fait sentir et que le relief l’impose.
Je voudrais également évoquer, madame la ministre, le décret portant sur les attributions des CME, les commissions médicales d’établissement, et leur composition. Je tiens à souligner l’amertume des médecins, liée à la manière dont ce décret a été élaboré. Vous en avez été informée, puisque tant les syndicats des CME des centres hospitaliers que la conférence des CME des CHU ont dénoncé le contenu du décret, de même que le semblant de concertation avec le corps médical lors de son élaboration.
Comment pourrait-on envisager une gouvernance harmonieuse de notre système hospitalier sans un minimum de confiance à l’égard de ceux qui en sont les acteurs primordiaux ? Une certaine suspicion à leur encontre émanait déjà du projet de loi. Nous avons cherché ici, au Sénat, notamment à la commission des affaires sociales, à gommer cette impression.
Il faut bien admettre que certaines dispositions du décret sont dangereuses. Ce disant, je ne me réfère plus à Marseille, madame la ministre, où la concertation entre corps médical et administration est sereine, voire exemplaire. Je souhaite toutefois souligner, comme je l’avais fait lors de nos débats sur le projet de loi, les risques de dérives. Si l’avis du président de la CME est requis et s’il lui revient de prendre l’attache de ses mandants, cette concertation médicale n’aura pas l’obligation d’être suivie d’effet dans la réalité. Si l’on ajoute à cela, en dépit d’une position consensuelle attendue au sein du directoire sur les principaux thèmes, que c’est bien le directeur général, président du directoire, qui décide, il n’est pas absurde d’évoquer un risque d’absence de dialogue médical, alors que le dialogue social, lui, sera préservé via les CTE, les comités techniques d’établissement.
Enfin, de semblables griefs sont énoncés par les médecins libéraux à propos des décrets qui les concernent. Celui qui traite du développement professionnel continu, le DPC, se caractérise, de leur point de vue, par une mise à l’écart des organisations représentatives des professions. Les décrets sur les modalités d’élection aux unions régionales des professionnels de santé ne garantissent pas une efficacité de fonctionnement ni de sereines relations contractuelles de ces assemblées avec les agences régionales de santé, les ARS.
N’avez-vous pas, madame la ministre, tout au long de nos débats, et encore même au dernier jour de ceux-ci, plaidé pour la collégialité et contre un excès de formalisme ? Je ne doute pas que vous saurez tenir compte des réserves exprimées. (Applaudissements sur les travées de l’UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Blanc.
M. Jacques Blanc. Madame la présidente, madame le ministre, mes chers collègues, c’est une grande première, ce qui rend l’atmosphère un peu particulière…. Je pense bien évidemment aux locaux, mais aussi à ce débat, censé faire non pas un bilan, mais une analyse objective de la mise en œuvre, un an après son adoption, d’une loi importante.
Le 12 mai 2009, j’intervenais sur ce texte, en rendant hommage au rapporteur, à la commission et à l’ensemble du travail réalisé par le Sénat.
Nos travaux ont en effet permis de faire évoluer le texte, en vous aidant d’ailleurs, madame la ministre, à vous dégager d’une situation quelque peu compliquée, parce que l’ensemble du corps médical se sentait un peu mis à l’écart. Le Président de la République, vous-mêmes, madame la ministre, monsieur le rapporteur, et nous, parlementaires, avons ensemble réussi à sortir de cette situation pour apporter une réponse équilibrée au problème qui opposait les directeurs et le corps médical.
Depuis lors, un équilibre nouveau se dessine peu à peu, que chacun est en mesure d’apprécier. Les événements récents ont d’ailleurs montré que l’on ne pouvait pas se passer des médecins pour faire de la médecine et même de la prévention. Cela a eu pour effet de rasséréner le corps médical. Une telle ambition étant désormais inscrite dans la loi, il nous faut désormais la mettre en œuvre.
