M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 12 rectifié est présenté par MM. Collin, Alfonsi, Baylet, Chevènement et Fortassin, Mme Laborde et M. Mézard.
L'amendement n° 46 est présenté par MM. Mahéas, Le Menn, Domeizel, Mirassou et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 93 est présenté par MM. Fischer et Autain, Mmes Pasquet, David, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jacques Mézard, pour défendre l’amendement n° 12 rectifié.
M. Jacques Mézard. Madame la ministre, vous avez rappelé que vous étiez ministre des sports. Il est exact que vous êtes fair-play, mais là, vous êtes hors jeu, et il nous faut siffler une pénalité ! (Sourires.)
M. Jacques Mézard. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 30, qui n’a rien à faire dans un texte consacré au dialogue social dans la fonction publique.
Tout d’abord, nous contestons la forme, car cet article a été déposé à la hussarde, au dernier moment. Nous considérons qu’il s’agit d’un cavalier législatif.
Par ailleurs, pourquoi cet empressement du Gouvernement à traiter ainsi de la retraite des infirmières et des personnels paramédicaux, alors que la réforme des retraites est désormais publiquement débattue dans les conditions que chacun sait et qu’un texte doit être présenté au Parlement d’ici à la fin de l’année ?
M. Guy Fischer. Tout se passe à marche forcée !
M. Jacques Mézard. Je vous rappelle, madame la ministre, que seul le syndicat national des cadres hospitaliers a signé l’intégralité des six volets du protocole que vous entendez transposer, les principaux syndicats représentatifs l’ayant refusé en bloc. Il s’agit donc d’un passage en force.
L’hôpital public connaît une crise budgétaire sans précédent. Les perspectives s’assombrissent, les conditions de travail devenant difficiles, en raison notamment des pénuries de personnel. Pourtant, nous le savons tous, les personnels infirmiers exercent leur métier avec passion.
M. Jacques Mézard. Les infirmiers ne sont pas des privilégiés, loin de là : leur salaire plafonne, en début de carrière, à 1 487 euros bruts mensuels, agrémentés d’une prime de nuit de 1,06 euro brut de l’heure. Vous leur proposez une forme de sous-catégorie A, avec suppression de la catégorie active.
Quant à la revalorisation indiciaire des infirmiers anesthésistes, déjà en catégorie A, elle sera deux fois moins importante que pour les infirmières diplômées d’État.
Pourquoi régler de façon aussi brutale le sort des infirmières, en relevant de cinquante-cinq ans à soixante ans l’âge de départ à la retraite, sans concertation, sans consensus, et de façon aussi dérogatoire ?
Nous avons écouté vos explications, madame la ministre, sur la notion de la pénibilité, qui disparaît malheureusement du jour au lendemain. Il y a quelques années, durant la grève des infirmières, chacun s’accordait à reconnaître la pénibilité de leurs tâches. À la suite d’un soudain élan de compassion, la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites entendait même en tenir compte.
Pour toutes ces raisons, et notamment parce que la prise en compte de la pénibilité est passée à la trappe, nous vous demandons, mes chers collègues, d’adopter cet amendement visant à supprimer l’article 30. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPC.)
M. le président. La parole est à M. Mahéas, pour présenter l’amendement n° 46.
M. Jacques Mahéas. Je souhaite, moi aussi, vous faire part de notre totale opposition à l’article 30, que nous proposons donc de supprimer. Nous pensons en effet que la question de la retraite des infirmières et des infirmiers doit être posée dans le cadre du débat général sur l’avenir des retraites et la prise en compte de la pénibilité du travail.
Mme la ministre a présenté cet article comme une réforme portant sur les diplômes dans la fonction publique hospitalière, ce qui n’est pas tout à fait exact. Il s’agit d’une réforme statutaire, qui concerne aussi bien le niveau de qualification que la retraite, l’âge de départ à la retraite étant lié à ce niveau de qualification.