J’avais à l’époque insisté sur le fait que les ARS devaient être des facteurs de cohérence, de cohésion et de partenariat entre les secteurs public et privé, entre la médecine libérale et l’ensemble des acteurs. Ces agences ayant été mises en place au 1er avril dernier, ce dont je me réjouis, il est encore un peu tôt pour dresser un bilan.
Permettez-moi de vous faire part de ma volonté de jouer parfaitement le jeu. Les ARS étant chargées de missions territoriales, j’ai réuni, le 5 juillet dernier, en tant que président de l’Association des maires, adjoints et élus de la Lozère, la directrice de l’ARS du Languedoc-Roussillon et les élus de mon département. J’estime en effet que ces derniers doivent être au fait des évolutions qui touchent leur territoire. Celles-ci seront difficiles, car il nous faudra sortir des schémas territoriaux dans les domaines sanitaire et médico-social. Les ARS devront être à l’écoute des professionnels et des élus, afin de pouvoir mettre en place une couverture territoriale.
Pour ce faire, il nous faut éviter deux écueils : celui de la concentration à outrance dans les grands CHU et celui d’un véritable émiettement, celui du tout partout. En tant que médecin et député de la circonscription de Marvejols, j’avais accepté la fermeture d’une maternité : non seulement la sécurité y était insuffisante, mais, de surcroît, un service de réanimation néonatale était déjà en place à Mende.
Mais, d’un autre côté, la proximité est importante et je me suis battu en ce sens en tant que président d’un syndicat intercommunal. Nous avons fait construire une clinique mutualiste à Marvejols, qui devra nouer, du moins je l’espère, un partenariat avec l’hôpital.
Madame la ministre, vous devez nous aider, pour contrer ceux qui veulent supprimer tout ce qui ne relève pas du secteur public. N’est-il pas insensé, en effet, que le service public hospitalier veuille concurrencer, au prix d’investissements importants, cette structure mutualiste, pour ce qui concerne les hémodialyses ?
Vous devez nous aider à trouver des partenariats ! Si le secteur public doit supporter l’existence du secteur privé, ce qu’il a quelquefois du mal à tolérer, il appartient également à ce dernier de reconnaître le rôle des structures publiques. Dans les CHU, par exemple, de jeunes chirurgiens ou de jeunes médecins se voient refuser la possibilité d’effectuer des mi-temps dans le secteur privé ! L’esprit de la loi n’est donc pas entré dans les mœurs ! Le ministère doit user de tout son pouvoir pour faire disparaître ces combats du passé. Public et privé doivent aller de pair, l’un et l’autre étant indispensables.
Cela étant, je suis très inquiet concernant l’insuffisance du nombre de médecins dans notre pays, insuffisance à laquelle on ne cherche pas à remédier, madame la ministre. Je le redis, même si je sais que cela vous agace un peu. Et que l’on ne vienne pas me dire que leur nombre est supérieur à celui d’autres pays ! À Mende, pour faire tourner un service d’urgence, dix-neuf médecins sont nécessaires, dans le cadre des 35 heures. N’oublions pas les astreintes et la féminisation de ces métiers, qui limitent la disponibilité des personnels !
Notre pays ne forme pas assez de médecins. Madame la ministre, vous avez diminué le nombre d’étudiants en médecine à Montpellier et à Nîmes, alors que nous manquons de médecins en Lozère ! Une telle situation n’est pas acceptable. Et, à l’inverse, vous augmentez leur nombre à Amiens. C’est incompréhensible ! En fait, l’ensemble de vos services est intoxiqué par la technocratie, qui leur fait oublier les réalités !
Il faut développer les contrats – c’est vous qui les avez inventés -, permettant aux jeunes de s’installer dans l’espace rural. Notre département en a déjà signé six. Mais, de grâce, cessons d’éliminer des jeunes qui feraient de très bons médecins !
Et ce n’est pas parce les médecins seront plus nombreux que les dépenses de la sécurité sociale augmenteront ! Vous n’êtes d’ailleurs pas seule responsable ! Sous quelque gouvernement que ce soit, de droite ou de gauche, le poids de la technocratie ministérielle a été tel que notre appel à la formation d’un plus grand nombre d’étudiants en médecine est toujours resté sans réponse. Je vous en prie, madame la ministre, libérez-vous d’une telle influence, écoutez les gens comme nous, qui sommes sur le terrain, qui connaissons la médecine !
De même, si je défends la médecine générale, l’ayant pratiquée, je vous mets en garde : ne supprimons pas, dans les hôpitaux, les postes d’agrégés des spécialités dont nous aurons besoin demain car nous risquons d’en manquer !
Madame la ministre, vous nous avez amenés à voter ce texte. Nous ne regrettons pas de vous avoir soutenue. (Vraiment ? sur plusieurs travées du groupe socialiste.) Mais il faut nous écouter et nous entendre ! Je connais les difficultés que les médecins rencontrent sur le terrain. Même si c’est difficile, j’ose défendre des fermetures de sites lorsque les chiffres sont accablants. Je vous demande donc de nous croire lorsque nous vous disons qu’il faut former plus de médecins ! (Applaudissements sur les travées de l’UMP – Bravos sur les travées socialistes.)
M. Jean-Jacques Mirassou. Vive la Lozère !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports. Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je me réjouis d’être dans une salle agréable, lumineuse et dotée de fauteuils nettement plus confortables que ceux de l’hémicycle habituel. (Murmures sur diverses travées.)
M. François Autain. Ce n’est pas sûr…
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Madame la présidente de la commission des affaires sociales, chère Muguette Dini, vous avez évoqué le long examen de ce projet de loi. Je me rappelle les conditions quelque peu précaires dans lesquelles je m’étais trouvée à l’époque ! (Sourires.) J’ai d’ailleurs gardé précieusement la photo de la petite table sur laquelle j’étais assise, mes collaborateurs étant contraints de rester debout, faute de chaises. Je ne peux donc que me féliciter du confort dont nous bénéficions cet après-midi. (Nouveaux sourires.)
À l’approche de la date anniversaire de la promulgation de la loi portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, je suis très heureuse de participer à ce débat aujourd’hui. Il faudra plusieurs années, peut-être même une décennie, pour que cette loi prenne pleinement effet, et, s’agissant d’un texte aussi important et aussi structurant, il faudra sans doute organiser régulièrement de tels rendez-vous.
Comme je m’y étais engagée, les dispositions essentielles introduites par la loi HPST sont désormais en vigueur et les Français vont pouvoir apprécier rapidement et concrètement les effets de cette réforme majeure pour notre système de santé.
La tâche qui nous attendait était d’envergure, la loi appelant près de 200 décrets d’application, eux-mêmes nécessitant de nombreux arrêtés. Grâce à une exceptionnelle mobilisation, la réforme est donc en marche.
Après des débats parlementaires dont chacun se remémore l’intensité, jamais un dispositif réglementaire n’aura fait l’objet d’une telle concertation. Au total, depuis les quelque 200 auditions de professionnels menées par la commission de concertation sur les missions de l’hôpital présidée par Gérard Larcher, dans les travaux de laquelle nous avons largement puisé pour élaborer cette réforme, ce sont près de deux années de concertation qui auront présidé à l’élaboration de la loi et de ses décrets d’application.
Ces travaux se poursuivent sous l’égide de Jean-Pierre Fourcade, dans le cadre du comité de suivi dont il assure avec brio la présidence. M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales lui a rendu un hommage mérité, tant il y accomplit un travail remarquable. D’ailleurs, de mon propre chef, j’ai élargi la mission de Jean-Pierre Fourcade à l’ensemble du titre I de la loi, ce qui n’était pas prévu initialement.
D’ores et déjà, près de 140 textes ont été publiés, dont les huit ordonnances. Mieux, tous les textes ont été rédigés, sans qu’ils aient à subir un retard de mon fait ou de celui de mon administration. Ils sont dans leur quasi-totalité soit en cours de publication, soit en cours d’examen par le Conseil d’État, que nous avons beaucoup sollicité et dont je tiens à saluer l’exceptionnelle contribution à nos travaux. Vous connaissez, mesdames, messieurs les sénateurs, la rigueur et le sérieux de cette institution.