Est-ce un ballon d’essai ? Est-ce un essai qui doit être transformé dans quelque temps ?
Je veux d’abord revenir sur le calendrier qui a précédé l’adoption de l’article 30. Le 23 février dernier, le conseil des ministres a adopté une lettre rectificative visant à introduire cet article, sans doute à la demande du Président de la République, dans le projet de loi relatif à la rénovation du dialogue social, que le conseil avait adopté dès avril 2009. Ce texte a été discuté en commission des affaires sociales le lendemain.
Le protocole d’accord qui fonde l’article a été adopté a minima, puisque seul le syndicat national des cadres hospitaliers en a signé les six volets, tandis que FO, l’UNSA, la CFTC et la CFE-CGC en ont rejeté trois et que la CFDT, SUD santé-sociaux et la CGT l’ont rejeté en bloc.
J’en viens maintenant à la question de la pénibilité du travail. L’article 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite stipule : « La liquidation de la pension intervient : lorsque le fonctionnaire civil est radié des cadres par limite d’âge, ou s’il a atteint, à la date de l’admission à la retraite, l’âge de soixante ans, ou de cinquante-cinq ans s’il a accompli au moins quinze ans de services dans des emplois classés dans la catégorie active. » Il est ensuite précisé : « Sont classés dans la catégorie active les emplois présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles. »
Pourquoi la pénibilité d’une profession diminuerait-elle brusquement ? Rien ne le justifie, et certainement pas le passage en catégorie A ! Les services sont en sous-effectif permanent, les personnels en congé n’étant pas remplacés, ce qui augmente la charge de travail.
M. Guy Fischer. Voilà la réalité !
M. Jacques Mahéas. Parallèlement, on demande aux personnels non médicaux de faire des gestes nouveaux dans des domaines très pointus, avec une responsabilité qui ne cesse de croître.
La loi du 21 août 2003 a institué une majoration de la durée d’assurance. Lors du décompte des annuités liquidables des agents de la fonction publique hospitalière qui exercent en catégorie active, la durée d’assurance fait l’objet d’une majoration fixée à un an par période de dix années de services effectifs.
Si cette majoration est supprimée, il faudra, pour bénéficier d’une retraite à taux plein, partir à soixante-deux ans : le baccalauréat devra être obtenu à dix-huit ans et le diplôme à vingt et un ans. Ne restera plus qu’à effectuer quarante et une annuités !
Pour finir, j’évoquerai le cas des infirmiers anesthésistes, qui réalisent cinq années d’études. Avec l’article 30, non seulement ils ne gagnent rien, puisqu’ils appartiennent déjà à la catégorie A, mais ils perdent le bénéfice du départ à la retraite anticipé.
Comment, madame la ministre, allez-vous résoudre ces problèmes ? Comme notre collègue, je n’oublie pas non plus les infirmières scolaires ni, d’ailleurs, les infirmières des PMI, les services de la protection maternelle et infantile, et des crèches.
Nous vous demandons donc, mes chers collègues, de voter la suppression de cet article 30, parfaitement inacceptable.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 93.
M. Guy Fischer. Cet amendement a également pour objet la suppression de l’article 30. Comme nous l’avons déjà dit en défendant la motion tendant à opposer la question préalable, sa présence dans le projet de loi est choquante à double titre.
La méthode utilisée par le Gouvernement est condamnable, d’abord, parce que ce dernier veut imposer cette disposition contre l’avis de quasiment tous les intéressés. C’est envoyer un signal détestable aux partenaires sociaux et fouler aux pieds le dialogue social que d’imposer, dans le cadre d’une loi censée consacrer le principe majoritaire, une disposition assise sur un accord ultraminoritaire ! Si ce n’est pas de la provocation, cela y ressemble bel et bien.
Il est également condamnable d’insérer un tel article dans un texte relatif à la rénovation du dialogue social dans la fonction publique, lequel ne concerne en rien le problème des retraites des personnels infirmiers et paramédicaux.