Avec la mise en place, au début du mois d’avril, des agences régionales de santé, puis de celle de la gouvernance des établissements publics de santé – je réponds à Alain Milon –, les éléments les plus structurants de la réforme sont donc déjà en place. Je rappelle que, généreusement, le Parlement m’avait laissé jusqu’au 1er juillet pour installer les agences régionales de santé, beaucoup doutant que ce soit possible avant le 1er avril. Eh bien nous avons largement anticipé sur cette échéance !
En outre, la loi joue pleinement son rôle de « boîte à outils » au service de la transformation de notre système de santé.
Même si ce n’est pas tout à fait le sujet, je voudrais répondre à tous ceux et à toutes celles qui, avec des sensibilités différentes, ont évoqué la question du financement de notre système de santé, spécialement le financement de l’hôpital.
Je le répète, la loi HPST n’est pas une loi de financement de la sécurité sociale – l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale nous réunira dans quelques mois –, c’est une loi d’organisation grâce à laquelle des outils fort utiles ont été créés. Je pense en particulier à l’ANAP, qu’ont évoquée, notamment, M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales et Jean-Jacques Jégou. Cette agence, qui a pour mission de diffuser une culture de la performance au sein des établissements sanitaires et médicosociaux, mène depuis plusieurs mois déjà un travail considérable de formation et d’accompagnement de projets emblématiques, telle l’opération « 100 pôles d’excellence ».
Sachez, monsieur le rapporteur général, que la comptabilité analytique est l’une des priorités que j’ai fixées à cette agence de la performance, rejoignant en cela vos souhaits.
Mesdames, messieurs les sénateurs, grâce aux actions que nous avons engagées avec votre appui, nous avons déjà enregistré des progrès notables en matière financière. Ainsi, le déficit global des hôpitaux est passé de 686 millions d’euros en 2007 à 570 millions d’euros en 2008, puis à 512 millions d’euros en 2009, et j’ai bon espoir que la situation continue de s’améliorer en 2010 si j’en juge par les premiers chiffres encourageants dont je dispose.
Cela étant, je rappelle que les deux tiers des hôpitaux sont en équilibre financier. M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales évoquait le cas du CHU de Lille, dont Didier Delmotte est le remarquable directeur général, établissement qui présente un budget pratiquement équilibré. À mon arrivée au ministère, sur les trente et un CHU que compte la France, seuls deux d’entre eux étaient en équilibre financier ; ils sont maintenant sept.
Monsieur le rapporteur général, vous avez raison de ne pas opposer la gestion et la qualité des soins, et, en l’espèce, je tiens à rassurer Jean-Louis Lorrain. Toutefois, Gilbert Barbier a raison quand il dit, en substance, que la proximité ne peut en aucun cas être synonyme d’assignation à résidence.
Mme Nicoux, quant à elle, a évoqué un sujet très grave, à savoir la situation du service départemental de radiothérapie du centre hospitalier de Guéret. Lorsque j’ai pris mes fonctions de ministre de la santé, la filière de radiothérapie, si elle n’était pas sinistrée, connaissait néanmoins de très sérieux dysfonctionnements. Madame la sénatrice, je vous emmènerai rencontrer les membres de l’Association vosgienne des surirradiés de l’hôpital d’Épinal.
M. Jean-Jacques Mirassou. Et à l’hôpital de Rangueil, à Toulouse !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je vous emmènerai à Rangueil à Toulouse !
Je vous emmènerai dans les établissements où des dysfonctionnements très graves ont été observés ; je vous ferai rencontrer les familles des malades décédés au terme d’atroces souffrances, victimes des dérèglements de la filière de radiothérapie.