Il est enfin condamnable d’agir ainsi alors que la France entière attend de savoir comment la réforme des retraites sera conduite.
Sur le fond, cet article constitue un véritable chantage législatif. Les dispositions prévues contiennent en elles-mêmes leur propre négation : reprendre d’une main ce que l’on prétend accorder de l’autre, ce n’est pas revaloriser !
Nous voulons rappeler au Gouvernement que, quand il réduit ou supprime un droit acquis par les personnels relevant de la fonction publique, qu’elle soit nationale, territoriale ou hospitalière, il est tenu d’organiser une concertation avec les organisations syndicales représentant les fonctionnaires concernés.
Or l’article 30 est issu d’un protocole d’accord présenté par le Gouvernement et qui ne figure pas dans les accords de Bercy. Seule une organisation syndicale extrêmement minoritaire a signé ce texte.
Cette batterie de projets de loi se réclamant du dialogue social est plutôt l’occasion d’instaurer un dialogue de sourds entre, d’un côté, un Gouvernement autoritaire et, de l’autre, des salariés du privé ou du public, qui n’arrivent pas à se faire entendre, même s’ils hurlent leur opposition à des réformes injustes.
Le Gouvernement poursuit son monologue, se drapant dans sa fausse volonté de concertation, ce qui nous rappelle étonnamment l’actualité de la réforme des retraites !
Décidemment, les textes se suivent et se ressemblent, la méthode gouvernementale ne changeant pas. Dès que l’expression « dialogue social » apparaît dans un projet de loi, force est de constater que le dialogue lui-même est bafoué !
Comment parler d’un véritable dialogue social si le Gouvernement, au moment de faire voter la loi, détourne la lettre et l’esprit des positions arrêtées par les partenaires sociaux ? La loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail contenait des mesures « anti-35 heures », qui ne figuraient pas dans la position commune que cette loi était censée traduire. De même, le futur texte du Gouvernement sur le dialogue social dans les très petites entreprises entend également s’occuper du calendrier des élections prud’homales.
L’article 30 constituant un cavalier législatif, nous vous demandons, mes chers collègues, d’adopter cet amendement, et ce par scrutin public.
M. le président. Quel est l’avis de la commission des affaires sociales ?
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Contrairement à ce que vous venez de dire, monsieur Mahéas, l’article 30 n’est pas inacceptable. Il est indispensable à l’entrée en vigueur de la réforme statutaire attendue depuis près de vingt ans par les infirmiers et les infirmières. (M. Guy Fischer proteste.)
Ce serait leur jouer un bien mauvais tour que de reporter pour une énième fois, au motif qu’elle n’est pas parfaite, la mise en place de cette réforme et la revalorisation de traitement qui l’accompagne.
M. Paul Blanc. Très bien !
Mme Sylvie Desmarescaux, rapporteur pour avis. Vous l’aurez compris, la commission est défavorable aux trois amendements identiques nos 12 rectifié, 46 et 93.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je pense m’être longuement expliquée sur les motifs qui me conduisent à émettre un avis défavorable sur les trois amendements identiques nos 12 rectifié, 46 et 93.
M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.
M. Claude Domeizel. En premier lieu, madame la ministre, je voudrais revenir sur les propos que vous avez tenus au sujet de la pénibilité. Vous avez en effet affirmé que les infirmiers et les infirmières n’avaient plus à soulever de lourdes charges.
M. Claude Domeizel. Vous ne devez pas souvent vous rendre dans les hôpitaux, et heureusement pour vous ! Lorsqu’une infirmière se trouve devant un malade qui doit être relevé, elle n’appelle pas l’aide-soignante pour faire ce travail, elle le fait elle-même ! D’ailleurs, la formation des infirmiers inclut l’apprentissage des différentes postures permettant de soulever des charges importantes. Si vous dites vrai, il va falloir supprimer ces modules du programme de formation !
En second lieu, je le rappelle, le législateur a reconnu, dans la loi du 21 août 2003, que les infirmières effectuent un emploi pénible. Aujourd’hui, soit sept ans plus tard, vous effacez cette notion de pénibilité. On finit par ne plus rien y comprendre !
Bien que l’objectif avancé soit le maintien en poste, il n’est pas sûr que les dispositions de l’article 30 soient efficaces à cet égard. D’ailleurs, M. Vial le dit lui-même, à la page 97 de son rapport : « Il apparaît donc difficile d’évaluer les effets de la réforme sur le maintien en poste des personnels concernés, l’exercice du droit d’option relevant d’un choix personnel. »
Madame le rapporteur pour avis, lorsque vous affirmez que cette réforme est indispensable, vous confondez deux choses. Le fait que les infirmières soient classées en catégorie A constitue, il est vrai, une bonne chose ; pour autant, pourquoi serait-il dès lors indispensable, pour ces personnels, de partir à la retraite à soixante ans ? Quel lien y a-t-il entre ces deux mesures ?
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Nous insistons sur la suppression de cet article, tout d’abord, parce qu’il n’a pas sa place dans ce projet de loi.
Les dispositions prévues devront faire l’objet du grand débat qui sera lancé à la mi-juin, lorsque nous disposerons du projet de loi du Gouvernement sur la réforme des retraites.
Cela étant, le Gouvernement s’aperçoit que l’opposition à ce texte grandit. Ne sous-estimez pas cette réalité, madame la ministre !
Vous êtes venue récemment à Lyon. Or, à l’hôpital Femme-Mère-Enfant de Bron, hôpital ultramoderne, des services entiers ne peuvent fonctionner, car vous ne leur attribuez pas suffisamment de moyens. D’ailleurs, cet hôpital devait être agrandi à la suite de la fermeture de plusieurs autres hôpitaux.
Aujourd’hui, nous devons faire face à une pénurie d’infirmiers. Ce n’est pas tant la pénibilité physique de ce métier qui est en cause, en dépit du travail de nuit, que le stress consécutif à la mise en œuvre de la loi « Hôpital, patients, santé, territoires », qui a des conséquences très importantes sur les conditions de travail.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Mirassou. Notre collègue Guy Fischer a très clairement énoncé les raisons pour lesquelles nous demandons, nous aussi, la suppression de l’article 30. Dans la mesure où il s’agit probablement d’un cavalier, il devrait d’ailleurs passer sous les fourches caudines du Conseil constitutionnel !
Contrairement à ce qui a été dit, cette disposition n’a pas recueilli l’assentiment des infirmières et des infirmiers, qui subiront désormais une double peine. Sans doute ne rencontrons-nous pas dans nos permanences les mêmes personnes que vous !
Très franchement, il faut être sourd et aveugle, ne jamais avoir mis les pieds dans un hôpital, et, singulièrement, dans des services d’urgence, pour nier la pénibilité du métier d’infirmier. Celle-ci est non seulement physique, mais elle est encore amplifiée par un travail nocturne et répétitif, par les astreintes ou les gardes.
Aussi, je ne comprends pas cette obstination – ou plutôt je ne la comprends que trop bien – à vouloir occulter cet aspect de la question, pourtant déterminant.
Si nous devions adopter cet article, de manière quelque peu artificielle dans la mesure où la disposition en question n’a fait l’objet d’aucune concertation, nous irions à contre-courant du débat national sur la prise en considération de la pénibilité dans l’âge de départ de la retraite, nous agirions comme une avant-garde non pas éclairée, mais, bien au contraire, obscure. (M. Jacques Mahéas applaudit.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 12 rectifié, 46 et 93.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe CRC-SPG et, l'autre, du groupe socialiste.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 211 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 169 |
Pour l’adoption | 153 |
Contre | 184 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisi de dix amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 97, présenté par MM. Fischer et Autain, Mmes Pasquet, David, Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Les fonctionnaires dont les emplois sont classés dans la catégorie active prévue au 1° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, sont à leur demande intégrés dans les corps et cadres d'emplois mentionnés à l'article 19 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Nous ne lâcherons pas prise sur ce dossier !