Lorsque j’ai pris mes fonctions, j’ai demandé que soient inspectées l’ensemble des installations de radiothérapie que compte notre pays. Avec l’appui de l’Institut national du cancer et de l’Autorité de sûreté nucléaire, nous avons fixé des normes de sécurité afin de garantir la qualité des soins sans exposer la vie des malades. Or ces normes de sécurité ne sont absolument pas observées par le service de radiothérapie de Guéret.
L’INCa, qui s’apprête, pour des raisons de sécurité d’ailleurs, à durcir ses normes, a fixé à 600 le nombre de patients que doit traiter annuellement chaque site de radiothérapie pour que la sécurité soit garantie.
De même, la présence de deux appareils est nécessaire, pour que le premier puisse prendre le relais du second si celui-ci vient à tomber en panne. Pareillement, les normes de sécurité imposent la présence de deux radiothérapeutes, ce qui n’est pas le cas à Guéret. Il faut aussi des radiophysiciens pour assurer la maintenance de l’appareil.
Bien sûr, nous sommes passés à travers les gouttes et le site de radiothérapie de Guéret n’a connu ni incident ni accident. Mais, en tant que ministre de la santé, je ne peux pas faire d’économie sur la sécurité. D’ores et déjà, la moitié des malades devant suivre une radiothérapie – les mieux informés et les plus nantis d’entre eux – fuient le centre hospitalier de Guéret et se font soigner ailleurs. Ils votent avec leurs pieds !
Madame Nicoux, comme vous l’avez rappelé, la sécurité sociale prendra en charge le coût des transports sanitaires et des nuitées en hôtel des patients devant suivre une radiothérapie. Je le répète : mon objectif n’est pas de réaliser des économies, mais de développer des soins de qualité.
Afin d’éviter toute désertification – il serait absurde de parler de « compensations » –, dans le cadre de la politique d’aménagement du territoire, j’ai décidé, à la demande du député Jean Auclair, l’installation d’un pôle de gériatrie à Guéret. Cet investissement, d’un montant de 21 millions d’euros, permettra la création de 54 postes supplémentaires.
Vraiment, madame Nicoux, vous avez pris le plus mauvais exemple. Comment pouvez-vous déclarer que je cherche à réaliser des « économies », alors que je n’aspire à rien d’autre qu’assurer la sécurité des soins ? Votre argumentation ne tient pas.
J’en reviens à mon propos initial.
Tous les textes qui organisent la gouvernance hospitalière ont été publiés. Cette gouvernance se met en place sur le terrain. Je note avec satisfaction que les appréhensions, certes compréhensibles, qui ont été exprimées l’an dernier sur les relations entre présidents de commission médicale d’établissement et directeurs ne se sont pas vérifiées Je n’en suis guère étonnée, moi qui ai toujours rappelé combien les directeurs et les présidents de CME étaient unis autour d’un objectif commun : que leur hôpital soit en mesure de mieux répondre aux besoins et aux attentes des patients. Que Jacky Le Menn, qui m’a interpellée sur ce sujet, soit rassuré !
La CME voit d’ailleurs ses attributions renforcées pour l’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins ainsi que des conditions d’accueil et de prise en charge des usagers, autre priorité fixée par la loi HPST.
Je veux dire à Bruno Gilles que rarement l’élaboration d’un texte aura fait l’objet d’une telle concertation. Durant les six mois qu’auront duré les discussions avec les organisations intersyndicales, nous aurons tout mis en œuvre pour surmonter les difficultés et gommer les différences d’appréciation entre les parties prenantes. Je ne sais pas s’il y a beaucoup de textes pour lesquels le ministère concerné a organisé six mois de concertation !
La réforme responsabilise et valorise les chefs de pôle chargés de la mise en œuvre du projet médical au plus près des patients. Ils bénéficieront de larges délégations de gestion dans le cadre d’un contrat négocié avec le directoire. Cette responsabilisation leur permettra d’agir plus efficacement et renforcera la motivation des personnels.
D’ailleurs est paru aujourd’hui le décret sur les pôles, assorti de deux arrêtés : le premier fixant les modalités de la formation à l’exercice des fonctions de chef de pôle d’activité clinique ou médico-technique, le second fixant le montant et les modalités de versement de l’indemnité de fonction des chefs de pôles, indemnité qui sera augmentée.
À cet égard, Jacky Le Menn m’a interrogée sur la possibilité de délégation de signature du directeur. Je tiens à lui dire que celle-ci est possible pour toute personne choisie pas le directeur.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nombre d’entre vous ont évoqué les conseils de surveillance. La transformation des actuels conseils d’administration en conseils de surveillance est effective depuis la publication des arrêtés, voilà quelques jours, par les directeurs généraux des ARS. Chargé des orientations stratégiques et du contrôle permanent de la gestion, le conseil de surveillance aura désormais un rôle essentiel à jouer.
Son président est élu parmi les collèges des élus et des personnalités qualifiées, ce qui constitue une démarche d’ouverture à la société civile, à la démocratie sanitaire, à laquelle nous sommes tous attachés.
Un certain nombre de maires se retrouveront très certainement à la tête de ce conseil de surveillance. Il s’agit là d’une possibilité, et non d’une fin en soi. Les élus locaux que vous êtes ont toujours démontré leur parfaite connaissance des besoins de nos concitoyens et leur grande implication dans l’administration de nos hôpitaux. Je ne doute pas que, au sein des conseils de surveillance, ils continueront à tenir ce rôle chaque fois qu’ils en feront le choix, avec la rigueur et l’efficacité que nous leur connaissons.
Bruno Gilles m’a interrogée sur l’interdiction qui est faite à un président d’université, quand il est médecin, de siéger au conseil de surveillance d’un centre hospitalier universitaire. Lever cette incompatibilité risquerait de perturber la parité entre les trois collèges, qui doivent être d’égale importance : l’hôpital compterait un salarié de plus au sein du conseil par rapport aux deux autres collèges, ce qui conduirait à une situation déséquilibrée. C’est la raison pour laquelle il n’est pas possible de revenir sur cette interdiction.
J’ai indiqué toutefois que, la parole d’un médecin président d’université pouvant être capitale, il serait l’invité permanent du conseil de surveillance. Cette disposition me semble de nature à lever la difficulté soulignée par M. Bruno Gilles.
M. Gérard Dériot, que je remercie pour sa contribution, a centré son intervention, à juste titre, sur les coopérations entre établissements de santé, qui représentent, pour reprendre ses propos, des « éléments essentiels de la réforme ». Ces coopérations sont en effet essentielles. Elles améliorent l’accès aux soins et rendent l’offre de soin cohérente et lisible pour nos concitoyens, grâce à la mutualisation.
En premier lieu, les communautés hospitalières de territoire ou CHT, comme on les appelle maintenant, visent principalement à permettre aux établissements publics de taille moyenne de développer une stratégie territoriale commune avec d’autres établissements, autour d’un projet médical partagé.
Monsieur Le Menn, nous n’avons pas les mêmes échos. Une démarche de préfiguration lancée en septembre sur les CHT se traduit aujourd’hui par un appui méthodologique et financier à 37 projets issus de CHT et dix projets portés par des groupements de coopération sanitaire – GCS –, sans qu’aucun CHU participe. Les premiers retours d’expérience confirment que la CHT constitue un outil adapté à la plupart des coopérations entre établissements publics.
Cette politique – et je réponds à M. Gilbert Barbier, dont l’intervention sur ce sujet était excellente – se met actuellement en place. Un premier décret, paru le 30 avril 2010, vise à faciliter et simplifier la gestion des autorisations de soin lorsqu’une convention de CHT est passée entre des établissements. Un autre décret, relatif aux instances communes des CHT, est élaboré en ce moment en concertation avec les professionnels et sera publié le mois prochain. Ces textes se sont nourris de l’enseignement de l’expérimentation de terrain que j’ai lancée dès la promulgation de la loi.