Cet amendement vise à permettre aux infirmiers et aux personnels paramédicaux, dont les emplois sont classés dans la catégorie active, d’intégrer la catégorie A de la fonction publique, et ce sans abandonner en contrepartie leurs droits en matière de retraite anticipée.
En effet, et cela a déjà été répété à plusieurs reprises, le Gouvernement, ne sachant faire que cela, a choisi la voie du donnant-donnant : il permet à ces personnels de passer en catégorie A, mais à la condition qu’ils renoncent à leur droit de bénéficier d’un départ à la retraite anticipé ! (Exclamations sur certaines travées de l’UMP.)
Je ne mens pas, c’est la réalité ! Vous ne pouvez pas dire le contraire !
Nous dénonçons cette manière de faire, qui empêche toute véritable revalorisation de ces professions, puisqu’on leur reprend d’une main ce qu’on leur donne de l’autre : revalorisation du salaire d’un côté, départ à la retraite plus tardif de l’autre !
Cette option imposée à ces personnels contient en elle-même la négation de toute revalorisation.
En agissant de la sorte, les pouvoirs publics montrent qu’ils n’ont pas du tout compris combien ces métiers étaient très éprouvants et pénibles, puisque, selon eux, il suffit de payer les personnes un petit peu plus pour que tout aille mieux.
Or force est de constater que, compte tenu des rythmes de travail auxquels sont soumis les infirmières et les infirmiers de la fonction publique, la carrière de ces derniers est très courte, car ils font très rapidement le choix de se recycler.
Pis, pour le Gouvernement, cette petite revalorisation salariale et ce changement de catégorie seraient suffisants pour que les personnels en poste soient capables de travailler cinq années de plus.
C’est ignorer totalement les réalités de leur travail. Une augmentation ne peut pas tout ; elle ne permet pas de faire oublier la pénibilité, le travail de nuit, l’urgence et toutes ces sujétions et contraintes qui demeurent.
Nous voulons souligner un autre point : la pénibilité et les contraintes de travail pesant sur ces personnels sont aussi largement dues aux sous-effectifs, très importants dans le secteur public hospitalier.
Revaloriser en catégorie A les postes d’infirmier et les autres personnels paramédicaux est une bonne chose pour tenter d’attirer des jeunes. Cependant, cela ne suffira pas si, par ailleurs, ces emplois restent trop pénibles et si le seul avantage qui compensait cette pénibilité, c'est-à-dire la retraite anticipée, disparaît désormais.
C’est pourquoi il fallait à la fois revaloriser en catégorie A ces personnels et leur maintenir la faculté de partir à la retraite de manière anticipée. Tel est l’objet de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 98, présenté par MM. Fischer et Autain, Mmes Pasquet, David, Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Le Gouvernement remet au Parlement, au besoin avec le recours de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, un rapport sur l'espérance de vie des personnels infirmiers et paramédicaux de la fonction publique hospitalière.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Comme nous l’avons constaté hier, à la fois au cours de la discussion générale, à l’occasion de la présentation, par notre collègue François Autain, de la motion tendant à opposer la question préalable et dans votre réponse, madame la ministre, nos points de vue divergent sur l’espérance de vie des infirmiers des établissements publics de santé.
Cette divergence transcende les clivages traditionnels, puisque notre ancien collègue député Jean-Frédéric Poisson, que l’on ne peut soupçonner d’éprouver une sympathie particulière ni pour nous ni pour les organisations syndicales, a démontré, dans son rapport, que l’espérance de vie d’un infirmier qui travaillerait de nuit durant toute sa carrière serait amputée de six ans.
M. Guy Fischer. C’est ce que j’ai lu, madame la ministre ! Ou bien nous n’avons pas lu le même rapport ! C’est fort possible, tant il est vrai que nous ne rencontrons pas les mêmes personnels et que nous vivons dans deux mondes différents !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Fischer !