En second lieu, les GCS constituent le mode de coopération privilégié entre établissements de santé publics et privés. Le décret pris en application de la loi HPST tend précisément à clarifier et simplifier le droit des GCS.
M. Jean-Louis Lorrain a évoqué l’élargissement des GCS au domaine psychiatrique. J’ai demandé à mon cabinet et à mes services de réfléchir à une expérimentation en la matière, afin d’améliorer la prévention et de parvenir à une meilleure organisation territoriale.
Les associations de patients, de même que les professionnels et les représentants des familles, sont bien entendu associés à cette réflexion. Mais il est évident que les différentes structures de coopération s’appliquent également aux établissements psychiatriques.
Je sais que les représentants des établissements privés et d’intérêt collectif s’inquiètent de la possibilité de transformation du GCS en établissement public de santé dès lors qu’il est titulaire d’une autorisation d’activités de soin. Ce point a d’ailleurs été soulevé par certains d’entre vous. Je répondrai à cette inquiétude en rappelant deux éléments.
Tout d’abord, le GCS « de moyens », que nous avons modernisé, offre de très nombreux avantages et couvre toutes les hypothèses de mutualisation de ressources ou d’activités dont peuvent avoir besoin les différents acteurs de santé, qu’il s’agisse d’établissements de santé publics ou privés, de structures médico-sociales, de professionnels médicaux libéraux ou encore de centres de santé.
Ensuite, cher Alain Milon, la transformation en établissement de santé ne concernera qu’une minorité de projets. Il s’agira assurément – je ne me fais aucune illusion sur ce point – de projets très aboutis en termes de prise en charge médicale et soignante. Surtout, la transformation en établissement de santé ne constitue qu’une option laissée à la main des responsables concernés, qui ne pourra être mise en œuvre sans leur aval. Il ne s’agit pas, dans ce domaine, d’imposer quoi que ce soit, étant donné le niveau d’intégration supposé.
À une question qui m’a été posée à propos du clinicien hospitalier, je répondrai que le décret devrait paraître dans les prochains jours et que la circulaire est en ce moment élaborée en concertation avec les organisations représentatives des praticiens hospitaliers.
Vous m’avez interrogée, monsieur François Autain et monsieur Yves Daudigny, sur les missions de service public. Leur inscription dans la loi a permis de souligner leur importance, d’affirmer le principe selon lequel elles doivent être assurées en fonction des besoins de la population et d’élargir la liste des structures ou des personnes susceptibles de les assurer.
Que les choses soient claires ! Mon intention n’a jamais été de remettre à plat l’organisation actuelle. Je souhaite seulement ouvrir la possibilité d’exercer ces missions à tous les établissements, dans l’intérêt de la population, dès lors qu’une situation de carence apparaît, et seulement dans ce cas. Pour atteindre cet objectif, il m’est apparu, après mûre réflexion, qu’il n’était pas nécessaire de prendre un décret d’application, la loi étant suffisamment claire. Cela m’a d’ailleurs été confirmé par M. Fourcade.
Je souhaite maintenant répondre à quelques questions particulières, notamment des questions d’ordre financier, qui n’entraient pas vraiment dans le sujet de ce débat. J’y répondrai par un inventaire à la Prévert, dont vous excuserez le caractère désordonné.
M. Le Menn m’a interrogée sur la mise en réserve de certains crédits, mécanisme participant d’une meilleure gestion financière. La mise en réserve ne portera en aucun cas sur les missions d’intérêt général, qui sont préservées. En outre, il ne s’agit pas d’un gel, mais d’une simple mise en réserve des crédits qui seront évidemment débloqués dès que les choses seront rentrées dans le droit chemin.
M. Masson m’a questionnée sur l’opportunité de transformer les CHR en CHU. Il ressort de l’ensemble des analyses transpartisanes qu’il y a plutôt trop de CHU, que pas assez. Mon rôle est d’assurer la sauvegarde des CHU et c’est pourquoi je résisterai mordicus à tous ceux et celles qui souhaitent en diminuer le nombre, et ils sont nombreux sur les bancs d’un certain nombre d’organisations, le débat dépassant largement le clivage gauche-droite. Je souhaite donc ardemment sauvegarder les CHU, mais, de grâce, ne m’en faites pas ajouter ! Il ne faut pas exagérer.
Pour répondre à M. Vanlerenberghe quant au choix du directeur, je veux rappeler que la procédure votée est extrêmement claire. Même si le conseil de surveillance est consulté sur la question, il n’est pas de sa responsabilité de nommer le directeur.
Un appel à candidature est lancé et six candidatures au moins sont présentées au directeur général de l’ARS par un comité de sélection. Si la candidature n’est pas statutaire, l’ARS exerce son choix directement. Dans le cas contraire, c’est le centre national de gestion, à qui sont proposées au moins trois candidatures, qui choisit par délégation du ministre.
M. Dériot a très utilement indiqué qu’il était nécessaire de connaître la réforme et qu’il existait sans doute un déficit dans ce domaine. Comment pourrait-il en être autrement ? C’est une restructuration complète de notre système de santé que nous entreprenons. Étant donné le nombre d’informations erronées qui sont diffusées – je ne saurais dire si cela est involontaire ou délibéré –, nous avons encore du chemin à faire !
C’est la raison pour laquelle un vade-mecum d’information sur la réforme sera distribué à l’ensemble des personnels hospitaliers dès juillet. Bien sûr, nous ferons de même pour les médecins généralistes et le secteur médico-social.
Je souhaiterais maintenant aborder les agences régionales de santé, véritable socle de la réforme. Clé de voûte de la loi HPST, elles ont été créées le 1er avril dernier. Ainsi, le coup d’envoi de la réforme n’a pas été donné dès la promulgation de la loi, cher M. Milon. La réforme a véritablement été lancée, étant donné qu’elle repose tout entière sur les ARS, le 1er avril dernier.
Facteurs d’une réforme historique de notre système de santé, les ARS instituent un pilotage régional fort, lisible et cohérent, ayant compétence sur l’ensemble du champ de la santé : le préventif et le curatif, l’hôpital et la ville, le sanitaire et le médico-social. Il est ressorti des réunions préparatoires à la réforme que le système existant, en tuyaux d’orgue, était trop cloisonné et insuffisamment territorialisé. La loi sert évidemment à remédier à cet état de fait.
Tous les textes nécessaires au fonctionnement des ARS, plus d’une vingtaine, ont été publiés. Les vingt-six directeurs généraux ont été nommés en conseil des ministres le 1er avril dernier. Les conseils de surveillance des ARS comme les conférences régionales de la santé et de l’autonomie – CRSA – vont se réunir avant la mi-juillet. Les conférences de territoire suivront dès l’automne, une fois les territoires de santé redéfinis.
Au-delà des textes, ce sont les améliorations concrètes et tangibles qui, au quotidien, se feront sentir. En effet, mieux répondre aux besoins de santé des Français en menant des politiques plus adaptées et plus efficientes constituent le cœur de la mission des ARS.
Élaborer le projet régional de santé, développer la prévention et la promotion de la santé, accompagner la réorganisation de la médecine de ville, mieux piloter la performance des hôpitaux, garantir la veille et la sécurité sanitaires, adapter le secteur médico-social à de nouveaux besoins, telles sont les priorités que j’ai données aux ARS et sur lesquelles elles seront amenées à rendre des comptes.
J’attends en particulier des résultats concrets et rapides en matière de permanence des soins et de mise en place de structures pluridisciplinaires pour les médecins libéraux, car cela répond à des attentes très fortes de nos concitoyens.
Puisque j’évoque les structures pluridisciplinaires, je souhaite répondre à M. Autain à propos des centres de santé. La procédure de déclaration simplifiée que j’ai mise en place devrait permettre leur développement. Mais ces centres de santé fonctionneront à tarif opposable, strictement opposable.