M. Guy Fischer. Disons-le clairement : il y a débat, notamment sur la question de l’invalidité. Selon vous, madame la ministre – je vous renvoie à vos propos d’hier et à l’annexe qui figure sur le site Internet de votre ministère –, « l’espérance de vie des infirmières à 55 ans est dans la moyenne des femmes françaises et le taux de celles qui partent à la retraite avec une invalidité n’est “que” de 4,7 %, contre 6,7 % dans la totalité de la fonction publique hospitalière ». C’est vous qui l’avez dit, madame la ministre !
M. Jacques Mahéas. Cité par Claude Domeizel !
M. Nicolas About. Tout s’explique ! (Sourires.)
M. le président. Madame la ministre, vous pourrez répondre à M. Fischer tout à l'heure.
M. Guy Fischer. Nous maintenons ce que nous avons dit hier : selon le recueil statistique de la CNRACL, « la concession d’une rente d’invalidité concerne 9,8 % des nouvelles pensions hospitalières accordées en 2008 ». Par ailleurs, toujours selon la CNRACL, l’âge moyen des femmes hospitalières retraitées décédées en 2008 est de 78,8 ans, soit environ vingt-deux ans après leur départ à la retraite. Leur espérance de vie n’est donc pas de 31,6 ans, contrairement à ce que vous avancez.
Peut-être Claude Domeizel dispose-t-il d’informations supplémentaires, mais, toujours selon une enquête de 2008, réalisée cette fois-ci par la Caisse autonome de retraite et de prévoyance des infirmiers, 51% d’entre eux jugent leur métier très difficile physiquement.
M. le président. L'amendement n° 99, présenté par MM. Fischer et Autain, Mmes Pasquet, David, Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
La loi n° 2006-1668 du 21 décembre 2006 portant création d'un ordre national des infirmiers est abrogée.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Je rappelle que l’on compte à peu près 15 000 infirmières libérales et 450 000 infirmières dans le service public hospitalier.
L’ordre national des infirmiers a été imposé par voie législative à une profession qui le refusait dans sa grande majorité. En effet, la quasi-totalité des syndicats s’est opposée à la création de cette structure privée, qui repose sur un financement privé, issu des cotisations des infirmières et infirmiers, et qui participe à la privatisation des missions de santé et de l’ensemble des services publics.
Depuis la loi de 2006, une écrasante majorité de professionnels, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, continue de refuser de s’inscrire à cet ordre professionnel, malgré des pressions très fortes émanant soit de l’Ordre national des infirmiers lui-même, soit des directions d’établissement qui s’en font les porte-parole.
À titre d’exemple, certaines agences régionales de santé, les ARS, anciennes directions départementales des affaires sanitaires et sociales, ou DDASS, outrepassent leur mission en demandant aux jeunes diplômés venant s’inscrire sur le registre national informatisé des professionnels médicaux et paramédicaux, appelé registre ADELI, de remplir leur dossier d’inscription à l’ordre, et même de verser les cotisations correspondantes, obligeant ainsi ces derniers à payer pour pouvoir travailler.
Nous considérons a contrario que l’urgence réside dans l’attribution de moyens supplémentaires destinés à assurer la qualité de travail des infirmiers des établissements publics de santé, plutôt que dans l’instauration d’un ordre professionnel critiqué par tous.
C’est pourquoi, par cet amendement, nous proposons de supprimer les ordres professionnels, considérant par ailleurs que les organes actuels de consultation et de dialogue, comme le Haut Conseil de professions paramédicales, sont suffisants.
Ce disant, j’ai bien conscience de relancer un vieux débat qui m’avait opposé à M. About. (M. Nicolas About opine.) À l’époque, j’avais perdu ! Mais j’essaie de tenir bon ! (Sourires.)
(M. Roger Romani remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.)